15: La question de la dépendance psychique dans le cadre thérapeutique

Chapitre 15 La question de la dépendance psychique dans le cadre thérapeutique


Le vivant ne saurait être identique à lui-même. Cela invite à penser que le vivant doit être relié à la tiercéité. La vie psychique n’est pas superposable à la vie somatique et commence dès qu’il y a différenciation sujet-objet.


Comme le souligne R. Roussillon (2001), le fait de rendre indécidable l’originaire est important pour la compréhension métapsychologique de la vie psychique.



Caractéristiques de la dépendance psychique


Ce qui caractérise l’état de dépendance psychique c’est qu’elle n’est jamais ressentie comme telle par le sujet. En effet, il faut considérer que l’intensité des défenses mises en place pour lutter contre la dépendance ne permet pas au sujet dépendant de la ressentir.


Ceci explique certaines observations faites par les parents à propos des manifestations de leur enfant. Il ne montre aucune inquiétude lors de la séparation. Il les « quitte sans même se retourner ». Il paraît s’investir immédiatement et sans transition dans une relation à un autre objet indifférencié. L’enfant transfère son investissement de manière hallucinatoire d’un objet indifférencié à un autre objet indifférencié.


Ce qui se transfère, c’est une conjoncture historique dans la situation thérapeutique. Outre la problématique de l’imprévisibilité de l’objet susceptible de créer l’état de dépendance, il faut souligner une autre causalité constitutive de l’état de dépendance : elle s’observe dans la manière dont le sujet s’investit dans la rencontre avec l’objet thérapeute.


Il s’avère que cette rencontre prend la forme d’une répétition à chaque séance, elle se rejoue sans cesse sous l’angle de l’échec et figure la rencontre initiale toujours actuelle avec un objet jamais satisfait. Dans ces conditions de non-satisfaction permanente de l’objet, le plaisir va avoir comme conséquence un mal-être.


La satisfaction en effet, doit se produire dans une rencontre avec un objet satisfait. Il peut y avoir plaisir avec l’objet, mais il doit s’associer avec celui de l’objet. Dans le cas contraire, la honte peut survenir.


Dans ces conditions d’échec, l’hallucination n’est pas transformée en représentation, mais reste associée à une perception sensorielle et donc elle précède la survenue de l’angoisse de débordement.



Cas clinique


Mme G. : l’imprévisibilité de la rencontre


Ainsi, Mme G., 40 ans, que l’on pourrait qualifier d’hyperactive, répète séance après séance, la rencontre avec un objet non satisfait où sont mis finalement en perspective trois personnages : son thérapeute, son conjoint et la relation maternelle initiale. Elle décrit comment le fait de retrouver son conjoint chaque jour représente une inquiétude majeure selon qu’elle va percevoir chez lui une forme d’accueil, de disponibilité et de réceptivité dont les conséquences vont s’avérer dramatiques pour la suite de la soirée. Elle anticipe négativement cette rencontre. À charge pour lui d’y apporter un démenti. Dans le cas de Mme G., toute différence est ressentie comme indifférence.


L’élaboration de cette question va se faire en deux temps : l’une, historique, portant sur le lien à la rencontre avec la figure maternelle jamais satisfaite, et l’autre, dans l’analyse de l’actuel de la rencontre avec le thérapeute, perçu comme figure hostile dans le transfert au même titre que les deux personnages centraux. Hostilité qui se caractérise essentiellement dans les expressions-mimiques et la posture et exclusivement dans le trajet de la salle d’attente au bureau du thérapeute, pour se dissoudre dans un soulagement une fois installée dans le fauteuil en face à face avec lui.


La recherche initiale du traumatisme cède une fois la rencontre passée, favorisée en cela par l’accueil chaleureux du thérapeute.


Le second point important à souligner est celui de l’angoisse de la séparation/différenciation. Il nous apparaît essentiel d’associer ces deux temps, séparation et différenciation, dans la mesure où l’angoisse qui en résulte est d’avantage liée au transfert d’une conjoncture historique dans la situation thérapeutique, comme dans toute autre relation, plutôt qu’au simple éloignement. Il s’agit en tout état de cause d’un certain type de processus qui s’empare de la relation. Dans le cadre thérapeutique, on observe que les chaînes associatives, loin d’être dominées par la vie fantasmatique, se remplissent d’éléments de types perceptif et sensoriel.


Le sujet décrit un contexte affectif dans lequel la séparation n’est pas éprouvée et ceci grâce au retrait du moi de l’expérience traumatique vécue. On observe alors, que face à cette défense, par clivage, le corps prend le relais par l’entremise de la sensorialité.


Ainsi Mme G. nous décrit un moment particulièrement traumatique lié à la reprise de son activité professionnelle, après des vacances. Elle commence à s’agiter dans la maison exigeant de chaque membre de la famille qu’il procède au rangement des effets personnels, s’astreignant elle-même à ce rangement. Elle éprouve un grand désarroi face à son inefficacité qui est renforcé par l’inertie que lui opposent les membres de la famille.


À ce moment, elle dit éprouver des sensations essentiellement corporelles (fourmillement dans tout le corps) dont l’intensité s’accroît au fil du temps et qui vont ensuite s’accompagner d’un état de colère majeure et de reproches violents adressés à sa famille.


La solution passe encore une fois par un acte qui consiste à s’enfermer dans sa chambre et se réfugier dans la lecture pour trouver l’apaisement. Cette angoisse de débordement, non maîtrisée jusqu’à présent, trouve une première résolution par le passage par l’acte et une première tentative d’élaboration dans le cadre de la thérapie où la honte peut se métaboliser en culpabilité. Madame G. se pose alors la question de l’effet délétère de son comportement sur la santé psychique de ses proches et notamment de sa fille. Un sentiment de culpabilité rendu possible car le travail de recontextualisation se fait jour. La causalité se substitue progressivement à la conséquence et Madame G. commence à percevoir la causalité comme précédant la conséquence. Auparavant la conséquence était perçue comme modalité première et confondue avec la causalité.

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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 15: La question de la dépendance psychique dans le cadre thérapeutique

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