16
Chirurgie du rachis
Canal lombaire étroit
Anatomie
Le canal lombaire atteint les dimensions adultes vers l’âge de 5 ou 6 ans.
Le canal central ou foramen vertébral, le récessus latéral (portion latérale du canal central), la hauteur du disque intervertébral et le foramen intervertébral peuvent voir leurs dimensions diminuer avec le passage du temps et la survenue de troubles dégénératifs.
Les parties molles (ligament jaune, capsule articulaire facettaire, ligament longitudinal dorsal) peuvent participer à la compression de même que l’hypertrophie des facettes articulaires postérieures.
On distingue le canal étroit congénital ou constitutionnel (idiopathique ou achondroplasique), entité plutôt rare, et le canal étroit acquis. Ce dernier est le plus souvent dégénératif, parfois même associé à un spondylolisthésis dit dégénératif (le spondylolisthésis par lyse isthmique n’entraîne qu’une sténose foraminale).
D’autres causes de canal étroit acquis sont les fractures, la maladie de Paget, l’ostéoporose, la fluorose et la maladie de Forestier (hyperostose vertébrale ankylosante).
Les niveaux les plus touchés par ordre de fréquence sont L4/L5, L3/L4 et plus rarement L2/L3 ou L5/S1.
La moyenne d’âge des sténoses dégénératives est de 65 ans. La sténose lombaire s’installe de manière progressive et la grande majorité des patients sont des anciens lombalgiques.
Symptomatologie
La claudication intermittente est le symptôme spécifique du canal lombaire étroit. Il s’agit de patients se plaignant de radiculalgies unilatérales ou bilatérales, accompagnées ou non de paresthésies ou de faiblesse des membres inférieurs, apparaissant à la marche immédiatement ou après un certain temps. Ces symptômes augmentent progressivement, si la marche se poursuit, obligeant le patient à s’arrêter.
Le fait de se pencher en avant ou de s’asseoir le soulage rapidement.
Au repos, le patient ne souffre pas, mais des lombalgies sont possibles.
La sensation qui apparaît à la marche peut aussi être mal systématisée avec impression de froid ou de brûlure, de fourmillements, augmentant progressivement.
Parfois les patients ont comme seule plainte des pygialgies (douleurs fessières) à la marche et cédant à la position assise.
Signes physiques
Habituellement l’examen clinique n’est pas spécifique.
L’inflexion latérale antalgique, fréquente en pathologie discale, est rare dans les sténoses.
Il est important d’examiner également les hanches à la recherche d’une coxarthrose et aussi d’effectuer un examen vasculaire des membres inférieurs.
La souffrance de plusieurs racines est habituelle dans la sténose canalaire. Les troubles de la sensibilité couvrent souvent plusieurs territoires. L’abolition ou la diminution franche des réflexes achilléens et/ou patellaires est habituelle. Les troubles moteurs sont rares et généralement discrets.
L’analyse des signes neurologiques doit être faite au repos et après l’exercice, les troubles moteurs en particulier pouvant apparaître après la marche. Vu l’association peu rare d’une sténose cervicale, il faudra aussi rechercher des signes de myélopathie cervicale (hyperréflexie, instabilité à la marche, signe de Hofmann ou réflexes cutanés plantaires anormaux).
Le diagnostic différentiel le plus habituel est la claudication vasculaire. Cette dernière se manifeste après une plus longue distance de marche et elle débute en général aux mollets pour atteindre progressivement en remontant l’ensemble du membre inférieur. Classiquement, la claudication neurogène est plus marquée à la descente, car elle oblige le patient à diminuer la flexion lombaire. La claudication vasculaire en revanche se manifeste plus volontiers à la montée. La claudication neurologique n’est point observée lors de la pratique du vélo, ce qui n’est pas le cas chez les patients présentant une claudication vasculaire.
Les lombalgies et douleurs projetées liées à la dégénérescence discale et articulaire peuvent apparaître à la marche et disparaître au repos, simulant une claudication.
Les neuropathies périphériques, quelle qu’en soit l’étiologie, peuvent se manifester par une exacerbation des symptômes lors de l’exercice ou de la marche.
Les coxopathies s’expriment souvent par une douleur à la marche, disparaissant au repos et dont la topographie peut simuler une radiculalgie crurale et/ou sciatique.
Imagerie de la sténose lombaire
En principe, on admet une sténose canalaire lorsque le diamètre sagittal du canal est inférieur à 10 mm sur la ligne médiane.
Les mesures de la surface (planimétrie) sont communément utilisées, mais leurs variations sont assez larges chez les sujets asymptomatiques.
On parle de sténose relative quand la surface est < 100 mm2 et de sténose absolue lorsqu’elle est < 75 mm2. La classification morphologique de Lausanne en 4 grades (A–D) a une valeur pronostique, les grades C et D ayant démontré une résistance au traitement conservateur (figure 16.1) [6].
Figure 16.1 Classification morphologique du canal lombaire étroit en quatre grades (A-D) basée sur le rapport LCR [Liquide céphalorachidien]/radicelles et visualisée sur des coupes axiales du rachis en pondération T2 en IRM.
La radiographie standard peut démontrer un spondylolisthésis dégénératif le plus souvent en L4-5 qui est accompagné de façon quasi constante d’un rétrécissement canalaire. On peut aussi observer la brièveté des pédicules de profil.
L’IRM permet, grâce aux séquences en T2, d’obtenir des images de type myélographique sans injection. On observera en particulier la présence de liquide céphalorachidien : LCR autour des radicelles sur les coupes axiales (cf. classification figure 16.1). L’absence de LCR constitue une sténose sévère à extrême (grades C et D, équivalents aux blocs myélographiques) [6].
L’IRM constitue l’imagerie de choix pour cette pathologie, même si le CT-scan permet de mieux d’apprécier la composante osseuse de la sténose.
La saccoradiculographie est un examen qui reste utile pour la recherche d’une sténose dynamique. Habituellement c’est en extension du rachis lombaire que la sténose s’accroît. Rarement, lorsqu’il existe une instabilité, la sténose se majore en flexion.
Dans certains cas, l’association de la saccoradiculographie et du scanner (myéloscanner) permet de définir avec encore plus de précision les éléments de compression surtout chez des patients opérés du rachis et qui sont porteurs d’implants rachidiens en acier (artefacts importants).
Traitement conservateur
L’évolution incertaine de la symptomatologie justifie la mise en route d’un traitement conservateur d’au moins 3 mois.
Celui-ci repose sur l’association de la rééducation en physiothérapie et des infiltrations. Les résultats sont imprévisibles sans rapport avec l’importance de la sténose.
La physiothérapie comprend des exercices d’étirements de la musculature et des exercices posturaux avec comme but la diminution des forces d’extension du segment lombaire secondaires aux raccourcissements musculaires et l’amélioration des capacités fonctionnelles.
Les infiltrations sont le plus souvent des infiltrations épidurales quoique la littérature soit contradictoire quand à leur efficacité.
Traitement chirurgical
L’indication chirurgicale se pose en présence de sténose canalaire associée à des symptômes de claudication neurogène, ne répondant pas au traitement conservateur. L’indication se pose alors en fonction de la gêne fonctionnelle entraînée.
Il ne semble pas y avoir d’indication absolue à la décompression du canal lombaire. Certes des troubles sphinctériens peuvent être présents, mais ils s’installent souvent de façon insidieuse et l’on doit prendre en considération les éventuels éléments de comorbidité.
Le syndrome de la queue-de-cheval a été décrit dans le cadre de hernie discale médiane, mais il semble très rare dans la sténose lombaire isolée à moins que cette dernière soit associée à une herniation aiguë du disque ou un kyste arthrosynovial rapidement évolutif. Il est possible néanmoins que la sténose du canal soit responsable de troubles sphinctériens et sexuels dans une proportion plus importante que ce que l’on a cru jusqu’à présent. Nous manquons actuellement d’études prospectives afin de décider si le traitement chirurgical améliore ces troubles.
Vu l’histoire naturelle qui n’est pas nécessairement celle de l’aggravation des troubles neurologiques chez tous les patients atteints, la plupart des indications sont relatives. La lombalgie seule, même en présence de sténose radiologique, n’est pas une bonne indication chirurgicale.
Le geste principal est celui de la décompression. Celle-ci peut se faire soit par des hémilaminectomies, soit par des laminectomies. Les quelques études faites sur le sujet ne sont pas concluantes en faveur de l’une ou de l’autre technique.
On peut obtenir de bons résultats juste en décomprimant la racine responsable des symptômes, si une seule en est la cause.
Plus récemment des techniques moins invasives ont vu le jour.
Des décompressions unilatérales voire bilatérales à un seul étage ou à plusieurs étages peuvent être effectuées à l’aide de l’instrumentation minimale invasive initialement développée pour le traitement micro-endoscopique de la hernie discale. Le temps opératoire se voit prolongé mais la dissection musculaire reste moindre comparée aux techniques ouvertes.
Dans le traitement de la sténose canalaire modérée, une nouvelle technique a été développée, consistant en un implant interépineux rigide non compressible. Celui-ci évite l’hyperextension et le rétrécissement du canal qui s’ensuit.
En ce qui concerne la spondylodèse après décompression, les avis divergent. Des études prospectives ont démontré que la stabilisation d’emblée n’est pas nécessaire en l’absence de signes d’instabilité, mais la spondylodèse est conseillée lors de la présence d’un spondylolisthésis dégénératif (figure 16.2).
Complications et résultats
Les complications possibles sont l’hémorragie, l’infection, les troubles neurologiques, l’instabilité iatrogène du rachis lombaire et les fistules de liquide céphalorachidien consécutives aux brèches durales (elles-mêmes plus ou moins fréquentes).
Un syndrome de la queue-de-cheval peut survenir dans la période postopératoire précoce suite à la formation d’un hématome épidural. Ceci constitue alors une urgence et dicte la reprise chirurgicale sans délai.
On peut espérer une amélioration chez au moins 60 à 70 % des sujets. Il faut noter qu’un certain nombre de patients gardent des symptômes sous forme de lombalgies liées aux troubles dégénératifs lombaires.
Nous savons qu’un certain nombre de patients (20 %) vont présenter à nouveau une sténose, soit au niveau opéré, soit au-dessus de la région décomprimée.
Hernies discales
Physiopathologie et épidémiologie
Le disque intervertébral est une structure peu vasculaire, en particulier le nucleus pulposus dont la nutrition est assurée par diffusion. De ce fait, il est une des premières structures anatomiques à montrer des signes de dégénérescence.
L’incidence des troubles dégénératifs discaux de même que celle des hernies discales de petite taille est forte chez les sujets asymptomatiques (30 % des sujets à l’âge de 30 ans et 60 % des sujets à l’âge de 60 ans en présentent).
Une hernie discale survient donc, sauf exception rare, toujours en présence d’un disque dégénéré. Les symptômes peuvent être ceux de la dégénérescence discale, à savoir des lombalgies mais surtout des sciatalgies en raison d’une compression neurologique.
La prévalence des herniations symptomatiques est estimée entre 1 et 3 %.
Des paresthésies ou un déficit moteur peuvent être présents. Dans des cas de hernie discale volumineuse, on peut même voir apparaître des troubles sphinctériens (par exemple difficulté à initier la miction) évoquant un tableau de compression de la queue-de-cheval.
Les hernies discales les plus fréquentes sont celles des deux étages lombaires caudaux (L4-L5 et L5-S1, figure 16.3) et moins fréquemment des étages lombaires supérieurs. De ce fait, les racines les plus fréquemment atteintes sont surtout L5 et S1 suivies par L4 et L3.
L’examen clinique peut démontrer un shift du tronc de même que des signes d’irritation radiculaire (signe de Lasègue ou Bragard pour les racines L5 et S1, Lasègue inversé pour les racines L3 et L4).
Une abolition d’un réflexe peut être observée en cas d’atteinte des racines L3, L4 et S1. L’atteinte de la racine L5 n’est normalement pas accompagnée d’asymétrie d’un réflexe.
L’examen clinique de la force musculaire peut être difficile chez un patient hyperalgique.
Au niveau du diagnostic différentiel, on doit inclure les douleurs facettaires, la coxarthrose, les douleurs d’origine vasculaire et plus rarement un syndrome du muscle piriforme.
Investigations
Les radiographies standards effectuées en position debout permettent de visualiser un spondylolisthésis qui peut aussi être à l’origine d’une douleur radiculaire.
L’IRM est l’examen de choix permettant de bien apprécier la compression des structures nerveuses.
Le CT-scanner sera réservé aux patients claustrophobes ou porteurs de stimulateur cardiaque incompatible avec l’IRM.
Au niveau de l’IRM, on peut observer des simples protrusions qu’il y a lieu de banaliser.
En revanche, des vraies hernies, soit contenues soit luxées sous-ligamentaires, soit séquestrées dans le canal rachidien, sont plus facilement identifiables et peuvent être considérées comme l’origine des douleurs radiculaires pour autant bien sûr qu’il y ait concordance de l’étage et de latéralité ! (attention aux lésions asymptomatiques découvertes fortuitement comme indiqué plus haut).
En règle générale les hernies asymptomatiques sont de taille plus modeste que les formes symptomatiques.
Traitement conservateur
Le traitement conservateur classique consiste en une médication antalgique appropriée (anti-inflammatoires non stéroïdiens, opiacés, etc.) suivie selon l’intensité des douleurs d’infiltrations de corticostéroïdes par voie épidurale voire transforaminale.
L’histoire naturelle de la hernie discale est celle d’une amélioration spontanée chez 70 % de sujets au bout de 4 semaines.
Moins de 10 % de patients auront besoin d’un traitement chirurgical.
Traitement chirurgical
L’indication chirurgicale dépend surtout de l’intensité des douleurs. Il s’agit le plus souvent d’une indication relative, même en présence d’un léger déficit sensitivomoteur. Il n’a en effet pas pu être démontré que le traitement chirurgical puisse altérer l’histoire naturelle en ce qui concerne la récupération de ces déficits.
En revanche, un déficit moteur profond, d’installation rapide, peut constituer une indication chirurgicale. Bien entendu, l’atteinte de la queue-de-cheval avec difficulté d’initier la miction constitue une urgence chirurgicale.
En ce qui concerne l’amélioration du déficit moteur, près de la moitié des patients va récupérer, quel que soit le type de traitement (chirurgical ou conservateur). En revanche, la chirurgie raccourcit le temps de souffrance du malade et par ce biais, est indiquée après discussion des risques avec ce dernier [7].
Le but de la chirurgie est de soulager rapidement les sciatalgies mais on sait que ceci n’a pas d’influence notable sur l’histoire naturelle des lombalgies qui, elles, sont liées à la dégénérescence discale. Une bonne indication constitue une douleur importante au niveau du membre inférieur, résistant au traitement conservateur bien suivi avec des signes d’irritation nerveuse (par exemple Lasègue positif) et éventuellement des signes de compression de la racine nerveuse (déficit sensitivomoteur), tout ceci accompagné d’une imagerie concordante.
Le traitement classique a été pendant longtemps la discectomie par laminectomie ou hémilaminectomie. Depuis les années 1970, le traitement de prédilection est la microdiscectomie qui comporte une incision de plus petite taille, des écarteurs spécialisés et l’utilisation d’un microscope opératoire.
Les techniques percutanées n’ont pas démontré leur efficacité face à la microdiscectomie classique. Des variations de la microdiscectomie en utilisant des écarteurs tubulaires mais comportant toujours un abord interlamaire ont fait leur apparition depuis les années 1990 avec efficacité équivalente à la microdiscectomie.
Les complications possibles du geste chirurgical sont celles d’une infection du disque (1 %), d’une brèche durale ou d’une lésion neurologique. La récidive herniaire est un phénomène relativement fréquent qui peut être soit précoce, soit tardif.
Après une cure de hernie discale, il n’y a aucune preuve qu’une restriction de la mobilisation puisse être d’une quelconque utilité. Il faut au contraire encourager les patients à regagner leurs activités normales le plus rapidement possible.