15: Particularités des techniques de chirurgie réfractive vis-à-vis du calcul d’implant

CHAPITRE 15 Particularités des techniques de chirurgie réfractive vis-à-vis du calcul d’implant



Le calcul d’implant après chirurgie réfractive cornéenne reste un élément en cours d’amélioration avec, parfois, quelques surprises réfractives qui peuvent pousser soit à un geste réfractif cornéen complémentaire soit à un changement d’implant, pour les cas les plus éloignés de la réfraction souhaitée en préopératoire.


Les techniques de chirurgie réfractives sont diverses ainsi que le degré d’amétropie traitée. Cette variabilité des situations réfractives et des techniques employées explique en grande partie les résultats, parfois dispersés, des techniques de calcul d’implant lorsqu’on utilise des formules de régression fondées sur un échantillon de patients dont la situation réfractive ne correspond pas au patient qui est actuellement en cours de bilan pour une intervention de cataracte.


Les études couramment publiées tendent à réaliser des séries plus ou moins homogènes de patients opérés par telle ou telle technique. Les premières publications ont rapporté une nette tendance à l’hyper-métropisation des patients après chirurgie de la cataracte sur des yeux déjà opérés de myopie par kératotomie radiaire [9, 12, 14, 16]. Le succès du LASIK avec microkératome puis par laser femtoseconde a popularisé les interventions de chirurgie réfractive, avec un nombre croissant de ces patients qui arrivent à l’âge de l’opération de la cataracte.


Les méthodes habituelles de calcul d’implant sont régulièrement prises en défaut sur ces yeux dont la cornée a été remaniée [5]. De nombreuses solutions alternatives sont proposées, soit en se fondant sur les données préopératoires du patient, soit en utilisant des formules d’appréciation de la réfraction par des algorithmes plus ou moins sophistiqués. Malgré de nombreuses propositions, le calcul d’implant après chirurgie réfractive se heurte à un problème de mesure et non un problème de calcul [6].


Dans le cas d’un calcul d’implant classique, les deux mesures principales destinées à activer les formules de calcul sont la kéra-tométrie et la longueur axiale (cf. chapitre précédent). La plupart des formules habituelles reposent sur ces deux mesures et sur la constante A pour déterminer, par calcul, la position d’un implant donné dans l’œil opéré. Chacun de ces trois éléments impacte la réfraction postopératoire avec une importance relative sur les erreurs de calcul par rapport à la réfraction souhaitée. Olsen a pu quantifier cette incidence respective pour la chirurgie classique de cataracte : 8 % des erreurs réfractives peuvent être imputées à la kératométrie, 54 % à la longueur axiale et 38 % à l’estimation de la véritable position de l’implant [15].


L’arrivée des biomètres optiques, avec une très nette réduction de l’écart type sur les mesures de longueur axiale, tend à réduire la proportion d’erreurs de calcul liées à la mesure de longueur axiale [19].


D’un autre côté, les procédures de chirurgie réfractive cor-néenne majorent l’imprécision de mesure sur la kératométrie. La modification de l’état réfractif des cornées opérées retentit directement sur l’appréciation de la position de l’implant, dans la mesure où de nombreuses formules de calcul utilisent la kératométrie pour apprécier cette position de l’implant. Les progrès en matière de fiabilité des calculs se feront dans la direction d’une meilleure mesure de la puissance cornéenne centrale et dans la meilleure détermination de la position de l’implant, non pas de façon statistique mais de façon personnalisée pour un patient donné.


Les différentes techniques de chirurgie réfractive ont des conséquences diverses sur le calcul d’implant.



Kératotomie radiaire


Les premiers patients opérés de kératotomie radiaire ont fourni les premières constatations d’erreurs réfractives après opération de cataracte sur des cornées remaniées [9, 12, 13]. La tendance constatée a été dans le sens d’une hypermétropisation postopératoire de la cataracte [5, 14].


Deux éléments peuvent provoquer cette erreur [8]:



L’apport de la topographie cornéenne est d’identifier les variations de courbure de la cornée de façon beaucoup plus complète que les kératomètres. Les changements de rayons de courbure apparaissent entre le centre de la cornée et la région des 3 mm centraux mais aussi de façon circulaire au niveau des 3 mm ou 4 mm centraux, avec des puissances cornéennes assez variables en fonction du secteur horaire considéré (fig. 15-1). La topographie permet ainsi de mieux apprécier l’aspect de régularité ou d’irrégularité de la cornée, mais la puissance cornéenne véritablement utile pour le calcul d’implant n’est pas clairement identifiée. Il est possible d’utiliser pour le calcul l’équivalent de la kératométrie, la moyenne des mesures sur les 3 mm centraux ou sur les 4 mm centraux avec, parfois, des variations de ces paramètres en fonction de l’appareil utilisé.



Plusieurs éléments entrent en ligne de compte pour expliquer l’hypermétropisation postopératoire:



De façon pratique, face à une hypermétropisation postopératoire après chirurgie de la cataracte chez un patient opéré de kéra-totomie radiaire, une partie de cette hypermétropisation régresse, car elle peut être liée à une réapparition d’œdème dans les cicatrices de kératotomie radiaire — pouvant induire jusqu’à + 3 D. Cet élément est d’autant plus présent que les incisions radiaires sont très transparentes, alors que les incisions fibrosées, plus blanchâtres, seront moins sensibles à cette fluctuation postopératoire. Un contrôle évolutif de l’hypermétropie peut être réalisé en postopératoire immédiat avant de décider d’un changement d’implant ou d’un complément de traitement réfractif (pas avant, au minimum, un mois après le geste).



LASIK et photokératectomie réfractive myopique


La conséquence d’une intervention par LASIK myopique est de réduire la puissance cornéenne centrale par un amincissement du stroma cornéen, entraînant un amincissement cornéen global au centre et un aplatissement de la courbure cornéenne antérieure. La mesure de la puissance cornéenne sur les 3 mm centraux est ici aussi un mauvais reflet de la puissance cornéenne centrale, avec pour conséquence une hypermétropisation moins marquée qu’en kératotomie radiaire mais souvent constatée [4, 17, 18, 20].


La topographie cornéenne permet de mieux apprécier le centrage du traitement, la largeur de la zone traitée et les changements de courbure produits par le geste réfractif (fig. 15-2).



Dans ce cas, l’erreur de mesure est attribuée à la perte de parallélisme des deux faces de la cornée. Cet élément influe sur l’indice de réfraction de la cornée, arbitrairement choisi par Javal à 1,3375, reliant une cornée de 45,0 D à un rayon de courbure de 7,5 mm [11]. Cette valeur de l’indice de réfraction fait l’objet de controverses, avec des indices proposés de 1,3315 par Gullstrand et 1,33 par la plupart de fabricants de topographes cornéens [7].


La controverse est liée au principe même de cet indice qui est censé représenter, par une seule valeur, la réunion de deux dioptres principaux de la cornée : le dioptre antérieur entre l’air et la cornée et le dioptre postérieur entre la cornée et l’humeur aqueuse. Cette simplification est liée à la théorie optique de la lentille fine qui, en optique physique, tend à transformer plusieurs dioptres, de rapport constant, en un équivalent de lentille fine unique, de façon à schématiser les calculs physiques. À l’opposé, l’étude dite de la lentille épaisse prend en compte les véritables particularités d’un ensemble de dioptres, avec la connaissance des différents indices de réfraction et des distances respectives entre les dioptres; cette théorie dite de la lentille épaisse commence à être réintroduite par quelques auteurs pour tenter d’améliorer la fiabilité de nos calculs dans les situations complexes après chirurgie réfractive, en appréciant mieux le rôle joué par la face antérieure de la cornée de façon indépendante de la face postérieure et sans passer par des approximations statistiques.


Une autre particularité du calcul d’implant après chirurgie par LASIK est liée à une erreur d’appréciation de la position de l’implant [10]. Cette appréciation est réalisée par les formules classiques en se fondant sur la kératométrie mesurée au kératomètre. En cas de procédure myopique, la perte de parallélisme de la cornée au centre entraîne une différence assez nette entre les rayons de courbure de la face antérieure de la cornéen et de la face postérieure. Fonder l’estimation de la position de l’implant sur la seule kératométrie antérieure revient à estimer la puissance de l’implant sur une cornée anormalement plate par rapport à la forme du segment antérieur.


Ces deux erreurs se cumulant, la réfraction postopératoire est souvent décalée dans le sens d’une hypermétropisation postopératoire [5].


Jun 6, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 15: Particularités des techniques de chirurgie réfractive vis-à-vis du calcul d’implant

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