La phase d’absorption des médicaments
Généralement, le passage est transcellulaire, plus rarement paracellulaire, selon la difficulté de la molécule à traverser la barrière constituée de membranes cellulaires plus ou moins fluides et de jonctions cellulaires plus ou moins serrées.
De nombreuses voies d’absorption sont possibles (figure 2.1) :
Figure 2.1 Les différentes voies d’administration des médicaments Source : Touitou Y. Pharmacologie et thérapeutiques. Elsevier Masson SAS, 2013.
• celles dites immédiates, où la substance se retrouve directement dans la circulation générale, comme la voie intraveineuse ;
• celles dites médiates ou extravasculaires, c’est-à-dire pour lesquelles la molécule doit traverser au moins deux barrières successives, comme les voies digestives, respiratoires, cutanées…).
L’absorption concerne toutes les voies d’administration, à l’exception de la voie intraveineuse.
Absorption médiate
Dans le cas d’une absorption médiate (figure 2.2), le médicament doit traverser au moins deux barrières successives correspondant à deux étapes :
• pénétration : passage de la molécule du milieu extérieur dans le liquide interstitiel ;
• résorption : passage de la même molécule du liquide interstitiel vers le liquide circulant.
L’absorption par les muqueuses digestives : la voie entérale
L’appareil digestif est principalement constitué d’un tube, ouvert sur le milieu extérieur à ses deux extrémités, par la bouche d’un côté et par l’anus de l’autre côté. Le tube digestif possède plusieurs fonctions, dont les principales sont impliquées dans la nutrition :
• digestion mécanique : broyage (au moyen des dents) et « malaxage » gastrique et intestinal ;
• digestion chimique par le biais d’enzymes selon les substrats ingérés des aliments ;
• progression des produits de digestion sur toute sa longueur ;
• absorption (d’unité de base) ;
• élimination des résidus non digérés ni absorbés et d’autres déchets.
En outre, le tube digestif est aussi capable d’absorber des xénobiotiques tels que des médicaments.
Dans la majorité des cas, avant d’arriver dans la circulation sanguine, le médicament doit franchir la barrière entérocytaire puis traverser le foie (hépatocytes et sécrétion biliaire), qui joue un rôle de filtre. Certaines voies digestives comme la voie sublinguale ou la voie rectale permettent d’éviter cet effet de premier passage hépatique (figure 2.1). Par ailleurs, le médicament peut être dégradé dans la lumière du tube digestif ; c’est pourquoi il sera parfois nécessaire de protéger le principe actif par des formes galéniques particulières (comprimés ou gélules enrobées ou gastrorésistantes…).
Les voies sublinguales et buccales
La voie sublinguale ou perlinguale permet la diffusion passive d’une molécule à travers la paroi buccale (pénétration) puis sa résorption par les capillaires pour atteindre la circulation générale via les veines jugulaires externes puis la veine cave supérieure.
La voie gastro-intestinale dite « voie orale »
La voie gastro-intestinale implique que la forme galénique soit ingérée, c’est-à-dire déglutie.
Plusieurs formes galéniques permettent une administration per os : gélules ou capsules dures, capsules molles, comprimés secs, enrobés, pelliculés, gastrorésistants, solutions, émulsions ou suspensions buvables, gouttes buvables, ampoules buvables, sirops, gels… Le délai d’action sera en partie dépendant du temps nécessaire à la libération du principe actif contenu dans la forme galénique.
Au niveau intestinal
En règle générale, l’absorption per os sera supérieure à l’étage intestinal du fait de conditions plus favorables comme :
• une plus grande surface d’échanges au niveau de l’épithélium grâce aux nombreuses villosités et microvillosités (environ 200 m2 soit l’équivalent d’un terrain de tennis) ;
• une importante vascularisation de la muqueuse (nécessaire à l’absorption des nutriments apportés par l’alimentation) ;
• un pH plus proche de la neutralité (5 au niveau des villosités et entre 6 et 7 dans l’espace luminale.
Là encore, l’absorption pourra être influencée par différents facteurs tels que :
• l’état de vacuité intestinale ;
• le péristaltisme intestinal conditionnant le temps de transit et donc de contact entre le principe actif et la muqueuse intestinale ;
• le flux sanguin intestinal ;
• mais aussi des interactions médicamenteuses ou alimentaires pouvant par exemple générer des chélations, empêchant toute absorption. C’est ce qui est observé avec les bisphosphonates, médicaments indiqués dans la prévention de l’ostéoporose qui devront donc être administrés par voie orale à jeun et à distance de toute prise alimentaire, en particulier de produits laitiers riches en calcium. Il en est de même pour d’autres médicaments chélateurs, mais aussi les antiacides ou le charbon activé qui peuvent réduire l’absorption de médicaments administrés conjointement.
La biodisponibilité, définie comme la part du médicament administrée qui atteint la circulation et la vitesse à laquelle elle l’atteint est fonction d’une part de la libération du principe actif (délitement ou désagrégation puis solubilisation) et d’autre part de l’absorption (passage intestinal et effet de premier passage). Pour une molécule donnée, la biodisponibilité est caractéristique d’une forme galénique et d’une voie d’administration. De plus, la biodisponibilité orale peut varier d’un sujet à l’autre selon la prise concomitante d’autres médicaments pouvant interférer avec l’absorption, l’effet des repas (vacuité du tube digestif, nutriments, pH…), l’existence de pathologies digestives (constipation, diarrhées, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, chez la femme enceinte, le nouveau-né, la personne âgée…
La voie rectale
La voie rectale permet également d’absorber des molécules médicamenteuses, généralement par l’intermédiaire de suppositoires. Cette voie permet d’éviter une potentielle dégradation par les enzymes digestives et en partie un éventuel effet de premier passage hépatique. Aussi cette voie est particulièrement intéressante chez les jeunes enfants qui ne peuvent déglutir, chez le patient présentant des nausées ou pour les substances au goût désagréable. Cependant, l’absorption au niveau du rectum ne sera pas très importante du fait d’un passage hépatique pour environ un tiers du principe actif administré (seule la part du médicament absorbée par les veines hémorroïdaires inférieures et moyennes échappe à la circulation hépatique en rejoignant directement la veine cave inférieure) (figure 2.3) et d’une surface d’échange limitée. Il est à noter toutefois que la pénétration y est toutefois relativement bonne de par la forte concentration du médicament dans l’ampoule rectale confinée. Les substances irritantes pour les muqueuses ne pourront pas être administrées par voie rectale.
Absorption de principes actifs par la voie rectale. L’absorption par les muqueuses non digestives
Plusieurs muqueuses non digestives permettent l’absorption de médicaments.
La muqueuse aérobronchique et alvéolaire
Le système respiratoire dispose de deux systèmes circulatoires (figure 2.4) :