2: Immunité innée: Les premières défenses contre les infections

Chapitre 2


Immunité innée


Les premières défenses contre les infections



PLAN DU CHAPITRE



Tous les organismes multicellulaires, plantes, invertébrés ou vertébrés, ont dû acquérir, au cours de l’évolution, des mécanismes pour se défendre contre les infections et pour éliminer les cellules endommagées ou nécrotiques. Les mécanismes de défense qui ont évolué les premiers ont été conservés ; prêts à reconnaître et à éliminer les microbes et les cellules mortes, ils constituent l’immunité innée (aussi qualifiée de naturelle ou de native), dont le fonctionnement repose sur des cellules et molécules, dont l’ensemble est appelé système immunitaire inné. L’intervention de celui-ci est la première étape cruciale dans la défense de l’hôte contre les infections. Il vise efficacement les microbes, s’avérant capable de contrôler et même d’éradiquer les infections. La réponse immunitaire innée est en mesure de lutter contre les microbes dès leur entrée dans l’organisme ; en revanche, la réponse immunitaire adaptative doit être induite par l’antigène ; elle est, par conséquent, retardée. La réponse immunitaire innée fournit également au système immunitaire adaptatif les instructions nécessaires pour qu’il réagisse de manière efficace aux différents types microbiens. De plus, elle joue un rôle clé dans l’élimination des tissus morts et dans le déclenchement des mécanismes de réparation.


Avant d’examiner l’immunité adaptative, sujet auquel la plus grande partie de ce livre est consacrée, nous décrirons dans ce chapitre les réactions précoces de l’immunité innée en nous concentrant sur trois questions principales :




Caractéristiques générales et spécificité des réponses immunitaires innées


L’ensemble des réactions du système immunitaire inné est assez restreint ; ses fonctions défensives sont nettement plus limitées que les réponses plus diverses et plus spécialisées de l’immunité adaptative. La spécificité de l’immunité innée est également différente à plusieurs égards de celle des lymphocytes, responsables du système de reconnaissance de l’immunité adaptative (fig. 2.1).



Les deux principaux types de réactions du système immunitaire inné sont l’inflammation et la défense antivirale. L’inflammation consiste en l’accumulation et en l’activation de leucocytes et de protéines plasmatiques dans les foyers infectieux ou dans les lésions tissulaires. Ces cellules et protéines agissent en commun dans la lyse des microbes, surtout extracellulaires, et l’élimination des tissus endommagés. La défense immunitaire innée contre les virus intracellulaires est assurée principalement par les cellules tueuses naturelles (cellules NK, natural killer), qui tuent directement les cellules infectées, et par les cytokines dénommées interférons de type I, qui bloquent la réplication intracellulaire des virus.


Le système immunitaire inné réagit habituellement de la même manière lors de contacts répétés avec un microbe, tandis que le système immunitaire adaptatif répond plus efficacement à chaque rencontre successive avec un microbe. En d’autres termes, contrairement au système immunitaire adaptatif qui se souvient de ses contacts antérieurs avec des microbes, le système inné ne garde pas la mémoire de ses contacts avec les microbes et revient à sa ligne de base après chaque rencontre. Le phénomène de mémoire immunologique du système adaptatif confère aux réactions de défense une plus grande efficacité contre les infections répétées ou persistantes, et constitue la base de la fonction protectrice des vaccins.


Le système immunitaire inné reconnaît des structures qui sont partagées par différentes classes de microbes et qui sont absentes des cellules normales de l’hôte. Les mécanismes de l’immunité innée reconnaissent et répondent à un nombre limité de molécules microbiennes, bien moindre que celui, presque illimité, des antigènes de sources microbiennes ou non microbiennes reconnus par le système immunitaire adaptatif. Chaque composante de l’immunité innée peut reconnaître une grande variété de bactéries, de virus ou de champignons. Par exemple, les phagocytes expriment des récepteurs pour le lipopolysaccharide bactérien (LPS), également dénommé endotoxine, et d’autres récepteurs pour les peptidoglycanes ; chacune de ces substances est présente dans les parois cellulaires de nombreuses espèces bactériennes, mais absente des cellules mammaliennes. D’autres récepteurs des phagocytes reconnaissent les résidus mannosyles terminaux, qui sont typiques des glycoprotéines bactériennes mais qu’on ne trouve pas chez les mammifères. Les cellules de mammifères reconnaissent et réagissent à l’ARN double brin, qui caractérise de nombreux virus, mais dont les cellules de mammifères sont dépourvues, et aux oligonucléotides CpG non méthylés, qui sont communs dans l’ADN microbien, mais peu abondants dans l’ADN des mammifères. En général, on appelle les molécules microbiennes qui stimulent l’immunité innée « motifs moléculaires associés aux pathogènes », ou PAMP (pathogen-associated molecular patterns), pour indiquer qu’elles sont présentes dans les agents infectieux (agents pathogènes) et partagées par les microbes de même type, pour lesquels elles constituent des motifs moléculaires représentatifs. Les récepteurs de l’immunité innée qui reconnaissent ces structures communes sont appelés « récepteurs de reconnaissance de motifs », ou PRR (pattern recognition receptors).


Les composantes de l’immunité innée ont évolué afin de reconnaître certaines structures des microbes qui sont en général essentielles à la survie et au pouvoir infectieux de ceux-ci. Par conséquent, un microbe ne peut échapper à l’immunité innée par simple mutation ou en n’exprimant plus les cibles reconnues par l’immunité innée ; en effet, les microbes qui ne produisent plus ces structures perdent leur capacité d’infecter et de coloniser l’hôte. En revanche, les microbes échappent fréquemment à l’immunité spécifique en subissant des mutations des antigènes qui sont reconnus par les lymphocytes, dans la mesure où ces antigènes ne sont généralement pas nécessaires à la survie microbienne.


Le système immunitaire inné reconnaît aussi des molécules qui sont libérées par les cellules endommagées ou nécrotiques. De telles molécules sont appelées « motifs moléculaires associés aux lésions », ou DAMP (damage-associated molecular patterns). Les réponses subséquentes aux DAMP servent à éliminer les cellules endommagées et à déclencher les processus de réparation tissulaire.


Les récepteurs du système immunitaire inné sont codés par la lignée germinale et ne sont pas produits par recombinaison somatique des gènes. Ces récepteurs de reconnaissance des motifs moléculaires codés par la lignée germinale ont évolué pour constituer une adaptation protectrice des organismes multicellulaires aux microbes potentiellement nocifs. Au contraire, les récepteurs d’antigène des lymphocytes, c’est-à-dire les anticorps et les récepteurs des lymphocytes T (TCR), sont produits, au cours de la maturation de ces cellules, par recombinaison somatique des gènes codant les récepteurs (voir chapitre 4). La recombinaison des gènes permet de créer un nombre beaucoup plus grand de récepteurs structurellement différents par rapport à ceux qui sont produits à partir des gènes de la lignée germinale ; toutefois, ces différents récepteurs n’ont pas une spécificité prédéterminée pour les microbes. Par conséquent, la spécificité de l’immunité acquise est beaucoup plus variée que celle de l’immunité innée, et le système immunitaire adaptatif est capable de reconnaître beaucoup plus de structures chimiquement différentes. Il a été estimé que la population totale des lymphocytes était en mesure de reconnaître jusqu’à un milliard d’antigènes différents ; en d’autres mots, ces lymphocytes expriment jusqu’à un milliard de récepteurs d’antigène, chacun avec une spécificité unique. En revanche, la totalité des récepteurs de l’immunité naturelle reconnaît probablement moins d’un millier de motifs microbiens. En outre, les récepteurs du système immunitaire adaptatif sont distribués de manière clonale, ce qui signifie que chaque clone de lymphocytes (lymphocytes B et lymphocytes T) possède un récepteur différent spécifique d’un antigène particulier. En revanche, dans le système immunitaire inné, les récepteurs ne sont pas distribués de manière clonale ; cela signifie que des récepteurs identiques sont exprimés sur toutes les cellules d’un type particulier, par exemple les macrophages. Par conséquent, un grand nombre de cellules de l’immunité innée peuvent reconnaître le même microbe.


Le système immunitaire inné ne réagit pas contre l’hôte. Cette incapacité du système immunitaire inné à réagir contre les cellules et les molécules du soi, c’est-à-dire appartenant à l’individu lui-même, est due partiellement à la spécificité inhérente de l’immunité innée pour les structures microbiennes et partiellement au fait que les cellules mammaliennes expriment des molécules régulatrices qui empêchent les réactions immunitaires innées. Le système immunitaire adaptatif distingue également le soi du non-soi mais, dans ce système, des lymphocytes capables de reconnaître des antigènes du soi sont produits ; ils meurent ou sont inactivés lors de leur rencontre avec les antigènes du soi.


La réponse immunitaire innée peut être considérée comme une série de réactions qui assurent la défense aux stades suivants des infections microbiennes :



image aux points d’entrée des microbes : la plupart des infections commencent par l’entrée des microbes à travers les épithéliums de la peau et du tractus digestif ou pulmonaire ; les premiers mécanismes de défense actifs dans ces sites sont les épithéliums eux-mêmes, qui constituent des barrières physiques, ainsi que les molécules antimicrobiennes et des cellules lymphoïdes présentes dans ces épithéliums ;


image dans les tissus : les microbes qui ont franchi les épithéliums ainsi que les cellules mortes dans les tissus sont détectés par les macrophages résidents, les cellules dendritiques et d’autres cellules « sentinelles » ; ces cellules réagissent surtout en sécrétant des cytokines, qui déclenchent le processus inflammatoire ; elles recrutent et activent les phagocytes chargés de détruire les microbes et d’éliminer les cellules endommagées ;


image dans le sang : des protéines plasmatiques, notamment les protéines du système du complément, réagissent contre les microbes et facilitent leur destruction ;


image les virus : ils suscitent des réactions spéciales, notamment la production par les cellules infectées, de cytokines appelées interférons, qui préviennent l’infection d’autres cellules, ainsi que la lyse des cellules infectées par des cellules tueuses naturelles, ou cellules NK (natural killer cells).


Nous reprendrons une description plus détaillée de ces composantes de l’immunité innée et de leurs réactions plus loin dans ce chapitre. Nous allons voir maintenant comment les microbes, les cellules endommagées et d’autres substances étrangères sont détectées et comment les réponses immunitaires innées sont déclenchées.



Récepteurs cellulaires pour les microbes et les cellules endommagées


Les récepteurs que le système immunitaire inné utilise pour réagir contre les microbes et des cellules endommagées sont exprimés sur les phagocytes, les cellules dendritiques et de nombreux autres types de cellules, y compris les lymphocytes et les cellules endothéliales et épithéliales. Ces récepteurs sont exprimés dans différents compartiments cellulaires où les microbes peuvent se localiser. Certains sont présents à la surface de la cellule ; d’autres se trouvent dans le réticulum endoplasmique d’où ils peuvent être recrutés rapidement dans les vésicules (endosomes) qui ont servi à l’ingestion des produits microbiens ; d’autres encore sont dans le cytosol, où ils servent à capter des microbes cytoplasmiques (fig. 2.2). Certains de ces mêmes récepteurs répondent aux produits de cellules endommagées et à une variété de substances étrangères, comme des cristaux déposés dans des cellules et des tissus. Ces récepteurs pour PAMP et pour DAMP appartiennent à plusieurs familles protéiques.




Récepteurs de type Toll


Les récepteurs de type Toll (TLR, Toll-like receptor) sont homologues à une protéine dénommée Toll qui a été découverte chez la mouche drosophile pour son rôle dans la différenciation embryonnaire. Plus tard, elle s’est révélée essentielle à la protection de ces insectes contre les infections. Divers TLR sont spécifiques des différentes composantes microbiennes (fig. 2.3). Par exemple, TLR-2 reconnaît plusieurs lipoglycanes bactériens ; TLR-3, -7 et -8 sont spécifiques des acides nucléiques viraux (comme l’ARN double brin), TLR-4 pour le LPS bactérien (endotoxine), TLR-5 pour la flagelline, une protéine des flagelles bactériens, et TLR-9 pour des oligonucléotides non méthylés riches en CG (CpG), qui sont plus abondants dans l’ADN microbien que dans l’ADN des cellules de mammifères. Certains de ces TLR sont présents à la surface de la cellule, où ils reconnaissent les produits microbiens extracellulaires, d’autres TLR étant localisés dans les endosomes, par lesquels des microbes ont été ingérés.



Les signaux générés par l’engagement des TLR activent des facteurs de transcription qui stimulent l’expression de gènes codant des cytokines, des enzymes et d’autres protéines impliquées dans l’activation des fonctions antimicrobiennes des phagocytes et d’autres cellules activées (fig. 2.4). Parmi les plus importants facteurs de transcription activés par les signaux provenant des TLR sont NF-κB (nuclear factor κB), qui induit l’expression de différentes cytokines et de molécules endothéliales d’adhérence, ainsi que des IRF (interferon regulatory factors), qui stimulent la production des cytokines antivirales, les interférons de type I.



L’héritage de rares mutations des molécules de signalisation en aval des TLR est associé à des infections récurrentes et graves, particulièrement des pneumonies bactériennes, ce qui illustre l’importance de ces voies dans la protection de l’hôte contre les microbes.



Récepteurs de type NOD et inflammasome


La vaste famille de récepteurs cytosoliques dits de type NOD (NLR, NOD-like receptors) interagit avec les DAMP et les PAMP accédant au cytoplasme. Tous les NLR partagent des éléments structurels, notamment un domaine dénommé NOD (nucleotide oligomerization domain). Certains NLR reconnaissent une grande variété de substances sans relations de structure et utilisent un mécanisme spécial de signalisation (fig. 2.5). Un NLR typique et bien caractérisé est désigné par le sigle NLRP-3, pour NOD-like receptor family, pyrin domain containing 3 ; il détecte la présence de produits microbiens, de substances révélatrices de dommages ou de mort cellulaire, par exemple l’adénosine triphosphate (ATP), des cristaux d’acide urique dérivés des acides nucléiques, et même des changements de concentration intracellulaire des ions potassium (K+) et des substances endogènes déposées en excès dans les tissus (notamment, les cristaux de cholestérol et des acides gras libres).



Suite à la reconnaissance de ces substances variées ou peut-être certaines altérations chimiques fréquentes induites par ces substances, NLRP-3 oligomérise avec une protéine adaptatrice et la forme inactive (pro-) de l’enzyme caspase-1. Une fois recrutée, la caspase-1 est activée et clive le précurseur de la cytokine interleukine 1β (IL-1β) pour générer la forme active de l’IL-1β. Comme nous le verrons plus tard, l’IL-1 déclenche une inflammation aiguë et de la fièvre — d’où le nom de « domaine pyrine » dans le complexe NLRP-3. Ce complexe cytologique, comprenant une protéine détectrice, une protéine adaptatrice et la caspase-1, est appelé inflammasome. Il est important non seulement pour la défense de l’hôte, mais aussi en raison de son implication dans plusieurs maladies. Des mutations gain de fonction dans les protéines détectrices de l’inflammasome sont la cause de maladies rares, mais graves, appelées syndromes auto-inflammatoires, caractérisées par une inflammation incontrôlée et spontanée. Des antagonistes de l’IL-1 sont des traitements très efficaces de ces affections. La maladie articulaire commune, la goutte, est causée par le dépôt de cristaux d’urate et on pense que l’inflammation qui s’ensuit est provoquée par la reconnaissance des cristaux par l’inflammasome et la production de l’IL-1β. L’inflammasome peut aussi contribuer à l’athérosclérose, dans laquelle l’inflammation causée par les cristaux de cholestérol peut jouer un rôle, ainsi qu’au diabète de type 2 lié à l’obésité : l’IL-1 produite lors de la reconnaissance des lipides contribuerait à la résistance des tissus à l’insuline.


NOD-2 est un NLR spécifique de peptides bactériens qui sont entrés dans le cytosol ; il active le facteur de transcription NF-κB, mais son signal ne passe pas par un inflammasome. Certains polymorphismes du gène NOD-2 sont associés à une maladie inflammatoire de l’intestin (maladie de Crohn), les mécanismes sous-jacents à cette association restent mal compris. Les autres membres de la famille NLR sont moins bien connus.



Autres récepteurs cellulaires de l’immunité innée


De nombreux autres types de récepteurs sont impliqués dans les réponses immunitaires innées aux microbes (fig. 2.2). Plusieurs récepteurs cytoplasmiques reconnaissent des acides nucléiques viraux ou des peptides bactériens. Un exemple est la famille des récepteurs de type RLR (RIG-like receptors), qui reconnaissent l’ARN viral. Un récepteur de surface cellulaire exprimé principalement sur les phagocytes reconnaît des peptides qui commencent par la N-formyl méthionine, qui est propre aux protéines bactériennes, et favorise la migration ainsi que les activités antimicrobiennes des phagocytes. Des récepteurs de type lectine (qui reconnaissent les glucides) sont spécifiques de glycanes fongiques (ces récepteurs sont dénommés dectines) et des résidus mannosyles terminaux (dénommés récepteurs du mannose) ; ils sont impliqués dans la phagocytose des champignons et des bactéries et dans les réactions inflammatoires à ces agents pathogènes.


Jusqu’ici nous avons mis l’accent sur les récepteurs cellulaires, mais le système immunitaire inné, comme nous le verrons plus loin, comporte également plusieurs molécules circulantes qui reconnaissent les pathogènes et nous protègent contre eux.



Composants de l’immunité innée


Les composants du système immunitaire inné comprennent les cellules épithéliales, les cellules sentinelles dans les tissus (macrophages, cellules dendritiques et autres), les cellules NK et diverses protéines plasmatiques. Nous décrirons ensuite des propriétés de ces cellules et des protéines solubles et de leurs rôles dans les réponses immunitaires innées.



Barrières épithéliales


Les sites d’entrée les plus fréquents des microbes, la peau, le tractus gastro-intestinal et le tractus respiratoire, sont protégés par des épithéliums continus qui constituent des barrières physiques et chimiques contre les infections (fig. 2.6). Les trois principales interfaces entre l’organisme et le milieu extérieur sont la peau, le tractus gastro-intestinal et le tractus respiratoire. Les microbes parviennent à les traverser à partir du milieu extérieur à la suite d’un contact physique externe, de leur ingestion ou de leur inhalation. Ces trois sites de pénétration microbienne sont bordés par des épithéliums continus qui s’opposent physiquement à l’entrée des microbes. Les cellules épithéliales produisent également des antibiotiques peptidiques, dénommés défensives et cathélicidines, qui tuent les bactéries. En outre, les épithéliums contiennent des lymphocytes, dénommés lymphocytes intraépithéliaux, qui appartiennent à la lignée des lymphocytes T, mais expriment des récepteurs d’antigène de diversité limitée. Certains d’entre eux expriment des récepteurs composés de deux chaînes dénommées chaînes γ et δ, qui sont similaires, mais non identiques, aux récepteurs des lymphocytes T extrêmement diversifiés, αβ, présents sur la majorité des lymphocytes T (voir chapitres 4 et 5). Les lymphocytes intraépithéliaux, notamment les lymphocytes T γδ, reconnaissent en général des lipides ou d’autres structures microbiennes partagées par des germes de même type. Les lymphocytes intraépithéliaux réagissent probablement contre les agents infectieux qui tentent de traverser les épithéliums, mais la spécificité et les fonctions de ces cellules restent mal définies.




Phagocytes : neutrophiles et monocytes/macrophages


Les deux types de phagocytes circulants, les neutrophiles et les monocytes, sont des cellules sanguines qui sont recrutées dans des sites d’infection, où ils reconnaissent et ingèrent les microbes afin de les détruire à l’intérieur de la cellule. Les neutrophiles (également appelés granulocytes, polynucléaires ou leucocytes polymorphonucléaires) sont les leucocytes les plus nombreux du sang, leur nombre étant compris entre 4 000 et 10 000 par μl (fig. 2.7). En réaction aux infections, la production de neutrophiles à partir de la moelle osseuse augmente rapidement et leur nombre peut atteindre 20 000 par μl de sang. La production de neutrophiles est stimulée par des cytokines, appelées facteurs stimulant la formation de colonies (colony-stimulating factors, CSF) ; ceux-ci sont produits par de nombreux types cellulaires en réponse aux infections et agissent sur les cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse pour stimuler la prolifération et la maturation des précurseurs des neutrophiles. Les neutrophiles sont le premier type cellulaire à répondre à la plupart des infections, en particulier les infections bactériennes et fongiques et sont ainsi les cellules prédominantes en cas d’inflammation aiguë — nous reviendrons plus loin à une description de l’inflammation. Les neutrophiles ingèrent les microbes présents dans le sang et ils pénètrent rapidement dans les tissus extravasculaires à hauteur des sites d’infection, où ils ingèrent et détruisent également des microbes. Ils sont aussi recrutés dans les lésions tissulaires en absence d’infection, où ils déclenchent l’élimination des débris cellulaires. Les neutrophiles ne vivent que quelques heures dans les tissus ; ils sont donc les premiers à réagir, mais ils n’assurent pas une défense prolongée.



Les monocytes sont moins nombreux que les neutrophiles, leur nombre étant compris entre 500 et 1 000 par μl de sang (fig. 2.7). Ils ingèrent également les microbes dans le sang et dans les tissus. Des monocytes qui pénètrent dans les tissus extravasculaires se différencient en cellules dénommées macrophages qui, contrairement aux neutrophiles, survivent dans ces sites durant de longues périodes. Les monocytes sanguins et les macrophages tissulaires constituent deux stades de la même lignée cellulaire, qui est souvent appelée « système des phagocytes mononucléaires1 » (fig. 2.8). Les macrophages résidents se trouvent dans les tissus conjonctifs et tous les organes sains.



Les macrophages jouent plusieurs rôles importants dans les défenses de l’hôte : ils ingèrent et détruisent les microbes, ils éliminent les tissus morts et lancent le processus de réparation des tissus ; en outre, ils produisent des cytokines qui déclenchent l’inflammation et la régulent (fig. 2.9). Ces fonctions sont exercées quand les microbes et les produits de cellules endommagées activent les macrophages en se liant aux récepteurs innés de reconnaissance des motifs décrits précédemment, notamment les TLR et les NLR. Les fonctions phagocytaires des macrophages dépendent de récepteurs de surface cellulaire, tels que les récepteurs du mannose et les récepteurs « éboueurs », qui se lient directement aux microbes (et à d’autres particules), et des récepteurs pour les produits de l’activation du complément et pour les anticorps qui recouvrent les microbes. Les neutrophiles utilisent la plupart des mêmes récepteurs servant à reconnaître et à ingérer les microbes. Les récepteurs du complément et des anticorps transmettent aussi des signaux d’activation qui amplifient la capacité des phagocytes à tuer les microbes ingérés. Le processus de phagocytose et de lyse microbienne est décrit plus loin, dans le contexte de l’inflammation.


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Jun 25, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 2: Immunité innée: Les premières défenses contre les infections

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