Chapitre 2
Troubles de la conscience et atteintes neurologiques
L’évaluation et le traitement d’un patient présentant une atteinte neurologique sont des tâches parmi les plus difficiles que vous puissiez rencontrer. C’est particulièrement vrai si le patient présente des troubles de la conscience. La multiplicité des causes possibles et la difficulté de communiquer avec ces patients peuvent présenter un des défis les plus complexes que vous puissiez rencontrer. Ce chapitre vous aidera à le surmonter en vous fournissant les outils de base pour effectuer un examen neurologique, formuler un diagnostic différentiel, et enfin utiliser l’anamnèse et les résultats de votre examen pour déterminer la nature du problème, détecter ceux qui présentent une menace vitale et prendre les mesures nécessaires.
Attaque cérébrale.
accident vasculaire cérébral hémorragique
Accident vasculaire cérébral qui se produit quand un vaisseau endommagé se rompt.
accident vasculaire cérébral ischémique
Accident vasculaire qui se produit quand un caillot obstrue une artère du cerveau, diminuant la perfusion sanguine dans la région atteinte.
Incapacité d’exprimer les mots en raison d’une atteinte du centre du langage.
Maladresse et insécurité dans les mouvements dues à une atteinte du système nerveux central, le plus souvent du cervelet, responsable de la coordination des mouvements.
Trouble du langage où le sujet a du mal à prononcer les mots, mais les comprend bien (à distinguer de l’aphasie motrice où le sujet n’arrive plus à les comprendre et à les élaborer).
Particule qui part dans la circulation sanguine et qui va obstruer la circulation en se logeant dans une petite artère. Il s’agit le plus souvent d’un caillot sanguin, mais des fragments d’os, des globules de graisse ou des bulles d’air peuvent aussi constituer des emboles.
Atteinte causée par un déficit en thiamine (vitamine B1) et caractérisée par une triade de symptômes : confusion mentale, ataxie et ophtalmoplégie.
Toute perte de force d’un membre ou d’une partie du visage.
Faiblesse de la moitié gauche ou droite du corps, qui se manifeste habituellement du côté opposé à celui de la lésion cérébrale.
Paralysie ou faiblesse extrême de la moitié gauche ou droite du corps.
Appelé aussi attaque cérébrale ou accident vasculaire cérébral (AVC), se produit quand la circulation sanguine est coupée, ce qui provoque la mort des cellules cérébrales.
Liquide transparent légèrement citrin, servant à protéger le cerveau des chocs.
Anomalie de la fonction des muscles oculaires.
Information transmise par le corps au cerveau sur la position des différentes parties du corps.
sclérose latérale amyotrophique
Maladie caractérisée par une dégénérescence des motoneurones supérieurs et inférieurs, ce qui provoque un affaiblissement et une atrophie de la musculature volontaire.
Atteinte grave et irréversible avec altération des fonctions cognitives, en particulier de la mémoire, causée par un déficit prolongé en thiamine.
Caillot ou plaque de cholestérol obstruant une artère.
Incapacité de marcher normalement qui peut être due à une lésion du cerveau, de la moelle épinière, des membres inférieurs ou de l’oreille interne.
trouble de l’état de conscience
Tout comportement différent du comportement normal pour un patient donné.
Ce chapitre vous aidera à évaluer, traiter et orienter au bon endroit les patients présentant des troubles de la conscience. Nous nous fonderons sur vos connaissances pour développer votre jugement clinique, de façon à ce que vous puissiez formuler un diagnostic différentiel, traiter les menaces vitales, surveiller l’état du patient et intervenir si nécessaire. Nous passerons en revue les causes de l’altération de l’état de conscience, ainsi que les différents déficits neurologiques avec les signes et symptômes qui leur sont associés. Nous mettrons l’accent sur les points clés et indiquerons les éléments de l’anamnèse qui vous permettront de formuler un diagnostic provisoire (de travail) qui sera confirmé puis traité à l’hôpital. Tout comportement différent de ce qui est normal pour un patient donné constitue une altération de l’état de conscience. Un comportement qui est normal pour un individu donné peut ne pas l’être pour un autre, ce qui fait qu’une altération de l’état de conscience peut se manifester différemment suivant les individus. Les signes d’un trouble de l’état de conscience vont d’une légère désorientation à des troubles cognitifs très graves.
Cerveau et moelle épinière
Le cerveau ne représente que 2 % du poids de notre corps, mais c’est lui qui détermine ce que nous sommes. Ses milliards de neurones nous permettent d’interagir avec le monde qui nous entoure, de régler nos pensées et notre comportement, de déterminer notre intelligence et notre caractère, d’éprouver du plaisir ou de la douleur, de déterminer notre personnalité et stocker les souvenirs d’une vie entière. Grâce aux progrès de la science, en particulier grâce à des méthodes d’imagerie révolutionnaires, nous en savons aujourd’hui plus sur le cerveau qu’à n’importe quelle autre époque de l’histoire humaine.
Structures anatomiques protectrices
Le système nerveux central (SNC), qui comprend le cerveau et la moelle épinière, contient 98 % de tout le tissu nerveux présent dans le corps humain. Le cerveau lui-même est composé de tissu nerveux appelé matière blanche ou matière grise, selon sa localisation et sa fonction, et occupe 80 % du volume de la cavité crânienne. Le cerveau d’un adulte pèse 1,5 kg en moyenne, et est protégé à l’intérieur du crâne par le liquide céphalorachidien (LCR). Le LCR est un liquide transparent, légèrement citrin qui sert d’amortisseur au cerveau. Il est principalement constitué d’eau mais contient également des protéines, du sel et du glucose. La circulation du LCR à l’intérieur du crâne est décrite à la figure 2-1.
Figure 2-1 L’écoulement du liquide céphalorachidien. (Source : Patton K, Thibodeau G : Mosby’s handbook of anatomy and physiology, St Louis, 2000, Mosby.)
Le cerveau dispose en plus d’une autre protection, à savoir trois membranes appelées les méninges (figure 2-2). Le terme « méninge » vient d’un mot grec signifiant « membrane », utilisé dans les traités d’anatomie depuis les textes d’Aristote.
Figure 2-2 La dure-mère, l’arachnoïde et la pie-mère sont les trois couches des méninges. A. Vue de haut. B. Continuité avec les méninges de la moelle épinière. (Source : Drake R, Vogl W, Mitchell A : Gray’s anatomy for students, New York, 2005, Churchill Livingstone.)
Vascularisation
Constitué de milliards de neurones, le cerveau doit être perfusé et oxygéné par la circulation du sang. Si le débit sanguin est insuffisant, le cerveau devient hypoxique et le patient devient agité. Une trop haute concentration de dioxyde de carbone dans le sang rend le patient somnolent.
Les quatre principales artères irriguant le cerveau sont : les deux artères carotides internes et les deux artères vertébrales postérieures. Les deux artères vertébrales postérieures fusionnent pour former l’artère basilaire juste après leur entrée dans la boîte crânienne. L’artère basilaire perfuse le tronc cérébral et le cervelet. Ces deux artères se séparent à nouveau au niveau du polygone de Willis comme on le voit sur la figure 2-3.
Figure 2-3 La circulation cérébrale et le polygone de Willis à la base du cerveau. (Source : Seidel H, Ball J, Dains J, et al : Mosby’s guide to physical examination, ed 6, St Louis, 2006, Mosby.)
Régions fonctionnelles
Le cerveau est divisé en cinq régions : le cerveau (ou cortex cérébral), le cervelet, le diencéphale (ou « double cerveau »), le système limbique et le tronc cérébral.
Cerveau: Le cortex cérébral, également appelé cortex neuronal ou matière grise, est la couche extérieure du cerveau. Ce cortex est la partie noble du cerveau et comporte plus des deux tiers de sa masse en raison de ses nombreuses circonvolutions, cannelures et arêtes. La superficie du cortex cérébral est en réalité 30 fois supérieure à l’espace qu’il occupe. Chaque arête, ou gyrus, ou cannelure, ou scissure, est associée à une fonction cognitive fortement sélective. La figure 2-4 montre le cerveau et les autres structures principales du cerveau.
Hémisphères droit et gauche: Le cerveau est divisé en hémisphères gauche et droit. Structurellement et fonctionnellement, ils commandent les côtés controlatéraux du corps. Les hémisphères sont constamment interconnectés par l’intermédiaire des fibres nerveuses (dans le corps calleux) qui transmettent près de 4 milliards de potentiels d’action par seconde.
Lobes: Le cerveau est encore subdivisé en lobes, dont les noms correspondent aux os crâniens qui s’y trouvent en regard. Par exemple, le lobe frontal se situe sous l’os frontal. Les autres lobes sont le pariétal, le temporal et l’occipital. Chaque lobe et sa région correspondante du cortex cérébral possèdent une fonction spécifique. Le lobe frontal commande la fonction motrice, détermine la personnalité et l’élaboration de la pensée et de la parole ; le pariétal interprète les sensations corporelles, intègre la mémoire à long terme et interprète les sons ; et l’occipital est responsable de la vue.
Cervelet: La deuxième plus grande partie du cerveau, le cervelet, siège au-dessus du tronc cérébral et est postérieur au cerveau (voir figure 2-4). Le cervelet coordonne les mouvements, l’équilibre et la posture.
Diencéphale: Au centre du cerveau se trouve le diencéphale (voir figure 2-4). Le diencéphale inclut le thalamus et l’hypothalamus. Le thalamus, composé de matière grise, relaye les afférences sensorielles entre la moelle épinière et le cortex cérébral et abrite une grande partie du système d’activation réticulaire, qui est responsable de l’état d’éveil (transitions de sommeil/éveil). L’hypothalamus, qui n’est pas beaucoup plus grand qu’un noyau de cerise, a pour fonction le maintien de l’homéostasie dans le corps. Il relie les systèmes nerveux sympathique et parasympathique par l’intermédiaire de l’hypophyse. Les hormones de l’hypothalamus stimulent ou inhibent la sécrétion des hormones de l’hypophyse pour régler le rythme circadien (le cycle inné du sommeil), la soif et la faim, et d’autres fonctions.
Système limbique: Autour du thalamus se situent les structures du cerveau primitif, communément appelées système limbique (figure 2-5). Le système limbique comprend deux structures : l’amygdale et l’hippocampe. Le système est relié au cortex préfrontal du lobe frontal.