22: Vers une version « manualisée » de la psychothérapie de soutien

Chapitre 22 Vers une version « manualisée » de la psychothérapie de soutien



J. Rieu, L. Schmitt


La psychothérapie de soutien a toujours été considérée comme un traitement par défaut. En effet, il existe de nombreuses controverses entre des techniques de soutien qui ne seraient qu’une forme atténuée d’une thérapie classique et la psychothérapie de soutien dont le but spécifique serait d’étayer, de soutenir, l’individu. Cependant, l’absence d’une ébauche de forme manualisée de psychothérapie de soutien contribue largement à des pratiques très différentes selon que le thérapeute est expérimenté dans une technique spécifique ou que son seul but vise à soutenir le patient. Le terme de bona fide, bonne foi, qualifie une psychothérapie qui peut se décrire, préciser son processus et donner lieu à un manuel d’enseignement (Wampold et al., 1997). Une standardisation des sessions thérapeutiques permet de mieux comprendre le processus d’une psychothérapie de soutien.


Ce chapitre vise à préciser, sur quelques sessions, à la fois le cadre et le processus du soin en matière de psychothérapie de soutien. Ces séances s’effectuent de façon optimale sur une durée d’environ 30 minutes à un rythme hebdomadaire. Dans certains cas, ce rythme pourra être rapproché à deux fois par semaine ou espacé à une dizaine de jours. Cet intervalle de temps n’est pas neutre. Deux séances trop distantes font perdre la notion de réassurance par la présence et le cadre de soin. À l’inverse, des séances trop rapprochées ne permettent pas au sujet de développer une réflexion suffisante en interaction avec le déroulement de son quotidien ou des pensées néfastes qu’il doit affronter. Le nombre de séances reste délicat à préciser, il peut varier de cinq à une douzaine. Plus réduit, il ne permet pas à un réel processus de soutien de s’instaurer ; au-delà d’une quinzaine de séances, on se situe dans un soutien de fond, répétitif au fil du temps.


On peut considérer que les entretiens se regroupent en trois séquences. La première séquence définit l’engagement de la thérapie, la deuxième concerne l’abord des problèmes spécifiques du sujet, et la dernière prépare un travail sur l’autonomie ou sur la poursuite d’une autre forme de thérapie. La première et la dernière séquence peuvent aisément se composer de deux ou trois entretiens chacune.


De façon générale, un certain nombre de concepts participent, infiltrent, chacune de ces séquences. Dans les débuts du traitement, l’objectif vise à rencontrer une personne plus qu’un patient et à nouer une alliance thérapeutique. Il faut également repérer ce qui va faire obstacle au processus thérapeutique, qu’il s’agisse d’une barrière au traitement ou à des prises de risque trop élevées. Dans la phase intermédiaire, les séances s’intéressent au quotidien du patient, s’inscrivent en filigrane des concepts tels que l’attachement et son corollaire le deuil, ou interrogent le dialogue entre l’activité et la passivité de la personne ou bien, enfin, l’élaboration de conflits interpersonnels. Les derniers entretiens doivent permettre au patient de bien comprendre la spécificité de son problème ou d’une affection, de saisir la démarche de soin, d’instaurer ses propres stratégies d’adaptation ou encore de se préparer à une poursuite d’une démarche thérapeutique. Pour chacune des étapes, quelques éléments soit du cadre soit du processus seront discutés.



Les premiers entretiens de psychothérapie de soutien



Le cadre initial


Dans ce cadre initial, le thérapeute explique le principe général de son action : « La thérapie de soutien cherche à vous aider en discutant de vos problèmes, de vos réactions, aussi bien dans le présent que dans les racines du passé. Vous soutenir va consister à vous aider à trouver vos propres solutions ou bien à améliorer vos capacités de réaction ou à rendre plus supportables certaines émotions ou certaines pensées désagréables. »


Poser le cadre nécessite de discuter le rythme des séances mais aussi la durée, le plus souvent autour d’une demi-heure. Le thérapeute et le patient doivent s’engager à se prévenir en cas d’impossibilité, de report de rendez-vous ou d’annulation. Le thérapeute explique au patient que les entretiens se dérouleront sur le mode de la conversation, qu’ils chercheront à obtenir le plus d’éléments de son histoire, présente ou passée, que si des silences interviennent, ils ont pour but de permettre une meilleure réflexion, de prendre du temps pour rassembler ses souvenirs ou ses émotions. Le thérapeute annonce également qu’il prend des notes pour se rappeler les éléments importants d’une session sur l’autre. Dans la mesure du possible, il est sage de prévoir à l’avance la date des deux ou trois entretiens ultérieurs pour ne pas être confronté à des problèmes d’agenda ou d’emploi du temps. Une des spécificités de la psychothérapie de soutien réside dans la disponibilité du thérapeute et dans une certaine flexibilité du cadre. Ce cadre doit s’aménager selon la sévérité de l’état du patient. Ainsi, si le patient est en soins pour des difficultés aiguës et menaçantes, dans le cas d’une dépression par exemple, le thérapeute doit représenter une certaine stabilité et le rythme des consultations doit pouvoir être modulé en fonction des tumultes traversés par le patient. Parmi les formes de soutien en dehors des séances, il est possible, si l’on redoute une forme de réaction ou de passage à l’acte, d’inviter le patient à envoyer un courriel, un SMS ou de passer un appel téléphonique s’il se sent vraiment débordé. Le thérapeute s’engage à une réponse et définit le délai de celle-ci. Cela est plus rassurant que de renvoyer le patient vers un numéro d’urgences.



Le processus



Le premier entretien


Il est essentiellement consacré à la définition du motif de consultation et des facteurs facilitant ou au contraire représentant une barrière au traitement.



1. « Comment puis-je vous aider ? » ou « Pourquoi venez-vous me consulter ? » définit la première étape. On cherche à obtenir un motif de consultation, qui peut être évident ou au contraire latent et se dégager progressivement après quelques questions.


2. La deuxième question cherche à définir le « Qu’est-ce qui ne va pas ? ». Le thérapeute convertit et ordonne cette plainte ; cette conversion permet de comprendre si la plainte concerne un comportement, une réaction à un environnement, des pensées qui deviennent des ruminations ou un débordement émotionnel.


3. Dès ce premier entretien, dans la recherche des comportements, on posera une ou deux questions soit sur l’existence d’idées suicidaires, soit sur l’existence de comportements d’addiction à l’alcool, au cannabis ou à d’autres produits. Ces questions peuvent être posées ainsi : « Avez-vous eu des mauvaises pensées ou des idées noires, avez-vous songé à vous faire du mal, avez-vous eu besoin d’alcool, d’un produit pour vous aider à vous sentir mieux ? » La recherche de ruminations peut être approfondie en interrogeant sur des pensées en boucle mais aussi sur des éléments qui se répètent aux confins de la réalité, comme des idées inquiétantes ou d’étrangeté.


4. La quatrième question consiste à définir un objectif de soin. Cette question peut se résumer à : « Que faut-il améliorer ou soigner ? » Dans certains cas, il s’agit d’une déception, dans d’autres d’un événement traumatique, parfois d’un deuil. Pour d’autres patients encore, c’est une remise en cause de certaines de leurs attitudes ou comportements ou bien une mauvaise relation de couple. La dernière question de ce premier entretien cherche à comprendre ce que le patient a déjà tenté de faire pour améliorer son état : « En avez-vous parlé à d’autres personnes ? Avez-vous pris un traitement ? Quels ont été les effets d’en discuter avec quelqu’un d’autre ? Quels ont été les effets de la discussion ou du traitement ? »


Cette première rencontre s’achève sur une brève synthèse ou un résumé qui pose le problème essentiel ; par exemple : « Ce deuil vous laisse bien solitaire et amène bien des pensées et des émotions douloureuses pour vous… Vous n’arrêtez pas de penser à ce conflit et il faut vous aider à y penser de manière différente… Ce que vous me décrivez correspond à un trouble anxieux… Toutes vos plaintes témoignent de l’apparition d’un état dépressif… » Une fois ces constats posés, on peut proposer à la personne de réfléchir pour la fois suivante à une thématique. Cette thématique va essayer d’approfondir les motifs de son état ou de comprendre pourquoi cet état est devenu si insoutenable. Ces différents aspects correspondent aux outils précédemment vus : nommer le problème, le clarifier, reformuler.



La deuxième séance


Elle débute par un intérêt vis-à-vis de l’évolution de l’état du patient : « Comment vous sentez-vous ? Comment allez-vous depuis la dernière fois ? » Il convient également de préciser comment ont évolué les pensées depuis la première consultation : « Comment avez-vous vécu cette première consultation ? Qu’est-ce que vous auriez aimé dire ou qu’est-ce qui vous a semblé un peu désagréable ? » Dans cette deuxième session, on commence à approfondir certains éléments de l’histoire du sujet : « Est-ce que vous avez déjà connu des états de détresse dans le passé… Avez-vous eu déjà eu des moments de tristesse ou de dépression… Avez-vous déjà eu besoin de prendre un traitement ? » Il est souvent utile dans cette session, si un diagnostic a été porté, de l’expliquer en indiquant notamment sa fréquence, les possibilités de soin et les meilleurs traitements possibles.


Dans les techniques de l’entretien, plusieurs utilisent la réassurance mais aussi l’éducation thérapeutique.


Beaucoup de patients redoutent d’être tenus pour « fous » ou qu’aucune possibilité de soins n’existe pour eux. Expliquer que des obsessions ou des compulsions sont des mécanismes de lutte contre l’angoisse est toujours utile. Expliquer qu’il existe un traitement contre l’anxiété ou la dépression, que ce traitement soit des séances de psychothérapie ou un médicament, permet au sujet d’avoir une certaine maîtrise sur sa souffrance. Dès ce deuxième entretien, il faut préciser s’il y a eu des éléments d’aggravation clinique ou si, au contraire, une forme d’apaisement par catharsis a été obtenue et laquelle.

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Apr 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE ET PROFESSIONNELLE | Comments Off on 22: Vers une version « manualisée » de la psychothérapie de soutien

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