CHAPITRE 21 Examen clinique et ophtalmologique
I EXAMEN DU PATIENT
Le traitement de la presbytie impose, plus que dans n’importe quel autre chapitre de la chirurgie réfractive, une attention redoublée concernant l’information et l’examen clinique du patient candidat à l’opération. Il sera en effet nécessaire d’ajouter aux explications sur le processus de la perte d’accommodation et des limites des solutions chirurgicales disponibles, un examen complet oculaire, afin de dépister d’éventuels désordres pouvant guider la stratégie du choix thérapeutique, voire contre-indiquer le projet chirurgical ou le différer après traitement spécifique des anomalies détectées sur un œil ayant amorcé son vieillissement [25].
Segment antérieur
CORNÉE
La vidéotopographie (spéculaire de Placido et/ou d’élévation) viendra compléter l’observation en lampe à fente en apportant des informations sur la présence d’un éventuel astigmatisme, en quantifiant sa régularité et sa symétrie et en le confrontant à l’astigmatisme total mesuré en réfraction afin de définir la part cornéenne et la part interne de celui-ci (crucial en matière d’implantation torique) (fig. 21-1). La topographie d’élévation renseignera également sur l’asphéricité cornéenne, soit par la mesure directe du facteur Q, soit indirectement par la mesure des aberrations sphé-riques, ainsi que sur la carte pachymétrique — servant de premier critère de sélection en photoablation, en exigeant un seuil d’au moins 500 µm. En postopératoire, elle permettra de mesurer l’effet morphologique de la chirurgie, en particulier dans le centrage d’une procédure cornéenne, dans l’astigmatisme et les aberrations induites [9].
La mesure de l’épaisseur cornéenne peut être également obtenue classiquement par échographie ultrasonore. Plus récemment et plus aisément, elle est déterminée par exploration Scheimpflug et par tomographie par cohérence optique du segment antérieur (OCT), procurant une image sagittale de l’œil avec, pour les plateformes de dernière génération, une capacité à haute définition d’accéder à des mesures des différentes couches cornéennes, telles qu’un volet LASIK. Ces outils sont par ailleurs utiles à la détermination des dimensions intraoculaires requises pour l’approche en particulier de l’implantation phaque ou de l’évaluation dynamique des implants accommodatifs (sachant que seuls les ultrasons franchissent la barrière pigmentée de l’iris) [8, 22].
La dimension sécuritaire d’une chirurgie sur la cornée est donnée par la microscopie spéculaire, qui vérifiera l’intégrité morphologique et densitométrique de l’endothélium (fig. 21-2). La microscopie confocale permettra d’ajouter à l’endothélium l’évaluation de toutes les couches de la cornée : ce niveau de précision pourra présenter un intérêt dans l’étude de la réponse tissulaire autour d’un inlay intracornéen, par exemple [12, 60].
La dernière propriété de la cornée à explorer est représentée par sa biomécanique, admise aujourd’hui comme fondamentale dans la chirurgie photoablative. À défaut de pouvoir mesurer la vraie élasticité cornéenne, celle de la viscoélasticité est devenue d’usage courant grâce à l’appareil ORA® (Ocular Resistance Analyser, laboratoire EBC). Elle consiste en une tonométrie dynamique et suggère de s’alerter si la résistance cornéenne (CRF, proportionnelle à la pachymétrie) est inférieure à 8 et l’hystérésie (CH, mesure de la visocélasticité) est inférieure à 10 [54] (fig. 21-3).
CRISTALLIN
Son observation est cruciale en chirurgie réfractive, surtout dans le domaine de la presbytie, car c’est sa transparence qui va conditionner le choix thérapeutique, quant à décider d’une chirurgie cornéenne ou intraoculaire. L’évaluation de sa transparence est devenue cruciale à l’heure où se pose la question de définir si la phacoexérèse est indiquée dans un but purement réfractif ou dans le cadre d’une chirurgie de la cataracte vraie [45]. En dehors de l’acuité visuelle qui représente à cette heure le seul critère officiel de diagnostic de la cataracte, avec un seuil de 5/10, il paraît important d’introduire d’autres paramètres que sont la gradation de l’opalescence cristallinienne et la quantification de sa densité. La cataracte devrait ainsi se caractériser comme une altération optique et/ou anatomique du cristallin conduisant à un retentissement sur la vision qualitative et/ou objective [13]. La transparence du cristallin est officiellement établie selon la classification LOCS III internationale qui tient compte de la localisation (centrale, périphérique, nucléaire, corticale, capsulaire et/ou sous-capsulaire) et de l’intensité de l’opacification [34, 51]. D’autres outils de type Scheimpflug camera (Pentacam®, Oculus) (fig. 21-4) et aberromètre OQAS proposent également une mesure de den-sitométrie du cristallin [5, 6, 35]. Leur intégration dans l’arsenal des outils diagnostiques devrait permettre d’apporter une confirmation du vieillissement cristallinien en cas d’altération de la qualité de vision perçue par le patient et objectivée par un questionnaire de vie (cf. chapitres 23 et 24).
Rôle crucial de la surface oculaire
Les maladies de la surface oculaire (Ocular Surface Diseases, OSD) constituent une entité regroupant : l’œil sec (primitif ou volontiers secondaire induit par lentilles de contact, ménopause, médications), les paupières opérées et les blépharites — dans laquelle la rosacée joue un rôle important, surtout dans la population des candidats à la chirurgie de la presbytie — et, enfin, l’allergie oculaire. Plus spécifiquement, la sécheresse oculaire se définit comme une maladie multifactorielle touchant le système lacrymal et la surface oculaire, donnant lieu à une symptomatologie d’inconfort, de perturbation visuelle et d’instabilité du film lacrymal avec un risque potentiel de dommage de la surface. L’inflammation, de découverte récente, y est de règle associée et est mise en évidence en particulier par une augmentation de l’osmolarité. Si le processus devient durable, la dérégulation de la surface oculaire peut se chroniciser [32].
SURFACE OCULAIRE ET CHIRURGIE CORNÉENNE
L’intégrité de la surface oculaire conditionne le succès de toute chirurgie réfractive, qu’elle soit cornéenne ou intraoculaire [42]. À cette heure, en effet, l’œil sec représente la plus commune complication de la photoablation de surface et surtout du LASIK, qui a même conduit à la description d’une entité spécifique baptisée LINE (pour LASIK-Induced Neurotrophic Epitheliopathy) décrite par Ambrosio et Wilson [4]. Parmi les mécanismes en cause et ceci quel que soit le modèle de laser utilisé, il faut évoquer les changements de la forme de la cornée perturbant la dynamique lacrymale, entraînant une dessiccation de la surface oculaire et altérant la distribution du film lacrymal en relation avec la paupière supérieure. Par ailleurs, une blépharite peut prédisposer à l’infection et à l’inflammation (notamment de l’interface d’un LASIK); une épithélio-pathie peut induire un œil sec, une kératite ponctuée superficielle, des kératalgies récidivantes, voire être responsable d’une fragilité de surface peropératoire (faisant le lit d’une invasion épithéliale sous le volet ou d’une kératite lamellaire diffuse : « SOS syndrome ») et d’un retard de cicatrisation postopératoire. L’allergie sera cause d’irritation chronique, d’inflammation, de sécheresse, pouvant même compromettre la transparence cornéenne.
Y a-t-il une différence entre LASIK et ablation de surface (pho-tokératectomie réfractive) ? Le maintien d’un épithélium intègre devrait permettre une plus rapide réhabilitation, avec moins de douleur et de réponse cicatricielle, avec de plus une stabilité accélérée. Cependant, la présence d’un volet à charnière responsable d’une trans-section d’un large nombre de fibres sensorielles afférentes (innervées par le V et le système sympathique) lors de la découpe lamellaire, impacte l’intégrité fonctionnelle de la glande lacrymale [19]. Au total, le LASIK est plus souvent pourvoyeur de sécheresse oculaire que l’ablation de surface [47, 48, 53]. L’hypothèse actuelle concernant la sécheresse induite par le LASIK repose sur la combinaison d’un facteur neurotrophique et inflammatoire. En effet, sur le plan physiopathologique, l’interruption des fibres nerveuses par la découpe du capot entraîne une diminution de l’influence de la régulation neurotrophique sur les cellules épithéliales — avec diminution de la sécrétion des modulateurs trophiques qui régulent le métabolisme et la viabilité cellulaire —, une baisse du taux de clignement, de la production basale et du réflexe des larmes [52]. En parallèle, comme précédemment souligné, les changements de forme de la cornée induits par la correction laser de l’amétropie provoquent une modification de la distribution du film lacrymal, de l’interaction entre surface oculaire et paupière supérieure, une augmentation de l’évaporation lacrymale et du risque de dépôt ferrique. Un possible dommage des cellules souches limbiques sous l’effet de l’anneau de succion a été évoqué mais ne joue probablement qu’un rôle minime. Au total, la diminution de cette activité lacrymale est constante mais ne dure en règle générale que quelques mois; ce n’est qu’en cas d’altération préopératoire de la surface oculaire que l’altération sera responsable d’un trouble chronique du mécanisme de réparation.
La boucle de régulation faisant intervenir les facteurs de croissance et donc de médiation nerveuse est perturbée par la section des nerfs cornéens qui induit en particulier une baisse significative des trois principales protéines de la réparation : lactofer-rine, IgA (lipocaline lacrymale), lysozyme. Il existe une influence de la profondeur de découpe, en faveur des capots fins concernant l’influence sur l’action neurogénique car la majorité des fibres nerveuses sont concentrées sur deux tiers de la profondeur cornéenne [44]. De ce fait, les capots fins seraient source d’une meilleure récupération de la sensibilité cornéenne et de la réparation de la surface oculaire. La notion d’un volet à charnière supérieure sectionnant les fibres nasales et temporales plus délétère qu’une charnière nasale ne coupant que le versant temporal est aujourd’hui controversée par la démonstration, en microscopie confocale notamment, d’une répartition des terminaisons nerveuses égale sur les quatre quadrants [39]. Les derniers affinements apportés au dessin du capot associent outre la diminution d’épaisseur à 100 µm, l’élargissement de la charnière et des conformations inversées des berges, le tout contribuant à une architecture nouvelle du capot pouvant diminuer l’incidence de la sécheresse oculaire postopératoire [7, 24, 37]. À noter cependant que ce risque augmente avec la pratique d’un capot de grand diamètre (supérieur à 9 mm-9,5 mm) nécessaire au traitement de l’hypermétropie et de la presbytie, en raison d’une découpe se rapprochant du limbe. Celui-ci est doté d’une capacité de réactivité cellulaire, immunitaire et inflammatoire supérieure au centre de la cornée.
SURFACE OCULAIRE ET CHIRURGIE INTRAOCULAIRE
La population candidate à la chirurgie intraoculaire de la presbytie est sans nul doute la plus volontiers concernée [38]. En effet, il s’agit de patients de règle de plus de cinquante-cinq ans, présentant des changements hormonaux, palpébraux (blépharites, rosacée avec meibomite), preneurs de médications, voire porteurs de maladies systémiques favorisant la sécheresse, telles qu’un diabète [11, 31]. Il sera important de dépister et de traiter au préalable à l’opération de phaoexérèse, car la chirurgie pourra exacerber ces conditions prédisposantes par l’incision avec section nerveuse (certes minimisée par la pratique de mini-incision). L’opération sera souvent accompagnée d’une sécheresse transitoire dont il faudra informer le patient. En vérité, ce symptôme est devenu la plainte dominante, même si le plus souvent minime et non durable, car il est le seul persistant compte tenu de l’inflammation minimisée par les petites incisions et la récupération visuelle optimisée par des implants performants, emmétropisants, associés à une opération sans suture [58, 59].
La pathologie de la surface oculaire est une préoccupation récente de la chirurgie réfractive; son incidence apparaît grandissante depuis qu’elle est recherchée. Ainsi, selon Waltz (communication orale), elle serait estimée à un patient sur six opérés, tandis que dans l’étude PHACO (Prospective Health Assessment of cataract Patient’s Ocular Surface study) incluant neuf centres américains (cent quatre-vingt-quinze yeux), 15 % des yeux présenteraient une sécheresse préopératoire (avec un test à la fluorescéine plus significativement perturbé que le BUT ou que le Schirmer), 56 % seraient porteurs de blépharites [26].
Les implications en cas de syndromes secs non diagnostiqués et non traités avant la chirurgie ne sont pas négligeables, car topographie, aberrométrie et kératométrie s’en trouvent modifiées, ce qui expose à une possible perte de la précision de calcul des puissances d’implants, de la mesure de l’axe et du degré d’astigmatisme — autant de paramètres cruciaux en matière d’implantation torique.
EXPLORATIONS DE LA SURFACE OCULAIRE
Un questionnaire de vie en premier lieu détectera et quantifiera les signes d’alerte, tels que photophobie, kératalgies nocturnes, sensations de corps étranger, fluctuations visuelles, sans oublier, surtout chez la population vieillissante concernée par la presbytie, l’enquête sur l’existence d’une maladie générale de type arthritique ou immunitaire [50] et la prise de médications pouvant induire une sécheresse secondaire (diurétiques, anticholinergiques, antidépresseurs [23], antihistaminiques …). En plus des anomalies cornéennes évoquées plus haut, se concentrant en particulier sur la recherche des anomalies de l’épithélium et de sa membrane basale, l’examen à la lampe à fente explorera également le limbe et les conjonctives (dépistant hyperémie, papilles, follicules de l’allergie) (fig. 21-5). Paupières et visage seront examinés soigneusement afin de dépister une conformation anatomique défavorable au maintien d’une intégrité du film lacrymal (ectropion, entropion …) ou une meibomite (fig. 21-6) éventuellement associée à une rosacée de la face, ou à un masque du lupus associé à un syndrome sec.
Sur le plan fonctionnel, la stabilité lacrymale est reflétée par le BUT mais également par la continuité des mires du vidéo kératoscope (du vidéotopographe) ou encore par les fluctuations de l’aberro-mètre. D’autres outils plus sophistiqués l’évaluent : le tearscope et l’interférométrie des larmes. La production des larmes est approchée par le ménisque lacrymal le long de la paupière inférieure (en cas de dysfonctionnement meibomien, de blépharite) et par le test de Schirmer (sauf en cas d’insensibilité sur un œil sec chronique). Le test à la fluorescéine serait positif dans 2 % à 6 % des cas après le LASIK, révélateur d’une kératite ponctuée superficielle (fig. 21-7); on étudiera dans le test au vert de lissamine le marquage en cornée et en conjonctive reflétant l’altération de la couche de mucine.
L’osmolarité lacrymale peut être mesurée par le Tearlab® (Medeuronet), qui l’obtient par capillarité à partir d’un échantillon de larmes (d’au moins 50 nl). Il détecte un défect aqueux ou par excès d’évaporation. La valeur seuil d’osmolarité est de 308 mOsm/l, au-dessus de laquelle le diagnostic d’œil sec est retenu (fig. 21-8). C’est un instrument qui semble utile potentiellement pour le dépistage d’une altération de la surface en préopératoire et pour la comparaison de traitements lubrifiants réparateurs [57].
Le retentissement visuel occasionné par une altération de la surface oculaire est un volet tout récemment abordé grâce à l’aberrométrie, qui constitue l’outil novateur de la quantification de la qualité de vision. En effet, avant qu’une baisse objective de l’acuité visuelle ne soit notée, existe une dégradation de la qualité de vision sous la forme d’une labilité des images aberrométriques, alors que l’OCT pourra parfois révéler une aire d’accumulation des larmes le long de la paupière inférieure. Mais, surtout, c’est l’exploration par OQAS (double pass retinal images), enregistrant la sensibilité aux contrastes et la mesure de la dispersion de la lumière (scatter light), qui sera la plus contributive : cet appareil permet de réaliser une évaluation non invasive de la dynamique du film lacrymal. Son principe de fonctionnement repose sur le passage de la lumière laser au travers des structures oculaire de la cornée à la rétine, puis réfléchie de la rétine vers la caméra CDD. Le film lacrymal représente le premier milieu : il retentit sur l’image s’il est inhomogène, contaminé de débris ou s’il existe des variations locales d’épaisseur; il peut alors en découler une augmentation des aberrations optiques d’ordre supérieur et de la dispersion de la lumière (scatter light) dans la surface antérieure, affectant la dispersion globale de la lumière au travers du système optique global. Il existe différentes sources de scatter light physiologique : cornéennes (chirurgies, haze, dystrophies …), cristalliniennes (cataracte …) et vitréennes (hyalite …) [30, 41]. Les résultats s’expriment en sensibilité aux contrastes sous la forme du MTF (Modulation Transfert Function), qui correspond au ratio Contraste de l’image/Contraste de la source objet. La seconde valeur fournie par l’OQAS est l’indice objectif de diffusion, intitulé OSI (Optical Scatter Index), qui évalue la diffusion intraoculaire, comparant la quantité de lumière à la périphérie par rapport à celle du centre : plus la diffusion est importante, plus l’indice est élevé. Ainsi, chez le sujet jeune, l’OSI attendu est inférieur à 5, alors qu’il augmentera en cas de cataracte. La mesure se fait à partir d’une série de quarante images consécutives, ne prenant pas plus de 0,5 s, sur un patient évitant de cligner. Elle se réalise sous faibles conditions de lumière ambiante, afin de travailler avec un diamètre pupillaire optimal dans le but d’augmenter la sensibilité de la méthode. Une étude a été conduite par A. Benito (communication ASCRS 2011) montrant une élévation de l’intensité de l’OSI dans le temps comparable du test du BUT entre yeux normaux et ceux atteints de syndrome sec modéré. Ainsi, l’OQAS permettrait une détection précoce et un suivi du film lacrymal des patients présentant une altération du film lacrymal (fig. 21-9).
Parmi les nouvelles plateformes de prise en charge de la surface oculaire, il faut mentionner le Lipiview®-Lipiflow® (TearScience), qui a bénéficié de l’agrément FDA et a reçu le marquage CE. Cet équipement permet à la fois un diagnostic de dysfonctionnement meibomien et en propose un traitement, sachant que 65 % des causes de syndrome sec sont relatives à un excès d’évaporation dont l’étiologie principale est la meibomite par obstruction des glandes (fig. 21-10). La première étape est représentée par un trépied diagnostique, analysant par un questionnaire « SPEED » la symptomatologie, puis évaluant par un examen en lampe à fente la fonction des glandes de Meibomius (MGE, Meibomian Glands Evaluator) et, enfin, analysant la qualité du film lacrymal par le Lipiview®. Cette dernière phase est établie sur l’évaluation de l’épaisseur de la couche lipidique, la répartition sur la surface oculaire et l’analyse du clignement. La seconde étape est donc thérapeutique et vise à relancer la fonction des glandes de Meibomius dans le but d’arrêter l’évaporation et permettre la lubrification : ce traitement recourt à une coque (à usage unique) appliquée sur chaque œil fonctionnant par pulsation thermique (Lipiflow®) [29]. La chaleur est appliquée directement aux glandes de Meibomius à travers la conjonctive palpébrale des paupières supérieures et inférieures. Une pression graduée et pulsée est appliquée sur la partie externe des paupières, visant à soulager simultanément l’obstruction des glandes meibomiennes supérieures et inférieures. Le bénéfice apporté serait durable pour une période d’environ six mois, selon la sévérité de la pathologie initiale.
PRISE EN CHARGE D’UNE SURFACE OCULAIRE PATHOLOGIQUE
En premier lieu, il faudra préparer la surface oculaire en préopératoire en proposant systématiquement des substituts de larmes (de préférence sans conservateurs) pour un à trois mois chez tous les patients, voire au long cours chez ceux présentant un syndrome sec [15]. Il existe depuis peu un regain d’intérêt pour le recours aux bouchons méatiques — qui peuvent être transitoires — en accompagnement du LASIK chez les sujets prédisposés, voire de façon systématique. Les patients présentant une blépharite devront conduire des soins d’hygiène des paupières, sous forme de massage et toilette aux compresses imprégnées d’eau bouillie tiédie, pouvant si nécessaire être renforcés d’une cure de cyclines et aidés d’un masque ou de lunettes chauffantes à chambre humide (Blephasteam®, Théa). De façon exceptionnelle, le traitement par stéroïdes pourra calmer une inflammation de la surface, ce qui invitera à différer le geste jusqu’à vérification de la normalisation de la surface à distance du traitement, de même en cas de recours à de la ciclosporine à concentration de 0,05 % (Restasis®) à but anti-inflammatoire et lubrifiant, que le libre accès aux États-Unis rend plus systématiquement prescrite [14, 56]. Certains praticiens seront enfin adeptes de la micronutrition et prescriront une sup-plémentation combinant oméga 3, vitamines B12, C, E, et minéraux (zinc) dans un équilibre des dosages spécifiquement élaboré pour la sécheresse oculaire.
Il conviendra ensuite de réhabiliter la surface oculaire en postopératoire. Ceci se fera par le contrôle de la surface oculaire et par le maintien si nécessaire d’un traitement lubrifiant prolongé, avec la même hiérarchie que celle décrite en préopératoire. Une sensibilisation et une éducation du patient seront requises sur l’intérêt du traitement au long cours, ce qui n’est pas toujours bien accepté par un patient qui vit ce traitement local comme une contrainte et la gêne induite par la sécheresse comme une complication de la chirurgie [43].
Segment postérieur
MACULA, RÉTINE PÉRIPHÉRIQUE
La mise en place d’un anneau de succion en cas de procédure LASIK expose à une fragilisation de la rétine avec de rares cas d’hémorragies maculaires et d’exceptionnels décollements de rétine rapportées [1, 2, 18, 33, 40, 49, 55]. Plus à risque encore, la rupture de la barrière cristallinienne en cas de phacoexérèse à but réfractif expose à une augmentation du risque de décollement de rétine secondaire, d’autant plus qu’il n’existe encore qu’un détachement partiel du vitré. Son incidence est difficile à établir car il n’existe pas dans la littérature de données scientifiques chiffrant précisément le risque de cette complication en cas de chirurgie du cristallin clair — globalement estimé à 0,3 % dans le cas de la phacoémulsification, se multipliant par 2 à 10 en cas de myopie modérée et forte ? C’est pourquoi l’examen du fond d’œil, incluant l’exploration de la macula, complétée si doute ou si œil à risque d’une OCT, apparaît fondamental à proposer en cas de chirurgie intraoculaire pseudophaque [3, 28].
Par ailleurs, la question aujourd’hui communément posée est celle du devenir de l’œil opéré porteur d’un tel implant se compliquant à distance d’une lésion rétinienne [10, 20]. S’il n’existe pas encore dans la littérature de cas décrits, des témoignages sur des œdèmes maculaires (voire des trous maculaires) (fig. 21-11) et des décollements de rétine secondaires à la phacoexérèse ont été rapportés (J. Gambrelle, SAFIR 2012) [27, 46]. Il est probable qu’il ne sera pas nécessaire de retirer un implant multifocal ni en cas de décollement, ni en cas de maculopathie car, dans ce cas, la dégradation visuelle sera certainement si notable qu’aucun bénéfice ne sera escompté d’un remplacement par un modèle monofocal — tout comme un patient porteur d’une DMLA conserve communément ses verres progressifs. Comme déjà souligné précédemment, la chirurgie du décollement de rétine ne se heurte pas à des difficultés majeures; seule la chirurgie maculaire est plus délicate. Il est à rappeler que les complications rétiniennes sont favorisées par une rupture du sac capsulaire, imposant de recourir à un implant au dessin adapté pour le sulcus voire à un monofocal en cas de stabilité insuffisante [36]. La survenue d’un œdème maculaire sera source d’une perte de capacité visuelle surtout en vision de près. Son traitement ne sera pas spécifique et fera se succéder anti-inflammatoire non stéroïdien, inhibiteur de l’anhydrase carbonique, voire injection intravitréenne de cortisone pour obtenir, dans bon nombre de cas, une réversibilité des lésions avec récupération visuelle. Parfois, une membrane épirétinienne s’organisera et le praticien se heurtera à la difficulté de visualiser la macula pour un abord chirurgical.
TENSION OCULAIRE, NERF OPTIQUE
La mesure de la tension oculaire doit systématiquement faire partie du bilan préopératoire car il est important de consigner cette mesure à titre de référence pour le suivi du patient — d’autant que la chirurgie de la presbytie concerne des patients en âge de révélation du glaucome à angle fermé. La vigilance sera d’autant plus renforcée que le patient décrira un terrain de glaucome familial. Avant tout, la mesure de la tension oculaire (en particulier pratiquée par aplanation) sera confrontée à la mesure de la pachymétrie, car il existe une relation entre ces deux grandeurs, conduisant à une mesure de tension intraoculaire d’autant plus importante que l’épaisseur de la cornée est grande (supérieure à 580 µm); il s’agira ainsi d’écarter les sous-estimations en cas de cornée fine et les surestimations en cas de cornée épaisse [16, 17, 21]. En cas d’alerte sur une valeur aux limites de la normale (supérieure à 16 mm Hg) et/ou d’examen de la papille montrant une coloration, une excavation, un anneau neurorétinien subnormaux, un champ visuel de dépistage (bleu-jaune), la réalisation d’une courbe de tension et des explorations morphologiques de la papille seront recommandées (OCT, tomographe rétinien de Heidelberg …) à la recherche des signes précurseurs d’un glaucome. Dans ce cas, une chirurgie réfractive serait, au moins au stade de découverte et jusqu’à période d’équilibration, contre-indiquée.
Segment antérieur











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