Item 151 Tumeurs du foie, primitives et secondaires
ITEM 127 Transplantation d’organes : aspects épidémiologiques et immunologiques ; principes de traitement et surveillance ; complications et pronostic ; aspects éthiques et légaux.
ITEM 140Diagnostic des cancers : signes d’appel et investigations paracliniques ; stadification ; pronostic.
ITEM 141Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie. La décision thérapeutique multidisciplinaire et l’information du malade.
• Recommandations nationales résumées dans le thésaurus national de cancérologie digestive de la FFCD, 2007. http://www.snfge.asso.fr/01-bibliotheque/0g-thesaurus-cancerologie/ publication5/sommaire-thesaurus.asp#1218
• American Association for the Study of Liver Disease (AASLD) : management of hepatocellular carcinoma. Hepatology, 2005 ; 42.
Les tumeurs du foie (fig. 151-1) peuvent être :
– bénignes ou malignes :
• bénignes : angiome, hyperplasie nodulaire focale, adénome et kyste biliaire. Elles sont en général découvertes fortuitement sur un examen d’imagerie et elles sont le plus souvent asymptomatiques et sans retentissement sur la fonction hépatique,
– primitives : elles se développent à partir des différents tissus composant le foie :
• tumeurs hépatocytaires : le CHC, l’adénome à risque de dégénérescence maligne, l’hyperplasie nodulaire focale, le macronodule de régénération,
Les modes de découverte sont essentiellement fortuits sur un examen d’imagerie, une découverte dans le cadre du suivi d’un patient atteint de cirrhose ou d’une pathologie maligne ou dans le cadre de symptômes (douleur abdominale, ictère).
Il faut dans un premier temps écarter une lésion non tumorale (kyste hydatique et abcès) puis caractériser la lésion au moyen du bilan d’imagerie.
L’échographie-Doppler au mieux avec injection de produit de contraste est l’examen de première intention.
L’imagerie par résonance magnétique sans et avec injection de produit de contraste avec séquence pondérée en T1 et T2 permet de mieux caractériser les tumeurs hépatiques.
Le scanner sans et avec injection de produit de contraste est moins performant que l’IRM pour caractériser les tumeurs hépatiques mais plus accessible.
I Tumeurs du foie primitives
A Classification anatomopathologique ITEM 138
Le carcinome hépatocellulaire, ou hépatocarcinome, est la forme la plus fréquente des tumeurs primitives malignes du foie :
– il représente 80 % des tumeurs primitives du foie, développé aux dépens d’hépatocytes, sur un foie cirrhotique ;
– au niveau macroscopique : le CHC apparaît comme une tumeur nodulaire avec parfois des nodules satellites avec des remaniements nécrotiques et hémorragiques. Parfois, il peut être diffus et multifocal ;
– au niveau microscopique : le CHC présente un réseau réticulinique fragmenté, des travées hépatocytaires larges et une capillarisation des sinusoïdes intratumoraux témoins d’une néoangiogenèse tumorale ;
– au niveau immunohistochimique : il s’agit fréquemment d’une tumeur CK7–, CK20–. L’AFP (alphafœtoprotéine) est positive dans 30 % des cas. Les marqueurs endothéliaux (CD31 et CD34) sont exprimés ;
Les autres tumeurs primitives (tableau 151-I ) sont :
– cholangiocarcinome (15 % des cas), développé aux dépens des cellules des voies biliaires intrahépatiques. Non lié à la cirrhose ;
– hémangio-endothéliome épithélioïde, tumeur de faible malignité développée aux dépens des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins ;
B Carcinome hépatocellulaire (CHC)
1 Épidémiologie ITEM 138
Il représente 2,0 % de l’ensemble des cancers incidents, et se situe, par sa fréquence, au 8e rang chez l’homme et au 19e rang chez la femme.
Les taux d’incidence standardisés sont de 10 cas /100 000 chez l’homme et de 2 cas/100 000 chez la femme. Le sex-ratio est de 5,2 en faveur de l’homme.
Forte augmentation d’incidence depuis 20 ans en raison principalement de l’augmentation de l’incidence de la cirrhose due au virus de l’hépatite C.
2 Physiopathologie ITEM 139
L’étiologie la plus fréquente est la cirrhose hépatique d’origine alcoolique en France ou virale en Afrique et en Asie du Sud-Est .
Le CHC sur foie sain peut être lié à des toxines alimentaires comme l’aflatoxine (farines, arachides) ou la lutéoskyrine (riz) ou à la transformation d’un adénome.
Le CHC se développe après transformation maligne de macronodules de régénération avec dysplasie puis carcinome.
La dissémination de l’hépatocarcinome se fait essentiellement en intrahépatique, via les vaisseaux, ce qui explique la fréquence des récidives locales et la multifocalité.
3 Diagnostic ITEM 140
Circonstance de découverte :
– signes régionaux : douleur de l’hypocondre droit, apparition d’un ictère ou de signes en faveur d’une hypertension portale (circulation veineuse collatérale, splénomégalie) ITEM 195 ;
– signes en rapport avec une complication du CHC ou de la cirrhose associée : ascite, hémorragie digestive ITEM 228 ;
Examen clinique :
– recherche de signes d’insuffisance hépatocellulaire (ictère, œdèmes par hypoalbuminémie, érythrose palmaire, angiomes stellaires, l’hippocratisme digital et les ongles blancs, striés, sans lunule) ;
Examens biologiques :
– recherche d’une perturbation du bilan hépatique : il peut être normal ou montrer une cholestase (élévation des γ-GT et des PAL) ictérique ou anictérique ;
– recherche de stigmates d’insuffisance hépatocellulaire : chute du TP contrastant avec une élévation fréquente du facteur V, hypoalbuminémie, élévation des transaminases (ASAT/ALAT) ;
– recherche d’un syndrome inflammatoire : élévation de la vitesse de sédimentation et de la CRP, hyper-β2-globulinémie) ;
– recherche de syndrome paranéoplasique souvent associé : polyglobulie secondaire par sécrétion paranéoplasique d’érythropoïétine, hypercalcémie, hypoglycémie ;
– recherche d’une étiologie de la cirrhose si celle-ci n’est pas connue : sérologie VHB, VHC, ferritine, cuprémie, auto-anticorps ;
– classification de la cirrhose : score de Child-Pugh et score anatomopathologique (score de Knodell ou Métavir en cas d’hépatite C) ;
– l’alphafœtoprotéine (AFP) est élevée dans 80 % des cas :
• elle est spécifique lorsque le taux est supérieur à 200 ng/ml chez un patient cirrhotique avec nodule hépatique (valeur prédictive positive proche de 100 %),
• elle peut être augmentée en cas de tumeur germinale non séminomateuse ou dans de nombreuses hépatopathies non tumorales,
– l’échographie abdominale :
• réalisée en première intention : elle retrouve un ou plusieurs nodules hypoéchogène(s), hétérogènes (fig. 151-2 ),
– scanner hélicoïdal avec triple acquisition artérielle, parenchymateuse et portale :
• après injection : le signe le plus évocateur de CHC est l’existence d’un nodule hypervascularisé au temps artériel précoce avec lavage tardif (wash-out) au temps portal ,
• chez un malade atteint de cirrhose, une lésion focale hypervascularisée mesurant plus de 2 cm de diamètre correspond presque toujours à un CHC ,
• il recherche également une thrombose et/ou un envahissement des branches portales ou des veines sus-hépatiques ;
– imagerie par résonance magnétique du foie (fig. 151-3 ) avec injection de gadolinium :
• l’IRM semble avoir des performances un peu supérieures au scanner pour la détection et la caractérisation des nodules permettant notamment de distinguer nodule de régénération et nodule cancéreux,
• elle montre un nodule en hyposignal en T1 (dans 50 % des cas) et un hypersignal modéré en T2 (dans 80 % des cas),
Fig. 151-2 Nodule hypoéchogène du foie.
Source : Radiodiagnostic, par J.-M. Tubiana et al. Collection Abrégés Connaissances et pratique, Masson, Paris, 2004.
Fig. 151-3 IRM hépatique. Séquence T1 (a) et séquence T2 (b).
Source : IRM, par D. Doyon et al. Masson, Paris, 2004.
Diagnostic positif : les arguments en faveur d’un CHC sont :
radiologiques : l’augmentation de la taille d’un nodule surveillée, nodule hypervascularisé au temps artériel précoce avec lavage tardif (wash-out) au temps portal, présence d’une thrombose tumorale ;
Le diagnostic de CHC est posé dans deux situations différentes :
– soit par des critères radiologiques précis (d’après les recommandations 2005 de l’American Association for the Study of Liver Diseases, AASLD) en cas de découverte d’un nodule chez un malade atteint de cirrhose,
– soit par ponction-biopsie tumorale qui n’est donc pas systématique :
• elle est indiquée que lorsque le diagnostic de CHC n’est pas évident après évaluation clinique, biologique et morphologique, en particulier lorsque les critères radiologiques ne sont pas remplis,
• son indication doit être posée au cours d’une réunion de concertation pluridisciplinaire en raison du risque de dissémination tumorale sur le trajet de ponction ;
4 Bilan d’extension et préthérapeutique
Recherche de cancers épidémiologiquement liés : fibroscopie bronchique (recherche de cancers pulmonaires et des voies aériennes supérieures, fibroscopie œsogastroduodenale si non fait dans le cadre du diagnostic du CHC), qui permet également de rechercher des varices œsophagiennes.
Bilan préopératoire : en cas de résection chirurgicale ou de transplantation avec consultation anesthésique et cardiologiques (ECG, échographie cardiaque, gazométrie, EFR).
En cas de traitement par sorafenib :
– bilan cardiologique : en raison des effets cardiovasculaires fréquemment associés avec le sorafenib (recherche d’une hypertension artérielle, d’une insuffisance cardiaque, d’une coronaropathie) ;