Chapitre 15 Autogreffe de tissu adipeux en chirurgie reconstructrice du sein
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Historique de la greffe de tissu adipeux au niveau du sein
Le premier cas de reconstruction mammaire par graisse autologue a été décrit par Czerny en 1895. Il a utilisé un volumineux lipome prélevé en région dorsale pour combler une tumorectomie mammaire. Lexer, en 1931, a présenté une reconstruction mammaire, après mastectomie pour mastopathie kystique, par la graisse de la région axillaire. Le fort taux de résorption qui a suivi a été expliqué par la faible vascularisation de cette graisse.
L’ère moderne d’utilisation du TA a démarré dans les années 1980 [1]. Depuis, le TA a été utilisé en reconstruction mammaire, associé à différentes techniques de reconstruction. Les bons résultats obtenus et les progrès techniques font que la greffe de TA prend de plus en plus de place dans l’arsenal thérapeutique de la chirurgie du sein.
Technique de greffe de tissu adipeux
Le protocole suivi suit deux principes fondamentaux : le caractère peu traumatique de la manipulation (prélèvement, préparation) du TA et la réinjection tridimensionnelle du TA sous forme de petites particules permettant une revascularisation bonne et rapide. Tout acte traumatisant pour la graisse doit être évité. La graisse ne doit être ni pressée, ni filtrée, ni lavée, ni aspirée à haute dépression, ni injectée à haute pression, ni exposée longuement au contact de l’air.
Les zones à greffer doivent être minutieusement repérées et marquées avant l’intervention en position debout avec un bon éclairage (figure 15.1).
Prélèvement
Le prélèvement se fait en prenant la graisse profonde des stéatoméries, souvent dans la région abdominale, la région trochantérienne ou la face interne des genoux.
Centrifugation
Les seringues de 10 ml sont obturées à l’aide de bouchons, le piston est retiré et les seringues sont entreposées dans un rack stérile avant d’être introduites dans la centrifugeuse. La centrifugation se fait pendant 3 minutes à une vitesse de 3 000 tours par minute.
À l’issue de cette centrifugation, le contenu de la seringue est séparé en trois phases :
• le surnageant : huileux, il est fait de triglycérides issus des adipocytes abîmés et constitue la partie la moins dense. Cette partie est éliminée par tamponnement ;
• la partie basse de la seringue contient essentiellement les produits sanguins et les débris hématiques ainsi que le reste du produit d’infiltration. Cette partie est également éliminée ;
• la partie intermédiaire : c’est dans cette partie que l’on trouve le TA sain avec son ultrastructure tridimensionnelle.
Transfert de tissu adipeux (réinjection)
Le but est de déposer de petites quantités à chaque passage de canule. Pour cela, il est nécessaire de réaliser un treillis tridimensionnel dans le tissu à greffer. Ce geste doit se faire délicatement et sans aucune pression exercée sur les seringues. Les canules de réinjection sont de 17–18 G, avec des formes et longueurs variables.
Particularités de la greffe de tissu adipeux en chirurgie mammaire
La particularité de la greffe de TA au niveau du sein réside dans le fait que, hormis les cas de reconstruction de défects localisés après tumorectomie, il est souvent nécessaire d’apporter de grandes quantités de TA. Cet impératif demande une réadaptation de la technique princeps décrite par Coleman tout en respectant les principes généraux. De ce fait, de nombreux chirurgiens ont modifié la technique pour pouvoir prélever et réinjecter de grandes quantités de TA en raccourcissant la durée opératoire. Dans ces cas, nous utilisons une canule d’aspiration de diamètre 3 ou 4 connectée à l’appareil de lipoaspiration réglé à − 350 mmHg, car nous avons montré dans une étude réalisée dans notre laboratoire qu’à faible pression négative, le nombre de cellules progénitrices est plus élevé.
À proximité de la canule d’aspiration, un réservoir sous vide sert de récipient de recueil pour le TA. Celui-ci est ensuite transféré dans des seringues de 10 ml pour être centrifugé. La réinjection se fait directement avec les seringues de 10 ml en utilisant des canules à usage unique à longueur plus élevée, adaptée à la chirurgie mammaire (figure 15.2).
Innovations dans la technique de greffe de tissu adipeux appliquées au sein
Dans le but d’améliorer les résultats obtenus par cette technique et de simplifier la procédure chirurgicale, de nombreux travaux sont réalisés concernant chaque étape de la technique. La recherche de techniques innovantes concerne donc soit le prélèvement, soit la préparation et la purification, soit la réinjection.
De nombreux travaux sont concentrés sur l’étape de la purification, car cela permettrait de gagner du temps et éviterait des séries successives de centrifugation. L’idée est de purifier tout en prélevant soit par un filtre, soit par un piège à TA nettoyant (LipiVage® [2], AquaVage®).