16: La rotule douloureuse non arthrosique: Non-osteoarthritic patellar pain


La rotule douloureuse non arthrosique


Non-osteoarthritic patellar pain







Les rotules douloureuses sont très fréquentes. La gêne fonctionnelle n’est qu’exceptionnellement très importante mais elle est toujours mal supportée. Elle empêche les jeunes de pratiquer pleinement les sports ; mais elle leur permet aussi parfois d’attirer l’attention sur eux. Elle peut aussi retentir sur la vie des sujets d’âge plus mûr : les sports, qui les feraient rester jeunes, doivent souvent être ralentis, voire abandonnés ; l’activité professionnelle peut aussi en être affectée surtout si les douleurs sont survenues ou ont été aggravées après un traumatisme contracté au cours du travail.


Devant cette gêne douloureuse, plus souvent mal supportée physiquement et psychologiquement que réellement invalidante, le thérapeute est souvent appelé. Les thérapeutiques médicales étant souvent insuffisantes, les thérapeutiques chirurgicales sont souvent demandées d’autant plus volontiers que les malades croient toujours en la « chirurgie miracle » et que les gestes proposés apparaissent mineurs. Malheureusement, les thérapeutiques chirurgicales sont rarement complètement salvatrices.


Pour éviter que les chirurgiens ne cèdent trop facilement aux trop nombreuses sollicitations thérapeutiques faites par les malades et les médecins traitants, il est peut-être intéressant de faire le point sur cette question.


Nous ne nous intéresserons qu’aux douleurs rotuliennes dont l’origine est fémoro-patellaire (les douleurs rotuliennes survenant lors des dérangements internes de la fémoro-tibiale et les tendinites d’insertion du tendon quadricipital et du tendon rotulien ne sont pas pris en compte). L’étude sera centrée sur les douleurs rotuliennes survenant alors qu’il n’y a pas d’arthrose fémoro-patellaire ou de lésions des surfaces cartilagineuses dues aux rares ostéochondrites ou patella bipartita traumatisées.



La douleur rotulienne


La douleur rotulienne est classiquement antérieure ; elle est plus souvent sous-rotulienne que rotulienne, plus souvent latéralisée en dedans qu’en dehors. Elle est fréquemment associée à une douleur postérieure qui peut être prédominante mais rarement isolée ; cette douleur postérieure pourrait être due à la distension capsulaire postérieure provoquée par l’hydarthrose souvent retrouvée dans la pathologie fémoro-patellaire. La douleur rotulienne apparaît essentiellement à la flexion du genou, flexion passive poussée (classique signe du cinéma), flexion active contrariée (douleurs à la descente et à la montée des escaliers, au relever d’une position assise et à la mise en position assise). Elle peut survenir à la station debout immobile comme l’a souligné Dejour lors des 6es Journées lyonnaises de Chirurgie du Genou en 1987. En revanche, elle s’extériorise rarement à la marche à plat. Aussi l’évaluation du périmètre de marche n’a pas de valeur pour apprécier le retentissement fonctionnel d’une douleur rotulienne et la qualité des actes thérapeutiques effectués. Une caractéristique de la douleur antérieure d’origine fémoro-patellaire est de diminuer, voire de disparaître, aux cours des poussées d’hydarthrose. Une instabilité subjective est souvent associée à la douleur rotulienne. Cette instabilité a classiquement une double origine : une origine mécanique par « déraillage » de la rotule de la trochlée et une origine douloureuse pai sidération douloureuse de l’activité du quadriceps.


Pour affirmer l’origine fémoro-patellaire d’une douleur de la face antérieure du genou, il faut d’abord avoir éliminé un dérangement interne fémorotibial. La douleur d’origine patellaire est typiquement (mais pas forcément) réveillée par la percussion de la face antérieure de la rotule. La perception de craquements plus ou moins douloureux lors de l’extension active contre-résistance de la jambe sur la cuisse affirme la lésion cartilagineuse fémoro-patellaire mais pas forcément l’origine patellaire de la douleur. La douleur retrouvée au palper des facettes rotuliennes n’est pas non plus suffisante pour affirmer que la douleur subjective est d’origine rotulienne : entre la facette rotulienne palpée et le doigt, il y a la synoviale. En revanche, il est typique que la douleur rotulienne ne soit réveillée par la contraction quadricipitale que si le genou est en flexion et qu’elle soit faible ou voire absente lorsque le genou est en extension ou en recurvatum. Ceci explique qu’une démarche en recurvatum du genou fasse soupçonner l’origine rotulienne d’une douleur antérieure du genou. L’appréhension douloureuse retrouvée à la manœuvre de Smillie est une autre manière d’affirmer l’origine fémoro-patellaire d’une douleur antérieure. La découverte en thermoscopie d’une augmentation de la chaleur locale de la face antérieure du genou serait pour Konik [18] très en faveur de l’origine rotulienne d’une douleur antérieure du genou.


En revanche, il apparaît difficile de différencier par l’examen clinique l’instabilité subjective par sidération douloureuse du quadriceps de l’instabilité subjective par « déraillage » de la rotule : les dérobements avec ou sans chute sont possibles dans les deux éventualités et il est vraisemblable qu’une même rotule puisse donner des dérobements par phénomènes mécaniques et par phénomènes douloureux.


Le retentissement fonctionnel de la douleur rotulienne est difficile à évaluer. Le degré maximal de flexion monopodale permettant un relever monopodal est une manière objective de l’apprécier. Si la flexion monopodale complète est facile, on se base alors sur le nombre de flexions monopodales successives pouvant être effectuées. La manière de descendre les escaliers – normalement, avec rampe ou marche par marche – est aussi un élément d’appréciation de la gêne fonctionnelle dans les grands syndromes douloureux ; elle est correlée aux possibilités de flexion monopodale.



Origine de la douleur rotulienne


La responsabilité des lésions cartilagineuses dans la genèse des douleurs n’apparaît pas évidente : de nombreuses rotules douloureuses ont un cartilage macroscopiquement normal et des rotules à cartilage lésé (chondromalacique ou arthrosique) sont indolores.


Aussi a-t-on recherché d’autres origines à la douleur rotulienne. « L’atteinte dégénérative de terminaisons nerveuses situées dans des ailerons externes très tendus » a été retrouvée par Fulkerson [12], Mais cette théorie neurologique des douleurs ne semble pas devoir être prise en compte : les douleurs latéro-rotuliennes externes ne sont pas les douleurs « rotuliennes » les plus fréquentes et les sections des ailerons rotuliens externes n’entraînent pas toujours l’indolence. Une augmentation des pressions intrarotuliennes semblerait pouvoir expliquer les douleurs. Wenz [25] a pu calmer les douleurs en faisant des forages de rotule, forages qui diminuent les pressions intra-osseuses ; à l’inverse, l’injection intrapatellaire d’une solution salée fait apparaître des douleurs rotuliennes. Mais cet auteur note qu’il est vraisemblable que les augmentations de pression intra-osseuse douloureuses ne sont que la conséquence d’une altération cartilagineuse.


La lésion du cartilage rotulien apparaît donc enfin de compte, au moins indirectement, la cause de la douleur rotulienne. La meilleure preuve est que l’arthroplastie fémoro-patellaire est la seule intervention fémoro-patellaire qui calme réellement et régulièrement les douleurs rotuliennes. Si la lésion cartilagineuse est le primum movens de la douleur patellaire, comment expliquer que des rotules à cartilage macroscopiquement sain puissent être douloureuses. La seule explication logique est que la détérioration cartilagineuse débute dans son épaisseur et non pas à sa superficie. Les études histo-chimiques du cartilage rotulien rapportées par Ch. Ficat [10] confirment que la chondromalacie débute bien dans l’épaisseur du cartilage où quatre zones histo-chimiques différentes, de qualités mécaniques différentes, ont pu être individualisées. La couche 2, située entre la couche superficielle 1 très résistante et la couche plus profonde 3 très dure, ne peut être que le site électif des lésions débutantes du cartilage rotulien puisqu’elle est soumise à d’importantes sollicitations en cisaillement. Du reste, les IRM montrent parfois des signaux anormaux intracartilagineux alors que les cartilages apparaissent sains en arthroscopie.


La lésion cartilagineuse, d’abord intracartilagineuse sans expression macroscopique, puis à expression macroscopique sous forme de chondromalacie œdémateuse puis fissuraire avant d’aboutir selon P. Ficat [11] à l’arthrose apparaît donc bien être à l’origine des douleurs rotuliennes. L’hypersollicitation mécanique du cartilage rotulien en serait la cause. Le lent « turn-over » – décrit par Maroudas [10] – des protoglycanes (300 jours en moyenne) et du collagène (400 ans) et le faible nombre de chondrocytes expliquent que les réparations spontanées des lésions cartilagineuses sont très hypothétiques et que les francs succès des thérapeutiques sont exceptionnels. Si cette hypersollicitation du cartilage rotulien est à l’origine des lésions cartilagineuses et des douleurs, il apparaît nécessaire d’en rechercher son origine pour aboutir à un traitement logique.



Causes de l’hypersollicitation mécanique du cartilage rotulien


Deux grandes causes, sans doute fréquemment intriquées, sont retenues par la majorité des auteurs [13] :



Les conséquences de ces deux grands défauts mécaniques peuvent être aggravées, comme le pensent Outerbridge [23] et Ch. Ficat [10], par des anomalies anatomiques (notamment par la présence de crête) de la rotule et de la trochlée. Ces anomalies anatomiques participeraient surtout à la constitution de lésions malaciques internes.



Mécanique frontale de la fémoro-patellaire


La mécanique frontale de la fémoro-patellaire dépend de facteurs osseux et de facteurs musculo-aponévrotiques.



Facteurs osseux




a) La forme de la trochlée osseuse et la position de la tubérosité tibiale antérieure, par rapport à la gorge trochléenne, sont les deux principaux facteurs osseux qui participent à la mécanique frontale de la fémoro-patellaire.



– L’angle d’ouverture de la trochlée doit être mesuré sur des coupes scannériennes pour sa partie toute haute ; pour sa partie plus basse, il est plus fidèlement évalué sur les défilés fémoro-patellaires radiologiques pris sur le genou à 60° et surtout 30° de flexion (fig. 1 ).



– La pente de la joue externe de la trochlée par rapport à la tangente bicondylienne est mesurée sur des coupes scannériennes (fig. 2).



– De la position de la tubérosité tibiale antérieure par rapport à celle de la gorge de la trochlée dépend la force de la latéralisation imposée à la rotule par la contraction quadricipitale. Plus la tubérosité tibiale est externe, plus les contraintes de latéralisation externe imposées à la rotule sont importantes. Cette position est appréciée par la mesure de la TA-GT qui impose de superposer, dans des conditions d’examen très strict, deux coupes scannériennes, l’une passant par le 1/3 supérieur de la trochlée, l’autre par la partie toute haute de la tubérosité tibiale antérieure [4, 14] (fig. 3).


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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 16: La rotule douloureuse non arthrosique: Non-osteoarthritic patellar pain

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