Chapitre 21. Des théories et des concepts en forme d’abécédaire
Avant de débuter cet abécédaire, il faut définir ce qu’est une psychothérapie.
Définition d’une psychothérapie
Une psychothérapie est une aventure humaine ; elle implique un choix entre un patient et un psychothérapeute. Elle utilise une relation essentiellement verbale entre les deux protagonistes. Elle précède, se combine ou s’oppose aux thérapies biologiques et médicamenteuses. Elle implique une demande d’amélioration vis-à-vis d’une souffrance individuelle, de symptômes psychiques, de défaillances de l’estime de soi, d’attitudes et de comportements.
Les relations humaines peuvent être soutenantes, consolatrices, réparatrices. Ce soutien provient de la famille, d’amis, de personnes de rencontre. Mais on ne parle de psychothérapie qu’à partir du moment où une théorie du fonctionnement psychique est utilisée, une compréhension de ces mécanismes est tentée. Un objectif d’amélioration de symptômes d’une manière d’être ou de réagir définit un but du soin. Lorsqu’une personne vous écoute, vous conseille, vous console, cette attitude est d’allure psychothérapeutique mais elle n’implique aucune approche structurée, réfléchie et ordonnée de soins. Pour cette raison, alors qu’un mouvement de compassion ou de réparation guide beaucoup d’éléments de la relation humaine entre proches, il convient de distinguer les aspects psychothérapiques que l’on réalise « sans le savoir », d’une approche plus structurée et plus réfléchie que réalise la psychothérapie.
Selon la technique en cause, il existe une infinie variété de psychothérapies. On peut cependant les séparer en 4 groupes : psychothérapies interprétatives, cognitives, de la communication et du rôle de la personne, de soutien.
Psychothérapies interprétatives
Le principe de l’interprétation consiste à faire des liens, jusque-là inaperçus pour le patient, entre des pensées, des émotions, des événements et leur signification inconsciente. Pour que ces interprétations possèdent une validité, elles doivent découler d’une fine observation des processus de pensée de la personne soignée. Mais l’interprétation tient compte de plusieurs facteurs, dont la réunion réalise l’originalité de la théorie freudienne. L’existence d’un inconscient définit un de ces facteurs essentiels ; accessible au travers du rêve, du fantasme, il ne se révèle qu’au fil des séances de la psychothérapie. La règle de la libre association des pensées ne signifie en aucun cas raconter n’importe quoi, mais sollicite le patient pour qu’il s’exprime de manière souple, libre, et que l’on puisse observer l’enchaînement des pensées, les émotions qui surgissent. Ainsi, des souvenirs qui semblaient effacés, oubliés, peuvent progressivement réapparaître, témoignant de leur importance pour le sujet. Cette réapparition est animée par une diminution des résistances et du refoulement ; c’est ainsi que progressivement des représentations ou des souvenirs extrêmement anciens peuvent surgir.
La notion de refoulement représente un autre concept très important. Il sous-entend un contenu et une force qui suscite le refoulement. Le contenu est directement lié à des conflits psychiques et à des représentations de pensées peu acceptables au niveau conscient ; elles concernent les tendances homosexuelles, la haine ou l’amour adressé à un de ses parents, l’hostilité d’une rivalité entre frère et sœur… La force qui anime le refoulement fait partie des forces internes ou pulsions qui agitent l’individu ; ces pulsions le conduisent à survivre, à aimer (on parle de libido), ou à s’autodétruire.
C’est le transfert qui représente un levier essentiel pour approfondir ces éléments de la vie psychique. Le transfert définit une réactualisation, sur un thérapeute neutre, d’une série de processus de pensées, d’émotions ou de sentiments, adressés ou portés, à l’origine sur les images des parents.
L’interprétation, qu’il s’agisse d’une émotion, d’un enchaînement de pensées, d’un rêve ou d’un comportement, n’est possible pour le psychothérapeute qu’en privilégiant une série de concepts liés au primat de la sexualité infantile, à l’existence de stades évolutifs, à des figures mythiques comme l’œdipe. Le psychothérapeute, au travers d’une psychanalyse personnelle ou d’une supervision, aura déjà éprouvé sur lui-même ces pensées et ce type d’émotions ; en écoutant attentivement ce que le patient suscite en lui, de l’empathie à l’ennui, de l’hostilité à certains vécus corporels, il affinera progressivement la pertinence et la portée des interprétations. On assiste progressivement à une évolution, une transformation de la vie mentale du sujet, qui accède par étapes à une meilleure capacité de perception de ses mouvements de pensée et de la naissance de ses sentiments. La valeur des psychothérapies interprétatives découle de la finesse, de la subtilité et de la profondeur que peuvent acquérir certains patients dans la connaissance d’eux-mêmes.
La psychanalyse correspond à un cadre strict, fonctionnant à raison de 2 à 4 séances par semaine pendant plusieurs années, le patient n’étant pas face à son analyste.
Les psychothérapies d’inspiration analytique répondent à un cadre plus souple ; elles prennent en compte le transfert, les résistances, le refoulement. Elles se déroulent souvent en face-à-face, avec un rythme bien plus espacé de rencontres d’une fois par semaine ou par quinzaine avec le thérapeute.
Thérapies cognitives
Le terme de cognitif inclut et développe deux concepts majeurs : l’apprentissage et l’existence de schémas de pensées répétitifs.
• L’apprentissage postule l’intégration progressive, consciente ou inconsciente, de comportements, de style de pensées ou de modes de réaction émotionnels transmis par les parents où au fil d’expérience de vie : scolaire, sportive ou amicale. Cet apprentissage peut faire l’objet d’un repérage de la part du patient et aboutir à une stratégie de mise en place volontaire de nouveaux apprentissages pour se libérer des contraintes des précédents.
• Les schémas de pensées définissent des pensées presque automatiques, dont certaines sont néfastes. Leur caractère néfaste tient à différents aspects. D’une part, elles peuvent véhiculer en permanence des sentiments d’insuffisance, d’infériorité, des idées négatives : « je n’y arriverai jamais », « je suis toujours malchanceux », « je suis inférieur aux autres »… Mais il peut également s’agir de processus cognitifs particuliers, tels la pensée dichotomique (« ça passe ou ça casse »), l’abstraction sélective où l’on se focalise sur un détail en méconnaissant le reste, l’inférence arbitraire, où l’on déduit depuis quelques aspects en oubliant l’essentiel…
Les thérapies cognitives suivent un plan de marche. On reprend, pour une situation ou un comportement problématique, les pensées et les idées qui surgissent ; on définit pour quels événements et dans quelles circonstances elles apparaissent. On les relie à des émotions ou à des sentiments. Ainsi, on définit un ou des problèmes, on encourage l’auto-observation, on formule des hypothèses de traitement et des objectifs. On propose de tester de nouvelles stratégies personnelles et l’on encourage les processus d’apprentissage par des exercices ou une pratique régulière entre les séances. Les thérapies cognitives et comportementales agissent au niveau conscient. Elles font appel à un réel effort pédagogique pour expliquer au patient et lui faire prendre conscience de toute une série de pensées qui le freinent ou le font souffrir. La plupart des thérapies cognitives et comportementales ont une durée relativement brève, puisque le nombre de séances peut varier autour d’une douzaine ou d’une quinzaine et amènent la thérapie à se dérouler sur un an environ. Seules les thérapies d’inspiration cognitive des troubles de la personnalité s’échelonnent sur des durées plus longues. L’avantage des thérapies cognitives réside dans une focalisation sur des objectifs thérapeutiques et des stratégies de soins directement repérables, facilement compréhensibles et permettant d’obtenir des résultats tangibles. Elles peuvent être une étape avant une autre forme de psychothérapie ou permettre une amélioration de qualité au niveau de symptômes gênants.
Thérapies de la communication et du rôle de la personne
Ces thérapies essaient d’améliorer les processus de communication. Elles cherchent à dénouer des interactions et des contextes relationnels complexes. Les interactions opposent les messages implicites ou explicites. Lorsque les messages implicites prennent le pas sur les messages explicites, on parle de double lien. Il s’agit de démonter des doubles messages où ce qui est dit verbalement est contredit par une posture, une intonation vocale ou un contexte. Ce type de contradiction peut être permanent, aboutissant à faire vivre l’entourage dans un système paradoxal continu. Une autre anomalie de communication relève d’une disqualification permanente d’un membre de la famille ou de l’utilisation d’un autre membre pour porter les messages. Ces situations sont extrêmement fréquentes : l’enfant messager dans des contextes de divorce en est un exemple, un message explicite d’altruisme ou de renoncement contredit par des messages implicites d’être un sacrifié ou une victime permanente en est un autre. Les théories de la communication s’intéressent également aux fonctionnements familiaux ; il peut s’agir de l’étude des rôles et des assignations des responsabilités dans une famille ; la modification de ces rôles et leur transition lors de moments importants, comme le départ des enfants, le chômage d’un partenaire, la prise de la retraite, la séparation du couple…
Ces approches de la communication s’effectuent soit au niveau individuel, soit en agissant au niveau du groupe collectif qu’est la famille. Il n’est pas toujours possible de réunir à toutes les sessions l’ensemble des membres d’un groupe familial ; cependant, si la plupart y assistent à quelques reprises, on repère assez facilement le rôle et la répétition des mécanismes de fonctionnement et de communication intrafamiliaux.
Psychothérapies de soutien
Leur principe s’appuie sur une confrontation, une clarification et une interprétation pour consolider ou soutenir un individu en difficulté La psychothérapie de soutien utilise des conseils, des encouragements ainsi que l’approfondissement ou la définition des éléments problématiques.
Ces définitions simples posées, l’abécédaire peut débuter.
A
Alliance thérapeutique ou alliance de travail
L’alliance débute par le choix réciproque du thérapeute et du patient. Les motivations du choix d’un thérapeute sont innombrables ; elles peuvent inclure la recommandation d’un proche ou d’un médecin, la simple disponibilité pour un premier rendez-vous, l’accessibilité géographique, le sexe du thérapeute, un mode d’exercice particulier. Lorsque des patients ont eu plusieurs thérapeutes, il est souvent utile de leur demander les aspects positifs mais aussi les réticences ou les difficultés qu’ils ont pu avoir avec les thérapeutes antérieurs. Lorsqu’un patient critique systématiquement tous ses thérapeutes précédents, il faut se préoccuper de mécanismes de défense et de troubles de la personnalité.