Chapitre 2 Maladies infectieuses
Les infections restent la cause principale de morbidité et de mortalité humaines, particulièrement dans les pays en voie de développement où elles sont associées à la pauvreté et à la surpopulation. Bien que la prévalence des maladies infectieuses ait diminué dans les pays industrialisés en raison de la prospérité, des vaccinations et du recours aux antibiotiques, des souches de micro-organismes résistant aux antibiotiques et des maladies comme l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ont émergé. La mobilité mondiale croissante et le changement climatique ont contribué à la dispersion des maladies infectieuses à l’échelle mondiale. Chez la personne âgée et le sujet immunodéprimé, une infection peut se manifester de manière atypique avec peu de signes locaux, les réactions physiologiques normales à l’infection (fièvre et parfois neutrophilie) pouvant être diminuées ou absentes. Un degré élevé de suspicion est requis pour ces populations.
En France, la déclaration des maladies infectieuses spécifiques est une obligation légale (tableau 2.1) ; celles-ci sont indiquées dans le texte par l’abréviation MDO, mise en exposant, pour « maladie à déclaration obligatoire ». En fait, reconnaître et rapporter certaines infections est une pratique internationale. La déclaration comporte, outre la mention de la maladie, divers détails démographiques qui permettent d’analyser des tendances locales et nationales, de retrouver la source et de prendre les mesures de prévention. La déclaration obligatoire met en jeu deux procédures successives : le signalement et la notification. Les médecins et les biologistes qui suspectent ou diagnostiquent une des maladies à déclaration obligatoire doivent les signaler sans délai et par tout moyen approprié (téléphone, télécopie) au médecin inspecteur de santé publique de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) de leur lieu d’exercice. La notification intervient après le signalement et le plus souvent après confirmation du diagnostic. Les médecins ou les biologistes notifient le cas au médecin inspecteur de santé publique de la Ddass du lieu d’exercice au moyen d’une fiche spécifique à chaque maladie. Les fiches de notification sont téléchargeables sur le site de l’Institut de veille sanitaire.
Botulisme |
Brucellose |
Charbon |
Chikungunya |
Choléra |
Dengue |
Diphtérie |
Fièvres hémorragiques africaines |
Fièvre jaune |
Fièvre typhoïde et fièvres paratyphoïdes |
Hépatite aiguë A |
Infection aiguë symptomatique par le virus de l’hépatite B |
Infection invasive à méningocoque |
Infection par le VIH quel qu’en soit le stade |
Légionellose |
Listériose |
Orthopoxviroses dont la variole |
Paludisme autochtone |
Paludisme d’importation dans les départements d’outre-mer |
Peste |
Poliomyélite |
Rage |
Rougeole |
Saturnisme de l’enfant mineur |
Suspicion de maladie de Creutzfeldt-Jakob et autres encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles humaines |
Tétanos |
Toxi-infection alimentaire collective |
Tuberculose |
Tularémie |
Typhus exanthématique |
Examens habituels en cas de maladie infectieuse
• Analyses sanguines. Dans la plupart des cas, on demande un hémogramme complet, une vitesse de sédimentation (VS), le taux de la protéine C réactive (CRP), un profil biochimique, les taux d’urée et des électrolytes.
• Imagerie. Pour identifier et localiser les infections, on peut recourir à la radiographie, à l’échographie, à la tomodensitométrie (TDM), à l’imagerie par résonance magnétique (IRM). La tomographie par émission de positons (TEP) (voir le Glossaire) et la tomographie par émission monophotonique (TEM) se sont avérées utiles à la localisation d’infections, particulièrement lorsqu’elles sont combinées avec la TDM. Un guidage par échographie ou TDM facilitera la prise de biopsie ou une aspiration tissulaire pour examen microbiologique.
• La scintigraphie après injection de globules blancs (prélevés chez le patient) marqués par un traceur radioactif, comme l’indium ou le technétium, peut aider à localiser l’infection. Le procédé est particulièrement efficace en cas de leucocytose élevée et s’avère très utile à la localisation d’abcès occultes.
Fièvre d’origine inconnue
On parle de fièvre d’origine inconnue (FOI) lorsqu’elle dure depuis plus de 2 semaines, sans diagnostic clair, malgré des investigations intensives et appropriées. Chez les adultes, c’est une infection occulte qui reste la cause la plus fréquente (tableau 2.2).
Infection (20–40 %) | Abcès, par exemple hépatique, pelvien, sous-phrénique |
Tuberculose | |
Endocardite infectieuse | |
Toxoplasmose | |
Virus : Epstein-Barr, cytomégalovirus | |
Infection primaire par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) | |
Cancer (10–30 %) | Lymphome |
Leucémie | |
Carcinome à cellules rénales | |
Carcinome hépatocellulaire | |
Vasculite (15–20 %) | Maladie de Still de l’adulte |
Polyarthrite rhumatoïde | |
Lupus érythémateux disséminé | |
Granulomatose de Wegener | |
Artérite à cellules géantes | |
Pseudopolyarthrite rhizomélique | |
Divers (10–25 %) | Fièvre médicamenteuse |
Thyrotoxicose | |
Maladie inflammatoire intestinale | |
Sarcoïdose | |
Hépatite granulomateuse, par exemple tuberculose, sarcoïdose | |
Fièvre factice (substitution de thermomètre, injection de substances pyrogènes) | |
Fièvre méditerranéenne familiale | |
Sans diagnostic (5–25 %) |
Examens
• hémogramme complet, avec formule leucocytaire et un frottis sanguin ;
• électrolytes et urée, biochimie hépatique et glucose sanguin ;
• hémocultures – plusieurs prélèvements dans des sites différents et à des moments différents ;
• microscopie et culture de l’urine, d’expectoration et des selles ;
• imagerie abdominale par échographie, TDM ou IRM pour détecter un abcès occulte ou un cancer ;
• échographie pour la détection d’une endocardite infectieuse ;
• biopsie du foie et, parfois, de la moelle osseuse ; chez la personne âgée, une biopsie de l’artère temporale (voir chap. 17) devrait être envisagée ;
Septicémie
• Bactériémie signifie la présence transitoire de micro-organismes dans le sang (en général sans causer de symptômes) comme conséquence d’une infection locale ou d’une plaie perforante.
• Le terme de septicémie est réservé au tableau clinique causé par une réaction inflammatoire systémique à une infection (voir chap. 12).
L’inflammation est destinée normalement à contenir localement une infection. Les leucocytes polynucléaires, les macrophages et les lymphocytes sont activés et libèrent des médiateurs inflammatoires, notamment le facteur de nécrose tumorale, l’interleukine-1 (IL-1), le facteur activateur des plaquettes, l’IL-6, l’IL-8, des interférons et des eicosanoïdes. Dans certains cas, la libération des médiateurs dépasse les limites du foyer local et conduit à une réaction généralisée qui touche les tissus normaux. Les symptômes cliniques comprennent : fièvre, tachycardie, accélération de la respiration et hypotension. Sans traitement, une septicémie est souvent mortelle ; elle requiert donc une attention immédiate. La pathogénie et le traitement du choc septique sont décrits au chapitre 12.
Étiologie
En général, environ 40 % des cas sont la conséquence de bactéries à Gram positif et 60 % à Gram négatif. Des champignons sont beaucoup plus rarement en cause, mais ils peuvent être impliqués en cas d’immunodéficience. Chez un adulte auparavant en bonne santé la septicémie peut survenir à partir d’une infection pulmonaire, notamment une pneumonie, urinaire (souvent des bactéries à Gram négatif en forme de bâtonnets, ou biliaire (souvent, Enterococcus faecalis, Escherichia coli). Chez les consommateurs de drogue par voie intraveineuse, Staphylococcus aureus et Pseudomonas sp. sont le plus souvent responsables. Chez les patients hospitalisés, les points de départ sont une blessure, une canule urinaire à demeure et des cathéters intraveineux.
Caractéristiques cliniques
• Certains staphylocoques produisent l’exotoxine appelée toxine-1 du syndrome de choc septique, qui se caractérise par une poussée abrupte de fièvre, une éruption cutanée, de la diarrhée et un choc. L’origine peut être une infection des tampons hygiéniques utilisés par les femmes, mais ce syndrome peut survenir chez tout un chacun, notamment les enfants (à la suite d’une intoxication alimentaire [NdT]).
• Le syndrome de Waterhouse-Friderichsen, le plus souvent causé par Neisseria meningitidis, est fatal rapidement s’il n’est pas traité. Il se manifeste par un choc et des éruptions purpuriques. Une hémorragie surrénalienne entraînant une insuffisance peut compliquer le syndrome.
Infections virales communes
Les infections virales touchant un seul organe (ou système) sont décrites dans les chapitres concernant celui-ci ; par exemple, le rhume causé par un rhinovirus est traité au chapitre 11, qui est consacré aux maladies respiratoires.
RougeoleMDO
Le virus de la rougeole fait partie des paramyxoviridés ; ceux-ci ont un génome constitué d’ARN monocaténaire. Depuis les campagnes de vaccination intensive, l’incidence de la rougeole a chuté dans les pays occidentaux (là où les recommandations vaccinales ont été respectées), mais elle reste fréquente dans les pays en développement, où elle entraîne une morbidité et une mortalité élevées. L’infection, qui confère une immunité définitive, se propage par les gouttelettes de sécrétions durant une période qui va de 4 jours avant l’apparition de l’éruption cutanée aux 4 jours qui suivent. Après quoi, la personne infectée peut retourner au travail ou à l’école.
Caractéristiques cliniques
Après une période d’incubation de 8 à 14 jours, la maladie évolue en deux phases.
• Stade catarrhal avant l’éruption. Les manifestations sont : fièvre, toux, rhinorrhée, conjonctivite et les pathognomoniques taches buccales de Koplik, qui sont de petites lésions grisâtres au contour irrégulier sur une base érythémateuse, le plus souvent à l’intérieur des joues.
• Stade de l’éruption ou de l’exanthème. Il est caractérisé par la présence d’une éruption maculopapuleuse qui apparaît d’abord sur le visage pour s’étendre ensuite à tout le corps. L’éruption devient confluente et tachetée, puis disparaît en une semaine environ.
OreillonsMDO
Les oreillons sont également causés par un paramyxovirus, répandu par les gouttelettes de sécrétions. La période d’incubation est en moyenne de 18 jours.
RubéoleMDO
La rubéole, causée par un virus à ARN, a une incidence maximale vers 15 ans. La période d’incubation est de 14 à 21 jours. Au cours du prodrome, le patient se plaint de malaise, de fièvre et l’on peut palper des ganglions dans les régions sous-occipitales, postauriculaires, et cervicales postérieures. Une éruption maculaire rosâtre apparaît sur la face et le tronc après environ 7 jours et dure jusqu’à 3 jours.
Syndrome de rubéole congénitale
Une infection maternelle durant la grossesse peut affecter le fœtus, particulièrement si elle survient durant le premier trimestre. Le syndrome de rubéole congénitale est caractérisé par la présence de malformations cardiaques, de lésions oculaires (surtout des cataractes), une microcéphalie, un handicap mental et une surdité. L’infection virale peut également persister dans le foie, les poumons et le cœur, entraînant une hépatomégalie, une pneumonie et une myocardite. Les effets tératogènes de la rubéole soulignent l’importance de la vaccination afin de prévenir l’infection maternelle.
Virus herpès
Virus herpès simplex (VHS)
• une stomatite herpétique avec ulcérations buccales, fièvre et adénopathies locales ;
• un panaris herpétique : une lésion cutanée d’un doigt donne accès au virus, qui déclenche la formation de vésicules irritantes ;
• une infection disséminée chez des patients immunodéprimés.
Examens
Le diagnostic est souvent clinique. Un diagnostic ferme est posé par la détection du virus dans les lésions, habituellement par la détection de l’ADN du VHS par PCR. L’encéphalite à herpès simplex est décrite au chapitre 17.
Virus du zona et de la varicelle
Varicelle
Chez l’enfant, l’infection primaire par ce virus cause une maladie bénigne, mais chez les adultes et les immunodéprimés, elle peut être grave.
Zona
Après l’infection primaire, le virus reste latent dans les ganglions des racines dorsales et/ou dans les ganglions des nerfs crâniens ; sa réactivation cause un zona. Un patient peut contaminer par contact, particulièrement si les vésicules suintent, une personne non immunisée et déclencher chez elle une varicelle.
Mononucléose infectieuse et infection par le virus d’Epstein-Barr
La mononucléose infectieuse, causée par le virus d’Epstein-Barr (EBV), touche surtout les jeunes adultes. L’EBV est transmis par la salive et les gouttelettes de sécrétions. Il est aussi l’agent principal de la leucoplasie orale chevelue chez les patients atteints du syndrome d’immunodéficience humaine acquise (sida), du lymphome de Burkitt, du carcinome nasopharyngé, du lymphome post-transplantation et du lymphome immunoblastique des patients atteints de sida.
Infections bactériennes
La plupart des infections bactériennes sont décrites dans le cadre des maladies de système, par exemple le chapitre 17 pour les méningites et le 11 pour les pneumonies.
Borréliose ou maladie de Lyme
La borréliose est une maladie inflammatoire multisystémique causée par le spirochète Borrelia burgdorferi ; parfois, par d’autres espèces de Borrelia. L’infection est propagée par les tiques Ixodes à partir de cerfs et d’autres mammifères sauvages. Le pathogène est répandu en Europe et en Amérique du Nord, mais récemment des cas ont été observés en Afrique et Amérique du Sud. L’infection, qui survient dans les zones rurales boisées, est plus fréquente au printemps et en été.
Caractéristiques cliniques
• Le premier stade, 7 à 10 jours après l’infection, est caractérisé par un érythème migrant (EM) autour de la morsure et par des symptômes non spécifiques comme de la fièvre, des céphalées, des myalgies et un malaise général. L’EM est pathognomonique de la maladie de Lyme. Cette éruption érythémateuse peut atteindre 5 à 6 cm en plusieurs jours et former des anneaux ressemblant à une cible de tir à l’arc.
• Au deuxième stade, des semaines ou des mois plus tard, peuvent survenir des troubles neurologiques (méningoencéphalite, neuropathies crâniennes ou généralisées), cardiaques (myocardite, troubles de conduction) ou articulaires.
• Les patients peuvent rester fatigués et souffrir de douleurs musculosquelettiques durant des mois ou des années (forme chronique de la maladie de Lyme) après le traitement de l’épisode aigu, mais on n’a pas la preuve que la cause soit la persistance de l’agent infectieux.
Examens
La sérologie mettra en évidence des anticorps IgM durant le premier mois, puis des anticorps IgG.
LeptospiroseMDO
Cette zoonose est causée par un spirochète à Gram négatif, Leptospira interrogans, présent dans l’urine d’animaux. Il peut contaminer une plaie cutanée ou traverser une muqueuse intacte. Les personnes qui travaillent au contact d’animaux ou qui exercent des activités dans un environnement où vivent des rats ou d’autres rongeurs (par exemple des égouts ou un lac) sont plus à risque.
Fièvre au retour d’un voyage
Les voyages intercontinentaux exposent fréquemment à la fièvre, le paludisme étant la cause la plus fréquente lors de déplacements dans les pays tropicaux. L’infestation par Plasmodium falciparum peut être rapidement fatale. Aussi, une fièvre chez ce type de patient doit souvent être considérée comme une urgence. Le tableau 2.3 donne la liste des maladies auxquelles sont exposés les voyageurs revenant des tropiques ; dans environ 25 % des cas, la cause n’est pas identifiée. Les affections les plus fréquentes seront décrites en détail plus loin dans le chapitre.
Paludisme | 80 % d’infections spécifiques* |
Hépatite virale | |
Maladie fébrile sans relation avec le voyage à l’étranger | |
Dengue | |
Infection intestinale (fièvre typhoïde ou paratyphoïde) | |
Gastro-entérite Rickettsiose Leptospirose Schistosomiase Abcès hépatique amibien Tuberculose Infection aiguë à VIH Autres |
* Y compris les infections respiratoires et urinaires.
Démarche diagnostique
• Une description détaillée des déplacements : dates (pour l’évaluation de la période d’incubation ; tableau 2.4), pays visités, séjour en zone rurale (où le risque d’infection est plus grand) ou urbaine, exposition aux vecteurs (moustiques, tiques, mouches, escargots dulcicoles transmetteurs de schistosomes).
• Risque de contamination par du sang ou des aiguilles (transfusion sanguine, intervention chirurgicale, partage d’aiguilles, acupuncture).
• Vaccination et prophylaxie : si le patient a été vacciné récemment contre la fièvre jaune, l’hépatite A et B, une infection par un de ces virus est improbable, car ces vaccins sont très efficaces ; le vaccin contre la fièvre typhoïde l’étant moins, cette infection reste possible. Le paludisme doit toujours être envisagé, même chez les personnes qui ont pris des mesures prophylactiques (médicaments antipaludiques et protection contre les moustiques).
• Des antécédents de rapport sexuel non protégé peuvent suggérer un infection aiguë par le VIH (voir plus loin dans ce chapitre) ou par le virus de l’hépatite B (voir chap. 4).
Période d’incubation | Infection |
---|---|
Courte (< 10 jours) | Arbovirus (notamment la dengue), infections bactériennes intestinales, paratyphoïde, peste, typhus, fièvres hémorragiques |
Moyenne (10–21 jours) | Paludisme (peut être beaucoup plus longue), fièvre typhoïde (rarement 3–60 jours), typhus des broussailles, fièvre de Lassa, trypanosomiase africaine, brucellose, leptospirose |
Longue (> 21 jours) | Hépatite virale, tuberculose, VIH, schistosomiase, abcès hépatique amibien, leishmaniose viscérale, filariose |
Examens
• Hémogramme complet avec formule leucocytaire.
• Tests de la goutte épaisse et du frottis ainsi que la technique rapide des bandelettes pour un diagnostic éventuel de paludisme.
• Biochimie hépatique, glycémie, électrolytes et urée.
• Hémoculture et culture des selles.
• Analyses urinaires par bandelettes, microscopie et culture.
• Prélèvement de sérum en phase aiguë en vue du suivi du titre de certains anticorps.
PaludismeMDO
La figure 2.1 montre les zones tropicales et subtropicales où le protozoaire parasite est présent. Chaque année, 500 millions de personnes sont atteintes, entraînant une mortalité de 0,2 % qui, dans les zones endémiques, touche surtout les enfants. Ceux qui survivent acquièrent une immunité significative. Dans les pays particulièrement exposés, la réponse immunitaire exacerbée par des infestations répétées conduit à une splénomégalie importante avec anémie et des taux élevés d’IgM (splénomégalie palustre hyperactive, syndrome de splénomégalie tropicale). Dans ce syndrome, les parasites sont rares ou absents et la maladie répond à un traitement antipaludique prolongé.
Figure 2.1 Paludisme – distribution géographique.
(Reproduit à partir du site http://gamapserver.who.int/mapLibrary/Files/Maps/Global_Malaria_2010.png avec l’autorisation de l’Organisation mondiale de la santé.)
Étiologie
Quatre parasites paludiques infestent les humains. Plasmodium falciparum est, de loin, le plus dangereux ; les symptômes peuvent passer rapidement d’une fièvre aiguë et de grands frissons à une défaillance grave de plusieurs organes, au coma et à la mort. Traitée avec succès, cette forme de paludisme ne récidive pas. Les autres parasites paludiques, P. vivax, P. ovale et P. malariae causent un syndrome plus bénin. Cependant, les infestations par P. ovale et P. vivax peuvent comporter des rechutes, et celle due à P. malariae peut devenir chronique et persister pendant des mois ou des années.
Caractéristiques cliniques
La période d’incubation varie :
L’infection à P. falciparum (tableau 2.5) est une urgence médicale car l’état des patients peut se détériorer rapidement. Les formes cliniques suivantes sont reconnues et sont susceptibles de se développer lorsque plus de 1 % des globules rouges sont parasités.
• Le paludisme cérébral cause une diminution de la conscience, de la confusion, des convulsions, un coma et finalement la mort. Une hypoglycémie, qui est une complication de paludisme grave, peut se manifester de manière similaire et doit donc être exclue.
• La fièvre hémoglobinurique se caractérise par l’émission d’urine de coloration noirâtre, conséquence d’une grave hémolyse intravasculaire.
Système nerveux central | Conscience diminuée, convulsions |
Reins | Fièvre hémoglobinurique, oligurie, urémie (nécrose tubulaire aiguë) |
Sang | Anémie (hémolyse, dysérythropoïèse), coagulation intravasculaire disséminée, saignements, par exemple hémorragies rétiniennes |
Voies respiratoires | Tachypnée, syndrome de détresse respiratoire aiguë |
Métabolisme | Hypoglycémie (particulièrement chez les enfants), acidose métabolique |
Tractus gastro-intestinal | Diarrhée, jaunisse, rupture splénique |
Autres | Hyperpyrexie, choc et septicémie à bactéries à Gram négatif |
Examens
Le paludisme est diagnostiqué en général par l’examen microscopique d’un frottis sanguin, ou selon la technique dite de la goutte épaisse. Celle-ci est la plus utile pour le diagnostic, alors que le frottis sert principalement à l’estimation de la proportion de globules rouges parasités ainsi qu’à l’identification de l’espèce en cause. Trois frottis devront être effectués au cours de 48 heures avant que le diagnostic de paludisme ne puisse être exclu. Des tests rapides de détection d’antigènes, applicables au chevet du patient, sont disponibles. En cas de paludisme à P. falciparum, afin de détecter des complications éventuelles, on demandera un hémogramme complet, un dosage de l’urée, des électrolytes, des enzymes hépatiques et du glucose sanguin (tableau 2.5).
Soins
Paludisme non compliqué
Le paludisme non compliqué, c’est-à-dire sans signes de défaillance d’un organe vital (clinique ou résultats de laboratoire) et avec une proportion de parasites < 2 % doit être traité par des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA ou ACT pour artemisinin-based combination therapies) en cas d’infestation par P. falciparum et par P. vivax dans les régions où ce dernier résiste à la chloroquine (Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Timor oriental et d’autres parties de l’Océanie) (tableau 2.6). Les polythérapies sont préférables aux monothérapies. Si nécessaire, on prescrira des antipyrétiques comme l’aspirine et le paracétamol. Des perfusions peuvent être nécessaires pour corriger la déshydratation ou traiter un choc.
Type de paludisme | Traitement oral |
---|---|
Non falciparum | Chloroquine : 600 mg puis 300 mg à 6, 24 et 48 heures |
ou | |
ACT, sauf artésunate (AS) + sulfadoxine–pyriméthamine (SP), pour un paludisme à P. vivax résistant à la chloroquine | |
P. falciparum | En première ligne, ACT plus primaquine en dose unique (0,75 mg/kg) a) Artéméther plus luméfantrine (Riamet®) : 4 comprimés deux fois par jour durant 3 jours |
ou | |
b) AS, 4 mg/kg/jour plus soit amodiaquine (10 mg/kg/jour), soit méfloquine (8,3 mg/kg/jour), soit SP (25/1,25 mg/kg au jour 1) | |
ou | |
c) Dihydroartémisinine (4 mg/kg/jour) plus pipéraquine (18 mg/kg/jour) | |
Pour P. vivax et P. ovale, après le traitement de l’infection aiguë, pour éradiquer les kystes hépatiques | |
Primaquine orale*(15 mg base/jour pour P. ovale, 30 mg/jour pour P. vivax) durant 14 jours |
Les doses de chloroquine sont données pour le médicament de base.
ACT : associations thérapeutiques à base d’artémisinine.
* Il faut d’abord rechercher une déficience en glucose-6-phosphate déshydrogénase (voir fig. 5.2). La primaquine est contre-indiquée en cas de déficience grave. Si la déficience est faible à modérée, la posologie sera de 0,75 mg de la forme de base/kg de poids une fois par semaine durant 8 semaines.