2: Imagerie digestive

Chapitre 2 Imagerie digestive





Techniques d’imagerie



Modalités d’imagerie disponibles


Pendant de nombreuses années, l’imagerie en pathologie digestive a reposé sur la réalisation de clichés standard de l’abdomen sans préparation et sur les opacifications de l’estomac, du cadre duodénal, de l’intestin grêle et du côlon.


À partir des années 1980, les examens d’endoscopie haute et basse ont fait perdre la majorité de leurs indications aux examens radiologiques d’opacification. Parallèlement sont apparues échographie, tomodensitométrie et imagerie par résonance magnétique qui ont pris une place considérable en imagerie digestive, notamment pour l’analyse des organes pleins.


Pendant des décennies, le cliché d’abdomen sans préparation a constitué l’examen de débrouillage en pathologie digestive (fig. 2.1). On pouvait réaliser jusqu’à six clichés : un cliché centré sur les coupoles en position debout, un grand cliché d’ensemble en décubitus dorsal puis en position debout, deux clichés en décubitus latéral droit et gauche et un cliché sur le pelvis. Il existait d’autres clichés plus spécifiques, centrés sur le pancréas et la vésicule. Aujourd’hui, il n’existe quasiment plus aucune indication à réaliser un cliché d’abdomen sans préparation. On peut s’en servir pour chercher un pneumopéritoine en cas de douleurs abdominales aiguës et de contracture, mais on sait que les pneumopéritoines de petite abondance ne sont pas détectés sur l’abdomen sans préparation et que l’examen tomodensitométrique est beaucoup plus fiable.



L’abdomen sans préparation peut également, et c’est probablement l’indication la plus raisonnable, servir au cours des syndromes occlusifs. Il apporte une aide au diagnostic positif en montrant une dilatation des anses intestinales lorsque l’examen clinique est difficile. Il peut surtout être utilisé lors de la surveillance du syndrome occlusif lorsqu’un traitement médical avec aspiration digestive a été institué. Cependant, dans la majorité des cas, il n’est pas utile si un examen tomodensitométrique est réalisé.


Effectivement, l’analyse du cliché d’abdomen sans préparation est difficile et, en dehors de ces deux indications, il ne doit pas être réalisé. Malgré cela, dans la pratique privée comme dans la pratique hospitalière, le cliché d’abdomen sans préparation est encore très fréquemment effectué. Il faudra probablement des années avant de le voir disparaître, comme on a vu disparaître la radiographie du crâne de face et de profil en cas de traumatisme crânien.


Les opacifications digestives – transit œso-gastro-duodénal, transit du grêle, lavement baryté – ont elles aussi perdu quasiment toutes leurs indications. Il n’est plus question de chercher une pathologie tumorale ou ulcéreuse gastrique par une opacification, ni de dépister un polype ou un cancer du côlon ou du rectum par un lavement baryté.


Le transit du grêle a résisté un peu plus longtemps compte tenu de la difficulté de l’exploration endoscopique à ce niveau (fig. 2.2). Il a lui aussi aujourd’hui disparu au profit de méthodes endoscopiques avancées ou de l’imagerie par résonance magnétique. En centre spécialisé, il arrive encore que certaines anastomoses soient opacifiées par des produits hydrosolubles avant rétablissement de la continuité lors de chirurgie abdominale complexe, afin de vérifier l’absence de fuite anastomotique. Il est donc important que l’on tende à contribuer à la diminution de ces examens d’opacification en discutant chaque indication et en les réservant à des indications très sélectionnées.



En raison de sa simplicité et de sa diffusion, l’échographie abdominale constitue fréquemment l’examen de première intention pour l’étude de la pathologie digestive. Performante pour analyser les organes pleins de la cavité abdominale – foie, rate, pancréas – elle a été également utilisée par certains, avec moins de succès, pour la pathologie colique, voire grêle.


L’échographie Doppler permet l’analyse des vaisseaux abdominaux, artériels et veineux. Incontournable dans les années 1980, elle est maintenant à la fois concurrente et complémentaire du scanner et de l’IRM. L’avantage de l’échographie tient en sa simplicité et sa diffusion. Elle souffre considérablement de son caractère opérateur-dépendant et des performances extraordinaires qu’obtiennent aujourd’hui la tomodensitométrie et surtout l’imagerie par résonance magnétique pour l’exploration de l’abdomen. On peut considérer que l’échographie reste l’examen de première intention pour la pathologie hépatovésiculaire et qu’elle peut être utilisée pour le dépistage d’une lésion pancréatique ou splénique (fig. 2.3).



L’examen tomodensitométrique était au début relativement peu adapté à l’analyse de la cavité abdominale. À l’heure actuelle, les appareils modernes multidétecteurs permettent l’exploration de la cavité abdominale avant injection, lors d’un temps artériel puis lors d’un temps portal en quelques secondes (fig. 2.4). L’examen tomodensitométrique peut être utilisé en pathologie hépatique, pancréatique, splénique, et pour l’analyse du tube digestif. Dans l’ensemble des indications, il est largement concurrencé par l’imagerie par résonance magnétique, caractérisée par un contraste spontané de grande qualité.



Aujourd’hui, en pathologie abdominale, le scanner reste l’examen de référence dans toutes les situations d’urgence – douleurs abdominales aiguës, occlusion intestinale, traumatisme abdominal.


L’imagerie par résonance magnétique est devenue l’examen de référence absolument indispensable et strictement indiscutable pour la pathologie neurologique. L’histoire de l’évolution de l’imagerie montre bien que l’exploration des différents appareils en imagerie médicale a toujours suivi l’exemple de l’imagerie neurologique. C’est en imagerie de l’encéphale que le scanner a été utilisé en premier, il en a été de même pour l’IRM. On pourrait multiplier les exemples avec les différentes techniques utilisées en tomodensitométrie ou en imagerie par résonance magnétique, qui ont toujours été introduites initialement par l’imagerie de l’encéphale. Ainsi, il n’est pas très difficile de prédire qu’à court terme, c’est l’imagerie par résonance magnétique qui sera l’examen de référence pour l’analyse de l’ensemble des pathologies digestives. C’est en fait déjà largement le cas pour l’exploration des pathologies hépatique, pancréatique, splénique et du tube digestif (fig. 2.5).



En matière de pathologie hépatique, c’est le contraste spontané de très haute qualité, bien supérieur à celui obtenu en scanner, qui permet fréquemment de répondre aux questions sans qu’il soit besoin d’injecter de produit de contraste. En pathologie vésiculaire, biliaire et pancréatique, les techniques qui permettent l’analyse canalaire, cholangiopancréatographie et wirsungographie par résonance magnétique, fournissent des renseignements anatomiques de très haute qualité et sont devenues indispensables à l’analyse de la pathologie kystique.


En matière de pathologie de l’intestin grêle, entéro- IRM et entéroscanner sont à la fois concurrents et complémentaires, mais il est certain que l’entéro-IRM, année après année, gagne du terrain. Elle a pour principal avantage d’être une technique non irradiante, indispensable chez les patients atteints de maladie inflammatoire, qui sont des maladies chroniques intéressant des sujets jeunes. Finalement, ce n’est que dans les situations d’urgence que l’imagerie par résonance magnétique laisse encore le champ libre au scanner. Il s’agit en fait principalement de commodité par plus grande disponibilité du scanner, car il faut bien dire que la majorité des situations d’urgence pourrait être explorée en IRM, mais il est vrai que la disponibilité et la rapidité d’acquisition en scanner ne rendent pas urgente cette substitution.


L’imagerie d’intervention ou radiologie interventionnelle a pris une place très importante en matière de thérapeutique digestive. En pathologie hépatique, la ponction-biopsie hépatique d’une tumeur hépatique sous contrôle échographique ou tomodensitométrique est devenue la modalité de référence pour l’obtention d’un prélèvement histologique. En pathologie tumorale, il existe un large éventail de modalités d’intervention – destruction locale d’une tumeur par radiofréquence, chimio-embolisation de carcinome hépatocellulaire multi focal par injection directement dans l’artère hépatique de l’agent de chimiothérapie et d’un produit d’embolisation, embolisation artérielle d’une tumeur hépatique compliquée d’hémorragie active (fig. 2.6). En pathologie vésiculaire et biliaire, les drainages biliaires externes, la mise en place par voie percutanée de prothèses endobiliaires et le drainage de cholécystite alithiasique sont des interventions très couramment réalisées. Plus généralement, le drainage des abcès abdominaux est désormais un acte de pratique courante ; utilisé initialement pour les abcès simples, cette méthode s’est étendue aux abcès complexes, mal limités, à contenu épais, avec des débris, multiloculés, voire même avec des fistules intestinales. Parallèlement, les embolisations d’hémostase peuvent concerner l’ensemble du secteur artériel à l’origine d’une hémorragie active.



D’autres procédures plus complexes – embolisation portale pré-opératoire, dérivation portosystémique par voie percutanée (TIPS, transjugular intrahepatic portal systemic shunt) – sont également fréquemment pratiquées. L’ensemble de ces interventions a considérablement simplifié et diminué la réalisation d’interventions chirurgicales auparavant indispensables. Ainsi, on ne réalise plus jamais de laparotomie exploratrice pour obtenir un prélèvement histologique, les abcès postopératoires ne sont jamais réopérés mais drainés par voie percutanée, la chirurgie d’hémostase a quasiment disparu au profit de l’embolisation et la pratique de dérivation portosystémique par voie percutanée a pratiquement totalement supplanté les opérations de dérivation portocave chirurgicale.


En pathologie tumorale, les destructions tumorales percutanées sont à la fois concurrentes et complémentaires des résections chirurgicales classiques.


Ainsi, en matière de pathologie digestive, la radiologie interventionnelle a considérablement fait évoluer le champ des interventions qu’il est désormais possible de proposer au patient.



Place de l’imagerie


L’imagerie médicale est aujourd’hui indispensable pour l’exploration de nombreux pans de la pathologie digestive. C’est le cas pour l’étude du foie, dont l’examen clinique est difficile. Que ce soit pour les hépatopathies chroniques ou les lésions tumorales ou vasculaires du foie, l’imagerie dominée par le couple échographie-IRM est absolument incontournable.


C’est encore le couple échographie-IRM qui est indispensable à l’analyse de la pathologie vésiculaire et biliopancréatique. Cependant, le scanner est indispensable à l’analyse dans les situations d’urgence en matière de pathologie abdominale, qu’il s’agisse de phénomènes douloureux, d’occlusion ou de traumatisme de l’abdomen.


Pour l’analyse de la pathologie du tube digestif, les examens d’endoscopie sont généralement effectués de première intention pour l’œsophage, l’estomac, le duodénum et le cadre colique. L’imagerie est utilisée dans le cadre du bilan d’extension des tumeurs du tube digestif. Pour la pathologie du grêle, entéroscanner et entéro-IRM sont à la fois concurrents et complémentaires.


Ainsi, les différents examens d’imagerie disponibles ont considérablement révolutionné l’exploration de la pathologie digestive. En revanche, il faut être attentif à ne plus prescrire qu’exceptionnellement des clichés d’abdomen sans préparation qui ne sont guère plus utiles que dans le diagnostic et le suivi évolutif des syndromes occlusifs, à ne plus prescrire qu’exceptionnellement des opacifications de l’œsophage, de l’estomac, de l’intestin grêle ou du côlon, à se méfier des tendances à la sur-prescription d’examens d’imagerie lors d’une symptomatologie vague, lorsque l’examen clinique ne peut orienter la réalisation de l’examen d’imagerie.


C’est évidemment le cas des douleurs abdominales extraordinairement fréquentes et plus généralement des troubles fonctionnels digestifs, qu’il s’agisse de la sphère haute (dyspepsie) ou de la sphère basse (troubles fonctionnels intestinaux) (Encadré 2.1). Dans ce cadre pathologique, il est évidemment indispensable de ne pas passer à côté d’une affection organique, et il est donc souvent licite de réaliser une endoscopie haute ou une endoscopie basse, voire une échographie. Mais il importe de ne pas multiplier ou répéter les examens d’imagerie qui n’ont pas d’intérêt diagnostique.



Encadré 2.1 Troubles fonctionnels digestifs


Les troubles fonctionnels digestifs sont le motif de consultation le plus fréquent en gastro-entérologie. Ils comprennent la dyspepsie idiopathique et les troubles fonctionnels intestinaux. Ces troubles fonctionnels digestifs gênent parfois considérablement la vie des patients. Cependant, il n’existe aucune anomalie anatomique digestive, aucun support physiopathologique crédible, et l’association est fréquente avec d’autres troubles fonctionnels, urinaires, génitaux ou autres.


Le terme très vague de dyspepsie, qui correspond à ce que les patients expriment souvent sous le terme de digestion difficile, traduit un dysfonctionnement du tube digestif supérieur. Il peut s’agir de phénomène douloureux, de crampes, de brûlures, d’une tendance nauséeuse, parfois de vomissements. L’état général est parfaitement conservé, l’examen clinique est tout à fait normal. On n’a jamais mis en évidence de support organique crédible à ces manifestations cliniques. L’objectif est évidemment, chez ces patients, de ne pas multiplier les investigations complémentaires. S’ils consultent un gastro-entérologue, une fibroscopie œso-gastro-duodénale est généralement réalisée et une échographie est fréquemment prescrite. Il s’agit de limiter les explorations complémentaires à ces examens simples, de ne pas demander d’autres examens – scanner, IRM – et de ne pas les répéter.


Les troubles fonctionnels intestinaux se traduisent par un ensemble de symptômes réunis ou successifs – constipation, diarrhée, douleurs abdominales, gaz, ballonnements – qui évoluent irrégulièrement au fil du temps. Là encore, il n’existe pas d’altération de l’état général et l’examen clinique est normal.


Encore plus fréquents que la dyspepsie, on considère que 10 à 20 % des adultes souffrent de troubles fonctionnels intestinaux. Comme dans la dyspepsie, on n’a jamais retrouvé de support organique crédible à ces troubles fonctionnels. Compte tenu de l’existence de troubles du transit, une coloscopie est très fréquemment réalisée lorsque le patient consulte un gastro-entérologue. Il arrive que ses résultats normaux diminuent quelque temps la symptomatologie. Elle ne devra pas être répétée régulièrement. Une échographie abdominale est fréquemment demandée par le gastro-entérologue. Il faut essayer de limiter les investigations complémentaires à ces deux examens simples et ne pas en réaliser d’autres plus complexes ou invasifs. Le lavement baryté, le transit baryté du grêle, l’examen tomodensitométrique et l’imagerie par résonance magnétique n’ont aucun intérêt. Ainsi, que ce soit pour la dyspepsie ou pour les troubles fonctionnels intestinaux, il ne faut en aucun cas négliger ces symptômes qui peuvent considérablement gêner la vie de patients, mais les prendre en charge, principalement à l’aide d’une relation confiante entre le médecin et son malade. Les examens complémentaires ont certes pour but d’éliminer une affection organique, mais il est essentiel d’éviter de multiplier des examens souvent répétés plusieurs fois alors que la symptomatologie n’a pas changé.




Pathologie hépatique



Cirrhose


La cirrhose hépatique est définie par l’association de trois lésions : une destruction des hépatocytes, ou nécrose hépatocytaire, le développement d’une fibrose hépatique, conséquence de cette destruction hépatocytaire, et la réorganisation des hépatocytes sous la forme de nodules de régénération. En fonction de la taille des nodules de régénération, on distingue les cirrhoses micronodulaires (les nodules de régénération ont moins de 3 mm de diamètre) des cirrhoses macronodulaires (les nodules de régénération ont plus de 3 mm de diamètre).


Dans les pays occidentaux, la cirrhose alcoolique est la plus fréquente. Le foie a une tolérance interindividuelle très variable à la consommation alcoolique excessive. On considère que le risque de cirrhose commence avec une prise quotidienne de 60 g/j d’alcool chez l’homme et de 40 g/j chez la femme, et qu’à partir de 200 g/j de consommation alcoolique, le risque de développement d’une cirrhose est de l’ordre de 50 %.


Les infections hépatiques par le virus de l’hépatite B et de l’hépatite C constituent des causes fréquentes de cirrhose. Dans les pays de fortes endémies virales B et C, elles représentent la cause principale de cirrhose. On considère qu’il faut une vingtaine d’années pour développer une cirrhose hépatique après contamination par le virus. Les autres étiologies de cirrhose sont plus rares : hémochromatose, hépatite auto-immune, cirrhose biliaire primitive ou secondaire.


La cirrhose hépatique évolue en deux phases. Une phase de cirrhose non compliquée – on parle de cirrhose compensée – et une phase marquée par l’apparition de complications. Au stade de cirrhose compensée, l’examen clinique peut être normal ; ailleurs, on peut trouver une hépatomégalie et des signes d’insuffisance hépatocellulaire, tels qu’un subictère ou des angiomes stellaires.


Ce tableau clinicobiologique peu bruyant explique que la cirrhose soit fréquemment découverte lors d’une complication : insuffisance hépatocellulaire, hypertension portale et ses complications, carcinome hépatocellulaire.


L’insuffisance hépatocellulaire se traduit le plus souvent par l’association d’un ictère, d’une ascite, voire d’une encéphalopathie hépatique.


L’hypertension portale se traduit le plus souvent par la survenue d’hémorragies digestives.


Le carcinome hépatocellulaire se traduit par l’apparition d’un syndrome tumoral ou par la décompensation d’une cirrhose.


La sévérité et le pronostic de la cirrhose hépatique sont généralement évalués par le score de Child-Pugh qui fait intervenir les valeurs plasmatiques de la bilirubine, de l’albumine, du taux de prothrombine et l’existence d’une ascite et d’une encéphalopathie hépatique.


Le score de MELD (pour Model for End-stage Liver Disease), initialement utilisé pour sélectionner les candidats à la transplantation hépatique, est également fréquemment utilisé pour évaluer la sévérité d’une cirrhose (Encadré 2.2). Ce score prend en compte les valeurs de la bilirubinémie, de l’INR (taux de prothrombine normalisé) et de la créatininémie.



Encadré 2.2 Transplantation hépatique


La transplantation hépatique est actuellement le seul traitement efficace de l’insuffisance hépatique terminale aiguë ou chronique. Après transplantation hépatique, la survie à 5 ans est de 70 à 80 %.


Elle est proposée en cas de cirrhose grave, d’affection biliaire, vasculaire (syndrome de Budd-Chiari), mais également de tumeur hépatique (carcinome hépatocellulaire, métastases hépatiques de tumeur endocrine, cholangiocarcinome). Elle est également proposée en cas d’hépatite fulminante ou d’insuffisance hépatique aiguë.


Dans la majorité des cas, le greffon hépatique est prélevé chez un sujet en état de mort encéphalique. Néanmoins, compte tenu de la pénurie de donneurs (on considère que 10 à 20 % des candidats à la transplantation meurent avant qu’il ait été possible de les transplanter), des techniques de prélèvement chez des donneurs vivants apparentés se développent, notamment en cas de transplantation hépatique destinée à un enfant.


Dans la majorité des cas, on réalise une transplantation orthotopique, c’est-à-dire qu’un foie entier est greffé en lieu et place du foie natif. Le premier temps est l’hépatectomie du foie natif, le second la mise en place du greffon et l’anastomose veineuse. Celle-ci peut se faire par deux anastomoses terminoterminales entre la veine cave inférieure du donneur et la veine cave inférieure du receveur, ou par une technique appelée piggy-back qui consiste à ligaturer l’extrémité inférieure de la veine cave inférieure du donneur, d’anastomoser ensuite latéralement l’extrémité supérieure de la veine cave inférieure du donneur à la veine cave inférieure du receveur. Les autres éléments anatomiques sont ensuite anastomosés – la veine porte, l’artère hépatique et les voies biliaires.


Les complications de la transplantation hépatique sont dominées par le rejet qui peut se faire sous une forme aiguë ou chronique et par des complications qui peuvent intéresser l’anastomose artérielle, l’anastomose portoporte ou l’anastomose biliaire.


L’imagerie a un rôle primordial dans le cadre de la transplantation hépatique, qu’il s’agisse du bilan prétransplantation ou pour la surveillance des malades transplantés. Dans le cadre du bilan prétransplantation, scanner et IRM sont à la fois concurrents et complémentaires pour évaluer l’anatomie hépatique et notamment rechercher des variantes artérielles et portales, de même qu’une thrombose portale et des variantes biliaires. L’imagerie est également utilisée pour rechercher une éventuelle tumeur hépatique et réaliser alors son bilan d’extension. L’évaluation anatomique précise est encore plus importante chez les donneurs vivants, chez lesquels il est primordial de s’assurer qu’il n’existe pas de variante anatomique interdisant de prélever le lobe gauche ou le foie gauche.


Après transplantation hépatique, l’imagerie est indispensable pour surveiller les patients transplantés. Dans la période postopératoire précoce, l’échographie quotidienne est réalisée au lit du malade. Elle participe à la recherche d’une collection par fuite biliaire ou complication hémorragique et évalue la perméabilité de l’artère hépatique par la réalisation d’un examen Doppler. Avant la sortie de l’hôpital, un examen d’imagerie de référence, scanner ou de préférence imagerie par résonance magnétique, permet de réaliser un bilan anatomique complet évaluant le parenchyme hépatique, les anastomoses caves, portes et artérielles et les voies biliaires.


Le diagnostic de certitude de cirrhose est obtenu par la réalisation d’une biopsie hépatique, généralement réalisée par voie percutanée.



Imagerie


L’imagerie médicale est largement utilisée chez les patients atteints de cirrhose hépatique. Elle participe au diagnostic et a surtout une place considérable pour le diagnostic des complications.


L’échographie est réalisée de première intention en casde suspicion de cirrhose. En fonction du stade évolutif, le volume hépatique peut être normal, augmenté ou diminué. On cherche des anomalies du foie qui peut être plus échogène et d’échostructure plus grossière que celle d’un foie normal, ainsi que des anomalies des contours. Les contours du foie sont normalement lisses, alors qu’ils deviennent bosselés en cas de cirrhose, traduisant l’existence de nodules de régénération (fig. 2.7).



On cherche également une dysmorphie hépatique (Encadré 2.3) associant l’atrophie du foie droit et du segment IV, à une hypertrophie du lobe gauche et du lobe caudé (segment I) (fig. 2.9 et 2.10).






Les trois méthodes d’imagerie – échographie, tomodensitométrie et imagerie par résonance magnétique – sont très sensibles pour la détection d’une ascite, même d’abondance minime (fig. 2.11).



L’échographie, la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique permettent de poser le diagnostic d’hypertension portale par la mise en évidence d’une splénomégalie (signe sensible mais peu spécifique) et surtout de dérivations portocaves qui, du fait de l’augmentation de la pression dans le système porte, font communiquer le système porte et le système cave (Encadré 2.4).



Encadré 2.4 Hypertension portale


L’hypertension portale est définie par une élévation du gradient portocave au-dessus de 5 mm de mercure. L’élévation de la pression portale est due à des obstacles anatomiques qui peuvent siéger sur la veine porte, en amont du foie (bloc infrahépatique généralement en rapport avec une thrombose portale), dans le foie (bloc intrahépatique) ou sur les veines hépatiques (bloc suprahépatique : syndrome de Budd-Chiari).


Les blocs intrahépatiques sont dus le plus souvent à une cirrhose.


L’augmentation de la pression portale se traduit par une splénomégalie, une dilatation des veines mésentériques et portales et le développement d’anastomoses portocaves (fig. 2.12). Ces dérivations portocaves sont au nombre de cinq :




Finalement, l’imagerie a un rôle fondamental pour la détection (par un dépistage régulier) et la caractérisation du carcinome hépatocellulaire qui constitue une complication fréquente des cirrhoses.


Le dépistage classique du carcinome hépatocellulaire sur cirrhose était réalisé par l’association du dosage (sérique) du taux d’alpha-fœtoprotéine tous les 6 mois, alterné avec la réalisation semestrielle également d’une échographie. On tend à l’heure actuelle à abandonner le dosage du taux de l’alpha-fœtoprotéine qui est le plus fréquemment normal en cas de petit carcinome hépatocellulaire. Il est donc logique de réaliser une échographie semestrielle de dépistage. Il est important qu’elle soit réalisée par un radiologue échographiste rompu à la pathologie hépatique et que le même médecin effectue ce dépistage année après année.


Il pourrait être également possible de réaliser le dépistage du carcinome hépatocellulaire par tomodensitométrie ou par résonance magnétique. L’irradiation corrélée à la réalisation d’un examen tomodensitométrique, le coût et la disponibilité limitée des systèmes d’imagerie par résonance magnétique expliquent que l’on réserve ces techniques aux malades très difficiles à explorer par échographie, ce qui est assez rare pour un opérateur entraîné.


En matière de cirrhose, la radiologie interventionnelle a principalement deux indications : la réalisation d’une ponction-biopsie hépatique et le traitement des hémorragies digestives en relation avec une hypertension portale. La ponction-biopsie hépatique s’effectue généralement au lit du malade, à l’aveugle, mais peut être réalisée sous contrôle échographique en cas d’obésité ou lorsque le foie est de petite taille. Après contrôle de l’hémostase, la ponction-biopsie hépatique réalisée sous anesthésie locale par une ponction à l’aiguille coupante permet de rapporter une carotte de parenchyme hépatique qui sera examinée par l’anatomopathologiste.


Lorsqu’il existe des anomalies de la coagulation (taux de plaquettes inférieur à 50 000/mm3 ou TP inférieur à 50 %) ou une ascite, la ponction-biopsie hépatique par voie transcutanée expose à un risque élevé d’hémopéritoine. On utilise alors la voie transjugulaire (après ponction de la veine jugulaire interne, un cathéter est amené au niveau de la veine cave inférieure, puis dans une des veines hépatiques où une biopsie est pratiquée à travers la paroi de la veine hépatique).


La radiologie interventionnelle peut être également mise à profit lors du traitement des hémorragies digestives liées à une hypertension portale non contrôlée par le traitement pharmacologique et endoscopique. On discute la mise en place d’une anastomose portocave intrahépatique (TIPS) qui a quasiment complètement remplacé les dérivations portocaves chirurgicales. Il s’agit ici de mettre en place par voie transjugulaire une prothèse entre une des veines hépatiques et une des branches de la veine porte intrahépatique.




Tumeurs du foie


L’imagerie médicale a une place centrale pour le diagnostic, la caractérisation et la surveillance des lésions hépatiques.



Tumeurs malignes du foie



Carcinome hépatocellulaire


Le carcinome hépatocellulaire est une lésion tumorale qui se développe dans la majorité des cas sur un foie de cirrhose. C’est la tumeur maligne hépatique primitive la plus fréquente. Le carcinome hépatocellulaire peut compliquer une cirrhose alcoolique, mais il est encore plus fréquent chez les patients atteints de cirrhose post-hépatitique B et surtout de cirrhose post-hépatitique C. Le carcinome hépatocellulaire peut être diagnostiqué lors de symptômes propres à la tumeur – douleurs, altération de l’état général –, lors de la décompensation d’une cirrhose jusque-là compensée ou, très fréquemment à l’heure actuelle, lors de la surveillance régulière de patients atteints de cirrhose. C’est donc l’échographie qui, réalisée régulièrement chez un malade atteint de cirrhose, décèle l’existence d’une lésion arrondie, souvent hypo-échogène, parfois hétérogène (« Sur le vif » 2.1). Certains complètent cette échographie par une échographie avec injection de produit de contraste ultrasonore qui démontre le caractère hypervasculaire du carcinome hépatocellulaire au temps artériel et le lavage de la lésion au temps portal.



Sur le vif 2.1 Carcinome hépatocellulaire sur cirrhose


Un homme de 59 ans, atteint d’une cirrhose alcoolique, vient vous consulter avec les résultats de sa dernière échographie hépatique. La cirrhose alcoolique est connue depuis plusieurs années. Il n’a jamais été possible d’obtenir un sevrage de plus de 2 mois. Il a eu plusieurs décompensations œdémato-ascitique. La dernière remonte à 6 mois et avait été déclenchée par une hémorragie digestive par rupture de varices œsophagiennes qui ont été ligaturées. Il est régulièrement surveillé par échographie. C’est son échographiste habituel qui parle sur le dernier examen d’un nodule du dôme hépatique.


À l’examen clinique, il n’est pas ictérique et a de multiples angiomes stellaires. On ne palpe pas de gros foie et on ne met pas en évidence d’ascite.


Le diagnostic le plus probable est celui de carcinome hépatocellulaire sur cirrhose. On décide de réaliser un examen par résonance magnétique. Cet examen montre un nodule de 4 cm bien limité, très hétérogène, à l’origine d’un hypersignal sur la séquence pondérée en T2 avec un liséré périphérique (fig. 2.13).


Le nodule est hypo-intense par rapport au reste du foie sur la séquence pondérée en T1, rehaussé au temps artériel par rapport au reste du foie et lavé plus que le reste du foie sur l’acquisition réalisée au temps portal.


L’application des critères de l’American Association for Study of Liver Disease, critères dits de Barcelone, permet de porter avec certitude le diagnostic de carcinome hépatocellulaire. Le patient est effectivement atteint d’une cirrhose, il a un nodule de plus de 2 cm caractérisé par l’hypervascularisation au temps artériel et un lavage au temps portal. Le diagnostic de carcinome hépatocellulaire sur cirrhose peut être porté de façon définitive sans nécessiter de preuve histologique.


C’est en réunion de concertation pluridisciplinaire que sera déterminé le traitement optimal. La transplantation hépatique n’est pas envisageable chez ce malade non sevré. Une résection hépatique majeure n’est pas indiquée chez ce malade porteur d’une cirrhose ayant eu plusieurs décompensations et une hypertension portale compliquée, en raison du risque d’insuffisance hépatocellulaire. Compte tenu du caractère unique de la lésion, une destruction par radiofréquence est le traitement optimal, mieux tolérée que la chimio-embolisation et plus efficace que la chimiothérapie systémique.


Cette observation illustre l’intérêt de l’imagerie qui permet un diagnostic définitif de carcinome hépatocellulaire sur cirrhose sans nécessiter de preuve histologique et le choix de la meilleure option thérapeutique.



Quoi qu’il en soit, on complète généralement l’examen échographique par un examen tomodensitométrique ou mieux une imagerie par résonance magnétique, dans un souci de caractérisation et de bilan d’extension de la lésion.


Comme en échographie, la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique sont aptes à montrer le caractère hypervascularisé de la lésion au temps artériel avec lavage au temps portal. C’est-à-dire que la lésion est rehaussée plus que le reste du foie au temps artériel et au contraire moins que le reste du foie sur les temps portal et tardif (fig. 2.14). On cherche de plus une hétérogénéité de la lésion et un éventuel liséré péritumoral correspondant à une capsule ou à une pseudo-capsule. Il est important de mesurer le plus grand diamètre de la lésion, de chercher d’autres localisations et une extension aux structures de voisinage. L’extension la plus fréquente se fait vers les branches de la veine porte qui sont obstruées par une extension de la tumeur. L’ensemble de ces données participe au choix de la meilleure option thérapeutique. Il est important de souligner qu’il est maintenant possible de porter définitivement le diagnostic de carcinome hépatocellulaire sur les seuls critères de l’imagerie à la condition qu’on visualise, sur un foie de cirrhose, une lésion plus rehaussée que le reste du foie au temps artériel – c’est ce que les Anglais appellent le wash-in – et moins rehaussée que le reste du foie au temps portal – c’est ce que les Anglais appellent le wash-out. On parle à ce propos de critères de Barcelone.


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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 2: Imagerie digestive

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