17: Le rêve traumatique, l’affect et le jeu dans la thérapeutique des dépendances psychiques

Chapitre 17 Le rêve traumatique, l’affect et le jeu dans la thérapeutique des dépendances psychiques


En tant que pathologies de l’impasse, les dépendances psychiques réactualisent les problématiques du rêve de l’affect et du jeu suivant des modalités spécifiques.


S’agissant du rêve, S. Freud (1900) a frayé une première voie dans laquelle le rêve prend toute sa place dans le fonctionnement vigile et de ce point de vue il soutient l’imaginaire du sujet.


Selon lui, l’activité onirique peut prendre en charge le traumatisme en le répétant tel quel dans des rêves qui peuvent s’accompagner d’une angoisse provoquant le réveil. Angoisses dont le sujet n’a pas eu la possibilité de prendre conscience lors de l’événement qui a neutralisé toute réaction possible confirmant précisément sa nature traumatique.


Tout se passe comme si le rêve en revenant en arrière était une façon de produire une angoisse qui n’avait pas le temps de se produire autrefois.


Dans ce cas, le rêve introduit progressivement grâce à la répétition, une distance qui avait fait défaut avec l’événement. Il permet dans ce cas d’historiciser, de contextualiser l’expérience traumatique.


Qu’il soit physique ou psychique, on s’aperçoit en effet que le traumatisme ne produit pas forcément des rêves traumatiques.




Jeu et pathologies de la dépendance


Le jeu participe de ce processus de clivage dans les pathologies de la dépendance. La dialectique présence-absence y est défaillante.


Le sujet ne s’autorise plus à donner libre cours à l’expérience du trouvé-créé qui doit logiquement inaugurer la transitionnalité. Si le jeu est impossible, le lien à l’objet partiel demeure un lien d’objet tyrannique. Le double sens des mots est perdu avant même sa constitution.


Le sujet en est réduit à se prendre pour lui-même et rien d’autre que lui même : il ne peut accéder à la représentation d’un sujet-autre sujet. Par l’étendue de son emprise éliminant parfaitement le traumatisme en tant qu’événement historico-pulsionnel, grâce à la mise hors circuit de l’activité du rêve, du jeu et de l’affect. Ce processus peut être qualifié, à l’instar de M. Sami-Ali (1997), de méta-refoulement ou de refoulement du refoulement.


La conséquence réside dans l’impossibilité de résoudre le conflit. Ce dernier cesse d’exister en tant qu’événement interne, le sujet en est réduit à s’organiser selon la modalité que nous avons nommée « identification narcissique à l’environnement ». Désormais, il n’y a plus qu’un dehors face à un dedans ramené à une surface lisse, laquelle n’offre aucune prise. La coupure peut être totale avec le soi qui inscrit le sujet dans la normalité pour échapper précisément au retour du clivé afin d’éviter le retour de l’hallucinatoire. Il s’agit donc d’une défense paradoxale qui s’inscrit dans le couple activité/passivité et qui voit le sujet se rendre actif sur fond d’analité primaire dans le but de ne pas subir passivement le retour d’une expérience traumatique de dépendance psychique.


Ce dispositif psychique de défense modifie considérablement la clinique et le lien transféro-contre-transférentiel. Car si toute l’organisation psychique consiste à éviter le retour de la vie onirique du jeu et de l’affect, si tout le fonctionnement psychique s’organise sur ce mode-là, force est de constater qu’en tant que processus de changement, la thérapie devient en soi un trauma. La position du thérapeute est à ce titre d’emblée paradoxale. C’est pour cela que nous avons évoqué à ce sujet une modalité de transfert dans laquelle il se voit placé en lieu et place de la « suture fétichique ».


Autrement dit, l’intervention du thérapeute est à double valence : le traitement de l’expérience traumatique passe nécessairement par le retour du trauma dans un fonctionnement psychique qui s’est organisé pour que l’événement traumatique n’existe plus. Ainsi, le projet inconscient du patient en thérapie se résume à jouer pour qu’il n’y ait pas de jeu. Autrement dit, un jeu dont la règle est de ne pas jouer.


L’activité onirique, au lieu d’être un moyen de dépasser le traumatisme, devient elle-même un traumatisme. Les rêves qui font retour dans ce cas sont de nature traumatique. Ils dévoilent leur origine contradictoire en recréant l’impasse dont ils sont sortis, par le méta-refoulement.


En thérapie, ce qui devient primordial dans ce cas, c’est la structure logique propre à l’impasse et qui rend impraticable l’interprétation symbolique. La tâche thérapeutique la plus urgente consiste alors à comprendre qu’il y a une impasse qui détermine tout le fonctionnement psychique qui confère au rêve sa position paradoxale. Il est à la fois ce qui permet de dépasser le traumatisme et en même temps ce qui précipite le traumatisme.


La vie psychique du sujet se trouve brutalement mise en question lorsque l’activité onirique soutenue par la démarche thérapeutique revient massivement dans un fonctionnement qui ne peut s’en accommoder. Ainsi, l’illusion que peuvent produire les contenus oniriques dont le modèle reste le rêve infantile, illusion qu’il s’agit de désir pur insuffisamment élaboré. Sans une intervention psychothérapeutique adéquate, une période de rêves agités de cette nature cèdera facilement la place au calme plat. À cet effet, le thérapeute doit effectuer une double démarche :


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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 17: Le rêve traumatique, l’affect et le jeu dans la thérapeutique des dépendances psychiques

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