21: Blocs du tronc échoguidés

21 Blocs du tronc échoguidés



Pour les besoins du chapitre, le thorax et l’abdomen sont traités séparément. La partie thoracique est concentrée sur les blocs intercostaux et paravertébraux alors que le chapitre abdominal est consacré au bloc ilio-inguinal/ilio-hypo-gastrique, au bloc de la gaine des grands droits et au bloc du plan du muscle transverse de l’abdomen ou « TAP bloc » récemment décrit.




Anatomie des nerfs intercostaux et sous-costaux


L’innervation sensitive du tronc de la ligne axillaire postérieure à la ligne médiane est issue du rameau ventral de T1 à L1 [1,2]. À l’exception de T12 (le nerf sous-costal) et de L1, les nerfs intercostaux (T1-T11) partagent certains points communs utiles à l’anesthésiste souhaitant localiser et bloquer ces nerfs.


Tout d’abord, les nerfs intercostaux sont issus du rameau ventral de leur racine nerveuse respective. Ils cheminent ensuite antérieurement, le long de la gouttière costale de leur côte respective, et reposent entre le muscle intercostal interne et le muscle intercostal intime. Au sein de la gouttière costale, la veine intercostale repose au-dessus de l’artère intercostale, reposant elle-même au-dessus du nerf intercostal (figure 21.2). Le nerf intercostal est à l’origine d’une branche sensitive au niveau de la ligne axillaire moyenne qui procure une innervation variable de la ligne axillaire postérieure vers l’avant. Le nerf continue alors son trajet vers l’avant en tant que branche cutanée antérieure. Les branches cutanées antérieures de T6 à T11 entrent dans le plan du muscle transverse de l’abdomen et innervent la peau, les muscles et le péritoine pariétal au niveau abdominal (figure 21.3).




Le nerf sous-costal (T12) est aussi issu du rameau ventral de sa racine nerveuse respective. Il entre dans le plan entre le muscle oblique interne et le muscle transverse de l’abdomen et est à l’origine d’une branche cutanée latérale au niveau de la ligne axillaire moyenne. La branche cutanée latérale du nerf sous-costal croise la crête iliaque de 2 à 5 cm en arrière de l’épine iliaque antérosupérieure et elle est facilement lésée au cours de plusieurs types de chirurgie [3,4]. Le nerf sous-costal rejoint le nerf en provenance de L1 au niveau du plan du muscle transverse de l’abdomen pour former les nerfs ilio-inguinaux et ilio-hypo-gastriques. Des études in vivo et sur cadavre ont révélé de grandes variations quant à l’origine et à la localisation de ces nerfs ; de fait, une description anatomique générique de ces structures serait erronée [5,6]. Cette variation au niveau anatomique explique les taux d’échec pouvant atteindre 25 % des tentatives de bloc ilio-inguinaux et ilio-hypo-gastriques réalisées par voie classique [7].



Bloc du nerf intercostal


Les blocs du nerf intercostal ont été utilisés afin d’obtenir une analgésie au décours de nombre de chirurgies telles que les thoracotomies et de traumatismes tels que les fractures de côtes. La proximité de la plèvre et des vaisseaux intercostaux par rapport au nerf intercostal est une préoccupation particulière et la source de la plupart des complications. L’échographie pourrait améliorer la sécurité de réalisation des blocs nerveux intercostaux.



Anatomie échographique


Il n’existe, dans la littérature, qu’une seule description de bloc du nerf intercostal échoguidé [8]. Eichenberger et al. [8] ont fait état d’une mauvaise visibilité du nerf intercostal en raison de sa proximité avec la gouttière osseuse dans laquelle il repose. La connaissance de l’anatomie correspondante permet à l’opérateur de sélectionner l’endroit adéquat pour réaliser le bloc. L’introduction de l’aiguille peut être visualisée et guidée tandis que la diffusion de l’anesthésique local à proximité de la localisation anatomique du nerf intercostal peut faciliter le blocage du nerf intercostal.


La paroi thoracique est au mieux visualisée dans le plan vertical. En utilisant une sonde linéaire de 6 à 13 MHz (MicroMaxx®, SonoSite, Bothell, États-Unis), l’espace intercostal est visualisé (figure 21.4). Les côtes apparaissent comme des structures ovales sombres avec une surface claire (périoste). À l’échographie, une ombre se prolonge profondément en dessous de la côte, illustrant le phénomène de cône d’ombre. Le phénomène de cône d’ombre correspond à une zone sans écho se trouvant en arrière d’une structure à forte absorption ou à forte réflectivité telle que l’os, les calculs ou une prothèse métallique. La plèvre et les poumons sont visualisés en profondeur par rapport à l’espace intercostal entre les cônes d’ombre.




Technique


Un accès intraveineux ainsi qu’un monitorage par électrocardiographie, oxymétrie de pouls et pression artérielle non invasive sont mis en place. Le plateau d’anesthésie locorégionale est préparé comme indiqué précédemment. L’échographe et le plateau d’anesthésie locorégionale doivent être positionnés de façon à permettre à l’opérateur d’effectuer un balayage échographique tout en se servant dans le plateau d’anesthésie locorégionale avec un minimum de mouvements. Cette disposition demande de l’anticipation, mais la démarche en vaut la peine, car elle facilite le geste et augmente les chances de succès. Le patient est placé en décubitus latéral avec le côté à bloquer au-dessus. L’opérateur se tient derrière le patient. Les espaces intercostaux ou l’espace intercostal en question sont palpés et marqués au crayon dermographique au niveau du bord latéral des muscles paravertébraux. Ce repère cutané correspond à l’angle postérieur des côtes. La réalisation d’un bloc à ce niveau permet de s’assurer que la branche cutanée latérale est bloquée. La peau est désinfectée avec une solution antiseptique et des champs stériles sont apposés. La sonde d’échographie est introduite dans une housse stérile (CIVCO Medical Instruments, Kalona, États-Unis) avec du gel échographique (Aquasonic®, Parker Laboratories, Fairfield, États-Unis). Une couche de gel est appliquée entre la housse stérile et la peau. La partie latérale de la paroi thoracique est balayée au moyen d’une sonde linéaire de 6 à 13 MHz (MicroMaxx®, SonoSite). L’écran de l’appareil d’échographie doit correspondre à la région explorée, c’est-à-dire que la droite de l’écran correspond à la droite de l’opérateur. Les réglages de l’appareil, tels que le gain et la profondeur, sont optimisés. L’espace intercostal est généralement retrouvé à une profondeur de 2 à 3 cm par rapport à la peau. Une vue coronale de la paroi thoracique est obtenue et les côtes, plèvre et poumons sont identifiés (figure 21.5). La côte supérieure est placée au centre de l’écran. Le point d’insertion de l’aiguille se trouve au niveau du bord caudal de la sonde échographique. Une aiguille de 23 gauges est avancée sous guidage échographique en temps réel et de l’anesthésique local est déposé le long du trajet d’insertion de l’aiguille. Il est préférable de ne pas utiliser de guide pour l’insertion de l’aiguille. Une aiguille de 21 gauges d’anesthésie locorégionale de 50 mm de long (Pajunk, Geisingen, Allemagne, ou B. Braun, Bethlehem, États-Unis) est insérée dans le plan des ultrasons (figure 21.6). L’aiguille est reliée à un système associant un prolongateur stérile connecté à une seringue de 20 ml, ceux-ci ayant été purgés avec une solution d’anesthésique local afin de supprimer toutes les bulles d’air. L’aiguille est alors introduite au niveau de la partie caudale de la sonde et visualisée à l’écran lors de son cheminement en direction de l’espace intercostal. Il est important de ne pas avancer l’aiguille en l’absence d’une bonne visualisation de celle-ci. Cela peut nécessiter une mobilisation de l’aiguille ou de la sonde. L’aiguille est avancée en direction du bord inférieur de la côte (figure 21.7). Au contact de la côte, l’aiguille est redirigée vers le bas de façon à passer à moins de 0,5 cm en dessous du bord inférieur de la côte. Après un test d’aspiration négatif, 2 à 5 ml d’anesthésique local sont injectés et visualisés lors du comblement de l’espace intercostal.






Pratique basée sur les preuves


Il n’y a aucune donnée publiée quant à la réalisation de bloc intercostal échoguidé. L’utilisation de l’échographie pourrait aider l’anesthésiste à diminuer l’incidence des complications, telles que le pneumothorax ou les ponctions vasculaires. L’échographie pourrait aussi permettre de diminuer le volume d’anesthésique local nécessaire au succès du bloc, comme c’est le cas pour le bloc [9], minimisant ainsi le risque de toxicité systémique. Ces théories restent à étudier.




Bloc paravertébral thoracique


Le bloc paravertébral thoracique a été utilisé afin de procurer une analgésie postopératoire après différents types de procédure, allant de la chirurgie de surface (comme la chirurgie du sein) à la chirurgie thoracique lourde telle que les lobectomies ou les pneumonectomies. En ce qui concerne la chirurgie thoracique lourde, le bloc paravertébral thoracique est équivalent à l’analgésie péridurale thoracique [11]. L’espace paravertébral thoracique facilite la mise en place d’un cathéter permettant d’obtenir une analgésie postopératoire prolongée.



Anatomie échographique


L’espace paravertébral est une zone cunéiforme de chaque côté de la colonne vertébrale limitée en avant par la plèvre pariétale, en arrière par le ligament costotransverse postérieur et latéralement par la membrane intercostale postérieure [2] (figure 21.8). Le contenu de l’espace paravertébral inclut le nerf et les vaisseaux intercostaux, le rameau dorsal, la chaîne sympathique et des tissus graisseux. Il s’agit d’un espace continu avec l’espace péridural plus interne, ce qui peut expliquer les phénomènes de bloc sensitif controlatéraux parfois observés. L’anatomie échographique de l’espace paravertébral n’a pas été décrite dans la littérature. Les distances par rapport aux processus transverses et les distances des processus transverses à la plèvre ont été décrites [12]. Pusch et al. [13] ont décrit l’utilisation de l’échographie afin d’évaluer la profondeur de l’espace paravertébral, mais ne sont pas allés jusqu’à réaliser le bloc sous échographie. L’apparence échographique de l’espace paravertébral est illustrée sur la figure 21.9. Le corps vertébral, le processus transverse et la plèvre peuvent clairement être identifiés. L’espace paravertébral se situe de 1 à 1,5 cm en profondeur du processus transverse. L’espace ne peut pas être apprécié correctement à l’échographie en raison du phénomène de cône d’ombre précédemment décrit dans ce chapitre.





Technique


Un accès intraveineux ainsi qu’un monitorage par électrocardiographie, oxymétrie de pouls et pression artérielle non invasive sont mis en place. Le plateau d’anesthésie locorégionale est préparé comme indiqué précédemment. L’échographe et le plateau d’anesthésie locorégionale doivent être positionnés de façon à permettre à l’opérateur d’effectuer un balayage échographique tout en se servant dans le plateau d’anesthésie locorégionale avec un minimum de mouvements. Cette disposition demande de l’anticipation, mais la démarche en vaut la peine, car elle facilite la procédure et augmente les chances de succès. Le patient est placé en décubitus latéral avec le côté à bloquer au-dessus. L’opérateur se tient du côté devant être bloqué avec le patient en position assise (figure 21.10). Les processus épineux en rapport avec le bloc sont palpés puis marqués au crayon dermographique. Une ligne est tracée latéralement à 2,5 cm des processus épineux. Le point de ponction se situe latéralement, à 2,5 cm des processus épineux en rapport avec le bloc. La peau est désinfectée avec une solution antiseptique et des champs stériles sont apposés. La sonde d’échographie est introduite dans une housse stérile (CIVCO Medical Instruments) avec du gel échographique (Aquasonic®, Parker Laboratories). Une couche de gel est appliquée entre la housse stérile et la peau. La partie postérieure de la paroi thoracique est balayée au moyen d’une sonde linéaire de 6 à 13 MHz (MicroMaxx®, SonoSite). L’écran de l’appareil d’échographie doit correspondre à la région explorée, c’est-à-dire que la droite de l’écran correspond à la droite de l’opérateur. Les réglages de l’appareil, tels que le gain et la profondeur, sont optimisés. Les processus transverses sont généralement retrouvés à une profondeur de 2 à 3 cm par rapport à la peau [12]. Une vue sagittale de la paroi thoracique postérieure est obtenue et les processus transverses, la plèvre et les poumons sont identifiés (figure 21.9A). Le processus transverse en rapport avec le bloc est maintenu au centre de l’écran. La sonde d’échographie est alors tournée de 90° et une vue axiale est obtenue (figure 21.9B). Le point de ponction se situe à la face médiale de la sonde d’échographie (figure 21.11). Une aiguille de 23 gauges est avancée sous guidage échographique en temps réel et de l’anesthésique local est déposé le long du trajet d’insertion de l’aiguille. Il est préférable de ne pas utiliser de guide pour l’insertion de l’aiguille. Une aiguille de 18 gauges de type Tuohy est avancée en direction du centre du processus transverse. Au contact du processus transverse, l’aiguille est redirigée en direction céphalique de façon à ne pas passer à plus de 1,5 cm au-dessus du bord supérieur du processus transverse. Après un test d’aspiration négatif, 10 ml d’une solution d’anesthésique local sont injectés et le remplissage de l’espace paravertébral est visualisé (figure 21.12). Un cathéter peut alors être mis en place à travers l’aiguille de Tuohy et secondairement fixé.


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Jun 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 21: Blocs du tronc échoguidés

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