Ce terme désigne le fait que divers professionnels, aux fonctions diversifiées, interviennent auprès du patient dans des rôles spécifiques et peuvent échanger entre eux leurs observations cliniques le concernant, de sorte à assurer un soutien cohérent et contenant à son égard.
Plusieurs précautions restent à prendre pour que l’annonce du pronostic au patient ait lieu de manière respectueuse : tout d’abord, que les soignants ne parlent pas à voix basse devant le patient ou à sa porte ; qu’ils fassent attention aux mots qu’ils emploient. Il y a une préparation de l’annonce à faire, dire au patient : « c’est mieux comme ça », « ce sera tant mieux pour vous parce que vous souffrirez moins », sont des expressions toutes faites qui sont agressives pour le patient : lui, il ne veut pas mourir la plupart du temps et s’il le veut, les choses restent difficiles tout de même puisque la mort est l’ultime expérience humaine qui sépare l’être de ceux qu’il aime et parce qu’il ne sait pas ce qui l’attend. Une autre précaution est de ne pas parler de ce patient mourant devant les autres malades afin de ne pas leur faire subir plus d’angoisse qu’ils n’en ont déjà.
Pour l’annonce aux familles, lorsque cela est trop pénible pour l’infirmier responsable du patient, il est possible que ce soit le médecin ou le cadre infirmier, ou une personne de la hiérarchie médicale ou institutionnelle qui s’en charge. En deuxième instance, si la famille en a besoin, le psychologue du service peut être un lieu d’accueil pour les proches.
◗ Le vécu du soignant
C’est toujours une très grande violence pour les personnes qui travaillent dans des services, des structures où la mort est omniprésente, de s’y trouver confrontées. Heureusement qu’elles ne s’y habituent pas. « Heureusement », parce que cela montre qu’elles ne développent pas de défenses trop importantes qui n’engageraient que des actes techniques au détriment d’une présence humaine et empathique. L’habitude de la mort, l’insensibilité défensive qu’elle engendrerait, créerait des soignants rigides et qui risqueraient de ne traiter les patients que comme des objets ou comme des êtres déjà morts en risquant de rater l’accompagnement qui est crucial. En effet, il est important pour certaines personnes de ne pas mourir seules mais soutenues par un être qui leur parle et les aide par sa présence. Les soignants qui travaillent dans ces services, ou dans les maisons de retraite, ont un rôle éminemment important, une place humaine décisive : ils sont souvent les dernières personnes que voient le sujet avant de mourir, ils constituent ses derniers liens sociaux. Accepter cela permet également de mieux faire son deuil puisque le soignant aura été indispensable à son patient et qu’il ne pouvait pas faire mieux que de l’écouter et d’être là, c’est même là un rôle essentiel qu’il aura tenu.
En soins palliatifs, le plus important est cette qualité humaine, cette présence au moment décisif que le soignant peut offrir. C’est extrêmement difficile. Un suivi et une écoute de ces professionnels sont en général organisés dans ces services compte tenu de la proximité constante avec la mort. Une infirmière me raconte ce qu’elle a vécu dans une unité de soins palliatifs :
‘est très violent de voir comment les patients sentent qu’ils vont mourir et la manière dont ils réagissent : j’ai remarqué que, souvent, même lorsqu’ils n’étaient qu’à demi conscients, ils ôtaient tous leurs habits, comme un réflexe, et se retrouvaient entièrement nus. Cela, c’est un signe que la mort est imminente. C’est très violent pour moi à chaque fois de les voir faire cela, pour l’équipe en général. C’est très violent aussi pour les membres de la famille de voir leur proche tout nu, mais, lorsqu’on essaie de le couvrir, par pudeur, il n’est pas rare que le patient se découvre à nouveau. »


La question du respect et de la pudeur dus aux personnes en fin de vie est cruciale.
À l’occasion de la mort, les soignants remarquent effectivement les manquements institutionnels, les laisser-aller qui prennent tout à coup de la valeur en ce qu’ils révèlent parfois l’oubli du sujet, l’oubli du respect dû à la personne. Ainsi, au moment de la grande canicule à Paris en août 2003, des soignants d’une maison de retraite remarquent que certaines personnes âgées n’avaient pas d’habits convenables dans lesquels ils pouvaient être enterrés. L’une des soignantes raconte les larmes aux yeux qu’elle a été obligée de mettre les habits d’une autre résidente à une personne décédée, seule, sans famille. La question soulevée est celle de la dignité de la personne jusque dans la mort. La violence ressentie par la soignante est justifiée : la situation révélait l’état de négligence humaine, d’abandon affectif, même si les soins étaient correctement dispensés, dans lesquels s’est trouvée cette personne âgée jusqu’au dernier moment et qui n’a pas été vraiment pris en compte de son vivant. Chacun avait sa part de responsabilité dans ce drame et la soignante venait de prendre la mesure de la sienne en parlant, avec émotion et beaucoup de cœur, de la pénible prise de conscience qui s’était opérée pour elle à l’occasion de cette mort.

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