Chapitre 17 Neurologie
Symptômes neurologiques fréquents
Maux de tête
Le mal de tête est une plainte fréquente, mais en général il n’est pas un signe de maladie grave. Chez la plupart des patients se plaignant de céphalée, aucun signe physique anormal n’est décelable et le diagnostic repose sur une anamnèse précise. Les causes peuvent être réparties en fonction de leur début et de leur évolution (tableau 17.1). Celles responsables d’une céphalée aiguë ou subaiguë sont toutes potentiellement graves et nécessitent des investigations et une évaluation urgentes. Une hémorragie méningée se manifeste par des maux de tête qui atteignent une intensité maximale en quelques secondes et sont décrits comme « pires que jamais » (voir plus loin). La raideur de nuque et le signe de Kernig indiquent une irritation méningée, déclenchée généralement par une méningite bactérienne ou virale, ou une hémorragie méningée, affections qui peuvent également s’accompagner de fièvre.
Aiguë et forte (début en quelques minutes ou heures) |
Hémorragie intracrânienne Thrombose veineuse cérébrale Dissection d’une artère carotide ou vertébrobasilaire Méningite Blessure à la tête Migraine Médicaments, par exemple trinitrine Alcool Infections, par exemple le paludisme |
Subaiguë (début prenant des jours à plusieurs semaines) |
Masse intracrânienne Encéphalite Méningite Artérite à cellules géantes Sinusite Glaucome aigu Hypertension maligne |
Récurrente/chronique |
Migraine Céphalée de tension Sinusite Céphalée de Horton ou céphalée en grappe Hémicrânie paroxystique Consommation excessive de médicament Masse intracrânienne |
Chez les patients souffrant de céphalées chroniques ou récurrentes, les antécédents et l’examen physique constituent les moyens principaux permettant de distinguer les causes graves ou bénignes des maux de tête, la plupart étant des céphalées de tension (abordées plus loin) et ne nécessitant pas d’investigations approfondies. En revanche, si les symptômes s’aggravent progressivement ou deviennent chroniques tout en changeant de caractère, il faut envisager la possibilité d’une hypertension intracrânienne, par exemple en raison d’une lésion compressive, ce qui nécessite alors une imagerie cérébrale par TDM ou IRM. Le tableau 17.2 énumère les autres caractéristiques suggestives d’un risque plus élevé de pathologie grave, constituant ainsi des indications pour l’imagerie. Un mal de tête avec des douleurs généralisées chez une personne âgée suggère une artérite à cellules géantes, qui nécessite un traitement urgent par des corticoïdes afin de prévenir la cécité.
Apparition soudaine Céphalée nouvelle chez un patient de plus de 50 ans Signes neurologiques anormaux Céphalée changeant avec la posture (peut indiquer une augmentation de la PIC) Céphalée aggravée par la toux, les éternuements, la flexion du tronc, l’effort (peut indiquer une augmentation de la PIC) Fièvre Antécédents d’infection par le VIH Antécédents de cancer |
PIC : pression intracrânienne.
Étourdissements, évanouissements et tendances syncopales
Des épisodes de perturbation transitoire de la conscience sont fréquents (tableau 17.3). Souvent, les antécédents médicaux suffisent à différencier une crise d’épilepsie des autres troubles. Le récit d’un témoin oculaire est particulièrement utile. Il faut pouvoir reconnaître une éventuelle narcolepsie, une maladie rare caractérisée par un besoin de sommeil irrésistible dans des circonstances inappropriées, et la cataplexie, une affection du même type, mais dans laquelle les membres inférieurs perdent soudainement leur tonus et se dérobent, la conscience étant préservée. Les crises sont déclenchées par une forte émotion ou un événement survenant par surprise.
Syncope – causes cardiopulmonaires
– Hypersensibilité du sinus carotidien – Circonstancielle : toux, miction, après exercice – Hypotension posturale (orthostatique) : dysautonomie, hypovolémie
|
EP : embolie pulmonaire.
Étourdissements et syncopes
Une syncope est une perte de conscience de courte durée (généralement 20 à 30 secondes) provoquée par une réduction globale du débit sanguin cérébral. Habituellement, la récupération est rapide et complète. La syncope est un symptôme plutôt qu’une maladie. Elle peut être causée par plusieurs affections sous-jacentes (tableau 17.3) et est souvent confondue avec l’épilepsie.
Un étourdissement précède la syncope, et représente une forme incomplète dans laquelle la perfusion cérébrale n’a pas diminué suffisamment pour provoquer une perte de conscience. L’étourdissement doit être différencié du vertige (voir chap. 16), qui est une illusion de déplacement, souvent rotatif, des objets environnants par rapport au corps ou inversement. Il résulte d’une maladie de l’oreille interne, du 8e nerf crânien ou de ses connexions centrales.
Examens
Les antécédents et l’examen physique avec prise de la PA en décubitus et debout ainsi qu’un ECG à 12 dérivations fourniront un diagnostic dans la plupart des cas de perte transitoire de conscience. L’échocardiographie sert à l’identification des maladies cardiaques structurelles sous-jacentes. À moins que les symptômes ne soient fréquents, l’apport diagnostique de l’électrocardiographie ambulatoire (voir chap. 10) est faible. Chez les patients présentant des syncopes inexpliquées pour lesquelles des causes cardiaques ou épileptiques ont été exclues, le test de la table basculante (voir chap. 10) est indiqué. La pression artérielle, la fréquence cardiaque, les symptômes et l’ECG sont enregistrés durant 10 à 60 minutes après le redressement. Le test est considéré comme positif lorsqu’il reproduit les symptômes et provoque une hypotension.
Faiblesse
Les contractions des muscles squelettiques sont contrôlées par l’axe moteur du système nerveux central (fig. 17.1). La faiblesse musculaire se produit en raison d’un défaut ou d’une lésion à un ou plusieurs niveaux : cortex moteur, faisceaux corticospinaux (pyramidaux), cellules de la corne antérieure, racines nerveuses rachidiennes, nerfs périphériques, jonction neuromusculaire et fibres musculaires. Il est nécessaire de distinguer une faiblesse réelle de la « fatigue » ou de la « lenteur », comme dans la maladie de Parkinson. Le site de la lésion entraînant une faiblesse musculaire vraie est souvent identifiable par un examen neurologique approfondi. La répartition de la faiblesse, la présence ou l’absence de réflexes ostéotendineux, le réflexe cutané plantaire (tableau 17.4) et les déficits sensoriels sont tous utiles à la localisation de la lésion dans le système nerveux. Souvent, les lésions qui affectent des neurones moteurs supérieurs et des nerfs périphériques impliquent également le système sensoriel en raison de la proximité des nerfs sensoriels et moteurs dans ces structures.
Figure 17.1 Faisceau pyramidal croisé avec représentation corticale des différentes parties du corps.
Lésion des motoneurones supérieurs* | Lésion des motoneurones inférieurs |
---|---|
Les signes sont du côté opposé à la lésion | Les signes sont du même côté que la lésion |
Fasciculation absente | Fasciculation présente |
Pas d’atrophie musculaire | Atrophie |
Spasticité ± clonus | Hypotonie |
Faiblesse principalement des extenseurs dans les bras et des fléchisseurs dans les jambes | |
Réflexes tendineux exagérés | Perte des réflexes tendineux |
Signe de Babinski | |
Déviation de la main tendue (vers le bas, en dedans avec tendance à la pronation) |
Fasciculation : contractions visibles d’unités motrices isolées survenant par saccades.
* Une lésion aiguë de MNS se manifeste cependant par une faiblesse passagère flasque et une hyporéflexie.
Voies corticospinales (pyramidales)
Motoneurone supérieur
Les voies corticospinales proviennent de neurones du cortex moteur et se terminent dans les noyaux moteurs des nerfs crâniens et les cellules de la corne antérieure médullaire. Les voies se croisent dans la moelle et passent dans les moitiés controlatérales de la moelle épinière, constituant ainsi le faisceau pyramidal croisé (fig. 17.1), qui se connectent par synapse aux cellules de la corne antérieure. C’est ce que l’on appelle le système pyramidal, dont le fonctionnement est perturbé en cas de lésions des motoneurones supérieurs (MNS), ce qui se traduit par des signes cliniques caractéristiques (tableau 17.4). Pour l’identification de la maladie primaire, l’imagerie du système nerveux central et de la colonne vertébrale par IRM ou TDM sera nécessaire.
• L’hémiparésie, une faiblesse des membres d’un côté, est habituellement causée par une lésion dans le cerveau ou le tronc cérébral, par exemple un AVC.
• Une paraparésie (jambes faibles) est la conséquence de lésions bilatérales des voies corticospinales, touchant le plus souvent la moelle épinière en dessous de T1. Une tétraparésie ou quadriplégie (faiblesse des bras et des jambes) est due à une lésion haute de la moelle cervicale, le plus souvent à la suite d’un traumatisme. En cas d’atteinte de MNS médullaires, les troubles fonctionnels se situent sous la lésion, alors que les manifestations cliniques des dommages occasionnés aux motoneurones inférieurs (MNI) se manifestent à hauteur de la lésion, la fonction des muscles situés plus haut étant préservée.
Motoneurone inférieur
La voie motrice des cellules de la corne antérieure ou des nerfs crâniens, constituée par les MNI, passe par un nerf périphérique et aboutit à la plaque motrice. Les signes physiques (tableau 17.4) suivent rapidement si un MNI est interrompu à n’importe quel point de son trajet. Une maladie musculaire peut donner un tableau clinique similaire, mais les réflexes sont généralement préservés.
Les lésions des MNI peuvent se situer aux niveaux suivants :
• corne antérieure, par exemple maladie du motoneurone, poliomyélite ;
• racine nerveuse, par exemple lésions discales cervicales et lombaires ;
• nerf périphérique, par exemple traumatisme, compression ou polynévrite.
Engourdissement
Système sensoriel
Les nerfs périphériques transportent tous les types de sensations à partir des terminaisons nerveuses vers les ganglions de la racine dorsale et, de là, dans la moelle. Ensuite, les signaux montent vers le thalamus et le cortex cérébral par deux voies principales (fig. 17.2) :
• les cordons postérieurs, par où passent les sensations de vibrations, de position des articulations (proprioception), de discrimination entre deux points et du toucher léger. Ces fibres montent sans se croiser aux noyaux gracile et cunéiforme dans le bulbe rachidien. Les axones des neurones du second ordre croisent la ligne médiane pour former le lemniscus médian et passer dans le thalamus ;
• les voies spinothalamiques, qui transportent les sensations de douleur et de température. Ces fibres forment des synapses dans la corne dorsale de la moelle, croisent la ligne médiane et montent jusqu’au thalamus, d’où leur nom de voies spinothalamiques.
• Lésions des nerfs périphériques. Les symptômes se font sentir dans le territoire du nerf périphérique touché, par exemple le nerf cubital ou médian. Une polyneuropathie est un sous-ensemble de troubles des nerfs périphériques caractérisés par une perte sensorielle et une sensation de brûlure distale, symétrique et bilatérale.
• Lésions des racines nerveuses. Les symptômes sont perçus dans le dermatome innervé à partir de cette racine, souvent avec le désagrément de picotements dans ce dermatome (fig. 17.3). Cela contraste avec les conséquences de lésions de voies sensorielles du système nerveux central, qui se manifestent de manière typique par des déficits généraux dans une extrémité, plutôt que dans un dermatome précis.
• Lésions de la moelle épinière. Les symptômes (perte de sensation) sont habituellement évidents en dessous du niveau de la lésion. Une lésion de la voie de la douleur et de la température (voies spinothalamiques), dans le tronc cérébral ou dans la moelle épinière, se traduira par une perte de la sensation de douleur et de température controlatérale, en dessous du niveau de la lésion. Une lésion au niveau rachidien de la voie de la proprioception se traduira par la perte de ce sens ipsilatéralement en dessous du niveau de la lésion. Une perte sensorielle dissociée suggère une lésion de la moelle épinière, par exemple une perte de sensation de la douleur et de la température dans la jambe droite et la perte de proprioception dans la jambe gauche.
• Lésions pontiques. Le pont se trouve au-dessus de l’entrecroisement (décussation) des cordons postérieurs. Comme le lemniscus médian et les voies spinothalamique sont proches, des lésions pontiques entraînent la perte de toutes les formes de sensation venant du côté opposé à la lésion.
• Lésions thalamiques. Une lésion du thalamus est une cause rare de perte sensorielle controlatérale complète. Une douleur spontanée peut également se manifester, le plus souvent comme conséquence d’un infarctus thalamique.
• Lésions corticales. Des lésions du cortex pariétal peuvent causer une perte sensorielle, une négligence hémispatiale (hémiagnosie) et des troubles subtils de la sensibilité. La douleur n’est pas une caractéristique des lésions corticales.
Tremblement
Le tremblement est une contraction musculaire involontaire et rythmique caractérisée par des oscillations d’une partie du corps. Un tremblement au repos s’observe dans la maladie de Parkinson, le parkinsonisme et la maladie de Wilson. Le tremblement postural se manifeste quand un patient se maintient dans une position, comme tenir les bras tendus. Les causes peuvent être physiologiques par exemple une augmentation de l’activité sympathique, ou relever de pathologies comme le tremblement essentiel (voir plus loin), et dans certains cas de maladie de Parkinson et de troubles cérébelleux. Le tremblement intentionnel survient au cours du mouvement volontaire d’un membre dont l’oscillation s’aggrave lorsqu’il approche de la cible, par exemple poser un doigt sur le nez ; il est lié à une maladie du cervelet. Un tremblement spécifique d’une tâche apparaît lorsque l’action entreprise a un objectif déterminé : écrire, parler ou se tenir debout. Dans de nombreux cas, les antécédents et l’examen identifieront la cause d’un tremblement. Les investigations comprennent notamment des tests de fonction thyroïdienne, les analyses sanguines pour la maladie de Wilson (chez toute personne de moins de 40 ans) et, dans certains cas, l’imagerie cérébrale.
Coordination des mouvements
Le système extrapyramidal et le cervelet coordonnent les mouvements. Leurs perturbations n’atténuent pas la force musculaire, mais produisent une incoordination.
Cervelet
Chaque lobe latéral du cervelet est chargé de coordonner le mouvement des membres homolatéraux. Le vermis médian assure l’équilibre axial (médian) et la posture. Le tableau 17.5 énumère les causes des lésions du cervelet.
Une lésion dans un lobe du cervelet provoque un ou l’ensemble des troubles suivants :
• une démarche ataxique avec élargissement de la base ; le patient vacille du côté de la lésion ;
• un « tremblement d’intention » avec dysmétrie alors que, dans la maladie de Parkinson, un mouvement volontaire atténue le tremblement ;
• les mouvements alternants rapides sont maladroits, par exemple taper de manière rythmée une main sur le dos de l’autre (dysdiadococinésie) ;
• un nystagmus horizontal, la composante rapide étant dirigée vers le côté de la lésion ;
• de la dysarthrie, généralement en cas de lésions bilatérales. La locution est fortement cadencée et saccadée – « scansion » ;
• des tremblements rythmiques de la tête, de l’hypotonie et des réflexes déprimés, mais pas de faiblesse musculaire.
Nerfs crâniens
Les 12 nerfs crâniens et leurs noyaux sont distribués de manière à peu près égale dans les trois segments du tronc cérébral (fig. 17.4). Les premiers et deuxièmes nerfs crâniens (nerfs I et II) font cependant exception ; leurs neurones se projettent sur le cortex cérébral. En outre, le noyau sensitif du nerf V s’étend du mésencéphale à la moelle épinière, et les noyaux des nerfs VII et VIII se situent à la fois dans le pont et dans le bulbe rachidien.
Nerf olfactif (1er nerf crânien)
Le nerf olfactif transmet le sens de l’odorat. La cause la plus commune d’anosmie (perte de l’odorat) est simplement la congestion nasale. Des causes neurologiques incluent des tumeurs du plancher de la fosse antérieure et un traumatisme crânien.
Nerf optique (2e nerf crânien) et système visuel
Les nerfs optiques entrent dans la cavité crânienne par le foramen optique et s’unissent pour former le chiasma optique, au-delà duquel ils forment les tractus optiques. Les fibres des tractus optiques se projettent sur le cortex visuel en passant par les corps géniculés latéraux et sur le noyau du 3e nerf pour les réflexes pupillaires à la lumière (fig. 17.5 et 17.6).
Figure 17.6 Réflexe pupillaire à la lumière.
(1) Une image rétinienne génère des potentiels d’action dans le nerf optique.
(2) Ceux-ci circulent par des axones, dont certains s’entrecroisent à hauteur du chiasma et passent à travers les corps géniculés latéraux.
Anomalies du champ visuel
Il y a trois principaux types de défauts du champ visuel (fig. 17.5) :
• monoculaire, causé par des dommages oculaires ou nerveux ;
• bitemporal, résultant de lésions au niveau du chiasma ;
• hémianopsie homonyme, causée par des lésions dans le tractus, une radiation ou le cortex visuel.
• Lésions du nerf optique. Une perte visuelle unilatérale, commençant comme un scotome central ou paracentral (une zone de vision plus faible dans le champ visuel), est caractéristique des lésions du nerf optique. Une destruction complète de l’un des nerfs optiques cause la cécité de l’œil correspondant et la perte du réflexe pupillaire à la lumière (directe et consensuelle). Des lésions du nerf optique sont dues à une démyélinisation (par exemple sclérose en plaques), une compression du nerf et l’occlusion de l’artère rétinienne (par exemple dans l’artérite à cellules géantes). D’autres causes sont notamment : un traumatisme, un œdème papillaire, une anémie sévère et des agents toxiques, par exemple l’éthambutol, la quinine, le tabac et l’alcool méthylique.
• Lésions du chiasma optique. La cause la plus commune de l’hémianopsie bitemporale (cécité dans la moitié extérieure de chaque champ visuel) est un adénome hypophysaire, qui comprime les fibres provenant de la moitié nasale de chaque œil et qui croisent la ligne médiane à hauteur du chiasma. D’autres causes sont un craniopharyngiome ou une néoplasie secondaire.
• Lésions des tractus et radiations optiques. Les tractus ou les radiations sont, le plus souvent, lésés par une tumeur ou un accident vasculaire, ce qui produit une hémianopsie homonyme (cécité affectant la moitié droite ou gauche de chaque champ visuel) dans une moitié du champ visuel controlatéral à la lésion.
• Lésions du cortex occipital. Les hémianopsies homonymes sont causées par une obstruction unilatérale d’une artère cérébrale postérieure. La région maculaire peut être épargnée dans les lésions ischémiques en raison du double apport sanguin dans cette région irriguée non seulement par l’artère cérébrale postérieure, mais aussi par l’artère cérébrale moyenne. En revanche, les lésions du pôle occipital entraînent un déficit du champ maculaire (central) bilatéral.
Œdème du disque optique (œdème papillaire) et atrophie optique
Les signes pathologiques principaux de la partie visible du nerf, le disque, sont :
Œdème papillaire
Aux premiers stades, l’œdème papillaire suscite peu de symptômes visuels. Avec son développement, la tache aveugle s’élargit et la vision devient plus floue. L’exception est la névrite optique, qui provoque une perte visuelle précoce et sévère. Les causes courantes de l’œdème papillaire sont les suivantes :
Pupilles
Les pupilles se contractent en réaction à la lumière vive et lors de la convergence, c’est-à-dire lorsque le regard passe d’un objet lointain à un plus proche. Les signaux efférents parasympathiques qui contrôlent le muscle constricteur de la pupille sont émis par le noyau d’Edinger-Westphal dans le mésencéphale, et gagnent l’œil par le nerf oculomoteur (troisième). Le noyau d’Edinger-Westphal reçoit des signaux afférents du nerf optique (pour la lumière réflexe) et du centre de convergence dans le mésencéphale (fig. 17.6).
Les principales causes de mydriase persistante sont les suivantes :
• une paralysie du troisième nerf crânien (voir plus loin) ;
• un collyre antimuscarinique (instillé avant l’examen du fond d’œil) ;
• la pupille myotonique (pupille d’Adie) ; elle est plus fréquente chez les jeunes femmes ; il s’agit d’une absence (ou d’un retard prolongé), de réaction à la lumière et à la convergence. Elle n’a pas de signification pathologique, mais peut être associée à une absence de réflexes tendineux.
Les principales causes de constriction pupillaire (myosis) persistante sont les suivantes :
• collyre parasympathomimétique utilisé dans le traitement du glaucome ;
• syndrome de Claude Bernard-Horner, dû à l’interruption des fibres sympathiques accédant à un œil. Ses manifestations sont : un myosis unilatéral, une ptose légère (les fibres sympathiques innervent le releveur de la paupière supérieure), une énophtalmie (recul du globe oculaire dans l’orbite) et perte de sueur du côté homolatéral du visage. Une lésion touchant n’importe quelle partie de la voie sympathique oculaire cause un syndrome de Claude Bernard-Horner. Il peut s’agir d’une affection de la moelle cervicale, par exemple une syringomyélie, d’un envahissement de la racine T1 par un cancer pulmonaire apical (tumeur de Pancoast), d’un traumatisme cervical, accidentel ou chirurgical, ou de ganglions lymphatiques cancéreux ;
• pupille d’Argyll Robertson ; cette anomalie pupillaire s’observe en cas de neurosyphilis et, parfois, en cas de diabète. La pupille est petite et irrégulière ; elle est insensible à la lumière, mais elle se contracte à la convergence ;
Nerfs crâniens III à XII
Les nerfs crâniens III à XII peuvent être endommagés par des lésions dans le tronc cérébral ou au cours de leur trajet intracrânien et extracrânien. Le site affecté peut être identifié si l’examen clinique montre l’implication d’autres nerfs crâniens dans ce site.
• Une paralysie du 7e nerf, avec des signes cérébelleux et l’implication des 5e, 6e et 8e nerfs crâniens, suggère une lésion de l’angle pontocérébelleux, le plus souvent un névrome acoustique ou un méningiome.
• Une paralysie isolée du 7e nerf chez un patient atteint de tumeur parotidienne suggère qu’il est impliqué dans son parcours intraparotidien.
• Des lésions du sinus caverneux (thrombose, tumeurs, anévrisme de la carotide interne) touchent les nerfs oculomoteurs et ophtalmiques et, parfois, la branche maxillaire du cinquième nerf crânien au cours de son trajet intracrânien.
• N’importe quel nerf crânien peut être affecté par le diabète, la sarcoïdose, une vasculite, la syphilis, une tumeur du tronc cérébral, la sclérose en plaques ou un infarctus.
Les nerfs crâniens (3e, 4e et 6e) responsables des mouvements oculaires
Ces trois nerfs crâniens commandent les six muscles oculaires externes qui déplacent l’œil dans l’orbite (fig. 17.7). Le nerf abducens (6e nerf crânien) innerve le muscle droit latéral, et le trochléaire (4e nerf crânien), le muscle oblique supérieur. Tous les autres muscles extraoculaires, le sphincter de la pupille (fibres parasympathiques) et le releveur de la paupière supérieure sont sous le contrôle du nerf oculomoteur (3e nerf crânien). Normalement, le tronc cérébral (sous l’influence de signaux provenant du cortex, du cervelet et des noyaux vestibulaires) coordonne les fonctions de ces trois nerfs crâniens, afin que le mouvement des yeux soit symétrique (regard conjugué). Ainsi, des lésions infranucléaires (motoneurone inférieur) des 3e, 4e et 6e nerfs crâniens conduisent à une paralysie des muscles individuels ou de groupes musculaires. Des lésions supranucléaires (motoneurones supérieurs), par exemple l’implication du tronc cérébral par la sclérose en plaques, conduisent à la paralysie des mouvements conjugués des yeux.
• Une atteinte du nerf oculomoteur (3e) cause une ptose complète unilatérale, l’œil regarde vers le bas et en dehors et la pupille reste dilatée à la lumière et à la convergence. C’est l’image d’une paralysie complète du 3e nerf, dont la cause la plus commune est un anévrisme sacciforme de l’artère communicante postérieure, qui longe le nerf. Fréquemment, la lésion est partielle, en particulier en cas de diabète ; les fibres parasympathiques sont alors épargnées et la pupille réagit normalement.
• Dans les lésions du nerf abducens (6e), l’œil ne peut pas être dévié vers l’extérieur au-delà de la ligne médiane. La traction du muscle droit interne ne rencontrant pas d’opposition entraîne une déviation de l’œil vers l’intérieur, produisant ainsi un strabisme (impossibilité de fixer un même point avec les deux yeux). Les patients se plaignent de diplopie (vision double), qui s’aggrave quand ils s’efforcent à regarder du côté de la lésion.
• Les lésions isolées du nerf trochléaire sont rares. Le patient se plaint de diplopie en tentant de regarder vers le bas et vers le côté opposé à celui de la lésion.
Nerf trijumeau (5e nerf crânien)
Le nerf trijumeau exerce des fonctions à la fois motrices et sensorielles, et pénètre dans le tronc cérébral au niveau du pont. Les neurones de la douleur et de la température descendent jusqu’à la partie supérieure de la moelle cervicale avant qu’ils ne se connectent avec les neurones des voies descendantes de la 5e paire. Des neurones de second ordre se croisent alors et montent vers le thalamus. Par ses trois divisions, la partie sensorielle de ce nerf transmet les sensations provenant du visage et du cuir chevelu jusqu’au sommet crânien (fig. 17.8). Elle innerve également les muqueuses des sinus, du nez, de la bouche, de la langue et des dents. La racine motrice se déplace vers la division mandibulaire et contrôle les muscles de la mastication.
Névralgie du trijumeau
La névralgie du trijumeau (tic douloureux), presque toujours unilatérale, est de cause inconnue ; sa fréquence augmente avec l’âge.
Nerf facial (7e nerf crânien)
Le nerf facial exerce surtout une fonction motrice, en particulier sur les muscles de l’expression faciale. Il comporte, en outre, deux branches importantes : la corde du tympan, qui transporte la sensation de goût à partir des deux tiers antérieurs de la langue, et le nerf du muscle stapédien, qui protège l’oreille en amortissant les sons trop bruyants. Ces deux branches proviennent du nerf facial au cours de son passage intracrânien à travers le canal facial de la partie pétreuse de l’os temporal. Par conséquent, les dommages au nerf facial dans l’os temporal (par exemple paralysie de Bell, traumatisme, zona, infection de l’oreille moyenne) peuvent être associés à une sensibilité excessive aux bruits (hyperacousie) et à une perte de goût dans les deux tiers antérieurs de la langue.
Lésions des motoneurones inférieurs (MNI)
Une lésion unilatérale des MNI entraîne une faiblesse de tous les muscles de l’expression faciale (voir MNS ci-dessous) du même côté que celui de la lésion. Le visage, surtout l’angle buccal, s’affaisse et des gouttes de salive s’échappent au coin des lèvres. Le muscle frontal est faible, l’œil ne se ferme pas et la cornée, qui n’est plus protégée, risque de s’ulcérer. Une paralysie faciale dépendant des MNI est causée par une lésion qui implique les noyaux des nerfs crâniens VII à la jonction du pont et de la moelle allongée (bulbe rachidien), ou par une lésion sur le trajet du nerf facial en dehors du tronc cérébral : fosse postérieure, canal facial dans l’os temporal, oreille moyenne, glande parotide. Le nerf peut également être affecté en cas de polynévrite, par exemple dans le syndrome de Guillain-Barré ou dans la maladie de Lyme ; l’atteinte peut alors être bilatérale. La cause la plus fréquente des paralysies faciales dépendant des MNI est la paralysie de Bell.
Paralysie de Bell
Il s’agit d’une paralysie du nerf facial, unilatérale, fréquente, aiguë, isolée et qui est probablement la conséquence d’une infection virale (souvent de l’herpès simplex) qui provoque un gonflement du nerf au sein de la partie pétreuse de l’os temporal. Le pic d’incidence se situe entre 65 et 74 ans et elle est plus courante durant la grossesse.
Examens
Le diagnostic de faiblesse faciale dépendant des MNI est essentiellement clinique et doit distinguer le syndrome de Ramsay-Hunt (voir ci-dessous) d’une tumeur de la glande parotide. En outre, le nerf facial est le nerf crânien le plus souvent touché en cas de méningite associée à la maladie de Lyme (érythème migrant sur les membres et le tronc chez un patient ayant des antécédents de morsure de tique ; voir chap. 2) ainsi que dans la sarcoïdose (voir chap. 11) ; dans ces cas, l’implication peut être bilatérale. En revanche, une paralysie de Bell bilatérale est rare. Une faiblesse prolongée s’aggravant régulièrement suggère une origine tumorale.
Pronostic
La plupart des patients se rétablissent complètement, mais 30 % gardent une faiblesse permanente.
Syndrome de Ramsay-Hunt
Il s’agit d’une infection par le virus herpès zoster (zona) du ganglion géniculé, qui est situé dans le canal facial et qui reçoit les fibres de goût. Les muscles faciaux dépendant des MNI sont paralysés, et l’on observe des vésicules herpétiques dans le conduit auditif externe et parfois sur le palais mou. La surdité peut survenir à la suite de l’implication du 8e nerf dans le canal facial. Le traitement est à base d’aciclovir.
Lésions des motoneurones supérieurs (MNS)
Une lésion du MNS entraîne une faiblesse de la partie inférieure du visage de l’autre côté de celui de la lésion. Les muscles faciaux supérieurs sont épargnés en raison de l’innervation bilatérale des neurones corticaux contrôlant la partie supérieure de la face. Le front se ride (muscle frontal) et les yeux se ferment normalement. La cause la plus commune est un AVC, associé en général à une hémiparésie.
Nerf vestibulocochléaire (8e nerf crânien)
Le 8e nerf crânien a deux composantes : cochléaire et vestibulaire, qui transmettent respectivement les signaux de l’ouïe et de l’équilibre (voir fig. 16.1). Les signes cliniques d’une lésion du nerf cochléaire sont la surdité et les acouphènes. Le nerf cochléaire peut être lésé au sein du tronc cérébral par une tumeur, la sclérose en plaques ou un infarcissement ; dans l’angle pontocérébelleux par un neurinome de l’acoustique ou d’autres tumeurs ; dans la partie pétreuse de l’os temporal par un traumatisme, une infection de l’oreille moyenne ou une tumeur. Une surdité neurale peut aussi être la conséquence d’une affection de la cochlée elle-même, comme la maladie de Ménière (voir chap. 16), l’effet de médicaments (par exemple la gentamicine) ou la presbyacousie (surdité de la vieillesse).
Vertige
Le vertige est l’illusion d’un mouvement de l’environnement – le patient a l’impression que des objets proches tournent autour de lui. Il est causé par une maladie de l’oreille interne, du 8e nerf ou de ses connexions centrales (voir chap. 16).
Nystagmus
Le nystagmus est une oscillation rythmique des yeux qui est un signe de pathologie si les battements se prolongent. Les causes sont oculaires ou vestibulaires ou liées aux connexions correspondantes. Le nystagmus peut être pendulaire ou à ressort.
• Nystagmus pendulaire. L’œil est pris d’un mouvement de va-et-vient dont la vitesse reste la même quelle que soit la direction. Il survient lorsque la fixation visuelle est faible (c’est-à-dire après un déficit visuel grave et prolongé) ou à la suite d’une anomalie congénitale.
• Nystagmus à ressort. Le mouvement rythmique comporte une phase rapide et une phase lente.
Nerfs glossopharyngien, vague, accessoire et hypoglosse (9e à 12e nerfs crâniens)
Les quatre derniers nerfs crâniens (9e à 12e), qui se trouvent dans la moelle allongée (bulbe rachidien), sont généralement touchés ensemble ; les lésions isolées sont rares. Une paralysie bulbaire est une faiblesse de type NMI des muscles dépendant de ces nerfs crâniens. Le tableau clinique comprend de la dysarthrie, de la dysphagie et des régurgitations nasales. La langue est faible, atrophique et montre des fasciculations. Les causes les plus communes d’une paralysie bulbaire sont la sclérose latérale amyotrophique, une syringobulbie et le syndrome de Guillain-Barré. Actuellement, la poliomyélite est rarement en cause. La paralysie pseudobulbaire est une faiblesse des MNS contrôlant les mêmes groupes musculaires. On retrouve donc les mêmes symptômes : dysarthrie, dysphagie et régurgitation nasale, mais la langue est petite et spastique et sans fasciculations. Le réflexe mandibulaire est exagéré et le patient émotionnellement labile. Chez de nombreux patients, la paralysie partielle ne comporte que certains de ces signes. La cause la plus commune de la paralysie pseudobulbaire est un AVC, mais elle peut également se développer en cas de sclérose latérale amyotrophique et de sclérose en plaques.