18: Prothèses fémoro-patellaires : modèles d’implants et techniques chirurgicales: Patellofemoral prosthesis


Prothèses fémoro-patellaires : modèles d’implants et techniques chirurgicales


Patellofemoral prosthesis




Résumé


La prothèse fémoro-patellaire (PFP), initialement proposée par McKeever dès 1955 sous la forme d’un simple resurfaçage patellaire en vitallium, ne s’est réellement développée qu’à partir des années 1980 avec des implants trochléens en chrome-cobalt et un bouton rotulien en polyéthylène, de forme variable. Les trochlées asymétriques s’opposent davantage aux forces valgisantes du quadriceps que les trochlées symétriques. La variation du rayon de courbure sagittale de la trochlée et l’étendue de la prothèse sur la face antérieure du fémur autorisent une prise en charge plus ou moins précoce du bouton rotulien, permettant d’éviter ou non accrochage et ressaut. Les différentes PFP se distinguent aussi par la forme de leur bouton rotulien qui peut être en dôme, à facettes ou asymétrique. Il faut cependant distinguer deux grands groupes de PFP : les PFP de resurfaçage et les PFP à coupe antérieure, qui déterminent la technique chirurgicale. Parmi les PFP de resurfaçage, les implants trochléens symétriques tels que ceux de la prothèse Richards III™ et de la Lubinus™ ont donné des résultats décevants en raison des difficultés de centrage rotulien, majorées par la forme du bouton rotulien à facettes pour la Richards III™. Les implants asymétriques (LCS™ sphérocentrique et autocentrique) avec des boutons rotuliens en forme de dôme ont donné des résultats plus durables. Parmi les PFP à coupe antérieure les plus récentes, un seul modèle possède une trochlée symétrique, la prothèse Avon™, alors que toutes les autres disposent de trochlées asymétriques, dont le valgus, le degré de contrainte et l’étendue sont variables d’un modèle à l’autre (Hermes™, Vanguard™, Journey™, Gender™). La technique chirurgicale doit prendre en compte l’existence fréquente d’une dysplasie sévère de la trochlée. Ainsi, pour les PFP de resurfaçage, il est recommandé d’utiliser une voie d’abord latérale avec ostéotomie de la tubérosité tibiale qui seule permettra d’assurer le recentrage de la patella en fin d’intervention, alors qu’une voie d’abord médiale reste possible pour les PFP à coupe, le centrage patellaire pouvant être restauré dans ce cas par une rotation externe et une latéralisation de la trochlée prothétique. Les deux techniques sont décrites en détail.



Abstract


Patellofemoral prosthesis (PFP), early designed by McKeever since 1955, with single patellar metal resurfacing, had complete development during the eighties combining Cr-CO femoral implants and PE patellar button with diverse designs. Asymmetrical trochleas are more strongly opposed to lateral quadriceps forces than symmetrical trochlea. Variation of device’s curvature and extension upon anterior femoral cortex determine the degree of flexion in which contact between patellar button and trochlear implant occurs, to prevent or no patellar bump and patellar tilting. Various patellofemoral prosthesis have also different patellar button surfaces, with hemispherical dome surface, faceted surface, symmetrical or asymmetrical surfaces. We have to distinguish between two types of PFP : Resurfacing prosthesis and prosthesis with anterior femoral cut, which determines the surgical technique. Among resurfacing PFP, symmetrical trochlear implant as Richards III™ and Lubinus™ prosthesis demonstrated poor functional results because of patellar maltracking. Symmetrical implants (LCS™, spherocentric and autocentric) with hemispherical patellar button had more durable results. Among PFP with anterior cut, the more recent devices, only one model has a symmetrical trochlea, the Avon™ prosthesis, while the others have asymmetrical trochlea, with various degrees of valgus and constraint (Hermes™, Vanguard™, Journey™, Gender™). Surgical technique has to take care of severe trochlear dysplasia associated to patella-femoral arthritis. In such a way, we recommend for resurfacing prosthesis to use a lateral approach with tibial tubercle osteotomy to manage patellar centering, whereas a medial approach is sufficient for prosthesis with anterior cut ; in these cases, patellar centering can be corrected by external rotation and lateralization of the trochlear implant. The two techniques are described.





Historique


McKeever a été le premier à proposer, en 1955, un resurfaçage patellaire par un implant en vitallium qui, malgré de bons résultats initiaux confirmés par les séries de Levitt [12] et Vermeulen [24], a été rapidement abandonné en raison des phénomènes d’usure de la trochlée. Pourtant, Insall [9] a rapporté en 1980 des résultats plus encourageants avec une prothèse rotulienne en chrome-cobalt, mais dont la forme en dôme était innovante.


Ce n’est qu’en 1979 que s’ouvre réellement l’ère de la prothèse fémoro-patellaire (PFP) avec la prothèse Richards I™ (Smith-Nephew-Richards™) comprenant une trochlée en chrome-cobalt symétrique et un bouton rotulien à facettes en polyéthylène, et dont les premiers résultats ont été rapportés par Blazina [4]. La trochlée de cette prothèse était un implant de resurfaçage, dont le caractère symétrique laissait pourtant persister des subluxations fréquentes. D’autres prothèses du même type ont ensuite été proposées, comme la prothèse de Lubinus™ (Waldemar Link), dont les résultats ont été mitigés [11]. En France, les prothèses du groupe Guépar, l’Autocentric™ de Grammont et la Spherocentric™ (FH Orthopedics), développées à la fin des années 1980, ont donné des résultats plus encourageants [3, 7, 20, 26].



Différents types de prothèse



Concepts et designs


Il existe classiquement deux grands types de PFP en fonction du type de préparation de la trochlée [13] : les prothèses dites de resurfaçage, dérivant des prothèses historiques, venant simplement remplacer le cartilage usé, plus ou moins encastrées dans l’os sous-chondral, qui restent donc dépendantes de l’anatomie de la trochlée native, et les prothèses à coupe antérieure, dites de seconde génération, en règle dérivées de la trochlée fémorale d’une prothèse totale de genou (PTG), qui viennent totalement remplacer le compartiment antérieur du genou.


Cependant, au-delà de cette différence de concept qui nécessite deux techniques chirurgicales distinctes, il faut aussi distinguer les PFP en fonction de critères géométriques propres qui ont une importance biomécanique fondamentale sur cette articulation : ainsi les implants trochléens asymétriques, avec une berge latérale surélevée qui permet de s’opposer aux forces valgisantes exercées par le quadriceps [25], s’opposent aux trochlées symétriques et nécessitent des implants droit et gauche. La variation du rayon de courbure sagittale de la trochlée et l’étendue de la prothèse sur la face antérieure du fémur autorisent une prise en charge plus ou moins précoce du bouton rotulien, permettant d’éviter ou non accrochage et ressaut [19]. Ainsi les prothèses de Lubinus™ et LCS™ avaient un rayon de courbure sagittale réduit responsable soit d’un débord antérieur, source d’accrochage si l’implant était positionné en flexion, soit au contraire d’un encochement de la corticale antérieure si l’implant était positionné en extension. À l’opposé, certains modèles comme la prothèse de Leicester™ ont une surface antérieure se prolongeant au-delà de la trochlée anatomique, sur la corticale fémorale antérieure, assurant un contact avec le bouton rotulien y compris en extension [14]. À l’inverse, les trochlées dont l’extrémité inférieure s’étend plus distalement sur l’échancrure intercondylienne permettent d’éviter un conflit entre le cartilage condylien et le bouton rotulien au-delà de 100° de flexion [2]. La conformation de la gorge trochléenne est également très variable d’un modèle à l’autre avec des trochlées profondes et contraintes comme la Richards III™, et d’autres au contraire assez ouvertes comme la prothèse Avon™ [1].


Amis [2] a montré d’importantes variations de l’angle trochléen pour quatre modèles de prothèse. Tous les modèles de trochlée sont constitués d’alliage de chrome-cobalt, et ils sont cimentés dans l’immense majorité, en dehors de la prothèse de Leicester™, alors que les implants ne sont pas exposés à des forces de cisaillement et travaillent en permanence en compression. Des moyens d’ancrage supplémentaires sont constitués de plots ou de mini-quilles. L’épaisseur des implants varie de 4 mm à 9 mm, les modèles de resurfaçage étant les plus fins.


Les différentes PFP se distinguent aussi par la forme de leur bouton rotulien qui peut être en dôme, à facette ou asymétrique. De préférence, il faudra privilégier des modèles avec rotule en dôme qui autorisent un autocentrage de la rotule sur la trochlée, amortissant une éventuelle bascule résiduelle. Ces modèles en dôme peuvent aussi s’adapter dans une trochlée de PTG en cas de reprise ultérieure, sans nécessiter de changement de bouton rotulien, source principale de complications, comme l’a montré D. Huten [8]. Un seul modèle, la prothèse LCS™ (DePuy), conservait un polyéthylène rotulien « metal-back » [15], malgré l’échec retentissant de la prothèse de Bousquet™ (Serf), mais il a été arrêté en 2009. L’ensemble de ces paramètres permettent à la PFP de reproduire plus ou moins fidèlement la cinétique complexe de la rotule dans les mouvements de flexion du genou, associant une bascule sagittale, une rotation axiale médiale et une translation médiolatérale. Plus le dessin de la trochlée sera contraint, moins cette cinétique sera restaurée, avec un risque d’hyperpression et donc d’usure au moindre défaut d’alignement, et à l’inverse, moins la trochlée sera contrainte, plus la rotule sera libre, mais avec un risque de subluxation.


Enfin, de façon anecdotique, des prothèses sur mesure sont disponibles aux États-Unis pour gérer les cas de dysplasie les plus sévères, avec un ancillaire spécifique, et peuvent se révéler un excellent choix [23].


Un certain nombre d’implants présentés ci-dessous ne sont plus disponibles, mais méritent d’être connus des chirurgiens orthopédistes, pour une meilleure analyse des séries de la littérature, puisqu’ils ont donné lieu à de nombreuses publications, parfois très défavorables, interprétées à tort comme l’échec de l’arthroplastie fémoro-patellaire en général.



Prothèses de resurfaçage (tableau 1)



Prothèses symétriques





• La prothèse Richards III™ (Smith Nephew-Richard) possède une trochlée symétrique, une gorge très profonde, avec un angle trochléen de 135°, à laquelle répond un bouton rotulien à facettes, interdisant tout centrage automatique. Il n’y a pas de valgus trochléen, la gorge étant verticale. La fixation est assurée par trois plots (figure 1).



• La prothèse de Lubinus ™ (Waldemar Link) est constituée d’une trochlée de très faible épaisseur, constante sur toute la surface, mais dont le rayon de courbure, très réduit, ne couvre qu’incomplètement la trochlée anatomique. Son bord supérieur est triangulaire, en forme de cœur inversé, ne permettant pas un centrage rotulien dès le début de la flexion. L’angle d’ouverture trochléen est de moins de 140°. La fixation est confiée à trois plots, et la rotule est en forme de dôme (figure 2).




Prothèses asymétriques




• La prothèse LCS™ (DePuy) : il s’agissait d’un implant également très fin à double courbure, dont l’angle trochléen de 140° était assez ouvert, avec une surface latérale plus étendue. À l’inverse, la particularité de cette prothèse était un bouton rotulien contraint, mobile sur un « metal-back » fixé en press-fit ou cimenté sur la coupe rotulienne (figure 3).



• La prothèse Spherocentric™ (FH) : la trochlée, disponible en trois tailles, répond à un segment de tore, avec une joue latérale plus étendue et plus saillante, et une partie supérieure conçue pour prendre en charge le bouton rotulien en position d’extension. Trois plots d’ancrage carrés permettent en théorie son utilisation sans ciment. Le bouton rotulien a une forme sphérique et répond taille pour taille à la trochlée (figure 4).


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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 18: Prothèses fémoro-patellaires : modèles d’implants et techniques chirurgicales: Patellofemoral prosthesis

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