Chapitre 2. Le cadre de l’entretien
Introduction
Cette définition des écrous et des boulons doit faire penser à la technique de peintres ayant visé au dépouillement. Quand vous regardez un tableau de Soulages, de Miró, de Zao Woo-Ki ou de Klein, il peut se dégager une apparente simplicité. Généralement, ces peintres, au prix d’un dépouillement très progressif, depuis une technique extraordinaire et bien maîtrisée, ont obtenu cette apparence de simplicité et de facilité qui fait dire à beaucoup qu’ils seraient capables de créer la même œuvre. Les psychothérapies de premier niveau s’effectuent dans des cabinets médicaux ou dans des lieux aspécifiques : la chambre d’un malade, un bureau de consultation, parfois un lieu prêté, d’emprunt ; elles utilisent le style de la conversation ordinaire, sur un mode détendu. Pour qu’elles puissent se dérouler dans de bonnes conditions, il faut préciser tous ces écrous et ces boulons accompagnant les rendez-vous : les règles d’entrée en matière, le décor, les attentes et les craintes de la plupart des patients, la mise en place du cadre relationnel.
Prémisses du contact initial
Les éléments qui précèdent la première consultation ne se révèlent jamais neutres. Chez un médecin traitant, un motif organique aspécifique comme une fatigue, des douleurs diffuses, une baisse de tonus, peuvent parfois traduire une demande psychique. Quand le motif de la demande nécessitera une psychothérapie de soutien, il est toujours utile de préciser comment le patient est arrivé jusqu’à cette consultation.
Adressage
L’adressageadressage médical représente la modalité la plus fréquente. Il vaut mieux laisser au patient le choix du moment et de l’application de cette décision lorsqu’elle lui a été proposée. Dans des situations où l’on sent le patient indécis, on peut parfois lui faciliter la tâche en lui donnant les coordonnées d’un thérapeute, en lui remettant un courrier. On considère qu’il est plus simple, une fois la lettre explicative rédigée, de ne pas la cacheter pour éviter la tentation d’une transgression réalisée par la lecture de ce courrier. Dans d’autres cas, un coup de téléphone explicatif améliore les liens entre les deux médecins.
Le contexte d’un médecin traitant implique, en principe, la participation du médecin de famille dans le choix d’un psychothérapeute.
Cependant, le patient préfère souvent consulter de lui-même sans demander l’avis de son médecin de famille, introduisant ainsi un clivage entre le domaine somatique et le domaine psychique. Lorsque le médecin de famille n’a pas été prévenu, il est utile de demander en cours de consultation si un courrier doit lui être adressé et, en cas de réponse négative, de refaire la même proposition à distance, lors d’une deuxième ou troisième consultation. Un psychologue fait parfois l’objet du choix initial ; mieux armé selon le patient pour comprendre des difficultés psychologiques.
Dans bien des cas, l’adressage fonctionne selon le principe du bouche à oreille, avec l’idée que « quelqu’un qui avait les mêmes problèmes que moi » a été très bien soigné par tel ou tel thérapeute. Lorsque le thérapeute est conseillé par un membre de la famille−conjoint, parent −, le patient peut douter de sa neutralité ; la question de la confidentialité des entretiens devra alors être abordée lors de la consultation pour assurer que tout ce qui est évoqué relève du secret médical et que ne seront transmis aux uns ou aux autres que des éléments autorisés par le patient.
Délai d’attente et d’obtention d’un rendez-vous
Les délais d’attente comportent deux facettes : la facette négative découle de leur longueur ; souvent, les nécessités d’une psychothérapie se diluent au fur et à mesure que le temps avance, surtout dans des contextes réactionnels. À l’inverse, un aspect positif est issu de la maturation : bien des patients relatent leur difficulté à accepter une consultation auprès d’un psychiatre, ils indiquent que pendant plusieurs mois ils ont tergiversé avant d’admettre cette idée. Il est utile lors du premier rendez-vous de demander au patient ses facteurs d’hésitation, voire d’approfondir le motif d’arrêt ou d’interruption de tentatives de traitements antérieurs.
Il ne faut pas hésiter à faciliter le premier entretien en fournissant quelques informations sur l’adresse, les possibilités de se garer, la précision ou non des rendez-vous. En effet, les premières rencontres sont souvent difficiles pour les patients, et ces éléments de contexte vont représenter autant d’écueils à franchir.
Mécanique du premier rendez-vous
Salle d’attente
Le climat des salles d’attentesalles d’attente varie considérablement. Dans certains cas, les patients discutent entre eux, dans d’autres le silence est la règle. Il semble important, par une certaine régularité des consultations et des horaires, de ne pas maintenir une salle d’attente trop chargée. Lorsque l’on sort de son cabinet, il paraît plus facile de s’adresser directement à un nouveau consultant en se présentant : « Je suis le docteur X ou madame Y… » plutôt qu’en l’appelant par son nom, pour des raisons de confidentialité. Cependant, dans des contextes de médecine générale, cette approche est parfois peu réalisable. Il est généralement recommandé de laisser entrer le patient en premier dans le cabinet de consultation. Les regards, le mouvement circulaire de balayage du cabinet et la manière dont il s’installe ne sont pas anodins. Dans certaines salles d’attente, peuvent figurer les conditions tarifaires des honoraires.
Pour le téléphone, une affiche indiquant un rappel de bien vouloir éteindre son téléphone portable durant la consultation peut s’avérer utile. Ce souhait implique une réciprocité de la part du médecin ou du psychologue.
Dans le cabinet
La décorationdécoration du cabinet confronte un espace personnel, celui du thérapeute, à l’imaginaire et aux représentations du patient. Toutes les formes de décoration qui facilitent le confort et le bien-être du patient doivent être encouragées. Bien des psychothérapeutes ne consultent pas derrière un bureau, ils choisissent une disposition de type salon, canapé ou fauteuils de part et d’autre d’une table basse.
• Dans le cas de dispositif de type bureau, on veillera à la hauteur des sièges, à la facilité des échanges non verbaux, notamment le regard, et l’on choisira des bureaux où le patient peut observer un peu son thérapeute plutôt que des bureaux paravents.
• Dans le cadre d’une formule salon, des dispositions côte à côte ou permettant des angles de fuites pour le regard devront être aménagées. Lorsque l’horloge figure dans le décor, elle doit être placée de façon à être accessible aux deux protagonistes, ou bien installée dans le dos du patient pour éviter les regards trop appuyés vers la montre ou le repérage du temps.
• Dans le cabinet d’un médecin généraliste, où souvent des nécessités techniques existent, l’arrangement d’un espace dédié à une conversation peut parfois signifier la transition d’un cadre médical pur vers un cadre plus relationnel. Dans d’autres circonstances, l’idée d’une consultation dédiée spécifiquement à cette activité peut être proposée.
• Un certain nombre d’objets ont un rôle dans ce cadre de consultation. La présence d’un cendrier figure implicitement la notion que le patient peut être invité à fumer. Si cette possibilité n’existe pas, l’information peut être donnée dans la salle d’attente. L’existence de mouchoirs en papier, de quelques bonbons, de quelques fleurs ou de quelques objets décoratifs est fortement recommandée. En France, la présence de photos de famille ou d’objets plus personnels n’est pas communément admise, car source possible de projections de la part du patient. Aux états unis les diplômes font l’objet d’un affichage.
Déroulement de la consultation
La question de la prise de notesprise de notes a fait l’objet de nombreuses controverses. Dans le cadre d’une psychothérapie classique, on recommande l’absence de prise de notes tout au long de la séance ou de l’entretien. Une synthèse assez brève s’effectue après le départ du patient. En effet, bien des patients se demandent ce que le thérapeute note au cours de leur entretien. Même si certains pensent que la prise de notes en cours d’entretien traduit une inquiétude d’oublier tel ou tel point important, elle est parfois utile ; on peut alors expliquer que les notes sont un support de mémoire et permettent de garder un fil conducteur au cours des entretiens. Il faut cependant se rappeler que les notes appartiennent au patient, les dernières recommandations mentionnent que tout ce qui structure un dossier médical et permet sa continuité doit être transmis au patient : note formalisée ou manuscrite ou informelle. Les patients, au titre de leur dossier médical, ont le droit d’en demander une communication. Cette question du caractère transmissible ou non des notes d’un psychothérapeute reste épineuse.