20: Reconstruction microchirurgicale du sein

Chapitre 20 Reconstruction microchirurgicale du sein



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Imagerie préopératoire


L’angiotomodensitométrie (TDM) est devenue incontournable dans la reconstruction par lambeau perforant [2,3]. Elle autorise un repérage précis des perforantes, le plus souvent à proximité de l’ombilic, et permet d’évaluer le diamètre de chaque perforante, son trajet intramusculaire, cutané, et l’éventuelle proximité d’autres perforantes (figure 20.1).



Le choix de la perforante, guidé par la TDM, devra trouver le juste équilibre entre :



L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) commence à se développer dans le domaine des lambeaux perforants et pour le DIEAP (deep inferior epigastric artery perforator) en particulier. Au prix d’un examen plus long, l’angio-IRM semble donner des résultats convaincants, même si la reproductibilité et la précision de l’examen ne sont pas totalement acquises. La limite actuelle semble être la résolution insuffisante de l’examen [4].


Le doppler unidirectionnel permet de localiser les perforantes au lit de la patiente. Ce repérage peut se révéler long et fastidieux. Il est surtout opérateur-dépendant et n’apporte pas d’information sur le trajet ou le diamètre de la perforante.


Le doppler duplex couleur, tout en étant opérateur-dépendant, donne une cartographie précise des perforantes abdominales ainsi que des précisions sur leur diamètre et leur débit, leur trajet intramusculaire et leur localisation. Cet examen est toujours utile dans de nombreuses situations, mais se voit de plus en plus remplacé par les examens tomodensitométriques. Le doppler restant un examen dynamique, le chirurgien ne dispose pas, au moment de la chirurgie, d’une imagerie anatomique localisant les perforantes, mais simplement d’une cartographie.



Reconstruction mammaire autologue par lambeau libre abdominal


M. Moutrans, A. Mojallal



Lambeau de SIEA




Prélèvement du lambeau


Le prélèvement du lambeau de SIEA est plus aisé que celui d’un DIEAP ou d’un TRAM (transverse rectus abdominis muscle) libre. En effet, l’aponévrose musculaire est respectée et le plan de dissection est toujours sus-aponévrotique.


La berge inférieure du lambeau est incisée en regard des pédicules épigastriques superficiels qui se situent entre l’épine iliaque antérosupérieure et le pubis. Sous loupe de grossissement, ceux-ci sont disséqués. Leur trajet est alors superficiel et il convient de progresser prudemment. La veine qui est rencontrée en premier, puis l’artère qui est souvent plus profonde, sont contrôlées et disséquées jusqu’à leur origine. Cette dissection est importante. En effet, la longueur moyenne du pédicule de SIEA est de près de 6 cm. Cette longueur peut se révéler insuffisante pour réaliser les anastomoses dans de bonnes conditions. Il convient d’obtenir le maximum de longueur. Les branches collatérales sont ligaturées au fur et à mesure de la dissection. Une fois l’origine du vaisseau atteint, on évalue son diamètre. La veine est souvent de plus grand diamètre que l’artère. Un diamètre minimum de 1,5 mm à l’origine de la SIEA semble nécessaire pour avoir une anastomose fiable.


Une fois l’ensemble du pédicule disséqué et sécurisé, on poursuit la levée du lambeau en incisant toutes ses berges. Les perforantes du lambeau de DIEAP homolatérales sont disséquées. Les controlatérales sont ligaturées. Puis une épreuve de clampage des perforantes de la DIEA et de la SIEA controlatérale est réalisée. En cas de bonne perfusion du lambeau, les perforantes de la DIEA sont ligaturées et le lambeau est prélevé sur le pédicule superficiel.


La fermeture de la paroi abdominale obéit aux règles de l’abdominoplastie.



Lambeau de DIEAP



Bases anatomiques (figure 20.3)


L’artère épigastrique inférieure profonde naît de l’artère iliaque externe au-dessus du ligament inguinal. Elle chemine dans un tissu cellulograisseux en arrière des muscles rectus abdominis qu’elle va aborder en postérolatéral, en avant du péritoine et de l’aponévrose postérieure des muscles. L’artère est accompagnée de deux veines comitantes. Le trajet de l’artère épigastrique inférieure profonde est variable. Elle peut pénétrer le muscle à différents niveaux. Elle se sépare le plus souvent en une branche latérale et une branche médiale. Ces deux branches sont ascendantes. Dans moins d’un tiers des cas, il n’y a qu’une seule branche en position centrale [7].



Ces deux branches vont donner sur leur chemin plusieurs perforantes sous la forme de deux rangées, l’une latérale et l’autre médiale. La majeure partie des perforantes se trouvent autour de l’ombilic dans un rayon de 2 cm vers le haut, 6 cm vers le bas et latéralement. Ces perforantes vont traverser le muscle rectus abdominis, l’aponévrose antérieure, et pénétrer dans la graisse sous-cutanée. Le trajet intramusculaire des perforantes est variable. Le trajet est plus long pour les perforantes médiales que les perforantes latérales. Il peut être direct ou sinueux. Sur ce trajet, les perforantes donnent des branches collatérales musculaires.


Les perforantes latérales ont un diamètre le plus souvent plus important que les perforantes médiales.


Le drainage du lambeau de DIEAP est assuré par les veines épigastriques superficielles (SIEV) et par les veines comitantes des perforantes [6].



Dessin préopératoire (figure 20.4)image


La patiente est installée en décubitus dorsal. L’axe des abscisses (X) et des ordonnées (Y) est tracé, centré sur l’ombilic. À l’aide du compte rendu TDM, les perforantes sont marquées grâce à leurs coordonnées X et Y. Les meilleures perforantes en termes de diamètre, de trajet et donc de facilité de dissection sont repérées. Leur choix va dépendre du volume du sein à reconstruire, et de la forme de la palette cutanée nécessaire.



Si l’on retrouve, en préopératoire, des perforantes alignées sur l’axe des ordonnées, ceci peut être souligné. En peropératoire, on peut envisager leur prélèvement conjoint. Cette décision n’est prise que lorsque ce prélèvement conjoint n’impose pas le sacrifice transversal d’une tranche musculaire trop importante ou le sacrifice d’une branche nerveuse motrice. Dans certains cas, la perforante la plus intéressante est sus-ombilicale. Il est alors possible de déplacer le dessin de la palette du lambeau vers le haut en fonction de l’excédent cutanéograisseux disponible.


Le dessin de la palette cutanée doit trouver un équilibre entre le résultat esthétique du site donneur le plus satisfaisant, en se rapprochant du dessin elliptique de l’abdominoplastie, et le prélèvement d’un lambeau de DIEAP le plus adapté pour répondre au manque de volume et au manque de peau du sein à reconstruire.


Les pédicules épigastriques inférieurs superficiels peuvent être recherchés par doppler unidirectionnel et marqués au niveau de la limite inférieure du lambeau de DIEAP.


En cas de reconstruction mammaire bilatérale par double DIEAP, le dessin de la palette sera réalisé de la même manière, mais de façon bilatérale et en choisissant, de chaque côté de la ligne médiane, la perforante la plus adaptée. Il s’agira de deux hémi-DIEAP se séparant sur la ligne médiane sous-ombilicale.



Prélèvement du lambeauimage


La patiente est installée en décubitus dorsal, les bras le long du corps maintenus par des cale-bras avec le bord cubital des mains sous les fesses.


Le dessin opératoire a marqué les perforantes choisies.


L’incision débute par la berge inférieure, les pédicules superficiels sont disséqués. Si le diamètre de l’artère superficielle est suffisant, elle doit être disséquée jusqu’à son origine et gardée en cas de conversion en lambeau de SIEA. Si l’artère est de petit diamètre, la veine superficielle est quand même disséquée pour servir de superdrainage veineux en cas de lambeau congestif.


La berge supérieure est incisée jusqu’à la paroi abdominale, en appliquant une tension avec la main sur le lambeau abdominal pour recruter du tissu adipeux et augmenter le volume du lambeau.


Le lambeau adipocutané de DIEAP est ensuite levé de latéral en médial en commençant par le côté où se situe la perforante choisie. Tout en exerçant une tension vers le haut, le lambeau est progressivement levé (figure 20.5).



À l’approche des perforantes, on observe sur le lambeau graisseux des ramifications vasculaires qu’on peut aussi rencontrer sur l’aponévrose. La couleur bleue dans la graisse est aussi révélatrice de la proximité de la perforante. Sa position est vérifiée avec le marquage préopératoire de la TDM. Une fois abordé, le pédicule perforant est libéré sur toute sa périphérie, puis l’aponévrose antérieure des muscles rectus abdominis est ouverte avec les ciseaux, vers le haut et vers le bas dans l’orifice aponévrotique de la perforante. La dissection suit alors la perforante dans son trajet sous-aponévrotique. Il faut toujours se méfier d’un trajet sous-aponévrotique prolongé avant que la perforante ne pénètre dans le muscle. Quand ceci est le cas, l’ouverture de l’aponévrose peut léser la perforante. La dissection de la perforante dans son trajet musculaire peut être plus ou moins fastidieuse selon la longueur de ce trajet intramusculaire et le nombre de branches collatérales à destination du muscle. Cependant, la technique de dissection est la même.


La patiente doit être en curarisation continue pour éviter toute contraction musculaire pouvant léser accidentellement la perforante. La perforante ne doit pas être manipulée, mais les tissus qui lui sont adhérents doivent en être libérés pour que les vaisseaux soient squelettisés.


Les branches collatérales de la perforante doivent être disséquées une par une et clipées. Il faut éviter de laisser un tissu musculaire et adipeux adhérent à la perforante. Ceci empêche le contrôle du vaisseau sur tout son trajet et implique des séquelles du site donneur auquel elles sont arrachées.


Lors de la dissection, des nerfs sont rencontrés. Ils proviennent des rameaux intercostaux. Ceux qui suivent le trajet de la perforante sont des nerfs sensitifs à destination cutanée et ceux qui croisent les vaisseaux pour rejoindre le muscle sont des fibres motrices. Les branches motrices doivent être délicatement disséquées et préservées. Si, après TDM et dissection, deux perforantes se trouvent sur la même rangée verticale et rejoignent la même branche du pédicule épigastrique inférieur profond, on peut envisager de les disséquer et de les emporter pour fiabiliser le lambeau. Il faut garder à l’esprit qu’une perforante de bon calibre est largement suffisante pour perfuser un lambeau de DIEAP, et que la dissection d’une deuxième perforante rajoute un temps opératoire pour un bénéfice qui s’avère négligeable, à moins que les perforantes ne soient de tout petit calibre.


Dans le cas de prélèvement de deux perforantes, une branche motrice peut passer entre les deux pédicules. La levée du lambeau impose alors la section du nerf moteur. Celui-ci sera réparé secondairement sous microscope.


En poursuivant la dissection de la perforante en profondeur, on arrive dans l’espace rétromusculaire avec une atmosphère cellulograisseuse entourant l’artère épigastrique profonde inférieure. Vers le bas, le pédicule épigastrique profond est disséqué. Il donne des branches aux muscles rectus abdominis, qui doivent être contrôlées et clipées. Il réalise aussi fréquemment des anastomoses collatérales épipéritonéales, qui doivent aussi être contrôlées et clipées. Le respect de ces branches épipéritonéales est essentiel à la perfusion du muscle rectus épargné. Le pédicule épigastrique est soit latéral, soit médial, soit unique selon l’anatomie et selon la perforante choisie. Lors de la dissection caudale, la branche médiale ou latérale sera rencontrée et contrôlée puis clipée à distance, encore une fois, pour garder la possibilité de réaliser des anastomoses secondaires type superdrainage veineux avec une veine épigastrique inférieure superficielle.


En dessous de la ligne arquée, le pédicule flotte dans son atmosphère graisseuse sans aponévrose postérieure, mais au contact de l’aponévrose transverse toute fine et du péritoine. Il se dirige alors latéralement pour rejoindre l’artère iliaque externe. Ce trajet est disséqué le plus souvent en déplaçant avec un écarteur le muscle rectus abdominis latéralement et en disséquant le pédicule épigastrique profond jusqu’à son origine. Cette dissection est possible grâce à l’incision de l’aponévrose antérieure qui prend un trajet oblique vers l’extérieur, parallèle au trajet du pédicule profond.


Une fois l’ensemble du pédicule disséqué, la levée du lambeau se poursuit du côté controlatéral à la perforante de la même manière. Les perforantes sont liées progressivement jusqu’à rejoindre la ligne médiane.


Une fois le lambeau totalement libéré de la paroi abdominale (figure 20.6), on peut procéder au clampage du pédicule épigastrique inférieur profond, et le début du temps d’ischémie est noté. Pour isoler le lambeau, il convient de lier ou de cliper le pédicule distalement de façon fiable. Le pédicule est glissé sous le muscle sans aucune traction et il est étalé sur la partie graisseuse du lambeau afin d’éviter toute torsion ou traction. La veine épigastrique profonde inférieure peut être marquée avec un feutre pour pouvoir être facilement identifiée lors de l’anastomose. Le lambeau est pesé avant d’être transféré sur le site de l’anastomose.



La fermeture de l’aponévrose est un temps essentiel de cette chirurgie. En effet, l’épargne du muscle rectus abdominis et de l’aponévrose antérieure dans le lambeau de DIEAP ainsi que l’épargne des nerfs moteurs diminuent le risque de séquelles du site donneur. L’aponévrose qui a été incisée longitudinalement est suturée par des points séparés et un surjet en U de fil de résorption lente. En dessous de la ligne arquée, la suture doit solidariser les deux feuillets de l’aponévrose antérieure pour être suffisamment solide dans cette zone à risque de complication type voussure ou hernie secondaire.


La fermeture du site donneur peut se faire en même temps que la réalisation de l’anastomose. Tout en gardant la patiente en décubitus dorsal, on relève ses membres inférieurs sur la table opératoire pour réduire la tension cutanée. Cette approche réduit le temps opératoire de façon significative.


La fermeture cutanée du site donneur doit obéir aux exigences d’une véritable abdominoplastie. En effet, l’évaluation du site donneur ne doit pas se résumer à la fonction musculaire de la paroi abdominale. Elle doit aussi prendre en considération l’aspect esthétique du ventre après la reconstruction. En insistant sur la nécessité d’une reconstruction esthétique et fonctionnelle du sein, on ne saurait en exiger moins au niveau du site donneur.

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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 20: Reconstruction microchirurgicale du sein

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