ses sources et sesrépercussions chez le patient
◗ L’angoisse en psychanalyse
On peut définir l’angoisse (voir Fiche 18, page 167) comme « un affect de déplaisir plus ou moins intense qui se manifeste à la place d’un sentiment inconscient chez un sujet dans l’attente de quelque chose qu’il ne peut nommer. »1 Autrement dit, l’impossibilité, pour une personne, de pouvoir circonscrire précisément la source d’un mal être, de pouvoir en parler – faute parfois de pouvoir affronter l’idée, la pensée, la chose – fait surgir un autre sentiment déplaisant : l’angoisse, à la place du sentiment encore plus déplaisant, voire effrayant, qui ne parvient ainsi pas à la conscience. Le sujet peut supporter cette angoisse, en dépit du déplaisir qu’elle occasionne, tandis qu’il n’est pas encore prêt à affronter la pensée qui occasionne l’angoisse. L’angoisse a donc ici la fonction de protéger la personne du sentiment lié à un innommable, à un impossible à dire. En même temps, si le sujet parvient à travailler cette angoisse, en essayant de savoir à la place de quelle représentation elle surgit, ce qu’elle vient boucher, empêcher comme représentation, et que le sujet parvient à symboliser ce momentanément innommable, l’angoisse peut s’atténuer, voire disparaître tout à fait.
L’angoisse a plusieurs formes, plusieurs étiologies. Son évolution dans la pensée freudienne puis lacanienne montre les différents aspects qu’elle revêt : tout d’abord, elle était pour Freud le signal que le moi était attaqué par des affects déplaisants. Mais, limiter l’angoisse au moi (voir Fiche 5, page 149) ne satisfaisait pas Freud. Il s’est ensuite rendu compte que les sources de l’angoisse pouvaient varier. Il en décèle deux : l’une est involontaire, inconsciente, automatique lorsque le sujet se trouve dans une situation de danger qui menace sa vie ; l’autre, est volontaire, consciente, et correspond à l’angoisse qui naît lorsque le moi se sent en danger, l’angoisse vient alors comme évitement de ce qui met en danger le moi (voir Fiche 5, page 149). Pour Freud, l’angoisse surgit lorsque le sujet se trouve face à la perte d’un objet fortement investi2. Pour Lacan qui reprendra cette étude sur l’angoisse, elle est un signal que quelque chose de déplaisant se passe, mais surtout, elle est ce qui apparaît quand le sujet ne peut dire, ne peut symboliser ce face à quoi il se trouve.
L’angoisse a partie liée avec le sujet et avec ce qui constitue le sujet, c’est-à-dire sa capacité à rester un être désirant. Lorsqu’il n’y a pas de possibilité de désir ni de demande, l’angoisse surgit d’un sentiment de trop plein et d’envahissement des objets (voir Fiche 9, page 154).
Par exemple, dans une situation de maladie, de prise en charge hospitalière, le désir est celui de la guérison. Lorsque ce désir manque chez le patient ou lorsque manque chez le soignant le désir de voir son patient guéri, l’angoisse peut surgir pour le malade qui ne peut adresser une demande de changer sa situation ou d’y voir un mieux. Devant cet envahissement de la maladie, devant sa toute présence, le patient tombe dans l’angoisse de ne pas parvenir à trouver un espace lui permettant d’espérer autre chose, de désirer et de demander autre chose que sa situation actuelle.
L’angoisse peut naître de n’être pas consulté sur son mal, de n’être pas pris en compte dans sa demande, de ne plus être perçu comme un être désirant : recevoir des injonctions de soin, être confronté à un regard d’indifférence d’un soignant, n’être pas écouté dans la formulation de sa plainte, par exemple, peut entraîner la personne malade à développer un sentiment d’être envahi par des présences, des actes qu’ils ne comprend pas et qui sont dispensés sans parfois que rien ne soit verbalisé à ce sujet, ce qui peut faire trauma (voir Fiche 12,page 157) par envahissement du « faire », de « l’acte », sans symbolisation.
Il n’est pas rare que les patients qui n’arrêtent pas d’appeler les infirmiers sans raison précise ou pour des motifs dérisoires en apparence, aient en réalité envie de formuler une demande d’être reconnu comme des êtres désirants, aimés et aimables, respectables aussi, vivants.
Une personne âgée qui se retrouve dans une maison de retraite, aussi bien soitelle, peut voir surgir en elle une grande angoisse devant l’impossibilité d’échapper désormais à cette situation de personne assistée selon le bon vouloir des autres et non le sien. L’absence de liberté si elle ne peut plus se déplacer, l’absence de demande et de désir si on ne lui laisse pas le choix de décisions diverses la concernant peut susciter un très grand mal être lié, non pas à un manque, mais au fait qu’il n’y a pas de place pour le manque, celui qui correspond à la nécessité de travailler, d’avancer dans la vie parce que ce manque fait de nous des personnes qui désirent quelque chose et qui le cherchent. Dans la condition de la vieillesse et de la maladie en maison de retraite, l’angoisse peut naître de l’absence de ce manque qui permet de vivre et d’avoir envie de vivre.
Absence de paroles des soignants et angoisse du patient
Voici l’exemple d’une situation d’angoisse pour une personne âgée liée à une situation médicale violente, faute de communication et de parole :

«
me G., 86 ans, vivant chez elle, est victime d’un accident vasculaire cérébral. Elle est emmenée à l’hôpital par une ambulance. Les membres de sa famille étant tous partis en vacances pour des destinations lointaines, elle se retrouve seule à l’hôpital. À son réveil, elle ne sait pas où elle se trouve. En outre, elle n’a aucune affaire à elle car l’équipe médicale des urgences n’a pas songé à prendre certains effets lui appartenant en l’emmenant. Seule, avec une atteinte cérébrale, sans repères, sans souvenirs, sans explication de ce qui lui arrive par l’équipe soignante, elle se réfugie dans le mutisme. Elle expliquera plus tard qu’elle voyait tout le monde comme des pantins articulés ; elle n’a gardé que des sentiments d’étrangeté, des visions floues de ce moment, avec la persistance d’une extrême angoisse qu’elle calmait en se disant qu’elle allait sûrement mourir d’une minute à l’autre, ce qui la soulageait. Cette situation a duré plusieurs semaines dans une solitude et un sentiment de déréalisation très grands. Puis, sa fille est rentrée de vacances et lui a apporté quelques effets personnels. Surtout, elle lui a expliqué ce qui lui était arrivé. Mme G. s’est trouvée mieux à partir de ce moment et a pu retrouver la santé. »


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