15: Autogreffe de tissu adipeux en chirurgie reconstructrice du sein

Chapitre 15 Autogreffe de tissu adipeux en chirurgie reconstructrice du sein




imageRetrouvez pour ce chapitre vidéos et cas cliniques dans l’application Chirurgie plastique du sein.


La greffe de tissu adipeux (TA) telle qu’elle est utilisée depuis plus d’une dizaine d’années, dérivée des descriptions de Coleman, a fait ses preuves d’efficacité et de sûreté. Son emploi en chirurgie mammaire en présence de parenchyme mammaire natif fait l’objet d’une controverse. Néanmoins, l’utilisation de la greffe de TA dans les malformations mammaires et dans la chirurgie reconstructrice postcancer, dans des endroits où il n’y a pas de parenchyme mammaire, est actuellement validée par tous. Cette technique permet de corriger des défauts difficilement traitables jusque-là. Elle permet de contrôler au mieux la base mammaire, le volume et la projection du sein, ainsi que les défauts de contour au niveau des régions supéromédiale du décolleté (zone socialement visible du sein et difficile à traiter) et supérolatérale du prolongement axillaire du sein. De plus, le caractère bioactif du TA greffé permet d’améliorer la trophicité des tissus receveurs, notamment en cas d’irradiation.


Après un historique de la greffe de TA au niveau du sein, nous aborderons la technique de transfert de TA ainsi que ses particularités en chirurgie mammaire, pour terminer par les indications de cette technique.



Historique de la greffe de tissu adipeux au niveau du sein


Le premier cas de reconstruction mammaire par graisse autologue a été décrit par Czerny en 1895. Il a utilisé un volumineux lipome prélevé en région dorsale pour combler une tumorectomie mammaire. Lexer, en 1931, a présenté une reconstruction mammaire, après mastectomie pour mastopathie kystique, par la graisse de la région axillaire. Le fort taux de résorption qui a suivi a été expliqué par la faible vascularisation de cette graisse.


En 1941, May a présenté un cas de reconstruction mammaire bilatérale par greffe de TA d’un côté et greffe de graisse plus fascia de l’autre, avec l’idée que le fascia permettait de mieux préserver la graisse.


Dans le cadre des hypoplasies mammaires, c’est Bames qui, en 1953, a publié plusieurs cas d’augmentation mammaire par greffe dermograisseuse ; Schorcher, en 1957, a ensuite rapporté huit cas d’augmentation mammaire par greffe graisseuse. À la même époque, Peer traitait un syndrome de Poland par greffe dermograisseuse.


Après la description de la liposuccion par canule, Illouz a également été un des premiers à utiliser cette technique dans la région mammaire. Bircoll, en 1987, a présenté plusieurs cas d’hypoplasie ou de symétrisation mammaire postcancer en injectant de petites quantités à chaque séance. Cette pratique a suscité de violentes réflexions de la part de la communauté scientifique. Hang-Fu et al., en 1995, ont rapporté une série de prothèses mammaires remplies de graisse autologue pour éviter tous les inconvénients liés à l’injection de graisse dans le sein.


L’ère moderne d’utilisation du TA a démarré dans les années 1980 [1]. Depuis, le TA a été utilisé en reconstruction mammaire, associé à différentes techniques de reconstruction. Les bons résultats obtenus et les progrès techniques font que la greffe de TA prend de plus en plus de place dans l’arsenal thérapeutique de la chirurgie du sein.


L’avenir verra probablement l’ingénierie tissulaire se développer à partir des cellules souches du TA, utilisant différents types de matrice extracellulaire et l’ensemencement des cellules souches (« ingénierie tissulaire » ou « bio-ingénierie mammaire »).



Technique de greffe de tissu adipeux


Le protocole suivi suit deux principes fondamentaux : le caractère peu traumatique de la manipulation (prélèvement, préparation) du TA et la réinjection tridimensionnelle du TA sous forme de petites particules permettant une revascularisation bonne et rapide. Tout acte traumatisant pour la graisse doit être évité. La graisse ne doit être ni pressée, ni filtrée, ni lavée, ni aspirée à haute dépression, ni injectée à haute pression, ni exposée longuement au contact de l’air.


Les zones à greffer doivent être minutieusement repérées et marquées avant l’intervention en position debout avec un bon éclairage (figure 15.1).



Cette technique est rigoureuse et les résultats obtenus dépendent en grande partie de la technique utilisée comme du respect des principes fondamentaux.


La technique classique de greffe de TA comporte trois étapes : prélèvement, centrifugation, réinjection. Le respect de l’asepsie est impératif.






Particularités de la greffe de tissu adipeux en chirurgie mammaire


La particularité de la greffe de TA au niveau du sein réside dans le fait que, hormis les cas de reconstruction de défects localisés après tumorectomie, il est souvent nécessaire d’apporter de grandes quantités de TA. Cet impératif demande une réadaptation de la technique princeps décrite par Coleman tout en respectant les principes généraux. De ce fait, de nombreux chirurgiens ont modifié la technique pour pouvoir prélever et réinjecter de grandes quantités de TA en raccourcissant la durée opératoire. Dans ces cas, nous utilisons une canule d’aspiration de diamètre 3 ou 4 connectée à l’appareil de lipoaspiration réglé à − 350 mmHg, car nous avons montré dans une étude réalisée dans notre laboratoire qu’à faible pression négative, le nombre de cellules progénitrices est plus élevéimage.


À proximité de la canule d’aspiration, un réservoir sous vide sert de récipient de recueil pour le TA. Celui-ci est ensuite transféré dans des seringues de 10 ml pour être centrifugé. La réinjection se fait directement avec les seringues de 10 ml en utilisant des canules à usage unique à longueur plus élevée, adaptée à la chirurgie mammaire (figure 15.2).



La réalisation de fasciotomies transcutanées ou à l’aiguille est un geste permettant l’amélioration des résultats du transfert de TA. En effet, ces gestes permettent de fragiliser les attaches fibreuses entre tissus cutané et sous-cutané et de rendre le site receveur plus plastiqueimage.


Il est évident que, compte tenu des grands volumes de TA injectés par séance dans le sein, le respect absolu des principes de microgreffes par tunnels multiples et multiplans est impératif. En aucun cas il ne faut injecter un amas de TA.



Innovations dans la technique de greffe de tissu adipeux appliquées au sein


Dans le but d’améliorer les résultats obtenus par cette technique et de simplifier la procédure chirurgicale, de nombreux travaux sont réalisés concernant chaque étape de la technique. La recherche de techniques innovantes concerne donc soit le prélèvement, soit la préparation et la purification, soit la réinjection.


Le prélèvement motorisé (PAL : power assisted liposuccion) permet de gagner en temps pour le prélèvement de grande quantité de TA. La difficulté de ces techniques réside dans la récupération du TA prélevé et son transfert dans des seringues pour la centrifugation. Cela représente beaucoup de manipulations.


De nombreux travaux sont concentrés sur l’étape de la purification, car cela permettrait de gagner du temps et éviterait des séries successives de centrifugation. L’idée est de purifier tout en prélevant soit par un filtre, soit par un piège à TA nettoyant (LipiVage® [2], AquaVage®).


Des systèmes de purification utilisant un module de filtration ont été décrits. L’un d’eux est le PureGraft™ : il s’agit d’une méthode où le TA est injecté à travers une première membrane permettant d’éliminer les débris cellulaires, notamment sanguins et lipidiques. La seconde membrane dirige les débris et permet leur drainage dans un sac. Durant ces filtrations, le TA est rincé à l’aide d’une solution de Ringer lactate. Ces techniques permettent de gagner du temps (purification en 15 à 20 minutes) mais doivent encore faire la preuve de leur efficacité.image


Une idée nouvelle dans ce domaine concerne la préparation du site receveur (surtout en région thoracomammaire) par un procédé d’expansion tissulaire externe appelé Brava®. Selon l’auteur, le fait de mettre le site receveur (sein) sous pression négative pendant plusieurs semaines avant l’injection de TA aurait pour effet d’expandre le tissu, d’augmenter la vascularisation locale et d’élargir la « matrice » receveuse que représentent les tissus receveurs. Cette technique pourrait être intéressante dans certains cas avec peau lésée ou irradiée qui, seule, aurait du mal à s’expandre. Mais aucune de ces nouveautés n’a fait la preuve de sa supériorité en termes de survie de TA et de résultats obtenus.


D’autres auteurs extraient des cellules souches du TA en peropératoire et les mélangent au TA pour greffer du TA enrichi en cellules souches. Selon ces auteurs, la greffe de TA enrichi aurait une plus grande fiabilité, mais le reproche que l’on peut faire à ces techniques, c’est qu’il faut prélever une double quantité de TA et que si on greffait cette même quantité de TA, elle donnerait probablement plus de résultats.


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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 15: Autogreffe de tissu adipeux en chirurgie reconstructrice du sein

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