2: Élaboration, troubles, évaluation et rééducation du schéma corporel



Élaboration, troubles, évaluation et rééducation du schéma corporel


L’atteinte du schéma corporel correspond à un trouble de base dont les conséquences s’expriment très diversement. Il est indispensable pour le rééducateur de reconnaître les manifestations de son altération.


On pourrait directement étudier les principales déficiences que certaines lésions cérébrales localisées peuvent provoquer : l’anosognosie, l’hémiasomatognosie, l’autotopoagnosie, l’agnosie digitale, etc., mais ces distinctions, légitimes et fondamentales, sont l’expression d’un ensemble beaucoup plus large et complexe. Dans ce que l’on appelle communément le schéma corporel entrent des données multiples telles que l’espace, le temps, la connaissance visuelle et sensitive, l’expérience motrice, le langage, la pensée, l’inconscient… L’approche des troubles de la connaissance et de l’utilisation de son corps nécessite la compréhension des phénomènes qui régissent l’élaboration de la somatognosie.


La première partie de ce chapitre envisage les liens entre l’élaboration du schéma corporel chez l’enfant et les comportements qu’il favorise, alors que la seconde expose les différents troubles que l’on observe chez l’hémiparétique présentant une atteinte de ce traitement de base. Le plan thérapeutique ne peut être élaboré et mis en place qu’en fonction d’une évaluation rigoureuse des difficultés du patient. La troisième partie de ce chapitre propose une batterie de neuf tests regroupés en quatre secteurs, nécessaires à la mise en évidence des troubles somatognosiques. Enfin, sa rééducation est envisagée. Elle est basée sur la prise de conscience du trouble et sur quatre principes spécifiques.



2.1


Schéma corporel



Élaboration de la connaissance et de l’utilisation de son propre corps


La connaissance de son propre corps est une gnosie qui s’élabore progressivement au cours de la croissance de l’enfant. Mais ce savoir ne peut se construire qu’avec l’expérience de l’utilisation du corps. Ce savoir-faire trouve son expression dans le schéma corporel dont la représentation cérébrale est multiple.


Si les aires motrices et sensitives ont une somatotopie précise et sont responsables de la motricité volontaire et du ressenti dans l’hémicorps controlatéral, d’autres aires, dites d’associations, permettent que ce corps qui agit soit effectivement le nôtre. Grâce à cette donnée fondamentale, la praxognosie corporelle est le centre et la référence de notre organisation dans l’espace, ainsi que le support de notre comportement [61].



Définition du schéma corporel


« Image spatiale du corps » (Pick, 1908), « modèle postural du corps » (Head, 1920), « image de soi » (Van Bogaert, 1934), « image de notre corps » (Lhermitte, 1939) (cités in [40]), on entend aujourd’hui par « schéma corporel » la connaissance « tridimensionnelle que chacun a de lui-même [61] ». Cette image permet de se représenter, en dehors de toute stimulation, les différentes parties de son corps sans cesser de les considérer comme un tout. Elle sert de base à l’organisation de son propre environnement et comportement. Gallagher (1986) et Paillard (1987, 1999), quant à eux, dissocient « l’image du corps […] [en tant que] représentation consciente de l’expérience tactile, visuelle et sensori-motrice […] de notre corps […] et le schéma corporel […], [comme le] standard auquel sont rapportés les changements de posture avant qu’ils n’entrent dans le champ de la conscience » (p. 135) [120].


Selon Berthoz [80] ces définitions doivent dépasser toutes les idées traditionnelles puisque le schéma corporel est également « conçu […] comme un schème des actions possibles ».


Tout serait fort simple si la somatognosie se résumait à l’intégration des sensations extéroceptives, proprioceptives et visuelles ou n’était qu’un fait psychologique se manifestant par un sentiment d’unité et d’appartenance. Mais les réalités cliniques montrent que nous ne pouvons dissocier l’un de l’autre [39] comme le prouve l’expression de monsieur X., hémiparétique gauche : « Je vois bien que j’ai cette jambe, ce bras, mais je n’ai pas l’impression que c’est moi… »


Cette connaissance du corps n’est pas innée. Elle se construit progressivement tout au long de la croissance de l’enfant.



Avoir et être un corps


Gantheret [69], dans son approche de la rééducation corporelle des fonctions mentales, s’appuie sur une conception intéressante du schéma corporel. Reprenant le modèle explicatif de Bonnier et de Head (cités in [69]), il montre que la distinction entre « être un corps » et « avoir un corps » permet de comprendre les cérébro-lésés qui ne reconnaissent plus l’hémicorps lésé comme leur appartenant, voire n’ont plus conscience de leur corps en totalité. À la lumière de ses idées, on peut schématiquement considérer que l’élaboration du schéma corporel se constitue suivant deux processus interactifs. Le premier est relatif à « avoir un corps » basé sur le développement psychomoteur, alors que le second correspond à « être un corps » élaboré à partir de l’expérience inconsciente du schéma corporel.



Avoir un corps


« La première conception du schéma corporel est un vague sens du corps [69] » qui s’inscrit progressivement grâce aux sensations intéro- et extéroceptives, dans le but de faire coïncider « le corps visuel du miroir et le corps kinesthésique [73] ». Cette première représentation est sous la dépendance de l’expérience motrice, visuelle et sensitive. Elle est prépondérante et déterminante et permet l’élaboration de la somatotopie correspondant à la connaissance du corps comme un « espace limité, comme un contour défini et autonome par rapport au monde extérieur [17] ». Il s’agit d’une image consciente, située dans une aire de projection, où une lésion x engendre la perte de la commande volontaire y.


C’est « avoir un corps » dépendant du développement psychomoteur.



Les lois du développement psychomoteur

Ce développement est régi par des lois que Wallon [28,73], Gesell [28] et Piaget [28,53] ont largement décrites. Il est important de retenir trois notions :





a. L’acquisition d’une fonction, quelle qu’elle soit, dépend de la maturation et de l’élaboration des structures anatomiques qui lui sont indispensables. C’est l’exemple du réflexe cutané plantaire inversé qui existe chez le nourrisson jusqu’à la maturation du système nerveux central.


b. Le développement vers un perfectionnement de la motricité s’effectue suivant une progression variable (loi de variabilité de Wallon) dépendante de la maturation ci-dessus nommée. Ponctuée de « crises » selon Wallon, d’« âges clés » selon Gesell, de « stades » selon Piaget, elle permet des repères. Elle suit par ailleurs un ordre constant expliqué en partie par la loi dite céphalo-caudale, caractéristique des Vertébrés, qui stipule que plus un muscle est près de l’extrémité céphalique, plus son contrôle s’exerce tôt. Elle porte le nom de proximo-distale lors de son application aux membres (le contrôle de la racine précède celui de l’extrémité distale).


c. La maturation du système nerveux central ne peut pas échapper au besoin de stimulation du monde extérieur. La vie relationnelle et affective est indispensable à l’organisation fonctionnelle des structures nerveuses, en particulier pour l’élaboration psychomotrice de l’enfant.



Tableau du développement psychomoteur

« Toute sensation contribue à la construction de l’image corporelle », écrit Schilder [61], et bon nombre d’exemples permettent de souligner cette affirmation : les facteurs optiques favorisent la localisation tactile, la sensation douloureuse est reliée à l’organisation de l’image du corps puisqu’elle devient progressivement localisable, la motricité et la sensibilité sont en constante corrélation…


La notion de schéma corporel est intimement liée à l’acquisition des connaissances praxognosiques et linguistiques et sa constitution s’appuie sur le développement psychomoteur. Son étude permet d’isoler différents aspects dont les interactions favorisent la mise en place progressive d’une succession d’expériences modifiant l’environnement. Cette capacité d’action sur le monde extérieur entraîne un véritable feed-back servant de nouveau stimulus : il y a transformation en retour de l’organisme.


La mémoire, par son aptitude à organiser et à réorganiser les expériences et à créer ce que l’on peut appeler des associations, est indispensable au cerveau qui s’autoconstruit à partir d’elles pour permettre :



À ce développement, il conviendrait d’ajouter tout l’aspect psychologique, non abordé ici, mais pourtant fondamental comme le prouvent les troubles psychomoteurs de l’enfant en cas de carence affective.


Les échanges monde extérieur/capacités motrices et perceptives débouchent sur une représentation de son propre corps et de l’espace permettant l’indépendance [130], fondée sur l’intégration encéphalique des données sensorielles et motrices.



Être un corps


La représentation que l’enfant acquiert progressivement de son corps est une fonction essentielle de sa personnalité. Elle recouvre un ensemble de données perceptives et intellectuelles, certes, mais fait également appel à l’imaginaire et au symbolisme, domaines où la vie affective et relationnelle joue un rôle majeur. L’expérience inconsciente du schéma corporel est alors évoquée.


Feldenkrais [30] montre que le schéma corporel est sous la dépendance de quatre notions interactives : le mouvement, la sensation, le sentiment et la pensée. Des deux premiers proviennent tous les changements d’état du corps, d’appréhension de l’espace et du temps envisagés dans « avoir un corps ». Du sentiment et de la pensée dépendent la compréhension, la connaissance, la classification, le souvenir, l’imagination, etc., en un mot toutes les facultés qui permettent à l’homme décision d’action et reconnaissance des motivations. Gantheret [69] parle du « sentiment de la présence du corps ».


Cambier [17] écrit que cette expérience inconsciente du schéma corporel est « référence à nos sensations, départ de nos actions, repère de notre orientation ». Schilder [61] envisage les « intentions, buts volontaires et tendances » comme des éléments indispensables au fondement de l’image du corps. C’est ainsi que tout individu reçoit et interprète, selon sa personnalité propre, des stimuli pourtant identiques à tous les hommes. Il ne s’agit pas d’une « duplication du monde réel », mais d’une « transformation assimilante [56] ».


Cette notion « être un corps » correspond aux aires d’associations.


Wallon [28,73], Gesell [28] et Piaget [28,55] présentent, chacun à leur manière, une genèse de l’image du corps. Elle s’achève vers 6 ans lorsque l’enfant est capable de dessiner correctement le bonhomme. À cet âge, il s’est opposé pour s’affirmer, valorisé en se faisant admirer. Il se distingue comme différent des autres et peut s’intégrer comme personne autonome dans la cellule familiale.


Il est intéressant de noter que l’apparition du membre fantôme se normalise vers 8 ans : l’image du corps, ou schéma corporel, est suffisamment structurée pour que soit conservée, même en cas d’amputation, une sensation ou représentation qui n’existe plus [39].


Des six stades décrits par Wallon [73], cinq retiennent notre attention :



Reconnaître l’autre

Au stade émotionnel, la perception de l’image de l’autre va être associée à l’image qu’est l’autre, et ceci avant même d’avoir conscience de la sienne propre. Spitz (cité in [1]) décrit ainsi l’angoisse du huitième mois : la mère est reconnue et discriminée par rapport aux personnes étrangères. C’est à cette période que les psychanalystes situent la construction de l’objet, dont la construction du sujet lui-même [1].



Se reconnaître

L’expérience du miroir est une situation privilégiée pour l’enfant dans la création et la construction de son image : devant le miroir, je me regarde. Indépendamment de toute composante psychologique, cette image est la mienne, j’en ai la certitude. L’enfant établit une correspondance entre le « corps vécu [et le] corps visible [69] ».


Koehler (cité in [47]) souligne l’impossibilité pour certains singes à appréhender cette image spéculaire comme simple reflet ou symbole de leur corps. De nombreuses expériences montrent pourtant que des singes dits « supérieurs », les dauphins ou les éléphants d’Asie, reconnaissent leur image dans le miroir. Les expériences qui décrivent les conditions de cette reconnaissance soulignent par ailleurs le rôle de la mère qui porte l’enfant ou reste proche pour l’animal. Quoi qu’il en soit, la majorité des neurologues, psychologues ou psychiatres [1,47,56] considèrent cette expérience comme fondamentale dans l’élaboration du schéma corporel.



Le corps, l’espace et le temps

Le niveau sensori-moteur se caractérise par la capacité d’adaptation de l’enfant aux circonstances extérieures et nouvelles. Piaget parle « d’accommodation mentale [55] ».


Je tends la main pour saisir un objet et je dois connaître, immédiatement, automatiquement, la situation de mon corps dans l’espace, mon étendue corporelle et mes possibilités fonctionnelles [69]. La manipulation des objets par l’enfant se déroule dans l’espace dont le corps devient le centre pour toute action. Ajuriaguerra [1] parle de la mise en place d’un « espace latéral » correspondant au « champ d’action visible », puis d’un « espace circulaire » permis par l’extension progressive du champ d’exploration. Si le corps se situe dans l’espace, aspect que l’enfant expérimente fort tôt, sa représentation cérébrale est beaucoup plus tardive. Ajuriaguerra [1] suggère que l’imitation permet la construction de ce corps centre autour duquel il sera organisé.


Piaget distingue six stades pour l’imitation [55]. Les cinq premiers permettent à l’enfant d’imiter d’une manière de plus en plus élaborée les modèles présents quant à leur forme et leur structure. Le dernier correspond à la naissance de la « fonction sémiotique » qui libère l’enfant de l’emprise de l’environnement réel et actuel. L’imitation peut alors être réalisée en l’absence du modèle : l’imitation différée est caractérisée par la transposition des représentations dans le temps et dans l’espace. Celle-ci permet la création d’une image mentale où la construction par le sujet est active. Le passage au « symbolisme » est nommé « aspect opératif » puisque les transformations deviennent possibles. « Le corps va représenter la référence et le moyen de créer un espace orienté [1]. » Ces notions impliquent une représentation cérébrale de plus en plus élaborée de l’image du corps. Les neurologues parlent de l’élaboration de la gnosie corporelle.


L’orientation droite/gauche découle directement de l’intégration de la connaissance du corps. À titre d’exemple, un enfant de 6 ans, dont le schéma corporel est mal structuré, a des difficultés de latéralisation et peut présenter des perturbations dans l’acquisition de la lecture, de l’écriture et du calcul : les lettres « b, d, p, q » sont des ronds et des barres dont seule l’orientation change, et poser une addition ou une division nécessite une orientation spatiale. Les « désordres somatognosiques sont […] fréquemment décrits dans les cas de dyslexies [1] ».


Le corps est engagé dans le temps de la même manière qu’il est engagé dans l’espace, en ce sens que les actions se déroulent dans un lieu que nous appelons ici et à un moment que nous nommons maintenant. « La loi de cause à effet » de Wallon (l’acte effectué entraîne un résultat visible) associée à « la permanence de l’objet » et à la faculté d’anticipation décrites par Piaget permet à l’enfant de reconstruire pour « percevoir ultérieurement [ce qu’il a] perçu antérieurement [1,55,73] ». Du présent se différencient progressivement le passé et l’avenir ; ainsi, le temps devient significatif.



La verbalisation

Si le corps commence par être orienté dans l’espace, ce n’est que secondairement que ce dernier est verbalisé : l’acquisition du langage permet la mise en place du corps comme référence à partir de laquelle l’espace est nommé. Ainsi s’élaborent toutes les notions spatiales ayant comme support le langage. Il y a intégration des données de direction par rapport au corps propre et par rapport au corps de l’autre (ma gauche devient sa droite s’il est en face de moi). De même, les constructions logico-grammaticales (« plus près de », « en haut et à droite de »…) sont significatives. Parallèlement, l’acquisition du langage permet que soient nommées les différentes parties du corps.


Ajuriaguerra [1] suggère l’existence d’un « secteur du langage dans la représentation du corps ».



Le « Je »

Les éléments de base du schéma corporel sont présents vers 3 ans, âge qui correspond au début des dessins du bonhomme (têtard), expression de la première image cérébrale.


Ce stade, dit de « représentation », correspond à une réorganisation d’ensemble de toutes les fonctions psychiques ayant pour base les fonctions affectives, intellectuelles et motrices. Elle aboutit à une « nouvelle qualité » ou encore à un « niveau de la conscience primitive de soi [28] ».


Mais le moment où s’opère la prise de conscience de soi chez l’enfant est difficile à déterminer avec précision et Decroly (cité in [1]) parle d’une période de « fluctuation » allant de « quelques semaines à quelques mois ». Pour le repérer, Piaget et Wallon (cités in [73]) proposent comme critère l’utilisation correcte du Je, la période d’opposition caractérisée par le non étant nécessairement dépassée.



Représentations cérébrales


L’étude des lésions cérébrales localisées frappant les aires d’associations a montré que l’image du corps s’inscrit et s’exprime dans différentes régions du cortex suivant qu’il s’agit :



Sergent [64] souligne dans les « dilemmes de la droite et de la gauche », relatifs aux localisations, que cette « latéralisation fonctionnelle du cerveau est stérile [si l’on oublie que] ni l’hémisphère droit ni l’hémisphère gauche ne reçoivent d’informations suffisantes pour produire une réponse correcte et [que] c’est seulement en joignant leurs informations respectives que cette réponse peut être produite ». Cette observation est très pertinente pour la gnosie corporelle. On comprend qu’il puisse exister des troubles du schéma corporel lors d’une hémiparésie gauche, mais également lors d’une hémiparésie droite, puisque l’hémisphère sain ne peut pas compenser l’altération de l’hémisphère atteint. Les troubles du schéma corporel chez le cérébro-lésé gauche sont souvent ignorés ou sous-estimés en rééducation.



Incidences comportementales


Dans une perspective de compréhension des troubles de la connaissance et de l’utilisation de son propre corps en neurologie, on peut envisager trois répercussions essentielles de la gnosie corporelle sur le comportement d’un individu.



Gnosie corporelle et image de soi


L’élaboration du schéma corporel repose sur l’interaction d’un double processus. L’un prend le nom de physiologique et fait référence à l’intégration de toutes nos expériences, qu’elles soient sensorielles ou kinesthésiques. L’autre est dit psychique et concerne « le champ libidinal et affectif [61] ». Il se situe, pour une partie, hors de notre niveau de conscience. Intimement liés, ils ne peuvent être dissociés si l’on souhaite comprendre les mécanismes qui permettent l’élaboration et l’existence (au sens du maintien) du schéma corporel.


L’approche neurologique exige pourtant que soient différenciés les processus perceptifs et moteurs des processus affectifs.


La gnosie corporelle correspond à l’intégration encéphalique de l’image du corps comme unité et origine à l’organisation spatiale et motrice. L’image de soi, elle, fait référence à la construction affective de sa propre représentation dont l’évolution est décrite par des auteurs tels que Freud. Cette différence peut être illustrée par la lecture de deux dessins du bonhomme (fig. 2.1). Si le premier exprime une altération du schéma corporel dont l’origine est neurologique (cérébro-lésé droit), le second montre une altération de l’image de soi d’origine psychique (enfant psychotique).



Il ne saurait être question en rééducation neurologique de confondre leurs expressions puisque les thérapies dont ces troubles relèvent ne sont pas les mêmes.



Gnosie corporelle et espace


Les hémisphères droit et gauche sont responsables, chacun avec leur spécificité, d’une partie de la construction et de la reconnaissance de l’espace par rapport au corps. Leur action conjuguée permet que la gnosie corporelle et l’appréhension de l’espace ne soient pas « deux fonctions isolées, abstraites et juxtaposées […], mais ouvertes les unes aux autres [1] ».


« La gauche et la droite, le bas et le haut sont, dans l’espace, des prolongements du modèle postural du corps [61] », et l’enfant structure l’espace à partir de son schéma corporel. Vers 6 ans, il connaît la droite et la gauche par rapport à son propre corps. Il peut transposer aisément ce savoir sur autrui aux alentours de sa huitième année, processus autorisé par l’intégration du référentiel égocentré (ligne médiane du corps). L’utilisation spontanée de cette notion, qui comprend le repérage des objets dans l’espace, n’est guère acquise avant 10 ans [61].


Ajuriaguerra [1] démontre que l’imitation des gestes d’autrui, tout d’abord immédiate, puis secondairement différée, participe à cette structuration de l’espace et du temps par rapport au corps.


La pathologie, elle, nous permet de découvrir que l’hémisphère droit utilise le corps comme centre à partir duquel est organisé l’espace, alors que le gauche l’intègre comme référence à partir de laquelle est nommé l’espace.


Elle nous impose également de poser une différence entre l’« espace personnel », relatif au corps propre, l’« espace péripersonnel », concernant l’espace de préhension, et l’« espace lointain » (Grüsser, cité in [80]), correspondant à une projection et davantage sous la dépendance du traitement d’appréhension visuelle [72] (cf. chap. 3).


Puisque le corps est le centre et la référence de notre organisation de l’espace, on comprend combien son intégration cérébrale s’avère fondamentale pour sa structuration : la gnosie spatiale est conditionnée par celle du corps. Par ailleurs, puisque l’espace est le prolongement du modèle postural du corps, on comprend également que la somatognosie soit impliquée dans sa reconnaissance et son investissement.

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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 2: Élaboration, troubles, évaluation et rééducation du schéma corporel

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