Chapitre 2 Dos
Vue globale
INTRODUCTION
Le dos représente la partie postérieure du corps et constitue l’axe musculosquelettique qui soutient le tronc. Cet axe musculosquelettique est communément appelé la « colonne vertébrale » ou encore le « rachis ». Les vertèbres constituent les éléments osseux principaux du dos, bien que le segment proximal des côtes, la partie supérieure du pelvis et la base du crâne participent également à l’édifice architectural osseux du dos (figure 2.1).
FONCTIONS
Support mécanique
Le squelette et les muscles du dos soutiennent le poids du corps, transmettent les forces aux membres inférieurs par l’intermédiaire du pelvis, positionnent et soutiennent la tête et, enfin, articulent et relient les membres supérieurs. La colonne vertébrale occupe la partie postérieure du corps, sur sa ligne médiane. De profil, on lui distingue plusieurs courbures (figure 2.2) :
la courbure primaire de la colonne vertébrale est concave en avant, reproduisant la courbure antérieure initiale de l’embryon ; on la retrouve dans les régions thoracique et sacrale chez l’adulte ;
les courbures secondaires, concaves en arrière, se développent dans les régions cervicale et lombale, et ramènent ainsi le centre de gravité sur une ligne verticale. Cela permet au poids du corps d’être réparti autour de la colonne vertébrale de telle sorte que les efforts musculaires permettant de maintenir l’équilibre en station verticale bipodale soient les plus économiques possible.
Mouvement
Les muscles du dos sont répartis en muscles extrinsèques et intrinsèques :
les muscles extrinsèques mobilisent les membres supérieurs et les côtes ;
les muscles intrinsèques maintiennent la posture et mobilisent la colonne vertébrale : mouvements de flexion (inclinaison antérieure), extension, flexion latérale et rotation (figure 2.3).
Les deux premières vertèbres de la région cervicale, ainsi que les muscles qui y sont associés, ont une organisation spécifique leur permettant de soutenir et de positionner la tête. La tête se déplace en flexion et en extension sur la vertèbre CI alors que les mouvements de rotation de la tête se produisent dans l’articulation entre CI et CII (figure 2.3).
Protection du système nerveux central et du système nerveux peripherique
La colonne vertébrale ainsi que les parties molles de la région du dos renferment la moelle spinale et le segment proximal des nerfs spinaux (figure 2.4). La partie plus distale de ces nerfs spinaux traverse ensuite différentes régions du corps (selon leur destination), dont parfois des régions de la tête.
ÉLÉMENTS ANATOMIQUES
Os
Le dos comporte 33 vertèbres (figure 2.5). Le nombre et les caractéristiques de ces vertèbres varient avec leur position le long de la colonne vertébrale. On compte sept vertèbres cervicales, douze vertèbres thoraciques, cinq vertèbres lombales, cinq sacrales et trois ou quatre vertèbres coccygiennes. Les vertèbres sacrales sont fusionnées pour ne constituer qu’un seul bloc osseux, le sacrum. Les vertèbres coccygiennes, au nombre de trois ou quatre, ont une structure rudimentaire et sont le plus souvent fusionnées pour ne constituer qu’un seul os, le coccyx.
Muscles
D’après leur origine embryologique et leur innervation, les muscles du dos peuvent être divisés en deux groupes : les muscles extrinsèques et les muscles intrinsèques (figure 2.7).
Canal vertebral
La moelle spinale est contenue dans un canal osseux formé par l’empilement des vertèbres adjacentes et par les parties molles environnantes (le canal vertébral) (figure 2.8) :
le corps vertébral de chaque vertèbre, les disques intervertébraux et les ligaments qui y sont associés constituent le mur antérieur du canal vertébral ;
les arcs vertébraux et leurs ligaments associés constituent les parois latérales et le toit du canal vertébral.
la pie-mère est la membrane la plus profonde ; elle est intimement liée à la surface de la moelle spinale ;
la deuxième membrane, l’arachnoïde, est séparée de la pie-mère par l’espace subarachnoïdien qui est rempli de liquide cérébrospinal ;
la troisième membrane, la plus épaisse et la plus superficielle, est la dure-mère spinale. Elle repose directement contre l’arachnoïde, sans y être attachée.
Nerfs spinaux
Les 31 paires de nerfs spinaux (ou nerfs rachidiens) ont une distribution segmentaire. Ils sortent du canal vertébral entre les pédicules de deux vertèbres adjacentes. On compte huit paires de nerfs spinaux cervicaux (C1 à C8), douze paires de nerfs thoraciques (T1 à T12), cinq paires lombales (L1 à L5), cinq paires sacrales (S1 à S5) et une paire de nerfs spinaux coccygiens (Co). Chaque nerf spinal est attaché à la moelle spinale par une racine antérieure et une racine postérieure (figure 2.9).
À la sortie du canal vertébral, chaque nerf spinal donne, par division :
un rameau postérieur, plus petit. Les rameaux spinaux postérieurs innervent le dos ;
un rameau antérieur, plus gros. Les rameaux spinaux antérieurs innervent les autres régions du corps, à l’exception de la tête dont l’innervation est assurée pour la plus grande part par les nerfs crâniens.
RAPPORTS AVEC LES AUTRES RÉGIONS
Tête
La région cervicale du dos comporte le squelette et une grande partie des muscles du cou qui, lui-même, soutient et mobilise la tête (figure 2.10).
Thorax, abdomen et pelvis
Les différentes régions de la colonne vertébrale participent à l’architecture squelettique du thorax, de l’abdomen et du pelvis (figure 2.10). En plus de ce rôle de charpente osseuse, les vertèbres sont les supports d’insertion des muscles et des fascias musculaires, et s’articulent enfin avec d’autres os. Les rameaux antérieurs des nerfs spinaux proviennent du dos et rejoignent, selon leur affectation, le thorax, l’abdomen ou le pelvis.
POINTS CLES
Une colonne vertébrale longue contenant une moelle spinale courte
Pendant le développement embryologique, la colonne vertébrale croît bien plus rapidement que la moelle spinale. Ainsi, en fin de croissance, la moelle spinale ne s’étend pas sur toute la longueur du canal vertébral (figure 2.11).
Foramens intervertébraux et nerfs spinaux
Chacun des nerfs spinaux sort latéralement du canal vertébral, empruntant un foramen intervertébral (figure 2.12). Le foramen est constitué de la réunion des arcs vertébraux adjacents et se trouve en étroite relation avec les articulations intervertébrales :
ses berges supérieures et inférieures sont constituées par les incisures des pédicules adjacents ;
sa berge postérieure est constituée par les processus articulaires des arcs vertébraux et l’articulation zygapophysaire ;
sa limite antérieure est formée par le disque intervertébral des deux vertèbres adjacentes.
Innervation du dos
Les rameaux postérieurs des nerfs spinaux innervent les muscles intrinsèques ainsi que la peau du dos. Le territoire cutané couvert par ces rameaux postérieurs s’étend jusqu’à la région fessière des membres inférieurs et la partie postérieure de la tête. Les dermatomes innervés par les rameaux nerveux postérieurs spinaux sont représentés sur la figure 2.13.
Anatomie régionale
ARCHITECTURE SQUELETTIQUE
Les structures squelettiques du dos comprennent essentiellement les vertèbres et les disques intervertébraux. Le crâne, la scapula, les os du pelvis et les côtes font également partie de l’édifice squelettique du dos et reçoivent de nombreuses insertions musculaires.
Vertèbres
Le squelette du dos comporte approximativement 33 vertèbres, regroupées en cinq groupes selon leur morphologie et leur localisation (figure 2.14) :
les sept vertèbres cervicales, situées entre le thorax et le crâne, sont caractérisées par leur petite taille et la présence d’un foramen dans chacun des processus transverses (figures 2.14 et 2.15) ;
les douze vertèbres thoraciques sont caractérisées par leurs articulations costales (figures 2.14 et 2.16) ; bien que toutes les vertèbres aient des éléments costaux, ceux-ci sont habituellement atrophiés et font partie intégrante du processus transverse. En revanche, les vertèbres thoraciques sont reliées à de véritables côtes par l’intermédiaire d’articulations costotransversaires et costocorporéales ;
les cinq vertèbres lombales, de plus grande taille, constituent le support squelettique de la paroi abdominale postérieure (figures 2.14 et 2.17) ;
viennent ensuite les cinq vertèbres sacrales dont la fusion donne le sacrum. Ce dernier s’articule de chaque côté avec un os coxal et entre dans la constitution du pelvis en formant la paroi postérieure ;
sous le sacrum, les vertèbres coccygiennes, habituellement au nombre de quatre, fusionnent pour ne constituer qu’un seul os triangulaire, le coccyx.
Dans le développement de l’embryon, les vertèbres se constituent à partir de cellules appelées sclérotomes, provenant des somites adjacents (figure 2.18). Ainsi, chaque vertèbre est formée par la réunion de la portion crâniale des deux somites sous-jacents (un de chaque côté) et de la portion caudale des deux somites sus-jacents (un de chaque côté). Les nerfs spinaux apparaissent selon une distribution segmentaire et passent entre les vertèbres en cours de développement.
Vertèbre typique
Une vertèbre typique est constituée d’un corps vertébral et d’un arc vertébral postérieur (figure 2.19). De cet arc vertébral se développent des processus qui reçoivent des attaches musculaires et s’articulent avec les pièces osseuses adjacentes.
L’arc vertébral forme les parties latérales et postérieure du foramen vertébral.
L’arc vertébral de chaque vertèbre est constitué des pédicules et des lames (figure 2.19) :
les deux pédicules sont deux piliers osseux ancrant l’arc vertébral sur la face postérieure du corps vertébral ;
les deux lames sont deux feuillets osseux prolongeant en arrière chacun des pédicules et se rejoignant en arrière sur la ligne médiane, formant ainsi le toit de l’arc vertébral.
Vertèbre cervicale
Les sept vertèbres cervicales sont caractérisées par leur petite taille et par la présence d’un foramen perforant chacun des processus transverses. Une vertèbre cervicale typique présente les éléments suivants (figure 2.20A) :
le corps vertébral est court et de forme quadrangulaire en vue supérieure. Sa surface supérieure est concave et sa surface inférieure convexe ;
chaque processus transverse est perforé par un foramen transversaire;
le processus épineux est court et bifide ;
le foramen vertébral (ou trou vertébral) a une forme triangulaire.
Figure 2.20 Vertèbres régionales. A. Vertèbre cervicale typique. B. Atlas et axis. C. Vertèbre thoracique typique. D. Vertèbre lombale typique. E. Sacrum. F. Coccyx.
Atlas et axis
La vertèbre CI (l’atlas) s’articule avec la tête (figure 2.21). Sa principale caractéristique est qu’elle ne comporte pas de corps vertébral (figure 2.20B). En effet, le corps vertébral de CI fusionne avec le corps de CII pendant la période embryonnaire et devient le processus odontoïde de CII. En conséquence, il n’existe pas de disque entre CI et CII. Vu par sa face supérieure, l’atlas a une forme d’anneau et se compose de deux masses latérales reliées par un arc antérieur et un arc postérieur.
Figure 2.21 Radiographie montrant les vertèbres CI (atlas) et CII (axis) (bouche ouverte, vue antérosupérieure).
L’axis est caractérisé par la dent de l’axis (apophyse odontoïde), qui naît du corps vertébral et se développe vers le haut (figure 2.20B et figure 2.21). La face antérieure de la dent de l’axis présente une facette articulaire ovale s’articulant avec l’arc antérieur de l’atlas.
Vertèbres thoraciques
Les 12 vertèbres thoraciques sont caractérisées par leurs articulations avec les côtes. Une vertèbre thoracique typique comporte deux facettes (facettes costales supérieure et inférieure) de chaque côté du corps vertébral s’articulant avec la tête de sa propre côte et la tête de la côte sous-jacente (figure 2.20C). La facette costale supérieure est plus large que la facette inférieure.
Vertèbres lombales
Les cinq vertèbres lombales se distinguent des vertèbres des autres régions par leur grande taille (figure 2.20D). Elles ne présentent pas de surfaces articulaires pour les côtes. Leurs processus transverses sont habituellement minces et longs, à l’exception de ceux de la vertèbre LV En effet, les processus transverses de LV sont massifs, en forme de cône, recevant les insertions des ligaments iliolombaux qui relient ces processus aux os du bassin.
Sacrum
Le sacrum est constitué de la fusion de cinq vertèbres sacrales (figure 2.20E). De forme triangulaire, son apex pointe vers le bas. Il est concave en avant et sa surface postérieure est convexe. Il s’articule au-dessus avec la vertèbre LV et au-dessous avec le coccyx. Il présente deux larges facettes en forme de L, une sur chaque face latérale, qui s’articulent avec les os coxaux.
La face postérieure du sacrum révèle quatre paires de foramens sacraux postérieurs ; la face antérieure du sacrum, quatre paires de foramens sacraux antérieurs. Ces foramens permettent le passage des rameaux sacraux postérieurs et antérieurs provenant des racines spinales S1 à S4.
Le mur postérieur du canal vertébral est parfois incomplet à l’extrémité inférieure du sacrum.
Coccyx
Le coccyx est un petit os triangulaire composé de trois à quatre vertèbres coccygiennes et qui s’articule avec l’extrémité inférieure du sacrum (figure 2.20F). Il est caractérisé par sa petite taille et l’absence d’arc vertébral sur les pièces qui le composent ; ainsi, il ne comporte pas de canal vertébral.
Foramen intervertébral
Les foramens intervertébraux sont constitués de chaque côté par la réunion de deux vertèbres adjacentes et du disque intervertébral (figure 2.22). Les foramens permettent aux nerfs spinaux et aux vaisseaux d’entrer ou de sortir du canal vertébral.
en arrière, l’articulation zygapophysaire entre les processus articulaires des deux vertèbres réunies ;
en avant, le disque intervertébral et les corps vertébraux adjacents.
Espaces situés entre les arcs vertébraux
Habituellement, les lames et les processus épineux des vertèbres adjacentes se superposent partiellement pour constituer un mur osseux postérieur presque continu protégeant le canal vertébral. Néanmoins, dans la région lombale, des interstices persistent entre les structures postérieures des arcs vertébraux adjacents (figure 2.23). Ces espaces entre lames et processus épineux s’élargissent progressivement de la vertèbre LI à la vertèbre LV. Ces espaces s’agrandissent encore lors de la flexion de la colonne. Ces espaces permettent un accès aisé au canal vertébral lors de gestes thérapeutiques.
Spina bifida
Le spina bifida est une entité pathologique dans laquelle les deux moitiés de l’arc vertébral postérieur n’ont pas fusionné au cours de leur développement. Il en résulte un canal vertébral « ouvert » (figure 2.24). On distingue deux types de spina bifida.
Le type le plus fréquent est le spina bifida occulta caractérisé par un défaut de fermeture des arcs vertébraux de LV ouSI. Cette modification se produit chez près de 10 % des individus. Sa découverte est habituellement fortuite, bien que l’examen clinique puisse parfois découvrir une touffe de poils en regard du processus épineux bifide. Le patient est toujours asymptomatique.
La forme plus sévère de spina bifida se caractérise par un défaut complet de fermeture de l’arc vertébral postérieur à la jonction lombosacrale, s’accompagnant d’une importante hernie des méninges. Cette protrusion méningée peut contenir du liquide cérébrospinal (cas de la méningocèle) ou une partie de la moelle spinale (la myéloméningocèle). Ces anomalies s’accompagnent de déficits neurologiques variables dont des déficits moteurs et/ou vésicosphinctériens.
Vertébroplastie
La vertébroplastie est une nouvelle technique qui permet d’introduire du ciment au sein du corps vertébral (le plus souvent de type méthyl-méthacrylate). Les indications de cette technique regroupent les tassements corporéaux et les douleurs vertébrales qui peuvent résulter d’une infiltration tumorale. Cette procédure est plus communément employée pour le traitement des fractures ostéoporotiques en coin, qui sont source de morbidité et de douleurs importantes chez les patients âgés. Le soulagement rapide de ces douleurs est un élément essentiel, améliorant la reprise d’activités quotidiennes des patients mais également leur survie.
Cyphose
La cyphose est une incurvation anormale de la colonne vertébrale dans la région thoracique, responsable de l’apparition d’une gibbosité. Cette affection se rencontre par exemple dans les cas de tuberculose osseuse atteignant une vertèbre thoracique ; la déformation en cyphose se fait au niveau e la vertèbre atteinte. Ces déformations dorsales (gibbosités) se rencontraient avant l’avènement des médicaments antituberculeux.
Variabilité interindividuelle du nombre de vertèbres
La colonne vertébrale comporte habituellement sept vertèbres cervicales, bien que, dans certaines entités pathologiques, ces dernières puissent être fusionnées. La fusion de vertèbres cervicales (figure 2.26A) peut être associée à d’autres anomalies, comme dans le syndrome de Klippel-Feil qui associe des fusions des vertèbres CI et CII ou CV et CVI avec des anomalies cardiaques et une surélévation congénitale de la scapula (Spengel).
Figure 2.26 Variabilité du nombre de vertèbres. A. Corps vertébraux cervicaux fusionnés. B. Hémivertèbre.
Des variabilités dans le nombre de vertèbres thoraciques sont également décrites. L’une des anomalies les plus fréquentes impliquant les vertèbres lombales est la fusion partielle de LV avec le sacrum (sacralisation de la vertèbre lombale). La séparation partielle de la vertèbre SI du reste du sacrum (lombalisation de SI) est également possible (figure 2.26B).
Une hémivertèbre est une vertèbre incomplète, développée sur un seul côté de la ligne médiane (figure 2.26B).
Vertèbres et cancer
Les métastases osseuses se développent fréquemment sur les vertèbres. Lorsque les cellules tumorales prolifèrent au sein du corps vertébral ou du segment postérieur de la vertèbre, les propriétés mécaniques de cette dernière diminuent. Une atteinte, même partielle, peut être responsable de l’affaissement de la vertèbre. De plus, une volumineuse métastase vertébrale peut être à l’origine de l’expulsion de matériel tumoral dans le canal vertébral et de la compression des éléments nerveux, notamment de la moelle spinale.