Chapitre 21
Tæniasis et cysticercose
Les ténias, Taenia saginata et Taenia solium, sont des vers plats (plathelminthes) ou cestodes, cosmopolites, parasites de l’intestin grêle de l’homme. Ils ont une forme rubanée, sont segmentés, hermaphrodites, et leur évolution comporte un stade adulte et un stade larvaire. Les stades larvaires, ou cysticerques, sont hébergés par les hôtes intermédiaires (bovins, porcins). Ces stades larvaires sont infectants par voie orale pour l’homme (hôte définitif), chez lequel ils déterminent le tæniasis. Cependant, l’homme peut accidentellement devenir hôte intermédiaire pourT. solium : ses larves peuvent déterminer une cysticercose sous-cutanée, musculaire, neurologique et/ou oculaire. D’autres cestodes peuvent parasiter l’intestin de l’homme à l’état adulte : il s’agit surtout d’Hymenolepis nana et de Diphyllobothrium latum (bothriocéphale).
I Épidémiologie
A Agents pathogènes
1 Taenia saginata
Parasite de l’intestin grêle, strictement humain, il s’agit d’un ver plat blanc de grande taille (4 à 10 m de longueur), segmenté en 1 000 à 2 000 anneaux, ou proglottis. Il est en général isolé (ver solitaire) (fig. 21.1).
La tête, ou scolex, est piriforme, d’un diamètre de 1,5 mm à 2 mm, possède quatre ventouses (fixation à la muqueuse intestinale), sans rostre, ni crochet (ténia inerme). À la suite du scolex, le cou mesure quelques millimètres de long et donne naissance aux anneaux, qui forment le corps du ténia, ou strobile, en augmentant progressivement de taille. À maturité, ils prennent la forme d’une « nouille plate », rectangulaires, plus longs que larges (16–20 mm × 5–7 mm). Les proglottis matures sont émis activement dans le milieu extérieur, en dehors des selles, isolément ou en chaînes plus ou moins longues. Ils contiennent des œufs, qui se transforment en embryophore contenant une larve hexacanthe de 40 μm de diamètre. La durée de vie du ténia adulte est de l’ordre de plusieurs années en l’absence de traitement.
2 Taenia solium
Parasite strictement humain, ce ver a un aspect semblable à T. saginata, mais légèrement plus court (2 à 8 m) (fig. 21.2). L’infection multiple est plus fréquente qu’avec T. saginata.
Le scolex, d’un diamètre de 1 mm, avec quatre ventouses arrondies et un rostre court, est muni d’une double couronne de crochets (ténia armé). Les proglottis sont macroscopiquement semblables à ceux de T. saginata. Ils diffèrent par leur immobilité et sont donc émis passivement dans le milieu extérieur, avec les selles, isolément ou en chaînes. Les œufs et embryophores sont semblables à ceux de T. saginata.
4 Diphyllobothrium latum
Le bothriocéphale est un grand cestode qui atteint 10 à 15 mètres. Le scolex présente deux fentes longitudinales, les bothridies. Les derniers anneaux de la chaîne, qui peut en comporter jusqu’à 4 000, plus larges que longs, ont un aspect trapézoïdal (fig. 21.3). Le pore génital de chacun d’eux est médian et ventral ; il libère dans l’intestin des œufs operculés (60–70 μm × 40–45 μm).
B Cycles
1 Taenia saginata
Dans le milieu extérieur, les anneaux sont lysés et libèrent les œufs (environ 80 000 œufs par anneau, soit plus de 150 millions par an), qui sont très résistants dans le milieu extérieur. Ils sont répandus sur le sol et dans les égouts, éparpillés dans les pâturages. Ils sont retrouvés dans les boues résiduaires utilisées en agriculture. Après ingestion par un bovidé, les embryophores contenant des embryons hexacanthes sont digérés par les sucs gastriques, les sucs intestinaux et la bile (fig. 21.4). Les embryons libérés traversent la muqueuse intestinale. Ils sont disséminés dans tout l’organisme par voie sanguine et lymphatique. Ils se localisent dans les muscles pour former en 3 à 4 mois des vésicules de 5 mm à 10 mm : les larves cysticerques. Le cysticerque comporte un scolex invaginé avec quatre ventouses. Sa durée de vie est en moyenne de 20 à 30 mois, puis il se calcifie. Le même hôte peut héberger de nombreux cysticerques à plusieurs stades d’évolution. Les cysticerques résistent 40 jours dans les carcasses à 4 °C et 4 heures à –10 °C. Ils sont détruits à 45 °C.
2 Taenia solium
Dans la nature, les anneaux sont lysés et les œufs, puis les embryophores, sont libérés. Après ingestion par un porc (mais aussi sanglier, phacochère…), animal volontiers coprophage, les embryophores sont digérés et les embryons libérés se localisent dans le tissu conjonctif des muscles striés, pour former en 3 à 4 mois des vésicules de 15 mm × 7 mm : les larves cysticerques. Chez le porc infecté (dénommé ladre), le cœur et la langue peuvent contenir de très nombreuses larves. L’homme peut également être infecté par les larves cysticerques : soit par contamination exogène (crudités souillées par les embryophores), soit par contamination endogène (auto-infection par digestion d’anneaux remontés dans l’estomac par antipéristaltisme) (fig. 21.5).
3 Hymenolepis nana
Le cycle à l’origine de l’infestation de l’homme (souvent un enfant) est le plus souvent direct et entretient la parasitose par auto-infection. À partir de l’œuf ingéré avec des crudités souillées, l’embryon hexacanthe est libéré et pénètre dans l’épaisseur d’une villosité, y évolue en larve cysticercoïde (forme microscopique non vésiculeuse contenant un seul scolex invaginé) en quelques jours ; celle-ci retombe dans la lumière de l’intestin, se dévagine et donne naissance à l’adulte dont les œufs commencent à apparaître dans les matières fécales 1 mois environ après l’infestation. Un cycle indirect, beaucoup plus rare, passe par un insecte, hôte intermédiaire (ver de farine, charançon…).
L’homme est donc le plus souvent à la fois hôte définitif et hôte intermédiaire.