2: Examen clinique et imagerie

Chapitre 2 Examen clinique et imagerie




TRAUMATISMES RÉCENTS


En urgence, le tableau clinique est assez univoque et se présente sous la forme d’un gros pied et/ou d’un gros cou de pied hyperalgique avec impotence fonctionnelle absolue ou majeure. Le diagnostic lésionnel relève presque toujours de la radiologie. En revanche, le premier contact avec le patient doit être orienté vers la reconstitution des circonstances étiologiques et la recherche de complications immédiates.




État cutané


Les conditions anatomiques locales expliquent que, dès l’accueil du blessé, l’état cutané doit être évalué et consigné par écrit. En effet, hormis à la plante, le squelette ostéoarticulaire est immédiatement sous-cutané. Cette situation explique la particulière gravité des traumatismes directs par écrasement auxquels, topographiquement, pied et cou de pied sont parti- culièrement exposés. De même, l’anatomie des voies du retour veineux dorsal, à l’étroit entre os et peau, explique la rapidité d’apparition et l’évolutivité de l’œdème post-traumatique ainsi que son action rapidement délétère sur la peau, surtout si cette dernière est déjà en situation de souffrance chronique (traumatisme direct ou hyperpression localisée par action d’un déplacement épiphysaire ou fragmentaire). (figure 2.1).



La peau peut être en tous points normale. Pour cela, plusieurs conditions doivent être réunies. Le revêtement cutané doit être continu. Le gonflement doit rester modéré, avec une peau souple, sans tension, de vascularisation normale (coloration, chaleur locale, temps de recoloration, pas de turgescence veineuse) et de sensibilité préservée (une zone d’hypo ou d’anesthésie traduisant une plage de dévitalisation).


La peau peut être le siège d’une plaie cutanée, communicante ou non. Jusqu’à preuve chirurgicale du contraire, cette plaie doit être considérée comme communicante (avec une cavité articulaire ou un foyer de fracture) ou potentiellement compliquée [atteinte d’organe noble (tendons, axes vasculo-nerveux)]. Dans tous les cas, il faut préciser avec beaucoup de soins :






La suspicion d’une telle association confère d’emblée un élément de gravité et implique une prise en charge chirurgicale en urgence. Il peut s’agir de lésions ostéoarticulaires, (plaie articulaire ou fracture ouverte), d’une section tendineuse ou d’une atteinte vasculo-nerveuse.



Toute exploration de plaie doit être effectuée chirurgicalement au bloc opératoire, dans des conditions d’asepsie, d’analgésie et d’exposition optimales. Bien entendu, il ne saurait être question d’envoyer systématiquement au bloc opératoire toute plaie cutanée pour « exploration chirurgicale ». Cela est matériellement irréalisable, de surcroît l’exploration chirurgicale, même dans les meilleures conditions, possède ses limites.



En pratique, toute plaie située à proximité d’une articulation est une plaie articulaire. Toute plaie au voisinage d’un foyer de fracture est une fracture ouverte. Ces lésions doivent être prises en charge comme telles jusqu’à preuve chirurgicale du contraire. L’immobilisation et la protection de la plaie par un pansement compressif à l’aide de compresses imbibées d’antiseptique sont les premières mesures thérapeutiques à prendre en urgence. Lorsque les structures osseuses sont exposées, la prise en charge chirurgicale au bloc opératoire est particulièrement urgente. L’équipe chirurgicale de garde doit être contactée immédiatement. Dans l’intervalle, la protection simple des segments osseux exposés du dessèchement et de l’inoculation par un volumineux pansement humide ne comportant pas d’antiseptiques halogénés cytotoxiques est préférable à leur réintégration en l’état, sur place. Ce temps doit être réalisé, d’extrême urgence, au bloc opératoire sous antibiothérapie adaptée, après détersion et parage des structures ostéoarticulaires exposées.







Le revêtement cutané peut être continu. Cette condition n’est bien entendu pas suffisante, loin s’en faut, pour affirmer l’intégrité cutanée.


La peau continue peut être menacée par un agent de compression interne à action vulnérante exercée de dedans en dehors.



Cette situation est fréquente en cas de luxation ou fractureluxation de structures ostéoarticulaires en situation superficielle (face antérieure du cou de pied, face dorsale du pied). La souffrance cutanée se produit sur l’arête du fragment proximal, projeté en avant par le déplacement fixé du fragment sous-focal luxé. L’ischémie par tension cutanée, qui passe par une phase initiale d’obstacle au retour veineux, se produit très rapidement pour aboutir en quelques heures au stade catastrophique d’irréversibilité avec constitution d’une plage nécrose avérée (figure 2.3)





Cliniquement, il faut être en mesure de :




En pratique, il faut réduire la luxation d’extrême urgence, idéalement après avoir fait réaliser des radiographies de débrouillage si cela ne demande que quelques minutes. Sinon, il faut savoir s’en passer, réduire à « chaud » la luxation et immobiliser le segment de membre dans une attelle cruro-pédieuse en position de relâchement cutané. L’inventaire radiographique des lésions est réalisé ensuite en fonction des possibilités.


Certaines lésions, très inquiétantes cliniquement, comme la dermabrasion et la phlyctène, ne sont pas les plus graves :





D’autres lésions, d’aspect initial moins inquiétant, se révèlent être extrêmement graves. Il s’agit de la contusion dermique. C’est la conséquence d’un traumatisme grave par écrasement entre l’agent contendant et le plan osseux, circonstance particulièrement fréquente au pied et au cou de pied.


Elle réalise une plage de dévitalisation qui touche l’ensemble des couches de la peau, couche fertile et éléments de régénération cutanés compris (figure 2.4).



Cette dévitalisation, qui détruit tout potentiel de cicatrisation spontanée, aboutit à la formation d’une escarre. L’apparition de cette dernière marque le point de départ d’un long processus de réparation qui s’étend sur plusieurs semaines et s’effectue en plusieurs temps.


La phase de détersion permet l’élimination de l’ensemble des tissus mortifiés par l’intermédiaire d’un processus de protéolyse septique qui aboutit au décollement progressif de la plage de nécrose et à la chute de l’escarre. Elle laisse apparaître une ulcération d’étendue et de profondeur directement en rapport avec l’intensité de l’ischémie initiale.


Ce temps prépare le processus de comblement grâce à l’induction d’un tissu de granulation, le bourgeon charnu, qui apparaît au fond de l’ulcération par prolifération de la néovascularisation qui en tapisse les parois. La prolifération de ce bourgeon permet le comblement de l’ulcération et son épidermisation.


Ce processus de réparation indifférenciée qui aboutit à la formation d’une cicatrice inesthétique, fragile et adhérente, peut évoluer spontanément sur une période allant de 3 à 4 semaines à plusieurs mois. La durée d’évolution varie, certes, en fonction de la profondeur et de l’étendue de la zone d’ischémie initiale, mais aussi de la nature et de la trophicité du socle sous-jacent. Ainsi, la détersion de structures fibro- aponévrotiques fixées au plan osseux sera extrêmement lente ; la croissance du bourgeon est laborieuse en cas de vascularisation précaire.


On comprend aisément la gravité d’une telle lésion qui est toujours surinfectée et, peut aboutir à l’exposition secondaire de structures nobles (cavités articulaires, foyers fracturaires, tendons…) et contre-indique tout abord chirurgical pendant plusieurs semaines. De surcroît, si le diagnostic lésionnel étant méconnu, une incision cutanée est réalisée dans l’aire de l’impact (ou à proximité), l’extériorisation, quelques jours plus tard, des phénomènes de dévitalisation cutanée sur la voie d’abord ne manquera pas d’entraîner de graves problèmes (infectieux, voire médico-légaux).


May 4, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 2: Examen clinique et imagerie

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