15 Thrombose veineuse profonde et thrombo-embolie : prévention et traitement des patients atteints d’une fracture de hanche
Traduction : Yves-Pierre Le Moulec
Incidence
Embolie pulmonaire grave
Beaucoup de ces patients ont des comorbidités ou un terrain favorisant (infection, âge avancé, immobilité, insuffisance cardiaque, insuffisance veineuse chronique) qui peuvent prédisposer à la thrombose. Les capacités d’adaptation de ces patients sont souvent réduites, les rendant plus vulnérables à succomber à une embolie qui ne serait pas nécessairement mortelle chez des patients en meilleure santé. Des autopsies réalisées suggèrent que l’embolie pulmonaire (EP) est une cause fréquente de décès chez ces patients1. Toutefois, ce groupe est vulnérable à beaucoup d’autres pathologies telles que la pneumonie, l’infarctus du myocarde, les escarres et l’infection. L’EP est parfois seulement un facteur entraînant le décès. Il est donc difficile de déterminer de manière fiable le taux exact d’EP mortelle après une fracture de la hanche sans prophylaxie. Cependant, elle peut être estimée à d’environ 1 %.
Pathogenèse
Hypercoagulabilité
L’os fracturé libère des thromboplastines dans la circulation. Ce processus induit une hypercoagulabilité, qui est aggravée par la chirurgie. Cette hypercoagulabilité peut durer plusieurs semaines2.
Stase veineuse
La stase veineuse survient dès que le patient tombe et est incapable de supporter son poids. Il y a souvent un délai important entre le moment où le patient est retrouvé à terre et où il est pris en charge. Les manœuvres nécessaires pour réduire la fracture de la hanche participent aussi à la stase veineuse3.
Prophylaxie
Mesures générales
Rachianesthésie
Les médecins anesthésistes préfèrent utiliser une anesthésie rachidienne ou péridurale, car elle réduit la mortalité et améliore l’analgésie périopératoire5. Par ailleurs, l’anesthésie neuraxiale réduit également le risque de TEV de 50 % environ, probablement en conservant un flux sanguin important6. Une attention particulière doit être prise lorsqu’une rachianesthésie est utilisée conjointement à un traitement anticoagulant adapté pour éviter tout risque d’hématome compressif périmédullaire.
Méthodes mécaniques
Contention élastique
Des bas de contention sont couramment utilisés, bien que la preuve de leur efficacité pour la chirurgie orthopédique ne soit pas clairement établie et qu’aucune donnée ne soit disponible pour la chirurgie de la hanche. Une méta-analyse pour d’autres chirurgies suggère une efficacité modeste6–9. Pour être efficaces, ces bas doivent être bien ajustés, et ils doivent rester en place. Il n’y a aucun avantage établi quant à la position au-dessus ou au-dessous du genou.
Compression pneumatique intermittente
La compression rythmique améliore le flux veineux et libère également des facteurs fibrinolytiques de l’endothélium veineux. En général, ces appareils sont efficaces, avec une réduction du risque de TEV d’environ 26 %7.
Pompes veineuses plantaires
La pompe plantaire vide à chaque pas le plexus veineux de la plante du pied et participe au retour veineux des veines profondes de la jambe. De plus, ce mécanisme induit une fibrinolyse locale. Les données concernant les remplacements prothétiques10–12 et les ostéosynthèses de la hanche13 montrent une réduction importante du taux de TEV.
Méthodes chimiques
Aspirine
L’aspirine n’est pas indiquée pour une utilisation après une fracture de la hanche d’après les recommandations14–16. Ce médicament est principalement un antiagrégant plaquettaire, plutôt qu’un agent antithrombotique. Une étude17 sur la prévention de l’EP portant sur 13 000 patients présentant une fracture de la hanche, traités avec et sans aspirine, montre une réduction de 25 % des thromboses veineuses symptomatiques, mais une augmentation des problèmes de saignement. Le taux de mortalité est resté inchangé dans les deux groupes. La réduction de ce risque est très inférieure par rapport à l’utilisation d’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ou de fondaparinux. Par ailleurs, l’aspirine entraîne un risque de complications gastro-intestinales et de saignements, en particulier chez les patients âgés18.