2: La phase d’absorption des médicaments


La phase d’absorption des médicaments





La phase d’absorption est un processus qui consiste au passage d’une molécule dans les liquides circulants (circulation générale) à partir de son site d’administration.


L’absorption est réalisée par le passage de membranes épithéliales lipoprotéiques comme la muqueuse buccale, gastro-intestinale, pulmonaire ou la peau.


Généralement, le passage est transcellulaire, plus rarement paracellulaire, selon la difficulté de la molécule à traverser la barrière constituée de membranes cellulaires plus ou moins fluides et de jonctions cellulaires plus ou moins serrées.


Les processus d’absorption pourront être actifs ou passifs selon les caractéristiques de la molécule et de la membrane à traverser. Pour 95 % des médicaments, l’absorption sera réalisée par diffusion passive, c’est-à-dire par la bicouche lipidique, dans le sens du gradient de concentration.


De nombreuses voies d’absorption sont possibles (figure 2.1) :




L’absorption concerne toutes les voies d’administration, à l’exception de la voie intraveineuse.


Une même molécule médicamenteuse sera absorbée différemment selon la voie et la forme d’administration.



Absorption médiate


Dans le cas d’une absorption médiate (figure 2.2), le médicament doit traverser au moins deux barrières successives correspondant à deux étapes :





L’absorption par les muqueuses digestives : la voie entérale


L’appareil digestif est principalement constitué d’un tube, ouvert sur le milieu extérieur à ses deux extrémités, par la bouche d’un côté et par l’anus de l’autre côté. Le tube digestif possède plusieurs fonctions, dont les principales sont impliquées dans la nutrition :



En outre, le tube digestif est aussi capable d’absorber des xénobiotiques tels que des médicaments.


Dans la majorité des cas, avant d’arriver dans la circulation sanguine, le médicament doit franchir la barrière entérocytaire puis traverser le foie (hépatocytes et sécrétion biliaire), qui joue un rôle de filtre. Certaines voies digestives comme la voie sublinguale ou la voie rectale permettent d’éviter cet effet de premier passage hépatique (figure 2.1). Par ailleurs, le médicament peut être dégradé dans la lumière du tube digestif ; c’est pourquoi il sera parfois nécessaire de protéger le principe actif par des formes galéniques particulières (comprimés ou gélules enrobées ou gastrorésistantes…).


Le tube digestif est histologiquement constitué d’une séreuse (péritoine), d’une musculeuse, d’une sous-muqueuse et d’une muqueuse elle-même formée d’un épithélium et de sous-couches, sur toute sa longueur. Les épithéliums n’étant jamais vascularisés, les substances devront les traverser pour atteindre des couches plus profondes avant d’être absorbées. Au niveau du tube digestif, l’absorption peut avoir lieu à tous les niveaux. Elle sera de mécanisme et d’amplitude différents selon les caractéristiques histologiques et physiologiques spécifiques de chaque étage. On distingue ainsi la voie orale (voies sublinguale, buccale et gastro-intestinale) et la voie rectale.



Les voies sublinguales et buccales


La voie sublinguale ou perlinguale permet la diffusion passive d’une molécule à travers la paroi buccale (pénétration) puis sa résorption par les capillaires pour atteindre la circulation générale via les veines jugulaires externes puis la veine cave supérieure.


Les voies sublinguale et buccale permettent d’éviter aux molécules d’avoir à traverser la barrière digestive, accélérant donc l’arrivée dans la circulation générale et évitant une éventuelle dégradation. Ces voies présentent aussi l’intérêt d’éviter un effet de premier passage hépatique. Cependant, ces voies entraînent une absorption relativement lente et doivent être réservées aux substances non caustiques et au goût supportable. Ces voies sont utilisées en pratique pour des médicaments pour lesquels est recherchée une action rapide, comme des vasodilatateurs coronaires indiqués dans le cas de douleurs thoraciques tels que la trinitrine (ex. : Natispray®, Trinitrine simple Laleuf®), des antalgiques puissants efficaces dans les accès douloureux paroxystiques tels que le fentanyl (ex. : Actiq®, Abstral®, Effentora®, Breakyl®) ou des substituts nicotiniques utilisés dans le sevrage tabagique. Différentes formes galéniques permettent une absorption par voie sublinguale : comprimés gingivaux, pilules, liquides en sprays buccaux, ou par voie buccale : tablettes, comprimés buccoadhésifs, bâtonnets transmuqueux, films orodispersibles, pastilles, pâtes ou gommes… Dans tous les cas, la forme doit rester en contact étroit avec la muqueuse buccale pour permettre au principe actif de traverser la paroi buccale.



La voie gastro-intestinale dite « voie orale »


La voie gastro-intestinale implique que la forme galénique soit ingérée, c’est-à-dire déglutie.


Plusieurs formes galéniques permettent une administration per os : gélules ou capsules dures, capsules molles, comprimés secs, enrobés, pelliculés, gastrorésistants, solutions, émulsions ou suspensions buvables, gouttes buvables, ampoules buvables, sirops, gels… Le délai d’action sera en partie dépendant du temps nécessaire à la libération du principe actif contenu dans la forme galénique.




Au niveau intestinal

En règle générale, l’absorption per os sera supérieure à l’étage intestinal du fait de conditions plus favorables comme :



L’absorption orale est généralement majoritaire au niveau du pylore et de l’intestin grêle (duodénum, jéjunum, iléon).


Là encore, l’absorption pourra être influencée par différents facteurs tels que :



• l’état de vacuité intestinale ;


• le péristaltisme intestinal conditionnant le temps de transit et donc de contact entre le principe actif et la muqueuse intestinale ;


• le flux sanguin intestinal ;


• mais aussi des interactions médicamenteuses ou alimentaires pouvant par exemple générer des chélations, empêchant toute absorption. C’est ce qui est observé avec les bisphosphonates, médicaments indiqués dans la prévention de l’ostéoporose qui devront donc être administrés par voie orale à jeun et à distance de toute prise alimentaire, en particulier de produits laitiers riches en calcium. Il en est de même pour d’autres médicaments chélateurs, mais aussi les antiacides ou le charbon activé qui peuvent réduire l’absorption de médicaments administrés conjointement.


L’absorption par voie orale permet un usage plus simple, plus sécuritaire et généralement bien accepté par rapport à d’autres voies. Il s’agit de la voie la plus compatible avec un usage ambulatoire chez l’adulte, qui par ailleurs, s’avère relativement peu coûteuse.


Cependant, les recours à la voie orale seront limités pour les substances au goût désagréable ou irritantes (anti-inflammatoires non stéroïdiens), même s’il est possible de pallier ces problèmes par un enrobage, pour les composés instables à pH gastrique ou sensibles aux enzymes gastriques. Là encore, un enrobage gastrorésistant sera nécessaire. De plus, la voie orale ne permet pas de dosage très précis dans la mesure où il n’est pas possible de contrôler la part du médicament administré qui atteint réellement la circulation générale. Enfin, l’absorption orale impose un effet de premier passage intestinal ou hépatique aux molécules médicamenteuses, pouvant en réduire l’efficacité si la substance est présente dans le médicament sous forme déjà active et est fortement dégradée au niveau des enzymes de l’intestin ou du foie mais étant indispensable lorsque les médicaments sont des prodrogues nécessitant un métabolisme pour générer les dérivés actifs.



La biodisponibilité, définie comme la part du médicament administrée qui atteint la circulation et la vitesse à laquelle elle l’atteint est fonction d’une part de la libération du principe actif (délitement ou désagrégation puis solubilisation) et d’autre part de l’absorption (passage intestinal et effet de premier passage). Pour une molécule donnée, la biodisponibilité est caractéristique d’une forme galénique et d’une voie d’administration. De plus, la biodisponibilité orale peut varier d’un sujet à l’autre selon la prise concomitante d’autres médicaments pouvant interférer avec l’absorption, l’effet des repas (vacuité du tube digestif, nutriments, pH…), l’existence de pathologies digestives (constipation, diarrhées, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, chez la femme enceinte, le nouveau-né, la personne âgée…



La voie rectale


La voie rectale permet également d’absorber des molécules médicamenteuses, généralement par l’intermédiaire de suppositoires. Cette voie permet d’éviter une potentielle dégradation par les enzymes digestives et en partie un éventuel effet de premier passage hépatique. Aussi cette voie est particulièrement intéressante chez les jeunes enfants qui ne peuvent déglutir, chez le patient présentant des nausées ou pour les substances au goût désagréable. Cependant, l’absorption au niveau du rectum ne sera pas très importante du fait d’un passage hépatique pour environ un tiers du principe actif administré (seule la part du médicament absorbée par les veines hémorroïdaires inférieures et moyennes échappe à la circulation hépatique en rejoignant directement la veine cave inférieure) (figure 2.3) et d’une surface d’échange limitée. Il est à noter toutefois que la pénétration y est toutefois relativement bonne de par la forte concentration du médicament dans l’ampoule rectale confinée. Les substances irritantes pour les muqueuses ne pourront pas être administrées par voie rectale.




Absorption de principes actifs par la voie rectale. L’absorption par les muqueuses non digestives


Plusieurs muqueuses non digestives permettent l’absorption de médicaments.



La muqueuse aérobronchique et alvéolaire


Le système respiratoire constitue une voie d’absorption importante. Il comprend le tractus respiratoire, les poumons et le diaphragme. Sa fonction principale est d’assurer l’hématose, c’est-à-dire d’apporter l’oxygène au sang qui le distribue dans tout l’organisme et de rejeter le gaz carbonique. Mais il participe aussi à la défense de l’organisme, possède des vertus endocriniennes (sérotonine…) et intervient dans l’homéostasie de l’équilibre acidobasique.


Le système respiratoire dispose de deux systèmes circulatoires (figure 2.4) :


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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 2: La phase d’absorption des médicaments

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