2. Symptômes, formes, évolution

Chapitre 2. Symptômes, formes, évolution


La SEP est une affection inflammatoire auto-immune du SNC touchant préférentiellement l’adulte jeune. La symptomatologie clinique est polymorphe [1, 2]. Les symptômessymptômes initiaux les plus fréquents sont sensitifs, oculaires et moteurs (tableau 2.1).



































































Tableau 2.1 AtteintesensitiveAtteintemotriceSymptômes et signes initiaux en fonction de l’âgeâge de début de la SEP [2]
Âge Nombre de patients Névrite optique (%) Atteinte (%) Atteinte aiguë (%) Atteinte motrice insidieuse (%) Diplopie, vertiges (%) Ataxie (%)
< 20ans 131 22,9 46,5 6,1 3,8 17,6 13,7
20–29ans 435 22,8 52,2 7,3 6,2 12,4 11,3
30–39ans 310 13,2 44,2 6,8 14,5 11,0 14,8
40–49ans 173 9,2 33,5 2,9 30,6 16,8 12,7
> 49ans 47 6,3 31,9 4,2 46,8 12,8 10,6
Total 1 096 17,2 45,4 6,2 13,9 12,9 13,2


Manifestations motrices

motricesIl s’agit le plus souvent d’une monoparésie ou paraparésie, et plus rarement d’une hémiparésie. L’installation est parfois aiguë, «pseudovasculaire», avec une symptomatologie franche accompagnée de troublestroubles sensitifsTroublessensitifs. Le plus souvent, les signes de début sont progressifs, insidieux, se révélant par une fatigabilité motrice, une réduction du périmètre de marche ou la constatation d’un syndrome pyramidal témoignant de l’atteinte des voies motrices.


Troubles visuels

La névrite optique rétrobulbaire est l’atteinte visuelle la plus fréquente. Elle est classiquement monoculaire. Elle débute souvent par une douleur à la mobilisation du globe oculaire suivie par une baisse de l’acuité visuelle d’installation subaiguë et d’intensité variable. L’examen retrouve un signe de Marcus Gunn, correspondant à une atteinte de la voie pupillaire afférente. Il est mis en évidence en éclairant alternativement les pupilles avec l’apparition paradoxale d’une dilatation pupillaire bilatérale. L’examen du champ visuel peut révéler un scotome central ou paracentral. Le fond d’œil est normal dans 2/3 des cas, mais peut retrouver un œdème papillaire modéré dans 1/3 des cas et plus rarement des périphlébites rétiniennes. Concernant la vision des couleurs, une dyschromatopsie est parfois observée sans axe spécifique. Il peut s’y associer une baisse de la vision des contrastes. L’évolution habituelle se fait vers une récupération en quelques semaines de façon complète ou partielle. Une uvéite peut être un symptôme rencontré dans la SEP, mais sa fréquence reste rare; il s’agit le plus souvent de pars planite.


Troubles sensitifs

TroublessensitifsIls sont variés : paresthésies, dysesthésies, sensations de ruissellement, de marcher sur du coton, impression de striction, de peau cartonnée… Ils peuvent être en taches ou prédominer au niveau des extrémités ou prendre un caractère systématisé, avec par exemple un niveau supérieur. Tous les modes de sensibilité peuvent être touchés. L’atteinte proprioceptive est fréquente, se manifestant par une démarche talonnante, ataxique aux membres inférieurs et une ataxie de la main aux membres supérieurs. L’examen retrouve une atteinte de la pallesthésie, une épreuve du Romberg perturbée, des perturbations de la marche du funambule. Le signe de Lhermitte est un symptôme caractéristique évocateur de la SEP. Il se manifeste par une sensation de décharges électriques à l’antéflexion de la nuque et traduit une atteinte cordonale postérieure cervicale.


Manifestations cérébelleuses

ManifestationscérébelleusesElles s’observent majoritairement dans les formes évoluées de SEP. Elles sont souvent associées à d’autres symptômes déficitaires, notamment moteurs, ce qui les rend difficiles à mettre en évidence. Le syndrome cérébelleux est statique et/ou cinétique, généralement complété par une dysarthrie cérébelleuse, caractérisée par une voix scandée. Il est de mauvais pronostic puisqu’il ne régresse que rarement. Le tremblement cérébelleux peut être extrêmement invalidant.


Atteintes du tronc cérébral et nystagmus

Les troubles oculomoteurs sont fréquents au cours de la SEP, et sont responsables d’une diplopie. La paire crânienne la plus souvent lésée est la VIe, puis la IIIe. Les lésionslésions de la bandelette longitudinale postérieure sont responsables de l’ophtalmoplégie internucléaire antérieure.

Les autres atteintes des nerfs crâniens observées peuvent être : une paralysie faciale périphérique, une névralgie du trijumeau et/ou des troubles de la sensibilité dans le territoire du nerf trijumeau (un déficit du V est évocateur d’une SEP chez un sujet jeune)…

La présence d’un nystagmus est fréquente.

Des vertiges rotatoires, des troubles de la déglutition, une dysarthrie sont également des symptômessymptômes rencontrés dans la SEP. La surdité, quant à elle, est rare.


Troubles sphinctériens et génitaux

sphinctériens et génitauxLes troubles vésicosphinctériens sont fréquents au cours de la maladie et responsables d’un handicaphandicap majeur. Ils peuvent être présents dès le début de l’affection dans 10 % des cas, atteignant 80 à 90 % des cas au cours de l’évolution. Ils sont représentés d’une part par des mictions impérieuses ou urgenturie, une pollakiurie, une incontinence urinaire témoignant d’une hyperactivité vésicale, et d’autre part par une dysurie, conséquence de l’hypocontractilité du détrusor et/ou dyssynergie vésicosphinctérienne.

Les troubles fécaux sont probablement sous-estimés.

Les troubles sexuels sont fréquents au cours de la SEP, rapportés dans les deux sexes.


Troubles de l’humeur

Ils seront abordés dans un autre chapitre de ce livre.


Fatigue

FatigueLa fatigue est une plainte très fréquemment rapportée par les patients atteints de SEP (50 à 90 % des cas). Elle peut être le symptôme le plus invalidant et est considérée par une majorité de patients comme l’un des trois symptômes les plus sévères de leur maladie. Elle apparaît parfois chez les malades avant les premiers signes cliniques neurologiques déficitaires. Elle est souvent responsable d’un arrêt précoce de l’activité professionnelle.

La fatigue rencontrée dans cette affection est une sensation subjective exprimée de façon différente par les patients. Ses caractéristiques comparées à la fatigue normale sont toutefois bien différentes. Elle apparaît rapidement après un effort minimal et le temps de récupération est plus long. Elle est plus fréquente et plus sévère que la fatigue normale. Cette fatigue peut être responsable d’une exacerbation des autres symptômes de la maladie. La chaleur est un facteur influençant l’état de fatigue. Les liens entre fatigue et troubles cognitifs seront développés plus loin.


Effets de la chaleur

La chaleur (augmentation de la température corporelle, effort physique) est responsable chez certains patients d’une aggravation ou de l’apparition de symptômes ou signes neurologiques. C’est le phénomène d’Uhthoffphénomène d’Uhthoff.


Évaluation clinique fonctionnelle

Afin d’évaluer le handicap fonctionnel des patients, plusieurs échelles ont été proposées, mais une seule est actuellement utilisée sur le plan international. L’invalidité est évaluée à l’aide de l’échelle de Kurtzke, notamment dans sa version détaillée (EDSS : Expanded Disability Status ScaleEDSS : Expanded Disability Status Scale), chiffrée de 0 (examen neurologique normal et absence de signes ou symptômessymptômes rapportés) à 10 (correspondant au décès survenu du fait de la SEP). Elle n’est pas strictement cardinale, puisque partant de 0 puis allant à 1 et ensuite s’aggravant de 1/2 en 1/2 point. De plus, en fonction de son niveau, elle ne teste pas la même chose. Classiquement, de 0 à 4, elle teste les données de l’examen clinique neurologique puis, de 4 à 7, elle étudie essentiellement les données d’ambulation (périmètre de marche, aides fonctionnelles), et enfin, de 7 à 9, elle varie selon les données fonctionnelles liées au handicap lourd. Les différents paramètres considérés étudient les fonctions pyramidale, cérébelleuse, du tronc cérébral, sensitive, sphinctérienne, visuelle et cérébrale. Elle ne teste que très médiocrement les gênes fonctionnelles, qui peuvent être majeures, comme les atteintes visuelles, les atteintes des membres supérieurs, les troubles cognitifs et la fatiguefatigue. Les difficultés de cotation de l’atteinte cognitive rendent imprécise l’évaluation du handicaphandicap global, d’où l’importance de développer des outils adaptés.

Malgré ces défauts, elle est devenue incontournable non seulement pour les études cliniques mais aussi en pratique quotidienne. Elle demeure la référence et aucune alternative n’a réellement fait la preuve de sa supériorité et de sa simplicité (relative). Statistiquement, elle est utilisée comme une échelle ordinale [3].

Le score composite ou Multiple Sclerosis Functional Composite (MSFC)Multiple Sclerosis Functional Composite (MSFC) est une autre échelle de mesure du handicap, composée de 3 axes : la marche chronométrée sur 8 mètres, un test de dextérité manuelle (9 hole peg test) et la PASATPASAT, qui étudie les capacités attentionnelles et de concentration. Il est d’utilisation moins aisé que l’EDSSEDSS, et paraît complémentaire en évaluant l’atteinte des membres supérieurs et les fonctions cognitives [4].


Modes de début et formes évolutives de la SEP

Au début, deux modes d’évolution sont distingués :


• la formeforme rémittenteformerémittente est la plus fréquente, rencontrée dans 85 % des cas. Elle se caractérise par des pousséespoussées cliniques et des rémissions. Ces dernières peuvent laisser des séquelles neurologiques irréversibles. Elle affecte plutôt l’adulte jeune, la moyenne d’âge se situant aux alentours de 30ans, avec une prépondérance féminine (sex-ratio = 2,5, voire 3 femmes/1 homme);


• la forme progressive primaireformeprogressive primaire, représentant 15 % des cas, est définie par une aggravation progressive du handicap évoluant sur une période d’au moins 6 à 12 mois. L’âgeâge de début de cette forme est plus tardif, environ 40ans, et le sex-ratiosex-ratio proche de 1. Elle peut être entrecoupée ou non de poussées.

Concernant les formes rémittentes, l’évolution peut se faire soit sur un mode rémittent, soit vers une forme secondairement progressiveformesecondairement progressive, avec ou sans poussées surajoutées.

Selon la classification de Lublin et Reingold (1996), quatre formes cliniques sont distinguées (figure 2.1) [5] :


• la formeforme rémittenteformerémittente;


• la formeforme secondairement progressiveformesecondairement progressive;


• la formeforme progressive primaireformeprogressive primaire;


• la formeforme progressive rémittenteformeprogressive rémittente.








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Figure 2.1
Les différentes formes évolutives de la SEP [5].


L’évolution de la SEP et son pronostic sont hétérogènes et considérés comme peu prévisibles. Les formes évolutives sont variables et peuvent correspondre à des indications thérapeutiques différentes. La grande variabilité de l’évolution, allant de formes asymptomatiques jusqu’à des formes très sévères, gêne considérablement le médecin dans les informations qu’il peut donner aux patients sous la forme de conseils pour les principales orientations de vie.

Globalement, l’évolution de la SEP reste conditionnée par les deux événements cliniques fondamentaux que sont d’une part la poussée et d’autre part la progression. La poussée est définie par l’apparition de nouveaux symptômes, la réapparition d’anciens symptômes ou l’aggravation de symptômes préexistants. Elle survient de manière rapide, aiguë – mais non brutale –, en quelques heures à quelques jours, jusqu’à une phase de plateau suivie d’une phase de récupération plus ou moins complète. Selon la définition internationale issue d’un consensus d’experts, la poussée doit durer plus de 24 heures. Des phénomènes paroxystiques, une fatiguefatigue isolée, ou des symptômes survenant dans un contexte d’effort physique (phénomène d’Uhthoffphénomène d’Uhthoff) ou d’élévation de la température corporelle (d’origine infectieuse, élévation de la température extérieure…) ne correspondent pas à une poussée. Ces phénomènes ne sont pas en rapport avec la survenue d’une nouvelle lésion mais plutôt liés à un bloc de conduction – complet ou incomplet – survenant au sein d’une lésion ancienne, entraînant une dégradation temporaire de la conduction nerveuse. Par consensus, la survenue de nouveaux symptômessymptômes sur un délai inférieur à 30 jours sera considérée comme appartenant à une même poussée [6, 7].

Une SEP récurrente-rémittente (SEP-RR) est définie par la survenue de pousséespoussées avec ou sans séquelles. Elle se différencie de la phase progressive, qui peut être entrecoupée ou non de poussées. Les poussées ont une importance secondaire comparativement à la progressionprogression dans la sévérité du handicaphandicap neurologique d’un patient donné.

Les signes cliniques neurologiques de la poussée sont très variables et sont le reflet de la localisation – a priori aléatoire – de la (ou des) lésion(s) responsable(s). Ainsi la poussée est reconnue comme étant l’expression d’une ou de plusieurs lésionslésions focales aiguës inflammatoires démyélinisantes atteignant le système nerveux central. Dans les SEP-RR, la deuxième poussée survient au cours des deux premières années chez environ la moitié des patients. En moyenne, 2 à 3 % des patients atteints de SEP-RR entrent chaque année dans une phase progressive secondaire (SEP secondairement progressive, ou SEP-SP). La médiane de délai de survenue de cette phase de SEP-SP est chiffrée actuellement à environ 15 à 20ans, en sachant que certains facteurs initiaux sont en rapport avec un risque précoce de survenue de cette phase progressive, et notamment l’âgeâge des patients. Plus l’âge aux premiers symptômes est tardif, plus court est le délai d’entrée dans la phase secondairement progressive. D’autres caractéristiques des poussées sont considérées comme étant des facteurs prédictifs cliniques de risque d’incapacité précoce, dont l’existence d’une poussée initiale laissant d’emblée des séquelles ou d’expression polysymptomatique – en faveur de l’expression clinique d’au moins deux lésions –, et le nombre important de poussées dès les premières années de la maladie.

Les résultats issus de cohortes (notamment les cohortes lyonnaises, scandinaves, canadiennes et plus récemment bretonnes et lorraines) ont décrit les principales caractéristiques de compréhension de l’histoire naturelle de la SEP. Tout d’abord, il semble que la mortalité de cette population (survie globale de 35 à 40ans) soit peu modifiée, sauf peut-être pour les patients lourdement handicapés (cohorte bretonne). Globalement, un niveau de handicaphandicap entraînant une gêne définitive à la marche (avec néanmoins un périmètre restant supérieur à 500 mètres sans aide ni arrêt), correspondant à un EDSS à 4, est atteint avec une médiane de 8ans. La nécessité d’une aide constante à la marche (EDSS = 6) survient autour de 20ans d’évolution et celle de l’aide constante d’un fauteuil roulant (EDSS = 7) autour de 30ans pour les médianes obtenues sur ces principales cohortes. De même, il apparaît que, au-delà d’un seuil correspondant à un EDSS = 4, l’accumulation ultérieure de l’incapacité n’est plus influencée par la nature de l’évolution initiale (récurrente-rémittente ou progressive d’emblée). Le principe de «processus amnésique» de l’évolution de la maladie face aux événements initiaux a été décrit par Confavreux et Vukusic. De la même façon, l’incapacité semble essentiellement dépendante de l’âgeâge du patient à un instant donné plutôt que du type évolutif de la maladie [8,16].

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Jun 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 2. Symptômes, formes, évolution

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