D. Subtil, V. Debarge, G. Benoist, P. Vaast, O. Acker, B. Guérin and Ph. Bourgeot Si l’on excepte la rubéole, la plupart des infections fœtales transmises par voie transplacentaire sont pauci-symptomatiques ou asymptomatiques chez la mère. L’échographie est donc un élément essentiel des stratégies de dépistage et de traitement de ces affections. En pratique, on se trouve dans l’une des deux situations suivantes : découverte d’une anomalie fœtale à l’occasion d’un examen systématique. Parmi les diverses étiologies possibles, il faut savoir penser à l’origine infectieuse et demander les examens les plus appropriés (rapidité, sensibilité, risques faibles). Cette situation nous amène à décrire les principaux signes échographiques qui doivent faire évoquer une origine infectieuse ; du fait du contexte et/ou d’examens maternels, le fœtus est connu comme à haut risque de présenter une fœtopathie connue (CMV, toxoplasmose, parvovirus B19, varicelle…). Ici, la recherche répétée d’anomalies échographiques spécifiques fait partie de la stratégie à visée pronostique et/ou thérapeutique. Il nous paraît important de rappeler ici trois définitions essentielles : séroconversion maternelle : le diagnostic biologique est devenu positif, la mère a présenté l’infection récemment mais cela ne signifie pas que son enfant soit infecté ; infection congénitale : l’enfant a présenté une infection in utero, ce qui ne préjuge pas de la gravité de cette infection ; fœtopathie d’origine infectieuse : il existe des conséquences organiques, éventuellement visibles, de l’infection fœtale, ce qui ne préjuge pas non plus de leur gravité (elle est fonction, en particulier, de l’agent responsable). quel que soit l’agent infectieux considéré, l’absence de signe échographique anormal ne signifie pas que l’enfant n’est pas infecté (on peut même affirmer que la majorité des enfants infectés ne présentent aucune anomalie échographiquement décelable) ; les signes échographiques d’infection sont de nature évolutive : vers l’apparition, l’aggravation ou au contraire la diminution voire la disparition. Les échographies doivent donc généralement être répétées. Tableau 17.1 Signes échographiques évocateurs d’infection fœtale La ventriculomégalie cérébrale est authentifiée par la mesure de la largeur des carrefours ventriculaires au niveau des cornes occipitales (voir fig. 6.21 et chap. 8, Ventriculomégalie). Au-delà de 10 mm, quel que soit le trimestre, on considère habituellement qu’elle justifie une surveillance rapprochée et des explorations à visée étiologique. L’aspect « pendant » ou « flottant » des plexus choroïdes est un élément supplémentaire inquiétant, de même que l’aspect hyperéchogène des parois ventriculaires. On peut considérer que 5 % environ de ces ventriculomégalies sont d’origine infectieuse. Il s’agit principalement de ventriculomégalies symétriques – mais pas toujours –, en rapport avec une infection congénitale à toxoplasme (fig. 17.3c et d, et voir fig. 8.58) ou à cytomégalovirus (fig. 17.1a et c et voir fig. 8.59). Les hyperéchogénicités intracérébrales sont assez caractéristiques des infections à toxoplasme et à cytomégalovirus (voir chap. 8, Hyperéchogénicité localisée). Elles traduisent l’existence de foyers de nécrose localisés au sein de la substance cérébrale. Ces foyers ont tendance à se calcifier progressivement et, bien qu’ils ne s’accompagnent pas de cônes d’ombre postérieurs pendant longtemps, ils sont souvent nommés « calcifications intracrâniennes » d’emblée, en raison de leur caractère hyperéchogène en échographie (fig. 17.1b, et voir fig. 8.59). Ces calcifications sont de siège variable, volontiers périventriculaire, mais on peut les retrouver à tous les niveaux dans le cerveau. Leur alignement entre elles, la formation d’arborescences représentant les trajets de vaisseaux cérébraux (« signe du candélabre » au niveau des vaisseaux thalamo-striés), voire l’existence de doubles lignes parallèles sont très en faveur d’une origine à cytomégalovirus (fig. 17.1c). À l’inverse, les calcifications de la toxoplasmose congénitale ont tendance à être beaucoup plus arrondies, disséminées au « hasard » dans le tissu cérébral (fig. 17.3). La microcéphalie est définie par l’existence d’un périmètre céphalique inférieur à − 3 DS, c’est-à-dire très inférieur au 1er percentile – inférieur au 1er « permillime » en fait (voir chap. 8, Microcéphalie). Sa gravité vient des cas où elle révèle un défaut de croissance cérébrale avec élargissement des espaces sous-arachnoïdiens et anomalie de la giration. Elle doit faire rechercher une fœtopathie à cytomégalovirus dont elle peut être le signe isolé, mais également une infection rubéolique (rare) ou à Herpes simplex. L’hydranencéphalie est de diagnostic rare et aisé (voir fig. 8.46). Résultat d’une nécrose précoce et étendue de la substance cérébrale sus-tentorielle, elle se présente sous la forme d’une vaste plage liquidienne entourée d’un liseré cortical périphérique. Alors que son origine vasculaire est généralement admise, elle a pu être mise en rapport avec une infection à Herpes simplex, et plus rarement avec une infection à cytomégalovirus ou une toxoplasmose. Dans ces cas, on peut supposer qu’un mécanisme vasculaire d’origine infectieuse touche les gros vaisseaux à destinée encéphalique. Les calcifications intra-abdominales peuvent être de siège intestinal, hépatique, péritonéal, surrénalien ou splénique. Il s’agit d’images arrondies hyperéchogènes dont la topographie n’est pas toujours facile à préciser. Quand elles sont hépatiques, elles semblent intraparenchymateuses (fig. 17.1e et f, et voir fig. 13.35). Comme nous l’avons vu plus haut avec les hyperéchogénicités intracérébrales d’origine infectieuse, elles ne présentent pas toujours de cônes d’ombre postérieurs. Elles doivent faire recherche l’existence d’une infection fœtale, essentiellement à toxoplasme ou à cytomégalovirus, surtout si elles sont multiples. Elles doivent être distinguées d’une part des calcifications limitées à la surface du péritoine (autour du foie, par exemple à la figure 17.1d), qui évoquent plutôt l’existence d’une péritonite méconiale et d’autre part des hyperéchogénicités intestinales, masses hyperéchogènes mal limitées qui traduisent plutôt l’existence d’anomalies du transit digestif tel qu’un iléus méconial (voir chap. 13, Images hyperéchogènes abdominales). Cependant, cette différence n’est pas toujours utile, car les calcifications péritonéales et hyperéchogénicités intestinales peuvent être également associées à des infections fœtales, en particulier le cytomégalovirus et le parvovirus. L’épanchement localisé ou généralisé des séreuses (ascite ou anasarque fœtoplacentaire) est un des modes de révélation possible des infections fœtales. L’ascite (fig. 17.1d et e, 17.2b, c et f.2, et voir chap. 13, Ascite), l’épanchement péricardique (fig. 17.2d et f.3, et voir chap. 12, Épanchements péricardiques) et/ou pleural (voir aussi chap. 11, Épanchement pleural) peuvent s’associer entre eux et à : un œdème sous-cutané diffus, une augmentation de l’épaisseur placentaire, un oligoamnios (fig. 17.2b). Dans les infections comme le cytomégalovirus, la syphilis, la toxoplasmose, la listériose, ces épanchements semblent le résultat d’une atteinte directe de la perméabilité capillaire par l’agent infectieux lui-même. En revanche, c’est l’anémie fœtale sévère qui est la cause des anasarques à parvovirus B19. Dans l’infection à cytomégalovirus, c’est la néphrite parfois engendrée par le virus qui est à l’origine de l’oligoamnios (rare mais typique). Une hépatosplénomégalie a été rapportée avec toutes les infections de la série TORCH (toxoplasmose, rubéole, cytomégalovirus, herpès). Le foie n’est pas aisé à mesurer de manière objective (voir fig. 7.24), même si des normes ont été établies (voir tableau 7.25). La déviation de la veine ombilicale vers la gauche, au niveau de sa portion intra-abdominale, peut être un signe indirect d’hépatomégalie. Une cardiomégalie a été décrite dans les infections à cytomégalovirus et à parvovirus B19. Là encore, une quantification du rapport cardiothoracique est possible (normalement proche de 0,40 sur une coupe des quatre cavités – voir fig. 12.8), mais l’impression visuelle suffit souvent (fig. 17.2d). Enfin, une diminution de la contractilité des ventricules cardiaques (dont la paroi peut être anormalement échogène) est parfois observée dans certains cas d’anasarque fœtoplacentaire à parvovirus B19, vraisemblablement du fait de l’atteinte des cellules myocardiques par le virus lui-même.
Signes échographiques et conduite à tenir en cas d’infection fœtale anténatale
Signes échographiques évocateurs d’infection fœtale (tableau 17.1)
Cerveau
Ventriculomégalie
Calcifications
Microcéphalie
Kystes sous-épendymaires
Hydranencéphalie
Thorax et abdomen
Ascite, épanchement pleural, épanchement péricardique
Anasarque
Cardiomégalie
Calcifications cardiaques
Hépatosplénomégalie
Calcifications péritonéales
Calcifications intra-hépatiques
Intestin hyperéchogène
Signes généraux
RCIU inexpliqué
Placentomégalie
Oligoamnios ou hydramnios
Malformations
Cœur
Yeux
Membres
Au niveau cérébral
Ventriculomégalie
« Calcifications »
Microcéphalie
Hydranencéphalie
Au niveau abdominal et thoracique
Calcifications et hyperéchogénicités
Épanchements des séreuses et anasarque
Hépatosplénomégalie
Cardiomégalie
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