18: Prévention d’une seconde fracture de hanche chez des patients ostéoporotiques

18 Prévention d’une seconde fracture de hanche chez des patients ostéoporotiques




Traduction : Yves-Pierre Le Moulec


Les patients admis à l’hôpital avec des fractures ostéoporotiques de la hanche constituent le groupe le plus à risque de récidive. En traitant des fractures de la hanche et leur morbidité associée, l’équipe d’orthopédie a la possibilité d’initier un traitement de l’ostéoporose, qui est efficace pour réduire sensiblement le taux de fractures de la hanche ultérieures et d’autres fractures sur os porotique. Ce chapitre est écrit dans le but de fournir des conseils pratiques pour le chirurgien orthopédiste et son équipe afin d’intervenir sur l’ostéoporose et la prévention des chutes, et d’éviter d’autres fractures.


Les patients ayant subi un traumatisme de faible intensité ou une fracture par fragilité osseuse au niveau de la hanche (c’est-à-dire en raison d’une chute de sa hauteur ou moins)1 ont un risque relatif élevé de seconde fracture de hanche qui va de 2,3 à 4,9 %25. Le risque est le plus élevé peu après la fracture ; 2,3 à 5 % des patients avec une fracture de hanche auront une seconde fracture de hanche dans les 12 mois6,7. Près de la moitié des fractures de hanche ultérieures se produisent dans les deux premières années suivant la première fracture de hanche2,5,6. La période de prise en charge de la première fracture est donc essentielle pour éviter la récidive.


Le patient avec une fracture de hanche a un risque élevé de fracture future, tant en raison du risque de chute qu’à cause de l’ostéoporose sous-jacente, qui est habituellement diagnostiquée au moment de la présentation. Quatre-vingt à 90 % des fractures chez des patients de 60 à 74 ans hospitalisés pour un traitement de la fracture, et 90 à 95 % des fractures chez les patients hospitalisés de plus de 75 ans peuvent être attribuées à l’ostéoporose8. L’interaction avec ces groupes de patients représente la meilleure occasion, même après une fracture de hanche, pour la prévention des fractures. Il est bien établi qu’un traitement approprié de l’ostéoporose par une supplémentation en calcium et en vitamine D et un biphosphonate peut augmenter la densité minérale osseuse (DMO) et éviter certaines fractures chez des patients à risque élevé915. Il a été démontré que les biphosphonates réduisaient le risque de seconde fracture de la hanche de 30 à 50 % en une année d’initiation chez des patients à risque élevé911,16,17, du fait du remodelage osseux altéré, menant à une amélioration de l’architecture et de la résistance osseuse et à une augmentation de la densité osseuse. Un tel traitement peut également entraîner une diminution du taux de mortalité après la fracture18,19. Un essai clinique sur l’acide zolédronique, un biphosphonate intraveineux, a même démontré une diminution de la mortalité toutes causes confondues après la fracture de hanche16. Une intervention pour éviter les chutes est également importante20.


Cependant, même après des fractures de hanche, qui sont la conséquence la plus grave et évidente de l’ostéoporose, cette prise en charge est souvent manquante2126. Une revue de la littérature sur 37 articles concernant le diagnostic et le traitement de l’ostéoporose après une fracture sur os fragile a constaté que, dans un sous-ensemble de 14 études de patients avec une fracture de hanche, l’ostéoporose sous-jacente n’a pas été étudiée ou traitée chez 49 à 96 % des patients23. L’équipe orthopédique qui est engagée dans le traitement et la prise en charge du patient avec une fracture de hanche a une autre priorité, qui est d’initier une série d’examens et de traitements pour l’ostéoporose et d’éviter les chutes à venir.



Profil du patient


L’âge moyen d’un patient présentant une fracture de hanche se situe entre 74 et 83 ans6,7,19,2732. Le patient avec une fracture de hanche aiguë présente souvent des limitations de mobilité préexistantes, une histoire de chutes et de multiples comorbidités. Des troubles cognitifs peuvent être identifiés en préopératoire et postopératoire chez plus de 50 % des patients avec une fracture de hanche27,33,34. Les patients fracturés ayant des troubles cognitifs sont moins susceptibles d’être traités pour une ostéoporose sous-jacente28,35,36. En ce qui concerne le traitement de l’ostéoporose chez des patients avec une fracture de hanche qui sont déments, il existe une attitude inadaptée qui consiste à baisser les bras puisque l’état de base du patient est précaire. Néanmoins, le traitement par biphosphonates et supplémentation en calcium et vitamine D a été démontré comme efficace pour diminuer l’incidence des fractures de hanche ultérieures chez le patient âgé avec une fracture de hanche atteint de la maladie d’Alzheimer37,38. Ainsi, même le patient âgé souffrant de troubles cognitifs et à haut risque de fracture future peut bénéficier d’un traitement de l’ostéoporose. Ces patients nécessitent également des modifications de leur environnement physique et l’amélioration de facteurs endogènes (par exemple la vue, l’ouïe, la polymédication et le degré de sédation) pour réduire leur risque élevé de chutes.


Le lieu d’origine le plus commun des patients se présentant à l’hôpital avec une fracture de hanche est une maison de repos ou de retraite. Le taux de fracture de hanche chez les résidents de ces maisons est d’environ 3,5 à 5 fois supérieur à celui de leurs homologues à domicile ; 2,3 à 10,4 % des résidents en maison de repos sont victimes d’une fracture de hanche chaque année35,3943. L’ostéoporose est très répandue (61 à 85 %) dans l’environnement des maisons de repos, mais seulement 25 à 36 % de ces patients reçoivent un traitement pour l’ostéoporose36,4446. Même la supplémentation de routine en calcium et vitamine D associée à une alimentation équilibrée fait défaut dans de nombreuses maisons de repos.


Les maladies cardiaques, le cancer, le diabète, la dépression, l’arthrose, l’anxiété et l’anémie sont fréquents chez les patients âgés avec une fracture de hanche. Jusqu’à 73 % des patients âgés souffrant de fracture de hanche peuvent avoir une ou plusieurs comorbidités27. La polymédication, ou l’administration régulière de nombreux médicaments au patient, peut représenter un obstacle à l’introduction de la supplémentation et à la prescription de médicaments pour ces patients. Néanmoins, les patients avec une fracture de hanche ayant un nombre de comorbidités important ont été identifiés comme étant plus susceptibles de suivre un traitement de l’ostéoporose à 1 an de suivi31.


Environ une fracture de la hanche sur quatre survient chez les hommes7,18,19,47,48, et le taux de mortalité au cours de la première année est presque deux fois plus élevé chez les hommes (30 %) que chez les femmes (17 %)49,50. Le patient de sexe masculin est encore plus souvent oublié pour le dépistage et le traitement de l’ostéoporose.


L’âge auquel survient une fracture de hanche semble être en augmentation. Les essais de traitement contre l’ostéoporose, comme pratiquement tous les autres essais médicaux, n’ont pas inclus un grand nombre de sujets âgés. Seuls les essais les plus récents ont inclus un nombre important de personnes âgées19. Par conséquent, seule une faible quantité de preuves est disponible pour traiter l’ostéoporose chez le patient âgé de 85 ans ou plus. Malgré ce manque de données, il devrait être sérieusement envisagé d’administrer un médicament inhibiteur de la résorption et de mettre en place d’autres mesures telles que la prévention des chutes, au moins chez les patients vivant chez eux. Une controverse existe sur l’indication du traitement de l’ostéoporose pour les patients ayant une fracture de hanche atteints de démence sévère ou alités.



Évaluation du risque fracturaire


Les indications du traitement de l’ostéoporose pour éviter les fractures étaient autrefois essentiellement fondées sur la DMO. Cette base était problématique pour plusieurs raisons : (1) la moitié des fractures survient chez des patients dont la DMO est au niveau ostéopénique plutôt qu’ostéoporotique51 ; (2) le risque de fracture fondé uniquement sur la DMO ne tient pas compte du risque de chute ; et (3) l’âge est un important facteur de risque, surtout pour la fracture de la hanche.


L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a développé sur Internet un outil d’évaluation du risque de fracture (Fracture Risk Assessment Tool [FRAX]) reposant sur un programme de travaux pour les maladies osseuses métaboliques de l’Université de Sheffield au Royaume-Uni et dirigé par le Pr John A. Kanis52,53. Le FRAX permet aux professionnels de santé de calculer le risque sur 10 ans de fracture de hanche, ainsi que le risque sur 10 ans de fracture ostéoporotique, chez les patients de sexe masculin et féminin. Des caractéristiques clés des patients, telles que l’âge, le sexe, le poids, la taille et la DMO du col fémoral (si disponibles), sont entrées dans l’outil du site Internet, ainsi que tous les facteurs de risque cliniques d’ostéoporose, tels qu’une fracture antérieure, des antécédents familiaux de fracture de hanche, le tabagisme, l’utilisation au long cours de corticoïdes, la polyarthrite rhumatoïde, d’autres causes d’ostéoporose secondaire, et la consommation quotidienne d’alcool. Ces facteurs sont pondérés différemment, et la probabilité de fracture est calculée en pourcentage. Par exemple, le tabagisme et la consommation excessive d’alcool sont des facteurs de risque relativement faibles, mais une fracture antérieure et les antécédents familiaux de fracture de hanche sont des facteurs de risque forts. Les algorithmes FRAX utilisés pour calculer le risque à 10 ans de fracture sont fondés sur des études de populations de référence en Europe, Amérique du Nord, Asie et Australie. Un outil FRAX spécifique du pays est disponible pour les États-Unis (ethnies noire, blanche, hispanique, asiatique), le Canada53a, le Royaume-Uni, la Suède, l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Belgique, la Finlande, la Suisse, l’Italie, l’Espagne, la Turquie, le Liban, l’Argentine, le Japon, Hong-Kong, la Chine et la Nouvelle-Zélande.


D’autres modèles de risque de fracture, utilisés comme outils de décision thérapeutique, existent. Par exemple, au Canada, des tables réalisées par Siminoski et al.54, soutenues par Osteoporosis Canada, la Société d’obstétrique et de gynécologie canadienne, et l’Association canadienne de radiologie, montrent une fonction similaire pour des patients de 50 ans et plus. L’âge, le sexe et la DMO constituent la base du calcul du risque absolu de fracture à 10 ans pour un patient. Trois groupes de faible risque (< 10 %), risque modéré (10 à 20 %) et risque élevé (> 20 %) sont établis sur des graphiques de la DMO par rapport à l’âge, pour les hommes et pour les femmes. Deux facteurs de risque supplémentaires, antécédents de fractures et utilisation de corticoïdes pendant plus de 3 mois, vont chacun augmenter le risque de fracture future pour un patient au niveau suivant : de risque faible à risque modéré ou de risque modéré à risque élevé. Une personne ayant eu une fracture sur os ostéoporotique après l’âge de 40 ans et recevant un traitement par corticoïde est automatiquement considérée comme étant à risque élevé, indépendamment de l’âge, du sexe ou de la DMO. Une version mise à jour et publiée en 2010 a été validée dans deux grandes cohortes canadiennes et montre une concordance de près de 90 % avec le système FRAX canadien54a.


Le patient hospitalisé avec une fracture de hanche se présente habituellement avec deux des principaux facteurs de risque : l’âge avancé et (par définition) une fracture de la hanche. La plupart des patients avec des fractures ostéoporotiques de la hanche ont plus de 65 ans. Que la DMO soit au niveau ostéopénique ou ostéoporotique, la plupart des patients avec une fracture de hanche seront classés, grâce aux outils d’évaluation des risques actuellement utilisés, comme étant à risque élevé de fracture future et nécessitent donc un traitement pharmacologique. Un débat considérable a eu lieu sur l’indication du traitement pharmacologique pour les patients ayant une fracture de hanche qui, en vertu d’un âge plus jeune et d’une DMO plus élevée, sont classés par les outils d’évaluation des risques comme étant à risque modéré pour des fractures futures. Des études telles que l’essai HORIZON Pivotal Fracture16 soutiennent un traitement pharmacologique pour ce groupe car il a été démontré que celui-ci diminuait le risque de fracture. Par conséquent, dans la majorité des cas, le patient présentant une fracture de hanche, et en particulier le patient âgé avec une fracture de hanche, a une indication au traitement pharmacologique de l’ostéoporose pour réduire le risque élevé de fracture future.



Déterminants du risque de fracture future


La prise en charge du patient hospitalisé avec une fracture de hanche requiert une attention particulière à de nombreux facteurs qui aboutissent à l’ostéoporose, une tendance à tomber, et une forte probabilité de fracture à venir. Les facteurs les plus importants, dont certains peuvent être abordés de manière thérapeutique, sont énumérés ici. Parmi les cinq facteurs clés suivants, seuls deux (l’âge avancé et la prévalence élevée des fractures sur os pathologique) ne sont pas modifiables.



Âge avancé


L’âge moyen des patients atteints de fracture de hanche varie de 74 à 83 ans selon différentes études6,7,19,2732, et la plupart des études rapportent une moyenne d’âge d’au moins 80 ans6,7,27,28,31,32. De 54 à 77 % des patients avec une fracture de hanche ont 75 ans ou plus au moment de la fracture18,19,29.


Ces deux facteurs, la fracture de hanche prévalente et l’âge avancé, augmentent tous les deux considérablement le risque de fracture ultérieure54,55, comme indiqué précédemment. L’augmentation de l’âge est associée à un nombre plus élevé de comorbidités et de traitements31, des facteurs qui augmentent la probabilité des chutes et posent des obstacles potentiels au traitement de l’ostéoporose.



Antécédent de fracture de fragilité


Une fracture antérieure augmente considérablement le risque de fractures ultérieures25,7,53,54. Par conséquent, tous les patients avec une fracture de hanche sont beaucoup plus à risque d’avoir une autre fracture, en particulier de la hanche. Une expression commune faisant référence à ce phénomène est « une fracture engendre une fracture ». Jusqu’à 10 % des patients avec une fracture de hanche auront une deuxième fracture de hanche dans les 2 ans suivant la première fracture2,57,19,56.



Tendance à tomber


Quatre-vingt-dix pour cent des fractures de hanche surviennent au décours d’une chute57. Bien que seule une faible proportion des chutes chez les personnes de 65 ans et plus entraîne une fracture, la tendance à tomber est élevée parmi les personnes âgées et augmente avec l’âge : un tiers des personnes de 65 ans et plus et la moitié des personnes de 85 ans et plus tombent chaque année58. Dans les maisons de repos, la tendance à tomber est encore plus grande, avec une incidence annuelle moyenne de 1,5 chute par lit59.


Les étiologies possibles de chutes peuvent inclure l’hypotension orthostatique, une mauvaise vision ou audition, et un mauvais équilibre secondaire à une faiblesse musculaire, un accident vasculaire cérébral ou une maladie neurologique. Un programme de prévention des chutes devrait inclure la recherche et le traitement de ces pathologies et d’autres possibles. La prévention des chutes est examinée dans le chapitre 17.



Carence en vitamine D ou dénutrition


De nombreuses études ont démontré une forte probabilité que les patients présentant une fracture de hanche soient dans un état de carence en vitamine D ou de dénutrition. Les définitions et les valeurs seuil pour l’insuffisance et la carence en vitamine D font l’objet de débat et demeurent controversées. Dans une étude sur la concentration sérique optimale en vitamine D pour des résultats de santé multiples, Bischoff-Ferrari et al.60 ont rapporté qu’une concentration sérique en 25-hydroxyvitamine D supérieure à 75 nmol/l était le niveau le plus avantageux pour la prévention des fractures, une DMO élevée, une meilleure fonction au niveau du membre inférieur, une réduction du risque de chutes, et une réduction de la perte des dents et des maladies parodontales. Une concentration sérique en 25-hydroxyvitamine D comprise entre 90 et 100 nmol/l a même été recommandée pour la prévention des fractures de hanche60. En utilisant cette norme, les concentrations sériques en 25-hydroxyvitamine D inférieures à 75 nmol/l peuvent être considérées comme insuffisantes chez les patients avec une fracture de hanche. La carence en vitamine D peut maintenant être définie pour des concentrations sériques inférieures à 50 nmol/l61, bien qu’une définition plus conservatrice de la carence franche soit une concentration inférieure à 25 nmol/l, un niveau où l’ostéomalacie et un trouble de la fonction musculaire peuvent survenir.


L’insuffisance en vitamine D est très fréquente chez les patients avec une fracture de hanche lorsque les valeurs seuil précédentes sont utilisées. Selon une définition plus conservatrice, l’incidence de l’insuffisance en vitamine D sans équivoque (< 50 nmol/l) varie de 62 à 91 % dans les populations de fracture de hanche et est encore plus élevée dans les maisons de repos6166. Une plus faible proportion de ces patients (10 à 40 %) présente une carence franche en vitamine D (< 25 nmol/l)30,61,6668.


La vitamine D non seulement influence la minéralisation osseuse et la santé osseuse, mais aussi est importante pour la synthèse des protéines dans le tissu musculaire qui mène à une meilleure force musculaire, en particulier au niveau des membres inférieurs69. Ainsi, une insuffisance en vitamine D entraînant une faiblesse musculaire peut rendre une personne plus vulnérable aux chutes et donc augmenter le risque de fracture. Une carence franche en vitamine D chez les femmes au moment de la fracture de hanche a été associée à une atrophie des fibres musculaires de type II des muscles moyens fessiers, une altération de la fonction des membres inférieurs, et un risque accru de chutes à 1 an après la fracture61,70. Une méta-analyse d’études de supplémentation en vitamine D a montré que l’administration quotidienne de 800 UI réduisait le risque de chute de 22 % en comparaison avec le calcium ou un placebo60.


La vitamine D est un facteur important dans la prévention des fractures de hanche ultérieures. Beaucoup de patients avec une fracture de hanche ont une alimentation inadéquate et sont incapables d’obtenir une exposition au soleil suffisante, surtout après la fracture. De nombreuses fractures se produisent pendant l’hiver, une saison où les patients âgés sont moins susceptibles de s’exposer au soleil. Le patient se présentant avec une fracture de hanche devrait être encouragé à atteindre un apport en vitamine D adéquat par la supplémentation, puisque l’alimentation et l’exposition au soleil sont peu susceptibles d’être suffisantes dans de nombreux pays.



Ostéoporose secondaire


Un examen approfondi de la littérature sur les causes de l’ostéoporose a conclu qu’environ deux tiers des cas d’ostéoporose chez les hommes, la moitié des cas d’ostéoporose chez les femmes en périménopause et préménopause, et un cinquième des cas d’ostéoporose chez les femmes ménopausées sont dus à des causes secondaires autres que le vieillissement ou la ménopause71. Les causes les plus fréquentes d’ostéoporose secondaire comprennent l’utilisation de glucocorticoïdes, l’alcoolisme, une maladie rénale, l’hyperparathyroïdie (souvent associée à une maladie rénale ou une insuffisance en vitamine D), l’hypogonadisme chez les patients de sexe masculin et féminin, la malabsorption du calcium, les maladies inflammatoires de l’intestin et les arthrites inflammatoires, le cancer, et les gammapathies monoclonales7177. Boonen et al.78 ont rapporté que jusqu’à 70 % des patients masculins atteints d’ostéoporose ont une ostéoporose non liée à l’âge, causée par des circonstances telles que l’utilisation des glucocorticoïdes, l’alcoolisme et l’hypogonadisme. En outre, une DMO basse secondaire à une ostéomalacie, comme l’hypovitaminose D, peut être confondue avec l’ostéoporose. Ainsi, il est particulièrement pertinent de rechercher les causes secondaires de perte osseuse chez le patient masculin avec une fracture de hanche, afin d’exclure ou d’identifier (et traiter) de telles affections. Chez les femmes, quand l’ostéoporose est inhabituellement importante ou survient à un âge plus jeune qu’habituellement, ou quand l’histoire médicale est suggestive, les principales causes d’ostéoporose secondaire, comme l’hyperthyroïdie infraclinique, le myélome multiple et la maladie de Cushing, devraient être envisagées.


Différentes circonstances, telles que la carence en vitamine D, peuvent exiger des thérapies complémentaires. Si de telles causes de la perte osseuse ne sont pas identifiées et prises en charge de manière appropriée, alors le traitement de l’ostéoporose associée peut être sous-optimal ou inefficace. Un dépistage rapide des antécédents peut identifier certaines des causes secondaires communes de l’ostéoporose. Un protocole d’examens est utilisé lorsque des causes principales non diagnostiquées d’ostéoporose secondaire sont suspectées. Ces tests, qui sont adaptés à la situation clinique, sont énumérés dans le tableau 18-1.


Tableau 18-1 Protocole d’examens pour les principales causes d’ostéoporose secondaire suspectées non diagnostiquées*












Examen sanguin Numération formule sanguine (NFS)
Parathormone (PTH)
Phosphatase alcaline
Créatinine
Calcium
25-hydroxyvitamine D
TSH (thyroid stimulating hormone)
Électrophorèse des protéines plasmatiques
Transglutaminase tissulaire (test pour la maladie cœliaque)
Testostérone biodisponible (hommes seulement)
Examen des urines  
Radiographies Rachis thoracique et lombal (face et profil)

* Ce protocole d’examens se réfère aux recommandations cliniques canadiennes pour la prise en charge de l’ostéoporose54a.



Densité minérale osseuse


Selon les recommandations de l’OMS de 1994 et les suivantes79,80 l’ostéoporose est diagnostiquée lorsque la DMO est de 2,5 déviations standard (DS) ou plus en dessous de la moyenne des jeunes adultes. L’ostéopénie est définie par une DMO supérieure à 1 DS, mais inférieure à 2,5 DS en dessous de la moyenne des jeunes adultes. En utilisant ces critères de diagnostic, une ostéoporose ou une ostéopénie est retrouvée chez 87 à 96 % des patients présentant une fracture de hanche, et une ostéoporose franche est retrouvée chez 48 à 61 % de ces patients19,48,81. Ces taux sont encore plus élevés chez les patients ayant une fracture de hanche en maison de repos46.


Une question se pose souvent quand un patient âgé avec une fracture de hanche ostéoporotique typique se présente pour un traitement à l’hôpital : le patient a-t-il besoin d’une densitométrie minérale osseuse pour que l’ostéoporose soit correctement diagnostiquée et prise en charge de façon optimale ? Les recommandations actuelles ont été révisées pour les dispositions qui s’appliquent au patient présentant une fracture de hanche aiguë. Bien que les recommandations cliniques comprennent généralement une mesure de la DMO pour le diagnostic définitif de l’ostéoporose79,8286, quelques variations dans les caractéristiques des patients justifient une recherche de l’ostéoporose par la DMO dans 17 recommandations de pratique clinique pour le dépistage de l’ostéoporose publiées aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Australie87. Toutes les recommandations examinées ont préconisé le dépistage des femmes ménopausées de moins de 65 ans ayant un facteur de risque supplémentaire (par exemple une fracture prévalente, bien que les définitions des facteurs de risque varient), et d’autant plus préconisé un dépistage universel pour les femmes de plus de 65 ans, peu de recommandations concernent le dépistage de l’ostéoporose chez les hommes87. Osteoporosis Canada recommande un examen de la DMO pour des cas ciblés parmi les hommes et les femmes de moins de 65 ans ayant des facteurs de risque (par exemple une fracture de hanche prévalente) ainsi que pour tous les hommes et les femmes de 65 ans et plus en raison du risque accru d’ostéoporose et de fracture après cet âge88. La National Osteoporosis Foundation aux États-Unis recommande un examen de la DMO chez toute personne de plus de 50 ans ayant une fracture prévalente89.



Le patient âgé avec une fracture de hanche a-t-il besoin d’une évaluation de la densité minérale osseuse pour que l’ostéoporose soit prise en charge de façon optimale ?


En ce qui concerne l’évaluation du risque à 10 ans de fracture par fragilité osseuse chez un patient présentant une fracture de hanche aiguë, les outils d’évaluation du risque de fracture appliqués aux personnes âgées (c’est-à-dire 70 ans et plus) avec des fractures de hanche mènent habituellement à une indication de traitement pharmacologique de l’ostéoporose. Par exemple, dans l’outil FRAX pour les États-Unis53, une femme de 70 ans qui se présente avec une fracture de hanche aiguë sans aucun autre facteur de risque et un T-score de DMO de −1,0 a une probabilité de fracture ostéoporotique à 10 ans de 20 %. Un autre exemple serait un homme de 80 ans au Royaume-Uni se présentant avec une fracture de hanche aiguë et deux autres facteurs de risque qui aurait une probabilité de fracture ostéoporotique à 10 ans de 21 % si son T-score est de −2,0. Un risque calculé de 20 % ou plus est considéré comme un risque élevé de fracture future. Les principaux déterminants du risque de fracture ostéoporotique sont (1) l’âge, (2) une fracture ostéoporotique prévalente, (3) la DMO, et (4) le sexe féminin. Puisqu’un patient âgé avec une fracture de hanche, par définition, présente les deux premiers facteurs de risque, et puisque la plupart de ces patients sont soit ostéopéniques soit franchement ostéoporotiques, les patients âgés avec une fracture de hanche se présentant pour un traitement à l’hôpital sont presque toujours à risque élevé de fracture future (y compris de la hanche) et ont donc une forte indication au traitement de l’ostéoporose.


Pour ces raisons, dans le cas des patients âgés souffrant de fracture de la hanche, l’ostéodensitométrie n’est pas une exigence absolue pour initier le traitement de l’ostéoporose afin d’éviter les fractures futures chez les femmes, étant donné que la patiente âgée avec une fracture de hanche a une indication quasi universelle au traitement, fondée sur un risque élevé de fracture à 10 ans. Cependant, un clinicien peut décider de demander une mesure de la DMO pour d’autres raisons. Une mesure de la DMO peut être exigée pour servir de norme de base destinée à une clinique de l’ostéoporose ou à un spécialiste pour des examens complémentaires et le suivi du traitement de l’ostéoporose. Certains cliniciens pensent que la preuve de l’ostéoporose documentée par les résultats de DMO pouvant être démontrée au patient est utile pour le motiver dans l’observance du traitement.



Composantes d’une stratégie de traitement efficace de l’ostéoporose



Correction d’une carence en vitamine D


La carence en vitamine D est facilement mesurable et est peu coûteuse à traiter. Les carences sont rapidement corrigeables, avec un risque minimal, grâce à supplémentation68. Il a été démontré que la supplémentation en vitamine D et en calcium réduisait les taux de fracture des individus de plus de 65 ans vivant dans la communauté, ainsi que des individus vivant dans des maisons de repos30,68. La supplémentation en vitamine D améliore également l’efficacité de la pharmacothérapie de l’ostéoporose. Les chercheurs ont rapporté que la DMO était significativement améliorée chez les patients ostéoporotiques et ostéopéniques n’ayant pas répondu aux biphosphonates seuls, après que ces patients eurent reçu 1000 UI de vitamine D quotidiennement90.


Les recommandations américaines89, canadiennes54a, européennes9193, et australiennes94 pour la prise en charge des patients atteints d’ostéoporose (avec ou sans fracture de fragilité) préconisent une supplémentation quotidienne en calcium (500 à 1 500 mg) et en vitamine D (800 à 1 000 UI). Une augmentation de la dose limite supérieure recommandée de vitamine D est en cours de discussion par certains experts. La prévention optimale des fractures peut nécessiter une supplémentation par plus de 1 000 UI de vitamine D, selon la latitude, la situation sociale et l’enrichissement des produits laitiers en vitamine D60. Les résidents de maisons de repos peuvent nécessiter des doses sensiblement plus élevées de vitamine D en raison de leur âge, de la sédentarité et d’une exposition insuffisante au soleil68.


La vitamine D peut être administrée en une dose quotidienne unique, plutôt qu’en doses fractionnées. Les comprimés de vitamine D sont petits et faciles à avaler, ne provoquent pas de constipation, et sont généralement bien tolérés par les patients non compliants à la supplémentation en calcium. Les patients avec une fracture de hanche qui refusent les suppléments de calcium devraient être informés des avantages de la supplémentation en vitamine D et encouragés à s’y conformer. En d’autres termes, les patients qui résistent à la supplémentation en calcium peuvent accepter une supplémentation en vitamine D et profiter de son bénéfice.


Le patient se présentant avec une fracture de hanche devrait recevoir une supplémentation en vitamine D. L’initiation de la supplémentation pour tous les patients avec une fracture de hanche est recommandée à l’hôpital, suivie d’une mesure du taux sérique de 25-hydroxyvitamine D 3 mois après53a. Si une cause secondaire d’ostéoporose a été identifiée, des examens sanguins et urinaires sont recommandés avant de débuter une thérapie53a,54a. Le fait que les biphosphonates soient débutés au même moment est controversé. Certains auteurs recommandent une correction de la carence en vitamine D avant l’administration d’aminobisphosphonates, pour éviter l’utilisation de biphosphonates chez des patients atteints d’ostéomalacie réelle ou potentielle. Toutefois, de nombreux praticiens trouvent pratique et sûr de commencer une supplémentation en vitamine D dans le même temps que l’initiation du traitement par biphosphonates. Le lancement du traitement pharmacologique de façon systématique pour les patients avec une fracture de hanche a été difficile, et de nombreux patients ne reçoivent toujours pas de traitement pour la prévention des fractures futures. L’initiation d’un traitement pharmacologique par un protocole à l’hôpital, quand le patient reste sous la surveillance de l’équipe d’orthopédie et des spécialistes de l’ostéoporose, est avantageuse à cet égard. Une supplémentation avec 50 000 UI de vitamine D2 trois fois par semaine pendant 4 semaines a été recommandée pour les résidents de maison de repos ayant une carence sérique en 25-hydroxyvitamine D, pour les ramener à des taux sériques suffisants68.



Supplémentation en calcium


Une supplémentation en calcium peut être administrée en différentes formes (tableau 18-2)9597. Une dose unique ne doit pas dépasser 500 à 600 mg de calcium élémentaire, pour permettre une absorption maximale. Ainsi, une ou deux doses quotidiennes peuvent être nécessaires pour répondre aux recommandations internationales pour la supplémentation en calcium (tableau 18-3).




Le carbonate de calcium, la forme la plus concentrée de supplémentation en calcium, contient environ deux fois le calcium élémentaire par poids de citrate de calcium96,97. Bien que le carbonate de calcium soit peu coûteux et largement disponible, de nombreux patients âgés le rejettent en raison de la constipation qui en résulte. Lorsque la taille des comprimés est une préoccupation, d’autres formulations telles que des comprimés effervescents ou à mâcher peuvent être adaptées. D’autres formes de calcium, dont le citrate de calcium, sont disponibles en tailles de comprimés plus petites et en plus petites doses. D’autres options permettent d’écraser les comprimés et de les ajouter à un jus d’orange ou d’autres boissons. Le citrate de calcium est le complément privilégié pour les patients atteints d’achlorhydrie, une affection fréquente chez les personnes âgées, en raison d’un taux d’absorption beaucoup plus élevé en comparaison avec le carbonate de calcium97. Le citrate de calcium peut être un choix plus pratique pour les résidents des maisons de repos, étant donné qu’il n’a pas besoin d’être pris avec les repas. Cependant, du fait des doses plus faibles, le patient âgé peut se retrouver à devoir prendre un plus grand nombre de comprimés. Le pharmacien hospitalier ou d’officine peut être amené à aider les patients âgés avec une fracture de hanche à identifier une forme tolérable d’administration de calcium.


Les recommandations actuelles de 1 000 à 1 500 mg de calcium élémentaire représentent un apport quotidien total en calcium provenant d’une combinaison du régime alimentaire et de suppléments. L’apport excessif de calcium peut augmenter le risque d’hypercalciurie et de calculs rénaux. Chez les patients âgés avec un débit de filtration glomérulaire diminué, l’excès de calcium peut augmenter le risque d’hypercalcémie mais aussi de pathologies cardiovasculaires98. En outre, puisque la constipation résultant de la supplémentation en calcium est une préoccupation postopératoire pour le patient avec une fracture de hanche aiguë, limiter la supplémentation en calcium à 500 mg par jour pendant la période postopératoire initiale peut être prudent.



Prévention des chutes


La plupart des fractures de fragilité (90 %) résultent d’une chute57. Les patients ayant un taux élevé de chutes, qui ont également une faible DMO, sont à très haut risque de fracture. Une stratégie de prévention des fractures futures exige un programme efficace de prévention des chutes. Des éléments d’un tel programme peuvent être de développer l’activité physique pour augmenter la force des membres inférieurs et améliorer l’équilibre, d’ajuster les médicaments pour réduire les effets secondaires et les interactions, de s’assurer que l’environnement physique est bien éclairé et libre d’obstacles (comme les tapis et les fils électriques), d’installer des rampes et des barres d’appui, d’avoir des appareils fonctionnels (déambulateur, fauteuil roulant) à portée de main, ou de fournir des chaussures antidérapantes ou des protecteurs de hanche. En outre, les causes endogènes qui peuvent contribuer aux chutes (par exemple une hypotension orthostatique, une mauvaise vision ou audition, ou une sédation inappropriée) devraient être étudiées. La prévention des chutes est abordée en détail au chapitre 17.



Mesure de la densité minérale osseuse


Comme indiqué dans le paragraphe précédent sur l’évaluation du risque de fracture, le patient se présentant avec une fracture de hanche a une probabilité élevée d’ostéoporose ou d’ostéopénie. Puisque le patient avec une fracture de hanche est aussi habituellement âgé (c’est-à-dire 70 ans ou plus), il a un risque calculable élevé à 10 ans de deuxième fracture de hanche ou d’autres fractures de fragilité53,54. Le risque élevé de fracture future peut souvent être présumé. Comme indiqué précédemment, l’ostéodensitométrie n’est donc pas toujours nécessaire avant de commencer le traitement pharmacologique de l’ostéoporose lorsque cela est indiqué chez un patient âgé avec une fracture de hanche99.


Néanmoins, la mesure de la DMO a certains avantages. Une ostéodensitométrie postfracture établit une base de référence pour le suivi et l’évaluation des traitements anti-ostéoporotiques. Lorsque la DMO est extrêmement basse (c’est-à-dire un T-score de −3,5 ou moins), et que l’ostéomalacie par carence en vitamine D n’est pas le problème, le patient peut être identifié comme ayant une indication à l’initiation du traitement par un agent anabolisant tel que le tériparatide plutôt que par un aminobisphosphonate.


L’ostéodensitométrie apporte également une occasion d’éduquer à la fois le médecin traitant et le patient. Dans une étude réalisée par Rozental et al.100 sur l’initiation de traitement de l’ostéoporose après une fracture de fragilité du poignet, les auteurs ont constaté que les médecins traitants ayant reçu la DMO de leurs patients étaient environ trois fois plus susceptibles de prescrire un traitement approprié de l’ostéoporose que les médecins n’ayant reçu qu’une lettre exposant les recommandations nationales pour l’évaluation et le traitement de l’ostéoporose. Ce résultat est la preuve que la fourniture des résultats de la DMO au médecin traitant peut être un puissant facteur de motivation pour l’initiation du traitement de l’ostéoporose chez les patients avec une fracture de fragilité.


Fournir et expliquer les résultats de la DMO peut être motivant aussi bien pour les patients et peut accroître l’observance des traitements anti-ostéoporotiques. Les patients atteints d’ostéoporose ou d’ostéopénie qui sont conscients et comprennent leurs résultats de DMO sont plus susceptibles de recevoir un traitement médicamenteux de l’ostéoporose et sont aussi plus susceptibles d’adhérer au traitement que des patients qui ne connaissent pas leurs résultats de DMO101103.

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Jul 2, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 18: Prévention d’une seconde fracture de hanche chez des patients ostéoporotiques

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