Chapitre 2
Immunité innée
Les premières défenses contre les infections
Caractéristiques générales et spécificité des réponses immunitaires innées
Récepteurs cellulaires pour les microbes et les cellules endommagées
Composants de l’immunité innée
Phagocytes : neutrophiles et monocytes/macrophages
Autres protéines plasmatiques de l’immunité innée
Échappement des microbes à l’immunité innée
Rôle de l’immunité innée dans la stimulation des réponses immunitaires adaptatives
Comment le système immunitaire inné reconnaît-il les microbes et les cellules endommagées ?
Comment les différentes composantes de l’immunité innée interviennent-elles pour lutter contre les différents types de microbes ?
Comment les réactions immunitaires innées stimulent-elles les réponses immunitaires adaptatives ?
Caractéristiques générales et spécificité des réponses immunitaires innées
L’ensemble des réactions du système immunitaire inné est assez restreint ; ses fonctions défensives sont nettement plus limitées que les réponses plus diverses et plus spécialisées de l’immunité adaptative. La spécificité de l’immunité innée est également différente à plusieurs égards de celle des lymphocytes, responsables du système de reconnaissance de l’immunité adaptative (fig. 2.1).
Fig. 2.1 Spécificité et récepteurs de l’immunité innée et de l’immunité adaptative.
Les caractéristiques importantes de la spécificité et des récepteurs de l’immunité innée et adaptative sont résumées, avec des exemples choisis, dont certains sont illustrés dans les encadrés.
Ig, Immunoglobulines (anticorps) ; TCR, récepteur des cellules T.
Les deux principaux types de réactions du système immunitaire inné sont l’inflammation et la défense antivirale. L’inflammation consiste en l’accumulation et en l’activation de leucocytes et de protéines plasmatiques dans les foyers infectieux ou dans les lésions tissulaires. Ces cellules et protéines agissent en commun dans la lyse des microbes, surtout extracellulaires, et l’élimination des tissus endommagés. La défense immunitaire innée contre les virus intracellulaires est assurée principalement par les cellules tueuses naturelles (cellules NK, natural killer), qui tuent directement les cellules infectées, et par les cytokines dénommées interférons de type I, qui bloquent la réplication intracellulaire des virus.
Le système immunitaire inné reconnaît des structures qui sont partagées par différentes classes de microbes et qui sont absentes des cellules normales de l’hôte. Les mécanismes de l’immunité innée reconnaissent et répondent à un nombre limité de molécules microbiennes, bien moindre que celui, presque illimité, des antigènes de sources microbiennes ou non microbiennes reconnus par le système immunitaire adaptatif. Chaque composante de l’immunité innée peut reconnaître une grande variété de bactéries, de virus ou de champignons. Par exemple, les phagocytes expriment des récepteurs pour le lipopolysaccharide bactérien (LPS), également dénommé endotoxine, et d’autres récepteurs pour les peptidoglycanes ; chacune de ces substances est présente dans les parois cellulaires de nombreuses espèces bactériennes, mais absente des cellules mammaliennes. D’autres récepteurs des phagocytes reconnaissent les résidus mannosyles terminaux, qui sont typiques des glycoprotéines bactériennes mais qu’on ne trouve pas chez les mammifères. Les cellules de mammifères reconnaissent et réagissent à l’ARN double brin, qui caractérise de nombreux virus, mais dont les cellules de mammifères sont dépourvues, et aux oligonucléotides CpG non méthylés, qui sont communs dans l’ADN microbien, mais peu abondants dans l’ADN des mammifères. En général, on appelle les molécules microbiennes qui stimulent l’immunité innée « motifs moléculaires associés aux pathogènes », ou PAMP (pathogen-associated molecular patterns), pour indiquer qu’elles sont présentes dans les agents infectieux (agents pathogènes) et partagées par les microbes de même type, pour lesquels elles constituent des motifs moléculaires représentatifs. Les récepteurs de l’immunité innée qui reconnaissent ces structures communes sont appelés « récepteurs de reconnaissance de motifs », ou PRR (pattern recognition receptors).
Les récepteurs du système immunitaire inné sont codés par la lignée germinale et ne sont pas produits par recombinaison somatique des gènes. Ces récepteurs de reconnaissance des motifs moléculaires codés par la lignée germinale ont évolué pour constituer une adaptation protectrice des organismes multicellulaires aux microbes potentiellement nocifs. Au contraire, les récepteurs d’antigène des lymphocytes, c’est-à-dire les anticorps et les récepteurs des lymphocytes T (TCR), sont produits, au cours de la maturation de ces cellules, par recombinaison somatique des gènes codant les récepteurs (voir chapitre 4). La recombinaison des gènes permet de créer un nombre beaucoup plus grand de récepteurs structurellement différents par rapport à ceux qui sont produits à partir des gènes de la lignée germinale ; toutefois, ces différents récepteurs n’ont pas une spécificité prédéterminée pour les microbes. Par conséquent, la spécificité de l’immunité acquise est beaucoup plus variée que celle de l’immunité innée, et le système immunitaire adaptatif est capable de reconnaître beaucoup plus de structures chimiquement différentes. Il a été estimé que la population totale des lymphocytes était en mesure de reconnaître jusqu’à un milliard d’antigènes différents ; en d’autres mots, ces lymphocytes expriment jusqu’à un milliard de récepteurs d’antigène, chacun avec une spécificité unique. En revanche, la totalité des récepteurs de l’immunité naturelle reconnaît probablement moins d’un millier de motifs microbiens. En outre, les récepteurs du système immunitaire adaptatif sont distribués de manière clonale, ce qui signifie que chaque clone de lymphocytes (lymphocytes B et lymphocytes T) possède un récepteur différent spécifique d’un antigène particulier. En revanche, dans le système immunitaire inné, les récepteurs ne sont pas distribués de manière clonale ; cela signifie que des récepteurs identiques sont exprimés sur toutes les cellules d’un type particulier, par exemple les macrophages. Par conséquent, un grand nombre de cellules de l’immunité innée peuvent reconnaître le même microbe.
aux points d’entrée des microbes : la plupart des infections commencent par l’entrée des microbes à travers les épithéliums de la peau et du tractus digestif ou pulmonaire ; les premiers mécanismes de défense actifs dans ces sites sont les épithéliums eux-mêmes, qui constituent des barrières physiques, ainsi que les molécules antimicrobiennes et des cellules lymphoïdes présentes dans ces épithéliums ;
dans les tissus : les microbes qui ont franchi les épithéliums ainsi que les cellules mortes dans les tissus sont détectés par les macrophages résidents, les cellules dendritiques et d’autres cellules « sentinelles » ; ces cellules réagissent surtout en sécrétant des cytokines, qui déclenchent le processus inflammatoire ; elles recrutent et activent les phagocytes chargés de détruire les microbes et d’éliminer les cellules endommagées ;
dans le sang : des protéines plasmatiques, notamment les protéines du système du complément, réagissent contre les microbes et facilitent leur destruction ;
les virus : ils suscitent des réactions spéciales, notamment la production par les cellules infectées, de cytokines appelées interférons, qui préviennent l’infection d’autres cellules, ainsi que la lyse des cellules infectées par des cellules tueuses naturelles, ou cellules NK (natural killer cells).
Récepteurs cellulaires pour les microbes et les cellules endommagées
Les récepteurs que le système immunitaire inné utilise pour réagir contre les microbes et des cellules endommagées sont exprimés sur les phagocytes, les cellules dendritiques et de nombreux autres types de cellules, y compris les lymphocytes et les cellules endothéliales et épithéliales. Ces récepteurs sont exprimés dans différents compartiments cellulaires où les microbes peuvent se localiser. Certains sont présents à la surface de la cellule ; d’autres se trouvent dans le réticulum endoplasmique d’où ils peuvent être recrutés rapidement dans les vésicules (endosomes) qui ont servi à l’ingestion des produits microbiens ; d’autres encore sont dans le cytosol, où ils servent à capter des microbes cytoplasmiques (fig. 2.2). Certains de ces mêmes récepteurs répondent aux produits de cellules endommagées et à une variété de substances étrangères, comme des cristaux déposés dans des cellules et des tissus. Ces récepteurs pour PAMP et pour DAMP appartiennent à plusieurs familles protéiques.
Fig. 2.2 Localisation des récepteurs cellulaires du système immunitaire inné.
Certains récepteurs comme des récepteurs de type Toll (TLR) et des lectines sont présents à la surface cellulaire (CLR, C-type lectin receptors) ; d’autres TLR sont dans les endosomes ; certains récepteurs d’acides nucléiques viraux, de peptides bactériens et de produits de cellules endommagées sont dans le cytosol (NLR, NOD-like receptors ; RLR, RIG-like receptors).
Récepteurs de type Toll
Les récepteurs de type Toll (TLR, Toll-like receptor) sont homologues à une protéine dénommée Toll qui a été découverte chez la mouche drosophile pour son rôle dans la différenciation embryonnaire. Plus tard, elle s’est révélée essentielle à la protection de ces insectes contre les infections. Divers TLR sont spécifiques des différentes composantes microbiennes (fig. 2.3). Par exemple, TLR-2 reconnaît plusieurs lipoglycanes bactériens ; TLR-3, -7 et -8 sont spécifiques des acides nucléiques viraux (comme l’ARN double brin), TLR-4 pour le LPS bactérien (endotoxine), TLR-5 pour la flagelline, une protéine des flagelles bactériens, et TLR-9 pour des oligonucléotides non méthylés riches en CG (CpG), qui sont plus abondants dans l’ADN microbien que dans l’ADN des cellules de mammifères. Certains de ces TLR sont présents à la surface de la cellule, où ils reconnaissent les produits microbiens extracellulaires, d’autres TLR étant localisés dans les endosomes, par lesquels des microbes ont été ingérés.
Fig. 2.3 Structure et spécificités des récepteurs de type Toll (TLR).
Différents TLR répondent aux nombreux produits microbiens de structure différente. Les TLR des endosomes ne répondent qu’aux acides nucléiques. Tous les TLR contiennent un domaine de liaison au ligand composé de motifs riches en leucine et un domaine cytoplasmique de signalisation TIR (Toll-like IL-1 receptor).
Les signaux générés par l’engagement des TLR activent des facteurs de transcription qui stimulent l’expression de gènes codant des cytokines, des enzymes et d’autres protéines impliquées dans l’activation des fonctions antimicrobiennes des phagocytes et d’autres cellules activées (fig. 2.4). Parmi les plus importants facteurs de transcription activés par les signaux provenant des TLR sont NF-κB (nuclear factor κB), qui induit l’expression de différentes cytokines et de molécules endothéliales d’adhérence, ainsi que des IRF (interferon regulatory factors), qui stimulent la production des cytokines antivirales, les interférons de type I.
Fig. 2.4 Signalisation des récepteurs de type Toll (TLR).
Les TLR activent des mécanismes de signalisation semblables, qui impliquent des protéines adaptatrices et conduisent à l’activation de facteurs de transcription. Ceux-ci stimulent la production de protéines responsables de l’inflammation et des défenses antivirales.
IRF, interferon regulatory factor ; TIR, Toll-like IL-1 receptor ; NF-κB, nuclear factor κB.
Récepteurs de type NOD et inflammasome
La vaste famille de récepteurs cytosoliques dits de type NOD (NLR, NOD-like receptors) interagit avec les DAMP et les PAMP accédant au cytoplasme. Tous les NLR partagent des éléments structurels, notamment un domaine dénommé NOD (nucleotide oligomerization domain). Certains NLR reconnaissent une grande variété de substances sans relations de structure et utilisent un mécanisme spécial de signalisation (fig. 2.5). Un NLR typique et bien caractérisé est désigné par le sigle NLRP-3, pour NOD-like receptor family, pyrin domain containing 3 ; il détecte la présence de produits microbiens, de substances révélatrices de dommages ou de mort cellulaire, par exemple l’adénosine triphosphate (ATP), des cristaux d’acide urique dérivés des acides nucléiques, et même des changements de concentration intracellulaire des ions potassium (K+) et des substances endogènes déposées en excès dans les tissus (notamment, les cristaux de cholestérol et des acides gras libres).
Fig. 2.5 Inflammasome.
L’activation de l’inflammasome NLRP3 conduit à la transformation du précurseur pro-IL-1β en la forme active de l’IL-1. L’expression de pro-IL-1β est induite par la signalisation déclenchée par divers PAMP ou DAMP qui se lient à un récepteur de reconnaissance de motifs. La production d’IL-1β active dépend ensuite de l’inflammasome. Notez que l’inflammasome est en fait constitué de plusieurs molécules de NLRP3, de protéines adaptatrices et de caspase-1, mais une seule molécule de chaque groupe est représentée.
ATP, adénosine triphosphate ; IL-1β, interleukine 1β ; NLRP3, NOD-like receptor family, pyrin domain containing 3 ; TLR, récepteurs de type Toll.
Suite à la reconnaissance de ces substances variées ou peut-être certaines altérations chimiques fréquentes induites par ces substances, NLRP-3 oligomérise avec une protéine adaptatrice et la forme inactive (pro-) de l’enzyme caspase-1. Une fois recrutée, la caspase-1 est activée et clive le précurseur de la cytokine interleukine 1β (IL-1β) pour générer la forme active de l’IL-1β. Comme nous le verrons plus tard, l’IL-1 déclenche une inflammation aiguë et de la fièvre — d’où le nom de « domaine pyrine » dans le complexe NLRP-3. Ce complexe cytologique, comprenant une protéine détectrice, une protéine adaptatrice et la caspase-1, est appelé inflammasome. Il est important non seulement pour la défense de l’hôte, mais aussi en raison de son implication dans plusieurs maladies. Des mutations gain de fonction dans les protéines détectrices de l’inflammasome sont la cause de maladies rares, mais graves, appelées syndromes auto-inflammatoires, caractérisées par une inflammation incontrôlée et spontanée. Des antagonistes de l’IL-1 sont des traitements très efficaces de ces affections. La maladie articulaire commune, la goutte, est causée par le dépôt de cristaux d’urate et on pense que l’inflammation qui s’ensuit est provoquée par la reconnaissance des cristaux par l’inflammasome et la production de l’IL-1β. L’inflammasome peut aussi contribuer à l’athérosclérose, dans laquelle l’inflammation causée par les cristaux de cholestérol peut jouer un rôle, ainsi qu’au diabète de type 2 lié à l’obésité : l’IL-1 produite lors de la reconnaissance des lipides contribuerait à la résistance des tissus à l’insuline.
NOD-2 est un NLR spécifique de peptides bactériens qui sont entrés dans le cytosol ; il active le facteur de transcription NF-κB, mais son signal ne passe pas par un inflammasome. Certains polymorphismes du gène NOD-2 sont associés à une maladie inflammatoire de l’intestin (maladie de Crohn), les mécanismes sous-jacents à cette association restent mal compris. Les autres membres de la famille NLR sont moins bien connus.
Autres récepteurs cellulaires de l’immunité innée
De nombreux autres types de récepteurs sont impliqués dans les réponses immunitaires innées aux microbes (fig. 2.2). Plusieurs récepteurs cytoplasmiques reconnaissent des acides nucléiques viraux ou des peptides bactériens. Un exemple est la famille des récepteurs de type RLR (RIG-like receptors), qui reconnaissent l’ARN viral. Un récepteur de surface cellulaire exprimé principalement sur les phagocytes reconnaît des peptides qui commencent par la N-formyl méthionine, qui est propre aux protéines bactériennes, et favorise la migration ainsi que les activités antimicrobiennes des phagocytes. Des récepteurs de type lectine (qui reconnaissent les glucides) sont spécifiques de glycanes fongiques (ces récepteurs sont dénommés dectines) et des résidus mannosyles terminaux (dénommés récepteurs du mannose) ; ils sont impliqués dans la phagocytose des champignons et des bactéries et dans les réactions inflammatoires à ces agents pathogènes.
Composants de l’immunité innée
Barrières épithéliales
Les sites d’entrée les plus fréquents des microbes, la peau, le tractus gastro-intestinal et le tractus respiratoire, sont protégés par des épithéliums continus qui constituent des barrières physiques et chimiques contre les infections (fig. 2.6). Les trois principales interfaces entre l’organisme et le milieu extérieur sont la peau, le tractus gastro-intestinal et le tractus respiratoire. Les microbes parviennent à les traverser à partir du milieu extérieur à la suite d’un contact physique externe, de leur ingestion ou de leur inhalation. Ces trois sites de pénétration microbienne sont bordés par des épithéliums continus qui s’opposent physiquement à l’entrée des microbes. Les cellules épithéliales produisent également des antibiotiques peptidiques, dénommés défensives et cathélicidines, qui tuent les bactéries. En outre, les épithéliums contiennent des lymphocytes, dénommés lymphocytes intraépithéliaux, qui appartiennent à la lignée des lymphocytes T, mais expriment des récepteurs d’antigène de diversité limitée. Certains d’entre eux expriment des récepteurs composés de deux chaînes dénommées chaînes γ et δ, qui sont similaires, mais non identiques, aux récepteurs des lymphocytes T extrêmement diversifiés, αβ, présents sur la majorité des lymphocytes T (voir chapitres 4 et 5). Les lymphocytes intraépithéliaux, notamment les lymphocytes T γδ, reconnaissent en général des lipides ou d’autres structures microbiennes partagées par des germes de même type. Les lymphocytes intraépithéliaux réagissent probablement contre les agents infectieux qui tentent de traverser les épithéliums, mais la spécificité et les fonctions de ces cellules restent mal définies.
Fig. 2.6 Fonction des épithéliums dans l’immunité innée.
Les épithéliums, sites potentiels d’entrée des microbes, constituent des barrières physiques formées par la kératine (dans la peau) ou par le mucus sécrété (dans les tractus gastro-intestinal et bronchopulmonaire) et par les jonctions serrées entre les cellules épithéliales. Les épithéliums produisent aussi des substances antimicrobiennes (par exemple, les défensines) et hébergent des lymphocytes qui tuent les microbes et les cellules infectées.
Phagocytes : neutrophiles et monocytes/macrophages
Les deux types de phagocytes circulants, les neutrophiles et les monocytes, sont des cellules sanguines qui sont recrutées dans des sites d’infection, où ils reconnaissent et ingèrent les microbes afin de les détruire à l’intérieur de la cellule. Les neutrophiles (également appelés granulocytes, polynucléaires ou leucocytes polymorphonucléaires) sont les leucocytes les plus nombreux du sang, leur nombre étant compris entre 4 000 et 10 000 par μl (fig. 2.7). En réaction aux infections, la production de neutrophiles à partir de la moelle osseuse augmente rapidement et leur nombre peut atteindre 20 000 par μl de sang. La production de neutrophiles est stimulée par des cytokines, appelées facteurs stimulant la formation de colonies (colony-stimulating factors, CSF) ; ceux-ci sont produits par de nombreux types cellulaires en réponse aux infections et agissent sur les cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse pour stimuler la prolifération et la maturation des précurseurs des neutrophiles. Les neutrophiles sont le premier type cellulaire à répondre à la plupart des infections, en particulier les infections bactériennes et fongiques et sont ainsi les cellules prédominantes en cas d’inflammation aiguë — nous reviendrons plus loin à une description de l’inflammation. Les neutrophiles ingèrent les microbes présents dans le sang et ils pénètrent rapidement dans les tissus extravasculaires à hauteur des sites d’infection, où ils ingèrent et détruisent également des microbes. Ils sont aussi recrutés dans les lésions tissulaires en absence d’infection, où ils déclenchent l’élimination des débris cellulaires. Les neutrophiles ne vivent que quelques heures dans les tissus ; ils sont donc les premiers à réagir, mais ils n’assurent pas une défense prolongée.
Fig. 2.7 Morphologie des neutrophiles et des monocytes.
A. Cette microphotographie optique d’un neutrophile sanguin montre le noyau polylobé, d’où leur nom de leucocytes polynucléaires, et les granulations cytoplasmiques peu visibles (la plupart sont des lysosomes). B. Cette micrographie d’un monocyte sanguin montre un noyau typique en forme de fer à cheval.
Les monocytes sont moins nombreux que les neutrophiles, leur nombre étant compris entre 500 et 1 000 par μl de sang (fig. 2.7). Ils ingèrent également les microbes dans le sang et dans les tissus. Des monocytes qui pénètrent dans les tissus extravasculaires se différencient en cellules dénommées macrophages qui, contrairement aux neutrophiles, survivent dans ces sites durant de longues périodes. Les monocytes sanguins et les macrophages tissulaires constituent deux stades de la même lignée cellulaire, qui est souvent appelée « système des phagocytes mononucléaires1 » (fig. 2.8). Les macrophages résidents se trouvent dans les tissus conjonctifs et tous les organes sains.
Fig. 2.8 Stades de maturation des phagocytes mononucléaires.
Les phagocytes mononucléaires proviennent de précurseurs dans la moelle osseuse. Le stade sanguin circulant est le monocyte. Dans les tissus, ces cellules deviennent des macrophages ; ils peuvent être activés par des microbes et peuvent se différencier en formes spécialisées qui résident dans différents tissus.
SNC, système nerveux central.
Les macrophages jouent plusieurs rôles importants dans les défenses de l’hôte : ils ingèrent et détruisent les microbes, ils éliminent les tissus morts et lancent le processus de réparation des tissus ; en outre, ils produisent des cytokines qui déclenchent l’inflammation et la régulent (fig. 2.9). Ces fonctions sont exercées quand les microbes et les produits de cellules endommagées activent les macrophages en se liant aux récepteurs innés de reconnaissance des motifs décrits précédemment, notamment les TLR et les NLR. Les fonctions phagocytaires des macrophages dépendent de récepteurs de surface cellulaire, tels que les récepteurs du mannose et les récepteurs « éboueurs », qui se lient directement aux microbes (et à d’autres particules), et des récepteurs pour les produits de l’activation du complément et pour les anticorps qui recouvrent les microbes. Les neutrophiles utilisent la plupart des mêmes récepteurs servant à reconnaître et à ingérer les microbes. Les récepteurs du complément et des anticorps transmettent aussi des signaux d’activation qui amplifient la capacité des phagocytes à tuer les microbes ingérés. Le processus de phagocytose et de lyse microbienne est décrit plus loin, dans le contexte de l’inflammation.
Fig. 2.9 Activation et fonctions des macrophages.
Lors des réponses immunitaires innées, les macrophages sont activés par des produits microbiens qui se lient à des TLR et par des cytokines (comme l’IFN-γ sécrété par des cellules NK) ; celles-ci qui induisent la synthèse de protéines qui exercent les fonctions inflammatoires et microbicides de ces cellules. Les récepteurs cellulaires du complément favorisent la phagocytose des microbes couverts de protéines du complément ainsi que l’activation des macrophages. Les récepteurs de Fc des macrophages (pour les IgG) lient les microbes recouverts d’anticorps et exercent des fonctions semblables à celles des récepteurs du complément (non représenté.)
IFN-γ, interféron-γ ; DRO, dérivés réactifs de l’oxygène ; NO, oxyde nitrique ; iNOS, synthase inductible de l’oxyde nitrique ; TNF, facteur de nécrose tumorale ; IL, interleukine.