Chapitre 15 Recommandations en colposcopie
Une réflexion sur le contrôle de qualité en colposcopie a été initiée par la Société française de colposcopie et de pathologie cervicovaginale (SFCPCV) à l’occasion de son XXe congrès national en janvier 1997 [1]. Des recommandations ont été établies dans le but de constituer un minimum exigible pour tous et non pas le niveau d’excellence pouvant être atteint par certains seulement [2,3]. Dans cet esprit, ces recommandations peuvent être considérées comme des standards. Une enquête nationale a permis de vérifier la pertinence de ces recommandations [4].
Des recommandations existent dans quelques autres pays [5–8] mais elles ne sont pas directement transposables à la France compte tenu des spécificités de notre système de santé et des différences de modes d’exercice.
Les recommandations de la SFCPCV pour la bonne pratique de la colposcopie concernent à la fois la formation des colposcopistes et le niveau d’activité, les structures, les procédures à respecter pour la réalisation pratique des colposcopies et l’évaluation individuelle des résultats.
Formation des colposcopistes et niveau d’activité
Le but de la formation est d’apprendre la colposcopie et d’apprendre à évaluer sa propre pratique. La formation en colposcopie concerne les gynécologues en activité ou en formation ainsi que d’autres spécialistes impliqués dans la pathologie cervicale. L’enseignement initial comprend un enseignement théorique et une formation pratique. Des stages pratiques dans des centres de colposcopie (publics ou privés) doivent permettre la participation à au moins dix demi-journées de consultation de colposcopie et la pratique d’au moins dix colposcopies avec biopsie sous une supervision directe. Le contrôle de connaissance effectué à la fin de cette formation initiale doit permettre de valider les acquis.
La formation continue en colposcopie est indispensable. Son rythme devrait être au moins triennal. La formation continue peut bénéficier des progrès technologiques récents dans les domaines de l’informatique et des réseaux de communication. Ils ouvrent des possibilités de travail interactif avec des experts qui peuvent compléter les options de formation plus classiques que sont les ouvrages et les congrès. Les actions de formation continue doivent en particulier comporter une iconographie colposcopique.
Structures et instrumentation
Quelles que soient les modalités de l’activité colposcopique (individuelle, en équipe, en centre de référence), les structures, les locaux, l’environnement et les équipements médico-techniques doivent permettre un accueil satisfaisant des patientes, un diagnostic fiable, le cas échéant un traitement pertinent et efficace, et la conservation confidentielle des données médicales.
Il existe de nombreux modèles de colposcopes. Les éléments essentiels dans le choix d’un instrument sont la qualité optique, la puissance de l’éclairage, la facilité de la mise au point, le changement facile de grossissement (entre × 5 et × 40 pour les plus performants), une bonne stabilité du statif et une distance focale entre 150 et 300 mm permettant la manipulation aisée d’instruments sous contrôle colposcopique. L’adjonction d’un filtre vert escamotable peut être utile pour l’étude de la vascularisation. Un appareil photographique ou une caméra vidéo sont utiles.
En vue de l’acquisition et de la conservation des données et éventuellement de l’iconographie, il faut disposer des équipements d’archives du dossier patient (papier ou informatique) qui est obligatoire et dont la confidentialité doit être garantie.
Respect des procédures
Selon les écoles, la colposcopie est considérée comme un examen diagnostique, recherchant la meilleure corrélation colpo-histologique par l’identification des images élémentaires et leur regroupement en tableaux ou complexes colposcopiques, ou comme un examen topographique pour diriger la biopsie. En fait, cette deuxième conception de la colposcopie suppose implicitement un rôle diagnostique dans la mesure où la biopsie doit être dirigée sur les zones qui présentent les lésions les plus graves. L’obtention d’une bonne corrélation colpo-histologique par identification fiable de la zone la plus suspecte nécessite une bonne expérience colposcopique.
Indications de la colposcopie
Constatant une grande variabilité des pratiques devant un frottis anormal (Sellors, Hoppman), la direction générale de la Santé a saisi l’Agence nationale pour l’accréditation et l’évaluation des soins (Anaes), devenue la Haute Autorité de santé (HAS), pour élaborer des recommandations. Entre 1996 et 1998 un groupe d’experts a formulé des recommandations concernant le diagnostic cytologique, l’attitude diagnostique et l’attitude thérapeutique devant un frottis anormal du col de l’utérus [9]. Les recommandations concernant la conduite diagnostique ont été faites pour chaque catégorie de résultat cytologique et en fonction de certaines situations particulières (femme enceinte, post-ménopause, patiente séropositive pour le VIH). Une actualisation des recommandations tenant compte des changements récents apportés au système Bethesda [10] a été élaborée en 2002 [11]. Elle porte sur deux points principaux : la technique du frottis et la détection de l’ADN des HPV dans la prise en charge des frottis anormaux. L’objectif de ce test est de sélectionner parmi ces femmes celles qui, avec une infection par un HPV potentiellement oncogène, sont considérées à risque d’avoir ou de développer une lésion de haut grade justifiant un examen colposcopique. Pour cette détection, la PCR (amplification en chaîne par la polymérase) et la capture d’hybrides sont actuellement les meilleures techniques. Le test Hybrid Capture 2 est disponible dans le commerce.
La recherche d’HPV constitue, avec la colposcopie d’emblée ou le frottis de contrôle 6 mois plus tard, une des trois options possibles pour la prise en charge des ASC-US (atypies de signification indéterminée) qui correspondent seulement dans 5 à 10 % des cas à une lésion histologique de type CIN II, CIN III, exceptionnellement à un cancer invasif. Un contrôle cytologique après 6 mois est proposé aux patientes chez lesquelles l’HPV potentiellement oncogène n’a pas été détecté [11, 12].
La recherche d’HPV n’est pas recommandée :
• dans la prise en charge des frottis ASC-H (atypies ne permettant pas d’exclure une lésion intra-épithéliale malpighienne de haut grade). Elles correspondent dans 40 % des cas à une lésion histologique de type CIN II, CIN III, exceptionnellement à un cancer invasif. En raison de cette fréquence élevée une colposcopie est recommandée d’emblée ;
• dans la prise en charge des lésions malpighiennes intra-épithéliales de bas grade car elles contiennent un HPV potentiellement oncogène dans plus de 80 % des cas, ce qui limite l’intérêt du test pour leur prise en charge. La colposcopie d’emblée ou le frottis de contrôle 6 mois plus tard sont les deux options possibles. En cas de régression des anomalies cytologiques, deux à trois frottis normaux à des intervalles de 6 à 12 mois sont exigés avant de reprendre un rythme de dépistage habituel. Une colposcopie est recommandée en cas de récidive des anomalies cytologiques quels que soient leur sévérité ou le délai par rapport à l’anomalie initiale ;
• dans la prise en charge des lésions malpighiennes intra-épithéliales de haut grade, pour lesquelles une colposcopie est d’emblée nécessaire ;
• dans la prise en charge des atypies glandulaires, pour lesquelles une colposcopie avec biopsie dirigée et/ou curetage de l’endocol est recommandée. Une colposcopie avec biopsie de l’endomètre est recommandée s’il existe des atypies glandulaires de type endométrial. Si ces examens sont normaux et que les anomalies cytologiques de type adénocarcinome in situ ou suggérant une néoplasie persistent, une conisation diagnostique associée à un curetage de l’endocol et de l’endomètre est recommandée. Il est recommandé de suivre les atypies glandulaires non spécifiques ou endocervicales par une cytologie à 6 mois. La place de la recherche d’HPV est insuffisamment documentée dans la prise en charge de ces atypies.
La colposcopie est également indiquée pour la surveillance des lésions. Avant et après le traitement, les modalités d’utilisation de la colposcopie varient en fonction de la sévérité des lésions, du type et du résultat du traitement [9].
Explications préalables à fournir à la patiente
Des explications concernant la colposcopie doivent être fournies par le médecin qui a prélevé le frottis et/ou par le colposcopiste (voir « fiche d’information page 16). Elles doivent inclure la signification du résultat cytologique, le but de la colposcopie, le déroulement de l’examen, l’éventuelle nécessité de pratiquer une biopsie et/ou un curetage endocervical et le délai de réponse dans ce cas.
Compte rendu de la colposcopie et dossier patient
L’examen terminé, il est indispensable de consigner les constatations dans un compte rendu colposcopique. Ce compte rendu doit obligatoirement contenir les identifiants de la patiente (nom, prénom, date de naissance), du colposcopiste (nom) et de l’examen colposcopique (date). Parmi les données synthétiques doivent être mentionnés l’indication de l’examen colposcopique, la position de la ligne de jonction et de la zone de transformation, le caractère satisfaisant ou non de la colposcopie et les raisons éventuelles de la colposcopie non satisfaisante, la présence, la localisation et la taille de l’anomalie avec la mention des signes de gravité et enfin l’impression colposcopique. Différents scores ont été proposés pour rendre l’interprétation colposcopique moins subjective. Le principe des scores est d’attribuer à chaque image élémentaire une cotation afin d’établir un grade de sévérité. En pratique, l’utilisation pratique de ces scores est souvent longue et complexe, sans être complètement dépourvue de subjectivité.
Un schéma colposcopique est obligatoire et doit comporter les limites internes et externes de la zone de transformation, les signes de gravité de la lésion et la localisation précise des biopsies. Une photographie ou un enregistrement vidéo, plus fidèle qu’un schéma, facilite l’étude de l’évolution.
Principalement deux terminologies colposcopiques sont utilisées en France. La terminologie internationale a été établie en 1990 et tient compte des images élémentaires et des critères topographiques en distinguant des aspects colposcopiques anormaux, des modifications mineures et des modifications majeures [13]. La terminologie de la Société française de colposcopie et de pathologie cervicovaginale regroupe les aspects colposcopiques ou images élémentaires en trois complexes : la transformation normale, la transformation atypique de grade I et la transformation atypique de grade II [14].