2: Mécanisme des fractures

Chapitre 2 Mécanisme des fractures



Les facteurs qui entrent en considération dans l’établissement d’une fracture sont multiples. Sans vouloir être exhaustif citons pêle-mêle : force, résistance, contrainte, architecture vertébrale, anisotropie, module d’élasticité, seuil de rupture, vitesse ou durée du traumatisme, lieu d’application des forces, niveau d’énergie, rôle des parties molles. Ces facteurs sont bien connus pour le squelette appendiculaire [1]. Mais qu’en est-il pour le rachis ? Pourquoi un traumatisme affecte-t-il plutôt la vertèbre que le segment mobile rachidien, plutôt le corps vertébral que l’arc postérieur ? Comment évolue la séquence des lésions ? Peut-on prévoir le risque fonctionnel ou neurologique ? À ce jour et faute de modèle expérimental validé, nous ne pouvons que constater les dégâts. Des réponses semblent se dessiner sur les bases de la théorie des éléments finis. En attendant, nous nous contenterons d’une approche purement sémiologique, en proposant un ensemble d’images clés qui par exclusion ou association contribuera au diagnostic. Nous prendrons pour modèle une vertèbre type laissant volontairement de côté, par soucis de clarté, la charnière cervico-occipitale en raison de sa complexité anatomique et biomécanique.



Architecture vertébrale


Elle intervient de plusieurs manières dans la genèse des lésions.




Vertèbre


Le corps vertébral et les processus articulaires constituent les piliers de la vertèbre. Ils sont réunis entre eux par les pédicules en avant et les lames en arrière. Ces piliers, comme n’importe quel autre os de l’organisme, ont une résistance propre à chaque type de traumatismes. L’arc neural, principalement formé d’os corticodiaphysaire de type haversien, peut être assimilé à un segment diaphysaire, le corps vertébral essentiellement constitué d’os spongieux à une chondro-épiphyse. La trabéculation du corps vertébral reproduit les lignes de force. Les travées verticales témoignent des contraintes en compression, les travées horizontales des contraintes en traction. Leur enchevêtrement explique en partie la résistance croissante à la compression de l’avant vers l’arrière, du mur antérieur à l’isthme en passant par le mur postérieur (fig. 2.1). Cette analogie entre vertèbre et os long a son équivalent dans la pathogénie des lésions traumatiques. Elle permet le réemploi de la terminologie des fractures appendiculaires avec leur sous-entendu biomécanique. On peut donc parler de :






Ligaments


On décrit des ligaments communs continus à plusieurs vertèbres et des ligaments discontinus siégeant uniquement entre deux vertèbres adjacentes.


Le ligament longitudinal antérieur (LLA) s’étend du clivus à la deuxième pièce sacrée. Il est formé de plusieurs couches fibreuses. Les fibres profondes adhèrent au périoste de la face antérieure des corps vertébraux et pontent l’annulus fibrosus. Les fibres superficielles et longues assurent une contention passive qui limite l’extension.


Le ligament longitudinal postérieur (LLP) prolonge la membrana tectoria. Il s’étend de la face postérieure de C2 au sacrum. Sa structure rejoint, à quelques différences près, celle du ligament commun antérieur. L’adhérence aux corps vertébraux est globalement moindre. Les fibres profondes entrent directement en contact avec celles de l’anneau fibreux. À l’étage cervical, le LLP recouvre toute la face postérieure du corps vertébral et contribue avec le disque à la stabilité vertébrale. À l’étage thoracolombaire, il se rétrécit, ne couvre plus qu’une partie du corps vertébral, mais garde des expansions latérales en regard des disques intervertébraux. Sa contribution à la stabilité fait encore l’objet de discussions. Son rôle est plutôt de contenir les hernies discales en regard contre la moelle et les racines.


Le ligament supra-épineux est un cordon fibreux fixé sur les bords libres des processus épineux. Au rachis cervical, il est remplacé par le ligament nucal qui donne insertion aux muscles superficiels de la nuque.


Le ligament jaune se caractérise par sa grande richesse en fibres élastiques permettant un allongement de 5 à 50 %. Au-delà de 50 %, la rigidité augmente et permet d’absorber une grande quantité d’énergie avant que la rupture ne survienne.


La place des ligaments intertransversaires et interépineux reste encore à définir.





Courbures rachidiennes


L’ensemble des unités fonctionnelles constitue le rachis. Louis le considère comme un système à trois colonnes reposant principalement sur l’empilement des piliers et de leur moyen d’union. Les courbures rachidiennes facilitent l’équilibre du rachis, renforcent sa résistance aux contraintes en compression d’un facteur 10 par rapport à une colonne rectiligne. Elles sont une réponse à l’érection du tronc. La lordose cervicale apparaît dès que l’enfant commence à soutenir sa tête, puis passe, sous l’action conjuguée de la croissance des corps vertébraux et l’orientation des processus articulaires, par des phases de majoration et de diminution. La lordose lombaire apparaît secondairement vers la deuxième année lors de l’apprentissage de la marche. Elle se caractérise par une augmentation rapide du volume discal L4–L5 et une position plus centrale du nucléus pulposus sur le plateau vertébral. Les courbures alternées du rachis – lordoses cervicale et lombaire, cyphoses thoracique et sacrococcygienne – sont définitivement fixées pendant la puberté. Parallèlement à ces courbures, on remarque, dans le plan axial, une disposition particulière des processus articulaires. L’orientation des interlignes zygapophysaires est adaptée aux conditions biomécaniques propres à chaque étage : en bas et en avant pour la flexion–extension au rachis cervical, en avant et en dedans pour la rotation axiale au rachis thoracique, en arrière et en dedans pour le verrouillage au rachis lombaire (fig. 2.3). L’ensemble, comprenant les trois colonnes de Louis, les courbures et les articulations zygapophysaires, conditionne la déformation plastique du rachis, et prédispose chaque segment à des lésions traumatiques plus ou moins spécifiques.



May 29, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 2: Mécanisme des fractures

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