2: Lésions élémentaires des cellules, tissus et organes

Chapitre 2 Lésions élémentaires des cellules, tissus et organes





L’homéostasie normale est assurée par les capacités d’adaptation cellulaire à des modifications physiologiques normales. Lorsque l’environnement cellulaire ou tissulaire est modifié, par des exigences physiologiques plus importantes ou des circonstances pathologiques, il existe des possibilités d’adaptation cellulaire et tissulaire, avec un nouvel équilibre, préservant la viabilité des cellules et permettant leur fonctionnement dans ce nouvel environnement.


Ces réponses adaptatives peuvent se traduire par :



Ces phénomènes peuvent être réversibles lors du retour aux conditions antérieures, mais si les limites de la réponse adaptative sont dépassées, ou que celle-ci est impossible, on observe alors des lésions irréversibles, avec apparition de la mort de la cellule par nécrose ou par apoptose, selon les circonstances (tableau 2.1).


Tableau 2.1 Réponses cellulaires à une agression.
























Nature et gravité de l’agression Réponse cellulaire
Modifications des stimuli physiologiques Adaptation cellulaire


Diminution apport O2 ; agression chimique ; infection microbienne Lésion cellulaire


Altérations métaboliques, génétiques ou acquises Accumulations intracellulaires, calcifications
Allongement de la vie avec agressions subléthales répétées Vieillissement cellulaire

Une lésionest constituée par toute altération morphologique d’un élément vivant décelable par un quelconque moyen d’observation, dans un viscère, un tissu, une cellule, un organite, un constituant moléculaire. Elle représente la cause ou la conséquence d’un processus morbide.


Les lésions sont observables à différentes échelles :



Les causes des lésions, et donc potentiellement de la mort cellulaire, sont multiples :



Des anomalies du métabolisme cellulaire peuvent être à l’origine d’une accumulation anormale de substances variées, parfois d’un pigment, normalement absentes ou présentes, seulement en petites quantités. Elles peuvent être génétiques ou acquises et à l’origine de pathologies locales (stéatose, cholestase) ou générales (hémochromatose, maladies de surcharges lysosomiales).


Le vieillissement cellulaire est responsable de lésions tissulaires aboutissant à la sénescence et à la mort.



Adaptation cellulaire et tissulaire


Lors de modifications durables de l’environnement, la cellule peut s’adapter, ce qui conduit à des transformations structurales de la cellule ou de certains de ses constituants.


Les principales réponses adaptatives d’une cellule et d’un tissu sont l’atrophie (ou hypotrophie), l’hypertrophie, l’hypoplasie et l’aplasie, l’hyperplasie, la métaplasie, et la dystrophie.




Hypertrophie







Métaplasie






Mort cellulaire et tissulaire


La réponse cellulaire à une agression dépend du type de l’agression, de sa durée et de sa sévérité. Les conséquences sur la cellule dépendent de son type, de son état et de ses capacités d’adaptation.


Dans la cellule quatre systèmes sont particulièrement vulnérables aux agressions et liés entre eux : le maintien de l’intégrité des membranes cellulaires, la respiration aérobie, les synthèses protéiques et la préservation de l’intégrité de l’appareil génétique.


La mort cellulaire est le terme ultime de la lésion cellulaire. On distingue deux types de mort cellulaire : la nécrose et l’apoptose, qui s’opposent sur beaucoup de points.


La nécrose, irréversible, peut être précédée par des lésions de dégénérescence cellulaire, réversibles.


Les différents types de mort cellulaire, nécrose ou apoptose, sont à distinguer de l’autolyse qui est une autodestruction cellulaire ou tissulaire qui survient après la mort ou par défaut de fixation.



Dégénérescence cellulaire


La nécrose peut être précédée de lésions réversibles, dites lésions dégénératives. Celles-ci, peuvent aussi conduire à un retour à la normale.





Nécrose cellulaire


La nécrose est une forme de mort cellulaire et s’oppose en de nombreux points à l’apoptose.





Aspects de la nécrose


Les modifications observables en microscopie optique traduisent la dénaturation protéique et la digestion des organites par les enzymes protéolytiques des lysosomes.


La nécrose n’est manifeste que plusieurs heures après la mort cellulaire.




Nécrose tissulaire


La nécrose cellulaire concerne habituellement des groupes de cellules dans un tissu, soumises aux mêmes agressions, par exemple lors d’un infarctus du myocarde après thrombose coronarienne, d’une nécrose œsophagienne après ingestion de caustiques etc., et non pas des cellules isolées, comme pour l’apoptose.



Les différentes formes de nécrose



Nécrose de coagulation, fréquente, lorsque la dénaturation protéique est l’événement essentiel, comme au cours de l’ischémie (figures 2.72.8), des brûlures, de l’action de caustiques (figure 2.9). L’architecture tissulaire est préservée, fantomatique, les cytoplasmes sont éosinophiles et les noyaux pycnotiques ou en caryolyse.


Nécrose de liquéfaction, lorsque la digestion enzymatique domine, comme dans les infections à pyogènes. Elle comporte une perte totale de l’architecture tissulaire.


Nécrose caséeuse, caractéristique de la tuberculose. Macroscopiquement, elle rappelle le lait caillé, d’où son nom de caséum (figure 2.10). Histologiquement, on observe un matériel nécrotique grumeleux, éosinophile, sans architecture cellulaire ou tissulaire (figure 2.11).


Nécrose gangréneuse : elle est liée aux effets combinés de l’ischémie et de germes anaérobies.


Stéatonécrose : c’est la nécrose du tissu adipeux (figure 2.12) qui est habituellement observée au cours de la pancréatite aiguë, par libération des enzymes pancréatiques lors de la nécrose du tissu exocrine (lipase). Macroscopiquement, la stéatonécrose a un aspect caractéristique crayeux, blanchâtre.










Physiopathologie, mécanismes biochimiques généraux


Quel que soit le facteur déclenchant, plusieurs mécanismes biochimiques sont possibles pour induire l’apparition d’une lésion cellulaire.


Ce n’est que dans certains cas que la cible est parfaitement connue : par exemple, certaines bactéries anaérobies, comme Clostridium perfringens, élaborent des phospholipases qui attaquent les phospholipides membranaires.



Déplétion en ATP : produit par phosphorylation oxydative ou glycolyse anaérobie, l’ATP intervient dans les transports membranaires, les synthèses protéiques, la lipogenèse, et les réactions de déacylation/réacylation. Ainsi les cellules à activité glycolytique élevées (hépatocytes) sont avantagées. Une déplétion en ATP et une diminution de sa synthèse sont induites par les agressions ischémiques et toxiques.


Oxygène et radicaux libres : la réduction de l’oxygène moléculaire en eau induit la formation de dérivés oxygénés réactifs, susceptibles de provoquer des lésions. Un déséquilibre entre leur production et leur élimination aboutit au « stress oxydatif ». Certaines agressions, comme les irradiations, participent à la création de radicaux oxygène actifs.


Perte de l’homéostasie du calcium : l’ischémie et certaines toxines provoquent une augmentation précoce de la concentration cytosolique du calcium, qui entraîne une augmentation non spécifique de la perméabilité membranaire et une activation de certaines enzymes qui ont une action délétère, comme les phospholipases, les ATPases, les endonucléases.


Anomalies de la perméabilité membranaire : une atteinte directe est possible par certaines toxines bactériennes, protéines virales, fractions lytiques du complément, produits des lymphocytes cytotoxiques, etc.


Lésions mitochondriales irréversibles : pouvant être induites par une augmentation du calcium, un stress oxydatif, par une destruction des phospholipides, elles sont une clé de la mort cellulaire.



Apoptose


L’apoptose est une forme de mort cellulaire et s’oppose presque en tous points à la nécrose (tableau 2.2).


Tableau 2.2 Principaux caractères différentiels de la nécrose et de l’apoptose.






























Nécrose Apoptose
Pathologique Physiologique
« Assassinat » « Suicide »
Processus passif Processus actif
Affecte les tissus Affecte les cellules isolément
Noyau longtemps intact Atteinte nucléaire +++
Altération des organelles Organelles intactes
Rupture de la membrane cellulaire Membrane cellulaire intacte
Inflammation +++ Pas d’inflammation

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May 7, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 2: Lésions élémentaires des cellules, tissus et organes

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