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Pharmacologie orthopédique
Amené à prescrire certains médicaments, le chirurgien orthopédiste doit connaître d’une part les bases théoriques nécessaires à une bonne prescription, et d’autre part les caractéristiques pharmacologiques et les précautions d’emploi des produits constituant sa palette usuelle. Quand c’est nécessaire, il doit savoir recourir à des références détaillées, que ce chapitre ne se propose nullement de remplacer [4].
Analgésiques
Des douleurs insuffisamment soulagées représentent une souffrance considérable pour le patient, ses proches, voire l’équipe soignante.
Elles s’accompagnent d’un risque accru de complications (perte de mobilité, instabilité végétative, ulcère de stress, pneumonie nosocomiale, dépression, etc.) et donc d’augmentation de la durée de séjour pour les patients hospitalisés.
Dans la majorité des cas, l’antalgie n’exige pas de connaissances sophistiquées. Il faut :
Principes généraux
Conduite du traitement antalgique
Le schéma de prise en charge consiste en une boucle itérative : Évaluation – Traitement – Réévaluation – Adaptation du traitement.
L’étiologie de la douleur doit être activement recherchée et spécifiquement traitée.
L’objectif recherché doit être défini et quantifié et l’efficacité du traitement mesurée régulièrement.
Toute douleur intense prévisible doit être prévenue.
L’OMS résume ainsi les modalités de traitement indiquées dans un document dédié à la douleur cancéreuse, mais valable pour l’antalgie en général :
• par voie orale chaque fois que c’est possible (by the mouth). L’administration intraveineuse, surtout en bolus, est à éviter car elle est moins sûre (risque d’infection, inconfort du cathéter et effet de pic favorisant les effets indésirables et, chez les patients prédisposés, la dépendance) ;
• de manière régulière et continue afin d’assurer une couverture efficace (by the clock) ;
• selon l’intensité des douleurs en paliers (by the ladder) ;
• en commençant à petites doses et en les adaptant progressivement via l’utilisation de réserves (start low, go slow) ;
• de manière individualisée (for the individual) ;
• avec souci du détail (attention to detail).
• lorsque le traitement ne « marche pas », il faut savoir remettre rapidement en cause tous les éléments qui conditionnent son efficacité (notamment cause et type des douleurs, qualité de l’évaluation, choix de la molécule, posologie, adhérence thérapeutique, présence de facteurs pouvant augmenter le risque de douleurs réfractaires, etc.).
Évaluation de la douleur
Comme tout autre symptôme, la douleur s’évalue par l’anamnèse et l’examen clinique. L’examen clinique ne sera pas abordé ici. L’anamnèse précisera le site douloureux, le type de douleur, son intensité, son début, le moment auquel elle apparaît, les facteurs aggravant ou diminuant la douleur, le sens que le patient lui attribue, ses répercussions fonctionnelles, affectives et sociales, et les effets des traitements antérieurs.
Deux aspects sont particulièrement importants : le type et l’intensité de la douleur.
Type de douleur
Plusieurs types de douleur différents peuvent se rencontrer simultanément chez un même patient. Les identifier et les distinguer est important car différents types de douleur relèvent de traitements différents.
– douleur aiguë (< 3 mois, en général < 1 mois),
– douleur chronique (> 3 mois), difficile à traiter car s’accompagne de mécanismes de renforcement et de répercussions thymiques et fonctionnelles majeures,
– douleur par excès de nociception ou inflammatoire (par lésion tissulaire de différents mécanismes),
– douleur neuropathique (par lésion d’une structure nerveuse périphérique ou centrale : symptômes à type de brûlure, paresthésie, électricité, etc.),
– douleur fonctionnelle (sensation douloureuse sans lésion organique sous–jacente).
En général, les douleurs liées à un cancer sont évolutives (nécessitant une adaptation régulière des modalités et de l’intensité du traitement) et grandement influencées par le contexte psychosocial (nécessitant un traitement multidisciplinaire et une attention à toutes les dimensions de la personne malade).
Intensité de la douleur
La douleur est un signe vital. Elle doit être évaluée aux moments clés de la prise en charge puis à une fréquence dépendant de sa gravité et de son évolution dans le temps.
Elle s’évalue sur la base de ce qu’en dit explicitement le patient (auto-évaluation) ou sur la base de ce que l’on peut observer du patient (hétéro-évaluation).
Il existe de nombreux questionnaires et échelles ad hoc que nous ne détaillerons pas ici (ex : EVA).
Choix du traitement
Les douleurs par excès de nociception se traitent selon les trois paliers de l’OMS.
Les douleurs neuropathiques, difficiles à traiter, nécessitent souvent un avis spécialisé.
Les douleurs fonctionnelles ne seront pas traitées ici ; souvent chroniques et accompagnées d’un trouble psychiatrique, elles nécessitent également une prise en charge spécifique.
Le choix du traitement prend en compte les caractéristiques de la ou des douleur(s) et celles du patient (âge, sexe, poids, fonction rénale, éventuellement fonction hépatique), l’efficacité et la sécurité attendues du traitement, les recommandations de la littérature et celles en vigueur dans la structure de soins où l’on travaille.
Toujours s’interroger sur la possibilité d’approches non médicamenteuses (physiques, psychologiques, complémentaires et alternatives, spirituelles).
Considérations pratiques
Au-delà du premier palier, le médecin est conduit à employer des médicaments moins familiers que le paracétamol et les anti-inflammatoires.
La plupart des opioïdes font l’objet d’une surveillance particulière (carnet à souches en ambulatoire, tenue sous clé et comptage des stupéfiants à l’hôpital). De ce fait et comme il s’agit de médicaments à marge thérapeutique étroite, il convient d’exercer une vigilance toute particulière lors de la prescription.
On s’assurera que la taille de l’emballage prescrit concorde avec la durée prévue du traitement, que la galénique et la concentration permettent une administration aisée de la posologie prévue, et que la personne gérant le traitement en a bien compris les modalités et les risques.
Il faut prescrire en quantité et non en volume ; une prescription optimale détaille quantité, volume et concentration, par exemple « morphine 2 mg/mL, 12 mg = 6 mL toutes les 4 h ».
Avec la galénique liquide, vérifier la méthode de prélèvement de la dose et donner les concordances entre quantité et volume sous la forme la plus pratique (mL ou gouttes ou unité doseuse).
S’il peut être utile d’associer deux antalgiques ayant des mécanismes d’action différents, il est inutile et dangereux de prescrire plusieurs antalgiques agissant de la même manière (risque accru d’effets indésirables sans accroissement d’efficacité).
Même si de nombreux antalgiques sont aujourd’hui à disposition, mieux vaut se familiariser avec l’emploi de quelques substances choisies qui permettront de traiter efficacement et en sécurité une majorité de patients.
Toute prescription d’opioïdes doit s’accompagner d’un traitement laxatif énergique en raison de l’effet indésirable constant, durable et souvent majeur qu’est la constipation, qui peut elle-même entraîner des complications et des douleurs. L’objectif est une exonération quotidienne.
Douleurs par excès de nociception
Premier palier
Paracétamol (Dafalgan, Perfalgan)
Mécanisme : inhibiteur de la cyclo-oxygénase avec tropisme préférentiel pour le système nerveux central (cerveau et moelle épinière). Disponible par voie orale, rectale, parentérale.
Pharmacocinétique : métabolisme hépatique (CYP 3A4, CYP 2E1), demi-vie 4–5 h.
EI (effets indésirables) : toxicité hépatique (par un métabolite), particulièrement chez les patients alcooliques et dénutris, ou en présence d’inducteurs enzymatiques des cytochromes qui augmentent la production du métabolite toxique. Attention à la présence de paracétamol dans des préparations combinées (Zaldiar, etc.). Éviter si possible la voie IV (intraveineuse : coûteuse et rarement impérative).
Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Ibuprofène (Irfen, Brufen)
Mécanisme : inhibiteur de la cyclo-oxygénase surtout actif en périphérie (inflammation, production du stimulus douloureux), mais également doté d’effets centraux. Voie orale uniquement, disponible sous forme retard.
Pharmacocinétique : forte liaison aux protéines plasmatiques (99 %). Métabolisme hépatique (CYP 2C9). Courte demi-vie plasmatique (1,5–2 h), peu de risque d’accumulation. Métabolites inactifs éliminés par voie rénale.
EI : comme tous les AINS : toxicité gastro-intestinale, inhibition de l’agrégation plaquettaire, rétention hydrosodée, néphrotoxicité.
Posologie : 600–1 200 mg/j en 3 prises, maximum 2 400 mg/j. Formes retard (800 mg).
Métamizole (Novalgin)
Mécanisme : également inhibiteur de la cyclo-oxygénase. Promédicament, 8 métabolites connus, métabolite actif = 4-amino-antipyrine à action analgésique, spasmolytique et antipyrétique. Disponible par voie orale et parentérale.
Pharmacocinétique : excrétion majoritairement rénale des métabolites.
EI : à n’employer qu’à très court terme dans le contexte de l’urgence ou du postopératoire immédiat. À proscrire en cas d’atteinte significative de la fonction rénale ou hépatique. Risque de réactions d’hypersensibilité, dont agranulocytose (rare mais potentiellement mortelle : surveiller la formule sanguine).
Posologie : 1 000–3 000 mg/j en 3–4 prises, maximum 4 000 mg/j.
Coxibs (célécoxib – Celebrex et étoricoxib – Arcoxia)
Mécanisme : inhibiteurs sélectifs de la cyclo-oxygénase 2 (= inductible par opposition à la cyclo-oxygénase 1 = constitutive). Indiqués dans l’arthrose, la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante (célécoxib) ; l’arthrose (étoricoxib). Voie orale uniquement.
Pharmacocinétique : forte liaison aux protéines plasmatiques, métabolisé dans le foie (CYP 2C9, qui présente un polymorphisme génétique), demi-vie de 8–12 h (célécoxib). Métabolisme hépatique (CYP), élimination rénale des métabolites, demi-vie 22 h (étoricoxib).
EI : troubles gastro-intestinaux relativement fréquents ; des ulcères ou hémorragies gastro-intestinales sont possibles. Bénéfice statistiquement démontré en termes de réduction de toxicité gastro-intestinale, souvent aboli en pratique par la fréquente prescription concomitante d’acide acétylsalicylique à titre cardioprotecteur. Éviter l’association avec l’acide acétylsalicylique et les AINS. À utiliser à la plus petite dose possible et le moins longtemps possible du fait d’une augmentation du risque cardiovasculaire.
Deuxième palier
Codéine (en association avec le paracétamol : Co-Dafalgan)
Mécanisme : action analgésique centrale nettement plus faible que celle de la morphine ; l’efficacité antalgique repose largement sur une déméthylation en morphine par le CYP 2D6 (attention au polymorphisme génétique). Voie orale uniquement.
Pharmacocinétique : cf. Morphine.
EI : attention à la présence concomitante de paracétamol. Peu maniable (association fixe, dose maximale limitée par celle du paracétamol). Moins efficace que la morphine mais effets indésirables identiques.
Posologie : dans l’indication antalgique, disponible uniquement en association avec le paracétamol : comprimés de 500 mg de paracétamol/30 mg de codéine. Posologie 1–2 cp jusqu’à 4 fois/j (maximum 4 g/j de paracétamol).
Tramadol (Tramal)
Mécanisme : activité essentiellement monoaminergique (peut être utile dans les douleurs neuropathiques). Métabolite actif 2–4 fois plus puissant sur les douleurs nociceptives par une action agoniste opioïde. Disponible sous forme de capsules, comprimés retard, solution, ampoules pour injection SC (sous-cutanée) (éviter IV), suppositoires.
Pharmacocinétique : métabolisme hépatique avec implication des CYP 3A4, 2B6 et 2D6. Demi-vie du tramadol : 6 h, du métabolite actif : 8 h. Excrétion rénale du tramadol et des métabolites.
EI : ne jamais prescrire en gouttes mais en mg. Ne pas confondre les deux formes liquides disponibles : gouttes en flacon de 10 mL (1 mL = 40 gouttes = 100 mg), et solution en flacon doseur de 50 mL (1 pression = 5 gouttes = 12,5 mg). Peu dépresseur respiratoire mais beaucoup moins puissant que la morphine et dose maximale rapidement atteinte. Coût supérieur. Risque de syndrome sérotoninergique en cas d’association aux inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine. Risque d’interactions via les CYP.
Posologie : 100 mg de tramadol = 10 mg de morphine. Même posologie PO (per os) que SC. Commencer par 50 mg 3–4 fois/j chez l’adulte en bonne santé, titrer, dose maximale 400 mg/j (200 mg/j chez le sujet âgé polymorbide).
Buprénorphine (Temgésic, Transtec)
Mécanisme : agoniste partiel. Disponible sous forme sublinguale (absorption par la muqueuse buccale, début d’action après 60–90 min), parentérale (préférer SC) et transdermique. Premier choix en cas d’insuffisance rénale.
Pharmacocinétique : forte liaison aux protéines plasmatiques (96 %). Métabolisme hépatique par glucuroconjugaison et CYP 3A4, cycle entérohépatique des métabolites qui sont éliminés par voie rénale. Demi-vie 5 h.
Posologie : en sublingual : ne pas croquer ni avaler les comprimés. Commencer par 0,1–0,2 mg/6–8 h, titrer ; surveillance clinique accrue si plus de 4 mg/j. En SC : réduire de 25 à 50 % la dose sublinguale. En transdermique (timbres) : forme retard à n’utiliser que lors de douleurs bien contrôlées par posologie stable d’une forme brève ; s’assurer d’un bon état cutané pour une absorption efficace et se rappeler que toute augmentation de la température cutanée (fièvre) augmente l’absorption. Début d’action lent (plein effet après 24 h seulement, couvrir les douleurs par forme brève pendant ce temps). Remplacer le timbre au bout de 96 h. Longue demi-vie (30 h) après retrait du timbre. Modulation des doses possibles en coupant un timbre ou en en appliquant plusieurs à la fois ; attention à ne pas oublier de timbres en place et à faire une rotation des emplacements.
Troisième palier [5]
Regroupe les opioïdes dits « forts ». Les opioïdes agonistes-antagonistes (pentazocine, nalbuphine, butorphanol) et ceux ayant des métabolites toxiques (péthidine, dextropropoxyfène) sont contre-indiqués. La morphine reste le premier choix en raison du long recul de son utilisation, de sa facilité d’emploi et de son faible coût.
Il n’existe pas de dose efficace standard ; le traitement doit toujours être individualisé. On commence par une forme de brève durée d’action, prescrite à la fois d’office et sous forme de réserves. Les réserves sont à proposer jusqu’à 1 fois/h. La titration consiste soit à calculer chaque jour la quantité totale d’opioïde utilisée par le patient et à la répartir en un même nombre de prises d’office pour le jour suivant, en prescrivant à nouveau des réserves, etc., soit à augmenter la posologie journalière par paliers pouvant atteindre 30 % par jour. La quantité prescrite par réserve sera de 10 % environ de la dose journalière donnée d’office (à individualiser).
En cas d’effets indésirables intolérables sous un opioïde, on changera de substance (rotation) en tenant compte des équivalences analgésiques et des éventuelles nouvelles voies de métabolisation. Les effets indésirables constants (pas de tolérance) sont le myosis (signe d’imprégnation aux opiacés mais pas forcément de surdosage) et la constipation citée plus haut. Les signes évocateurs de surdosage sont des myoclonies, une somnolence, un état confusionnel, une hypoventilation, une bradycardie. Enfin, on rappelle le risque de sevrage et la nécessité d’arrêter progressivement le traitement.
Morphine
Mécanisme : agoniste des récepteurs aux endorphines, modulateurs physiologiques de la perception douloureuse. Disponible sous forme de solution orale, comprimés (Sevredol), solution pour administration parentérale ; formes standard ou retard (MST Continus) ; différentes concentrations des formes liquides.
Pharmacocinétique : métabolisme hépatique sans intervention des CYP avec production entre autres de morphine-3-glucuronide (55 %) et de morphine-6-glucuronide (10 % ; métabolite actif 10 fois plus puissant que la morphine en termes d’effet antalgique mais aussi de dépression respiratoire). Demi-vie de la morphine 1–5 h ; élimination rénale de la morphine et des métabolites.
EI : toujours prescrire en mg. Risque d’accumulation en cas d’insuffisance rénale : suivi clinique étroit ou buprénorphine d’emblée en cas de clairance de la créatinine < 30 mL/min, buprénorphine d’emblée si clairance de la créatinine < 10 mL/min.
Posologie : dose initiale PO 10 mg/4 h (adulte en bonne santé), 5 mg/4 h (patient âgé en bon état général), 2,5 mg/4 h (patient âgé en mauvais état général). Pas de dose maximale théorique (à titrer individuellement : certains patients sont bien soulagés avec des doses journalières faibles, d’autres nécessiteront des doses journalières beaucoup plus élevées). Pour passer de la forme PO à la forme SC, diviser par 2 ; pour passer de la forme PO à la forme IV, diviser par 3.
Fentanyl (Sintenyl, Durogésic, Actiq, Abstral, Effentora)
Mécanisme : agoniste opioïde complet. Diverses voies d’administration : transbuccale, sublinguale, parentérale, transdermique. Utile pour douleurs incidentes.
Pharmacocinétique : métabolisme hépatique (CYP 3A4), métabolites inactifs. Élimination des métabolites par voie rénale. Forme transcutanée caractérisée par une absorption très retardée avec une importante inertie du développement des concentrations sanguines.
EI : utilisation parentérale à réserver au spécialiste (palliatologue, anesthésiste) et aux structures de soins permettant une surveillance clinique adéquate. Forme transdermique plus sûre mais pouvant occasionner des variations d’exposition importantes. Élimination ralentie en cas d’insuffisance rénale mais pose rarement problème en dehors d’insuffisance rénale sévère ; suivi clinique étroit si clairance de la créatinine < 30 mL/min. Risque d’interactions médicamenteuses via les CYP.
Posologie : beaucoup plus puissant que la morphine (100 μg de fentanyl = 10 mg de morphine). En transdermique (timbres) : forme retard transdermique à n’utiliser que lors de douleurs bien contrôlées par posologie stable d’une forme brève ; s’assurer d’un bon état cutané pour une absorption efficace et se rappeler que toute augmentation de la température cutanée (fièvre) augmente l’absorption. Début d’action 4–12 h après l’application, couvrir les douleurs par forme brève pendant ce temps. Remplacer le timbre/72 h. Longue demi-vie (20 h) après retrait du timbre. Attention à ne pas oublier de timbres en place et à faire une rotation des emplacements. En cas de dose > 300 μg/h, envisager un autre opioïde. Équivalence avec la morphine : dose de fentanyl en μg/h = dose de morphine par 24 h, en mg, divisée par 3,6.
Oxycodone (Oxynorm, Oxycontin)
Mécanisme : agoniste opioïde complet. Disponible sous forme de gouttes (Oxynorm), capsules et comprimés retard (Oxycontin), pas de forme parentérale.
Pharmacocinétique : absorption biphasique des comprimés retard Oxycontin (demi-vie initiale rapide 0,6 h, 2e phase plus lente 6,9 h). Métabolisme hépatique (CYP 3A4 et 2D6), avec métabolites actifs. Demi-vie de l’oxycodone 3–4 h. Élimination rénale de l’oxycodone et des métabolites.
EI : ne pas confondre Oxynorm et Oxycontin. Ne jamais prescrire en gouttes, mais en mg (pas d’équivalence entre gouttes et mg ni gouttes et mL, prélèvement par pipette doseuse !) Risque d’accumulation en cas d’insuffisance rénale. Risque d’interactions via les CYP.
Posologie : dose initiale 5 mg/4–6 h, à titrer. La forme retard se donne toutes les 12 h.
Hydromorphone (Palladon, Jurnista)
Existe sous forme de capsules, capsules et comprimés retard, solution pour injection.
Pharmacocinétique : cf. Morphine.
EI : moins maniable que la morphine (doses unitaires fixées par la composition des capsules et comprimés) et plus coûteux. Utile à titre d’opioïde de rotation en cas d’intolérance à la morphine.
Posologie : plus puissant que la morphine (1,3 mg d’hydromorphone = 10 mg de morphine).
Méthadone
Mécanisme : agoniste opioïde complet. À réserver pour les douleurs stables ; pourrait être un peu plus efficace sur la composante neurogène que d’autres opioïdes. Existe sous forme de gouttes, de comprimés et de solution pour injection.
Pharmacocinétique : durée d’action après administration parentérale 4–6 h, après administration orale jusqu’à 22–48 h. Métabolisme hépatique passablement variable (CYP 2B6 et 3A4). Élimination biliaire et rénale des métabolites. Inhibiteur des CYP 2D6 et 3A4.
EI : risque d’accumulation en raison de la longue demi-vie. Pour cette raison, peu maniable. Risque d’allongement du QT. Nombreuses interactions médicamenteuses via les CYP.
Posologie : en dose unique, puissance comparable à celle de la morphine ; à doses répétées, la demi-vie étant longue, posologie journalière de 1/10e de celle de la morphine.
Coanalgésiques
Ils ne remplacent pas les antalgiques « classiques » décrits ci-dessus mais sont utiles en association avec eux pour traiter des étiologies douloureuses spécifiques.
Antiarthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL)
Sulfate de chondroïtine (Condrosulf)
Mécanisme : mucopolysaccharide (origine : cartilage de poisson), « chondroprotecteur ». L’excipient contient du sorbitol. Disponible en sachets, comprimés et capsules. Indiqué pour gonarthrose, coxarthrose, arthrose des doigts.
Pharmacocinétique : pic plasmatique après 5–6 h. Accumulation dans le cartilage démontrée chez l’animal, augmentation dans le liquide synovial documentée chez l’homme.
EI : troubles gastro-intestinaux. Rétention hydrique possible (effet osmotique).
Posologie : 800 mg 2 fois/j (traitement d’attaque), 800 mg 1 fois/j (entretien), par cures de 2–3 mois.
Acide zolédronique (Zometa)
Mécanisme : biphosphonate, inhibe la résorption osseuse. Indiqué pour les douleurs lors de métastases osseuses. Administration IV.
Pharmacocinétique : grande variabilité interindividuelle. Élimination sous forme inchangée par voie rénale, très lente à partir du tissu osseux (demi-vie 150 h et plus).
EI : réaction pseudo-grippale et myoarthralgies le jour de l’administration. Risque d’ostéonécrose de la mâchoire : faire bilan dentaire et éventuels travaux avant toute administration. Risque de néphrotoxicité : adapter à la fonction rénale, assurer une hydratation optimale, surveiller les électrolytes. Contre-indiqué si clairance de la créatinine < 30 mL/min.
Posologie : 4 mg (ampoule de 5 mL à diluer avec 100 mL de NaCl 0,9 % ou glucose 5 %), à perfuser lentement (sur 15 minutes au moins), toutes les 3 à 4 semaines. Prescrire 500 mg de calcium et 400 UI de vitamine D par jour par voie orale.
Calcitonine (Miacalcic)
Mécanisme : hormone polypeptidique inhibant l’activité des ostéoclastes. Antalgique vraisemblablement par action directe au niveau du système nerveux central. Indiqué dans les douleurs liées aux fractures vertébrales ostéoporotiques, pour autant que le traitement débute dans les 10 jours ; maladie de Paget ; algodystrophie.
Pharmacocinétique : Très peu de données. Le taux plasmatique ne prédit pas l’effet thérapeutique.
EI : Risque d’allergie (rare). Fatigue et douleurs articulaires fréquentes. Interaction avec le lithium (diminution des concentrations plasmatiques de lithium). Inhibe les sécrétions gastriques et pancréatiques exocrines.
Posologie : S’administre par voie nasale (200 UI/j) ou parentérale (SC ou IM [intramusculaire], à réserver aux patients intolérants au spray nasal) 100 UI/j, pendant 2–4 semaines.
Corticoïdes
Prednisone/prednisolone
Mécanisme : action anti-inflammatoire, antiallergique et immunosuppressive via l’induction de la transcription de messagers cellulaires. L’effet prend donc plusieurs heures à se développer et dure 30–36 h. Puissance glucocorticoïde environ 4 fois plus élevée que le cortisol, effet minéralocorticoïde 0,6 fois celui du cortisol.
Pharmacocinétique : métabolisme hépatique de la prednisone en prednisolone biologiquement active. Préférer la prednisolone en cas d’affection hépatique (effet thérapeutique équivalent). Métabolisme de la prednisolone dans différents tissus, dont le foie (CYP 3A4), en métabolites inactifs qui sont éliminés par voie rénale.
EI : administration aiguë : risque de diabète, de rétention hydrosodée, d’ulcère digestif, d’infection, d’insomnie, d’agitation, de décompensation psychiatrique, d’état confusionnel. Administration chronique : comme en aigu + risque de myopathie (amyotrophie des quadriceps), d’ostéoporose, de modifications cutanées. Arrêter progressivement le traitement si administration sur plus de 10 jours.
Posologie : à individualiser selon le patient et le type de maladie sous-jacente ; donner la plus faible dose efficace sur le plus court laps de temps possible. Administrer le matin.
Dexaméthasone (Fortecortin)
Mécanisme : comme la prednisone. 1 mg de dexaméthasone = 7,5 mg de prednisone.
Pharmacocinétique : éliminée principalement sous forme inchangée par les reins, en partie métabolisme hépatique (CYP 3A4), excrétion rénale des métabolites.
Posologie : à individualiser en donnant la plus faible dose efficace sur le plus court laps de temps possible. Administrer le matin.
Les coanalgésiques utiles en cas de douleurs neuropathiques sont présentés ci-dessous.
Douleurs neuropathiques
Antiépileptiques
Prégabaline (Lyrica)
Mécanisme : analogue du GABA (Gamma-Aminobutyric Acid), se lie à une sous-unité du canal au calcium voltage-dépendant dans le système nerveux central. Diminue la libération de différents neurotransmetteurs (y compris glutamate, noradrénaline et substance P).
Pharmacocinétique : élimination rénale sous forme inchangée.
EI : risque de sédation, de vertiges et d’hypersensibilité. Risque de sevrage. Risque légèrement accru d’idées/comportements suicidaires. À adapter à la fonction rénale.
Posologie : posologie initiale 150 mg/j en 2–3 prises. Augmentation possible à 300 mg/j sur 3–7 jours. Dose maximale 600 mg/j après un intervalle supplémentaire de 7 jours.