Item 148 Tumeur du côlon et du rectum
ITEM 140 Diagnostic des cancers : signes d’appel et investigations paracliniques ; stadification ; pronostic.
Sujets tombés au concours de l’Internat et aux ECN : 1995, 2005, 2007
• 1995, zone Sud : Un sujet de 58 ans, sans antécédents pathologiques connus, se voit proposer par son médecin traitant un test Hémocult dans le cadre d’une campagne de dépistage. Deux des 3 échantillons sont positifs. Le sujet n’a aucun antécédent familial de cancer recto-colique et l’interrogatoire par le médecin traitant ne découvre ni rectorragies ni méléna. Le sujet va régulièrement à la selle et ne se plaint d’aucune douleur abdominale. Il a été opéré à 20 ans d’une appendicite aiguë. Une NFS est demandée ; elle est normale. Le médecin demande un dosage de l’antigène carcino-embryonnaire (ACE) qui est à un taux de 2 ng/ml (normal < 5 ng/ml). L’examen clinique est négatif ainsi que le toucher rectal. Le sujet accepte d’avoir une coloscopie qui est menée jusqu’au bas-fond caecal et qui découvre un polype de 20 mm de diamètre situé au niveau du côlon sigmoïde, dont l’exérèse est faite au cours de cet examen. L’examen anatomopathologique du polype révèle qu’il comporte un contingent ayant subi une transformation cancéreuse. Il est cependant conclu que l’exérèse a été complète et qu’il n’est pas nécessaire d’opérer le malade pour faire une colectomie segmentaire.
1) Discuter brièvement les qualités de l’Hémocult utilisé comme test de dépistage d’une affection maligne recto-colique.
2) L’image du polype comporte une extrémité renflée et un pédicule qui le rattache à la paroi colique. Le pédicule comporte plusieurs couches de tissu colique. À partir de quel degré d’envahissement de la tranche de section du pédicule, une colectomie segmentaire est-elle justifiée ?
3) Ce polype comportait une zone cancéreuse, quelle était forcément la nature du polype qui s’est transformé ?
4) Expliquez brièvement pourquoi l’ACE a été trouvé négatif alors que ce sujet avait un polype cancéreux.
• 2005 : Un homme âgé de 62 ans, sans antécédent personnel ou familial particulier, se présente aux urgences de l’hôpital pour douleurs abdominales. Ces douleurs évoluent depuis 5 jours. Elles sont continues, en cadre. Il existe un arrêt des gaz depuis 24 h, la dernière selle date de 3 jours. On note un amaigrissement de 3 kg en un mois. Il n’y a pas de vomissement. À l’examen clinique, la température est à 37 °C, le pouls à 120/min, la tension artérielle à 10/7. Il existe un météorisme abdominal généralisé. La palpation abdominale met en évidence une légère sensibilité de la fosse iliaque droite. Il n’est pas palpé de masse abdominale. Le toucher rectal est indolore. L’ampoule rectale est vide. Les résultats des examens biologiques sont les suivants : hémoglobine : 12,5 g/dl, globules blancs : 7,5.109/l, plaquettes : 250.109/l, taux de prothrombine : 95 %, TCA : malade : 31 sec/témoin 33 sec, sodium : 137 mmol/l, potassium : 4,2 mmol/l, chlorures : 102 mmol/l, CO2 total : 26 mmol/l, bicarbonates : 21 mmol/l, protéines : 60 g/l, urée : 6,8 mmol/l, créatinine : 110 μmol/l, ALAT/ASAT : 45/35 UI/l (N < 45), phosphatases alcalines : 75 UI/l (N < 120), γ-GT : 30 UI/l (N < 32). Vous disposez d’une radiographie de l’abdomen sans préparation.
1) Comment définissez-vous le syndrome que présente ce patient ? Quels sont les arguments cliniques et radiologiques qui permettent de le justifier ?
2) Un autre examen radiologique est réalisé. Comment s’appelle-t-il ? Donnez en votre interprétation.
5) Quelle intervention chirurgicale demandez-vous et dans quel délai ? Justifiez. Quelle alternative aurait pu être discutée ?
• 2007 : Une femme de 58 ans consulte pour une asthénie et une dyspnée d’effort apparues depuis plusieurs mois. Mariée, mère de 2 enfants âgés de 28 et 38 ans, elle est boulangère. Elle est ménopausée depuis l’âge de 50 ans. Elle pèse 76 kg et mesure 1,60 m (poids stable). Elle est tabagique à 40 paquets-année et se plaint d’une toux matinale depuis 3 ans. L’examen cardiovasculaire est normal. L’examen pulmonaire trouve une discrète diminution du murmure vésiculaire et quelques râles sous-crépitants des bases. L’examen de l’abdomen est normal. Les touchers pelviens sont normaux. L’échographie cardiaque ne met en évidence aucune anomalie. La radiographie thoracique est sans anomalie notable. Le ionogramme sanguin, les explorations biologiques hépatiques sont normaux. L’hémogramme trouve 8 000 globules blancs/mm3 avec 73 % de polynucléaires neutrophiles, 20 % de lymphocytes, 5 % de monocytes, 2 % d’éosinophiles et 170 000 plaquettes/mm3. L’hémoglobine est à 9 g/dl, le VGM à 72 μ3, les réticulocytes à 70 000/mm3. La CRP est à 5 mg/l.
3) Devant ce type d’anémie, quels sont les signes ou symptômes que vous recherchez à l’interrogatoire à visée étiologique ?
4) On s’est orienté vers une origine digestive et on veut réaliser des investigations complémentaires. Expliquez le but et le déroulement de ces examens. Quelles sont les informations à donner et les précautions à prendre avant leur réalisation ?
5) Il a été retrouvé une masse unique bourgeonnante friable, saignant au contact du fibroscope, à 2 cm en amont du bas-fond cæcal. La biopsie de cette masse est en faveur d’un cancer. Quelle est la forme histologique la plus fréquemment retrouvée ?
• Thésaurus national de cancérologie digestive de la FFCD, 2007. http : //www.snfge.asso.fr/01-bibliotheque/0g-thesaurus-cancerologie/publication5/sommaire-thesaurus.asp#1218
• Coloscopie virtuelle. Avis sur les actes, HAS, janvier 2010. http : //www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-02/avis_coloscopie_virtuelle.pdf
• Synthèse méthodique (SOR) : Intérêt de la chimiothérapie périopératoire dans la prise en charge des patients atteints d’un adénocarcinome du rectum résécable d’emblée, décembre 2007. http : //www.snfge.org/01-Bibliotheque/0D-Pratiques-cliniques/Reco_hors_HAS/SOR-chimio-rectum.pdf
• Avastin (bevacizumab), anticorps monoclonal qui se lie au VEGF. HAS, 2009. http : //www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2009-08/synthese_davis_avastin_-_ ct-6250.pdf
• ALD n° 30 – Cancer colo-rectal. HAS, février 2008. http : //www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/guide_colon_version_web.pdf
• Colectomies par cœlioscopie ou par laparotomie avec préparation par cœlioscopie. HAS, avril 2007. http : //www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/synthese_colectomies_par_coelioscopie.pdf
• Pose, ablation ou changement d’une endoprothèse du côlon, par coloscopie. HAS, février 2006. http : //www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/synthese_endoprothese_colon.pdf
• Cœlioscopie en chirurgie du cancer colo rectal. HAS, mars 2005. http : //www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Coelio_cancer_colo_rectal_synth.pdf
• Choix des thérapeutiques du cancer du rectum. AFC/HAS, novembre 2005. http : //www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Cancer_rectum_fiche.pdf
Le côlon est en amont de la jonction recto-sigmoïdienne, située à plus de 15 cm de la marge anale en rectoscopie et au-dessus du corps de la 3e vertèbre sacrée (de profil au-dessus du promontoire).
On dénombre quatre grands types de tumeurs colorectales malignes : les adénocarcinomes, les tumeurs endocrines, les lymphomes et les tumeurs mésenchymateuses.
Un polype colorectal désigne une tumeur de petite dimension faisant saillie dans la lumière du côlon ou du rectum sans préjuger de sa nature histologique.
Le traitement du cancer du côlon repose sur la chirurgie parfois associée à de la chimiothérapie adjuvante.
Le cancer du rectum expose non seulement à une diffusion métastatique (hépatique et pulmonaire), mais aussi à des récidives locales très pénibles et généralement non résécables.
I Épidémiologie ITEM 138
C’est le plus fréquent des cancers digestifs, le 3e cancer le plus fréquent après le cancer du sein et de la prostate : 11 % des cancers incidents, 2e chez la femme et 3e chez l’homme.
Le cancer colorectal est responsable de près de 17 000 décès par an en France, 2e rang des décès par cancer (11 %). Les taux de mortalité standardisés sont 15/100 000 chez l’homme et 9/100 000 chez la femme.
II Anatomopathologie
A Polypes
On peut distinguer quatre types de polypes.
1 Polypes hyperplasiques
Ils se présentent comme un simple allongement des cryptes glandulaires dont le contour luminal prend un aspect festonné.
La prévalence des polypes hyperplasiques sporadiques augmente avec l’âge ; elle est de l’ordre de 20 % à 30 % à 50 ans
4 Polypes adénomateux
L’incidence des polypes adénomateux augmente avec l’âge : près de 20 % des individus de plus de 70 ans sont porteurs d’adénomes coliques.
Les adénomes sont des lésions précancéreuses : le risque de transformation augmente avec la taille du polype.
B Carcinomes
Ce sont des tumeurs malignes développées à partir des cellules épithéliales, essentiellement des cellules glandulaires réalisant des adénocarcinomes.
Macroscopiquement, ce sont souvent des tumeurs végétantes ou ulcéro-végétantes, nécrosées plus ou moins sténosantes. Parfois, ce sont des tumeurs infiltrantes pures sans extension endoluminale.
C Tumeurs endocrines
On distingue les tumeurs bien différenciées (bénigne ou de pronostic incertain), les carcinomes endocrines bien différenciés et les carcinomes endocrines peu différenciés.
D Lymphomes
On trouve également les lymphomes du manteau (anciennement lymphome lymphocytique) qui se présentent comme de multiples polypes sous-muqueux de la paroi colique. Les cellules lymphomateuses ont le phénotype immunologique suivant : CD20+CD5+cycline D1+(Bcl-1) avec fréquemment une translocation t(11,14).
III Physiopathologie ITEMS 138 et 139
Un élément fondamental de la carcinogenèse colique réside dans la séquence adénome-carcinome:
– un adénome peut se transformer en adénocarcinome selon la séquence : adénome → dysplasie légère → dysplasie modérée → dysplasie sévère → adénocarcinome ; on distingue actuellement les adénomes des bas grade (dysplasie légère ou modérée) des adémomes de haut grade (dysplasie sévère) ;
– un antécédent personnel ou familial d’adénome ou de cancer colorectal augmente le risque de développer un autre adénome ;
Un autre élément consiste en l’existence de syndromes génétiques prédisposants (< 10 % de l’ensemble des cancers colorectaux).
HNPCC (syndrome de Lynch), Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer :
– il s’agit d’une forme familiale héréditaire sans polypose de transmission autosomique dominante à forte pénétrance, responsable d’environ 1 à 5 % de l’ensemble des cancers colorectaux ;
– il survient plus tôt que les cancers sporadiques (40 ans), plus souvent dans le côlon droit et souvent associé à d’autres cancers (ovaires, endomètres, cancers urologiques) ;
– il s’explique par une instabilité microsatellitaire secondaire à une mutation sur plusieurs gènes impliqués dans la réparation de l’ADN ;
– le syndrome de Lynch est affirmé en présence de tous les critères d’Amsterdam II :
• au moins 3 sujets atteints de cancers du spectre HNPCC (côlon-rectum, endomètre, ovaire, grêle, uretère ou cavités excrétrices rénales) dont 1 uni aux 2 autres au premier degré,
– la recherche du phénotype d’instabilité microsatellitaire (MSI+) s’effectue :
• au moins 3 des 5 marqueurs microsatellites testés devront être positifs pour retenir le phénotype d’instabilité microsatellitaire,
• en complément, l’immunohistochimie à la recherche d’une extinction de l’une ou l’autre des protéines de la réparation (MMR) MSH2, MLH1, MSH6 permettra alors d’orienter la recherche de l’altération génétique causale vers l’un ou l’autre gène,
• en cas d’extinction de MLH1, la recherche de la mutation B-RAF V600E est recommandée. Si celle-ci est présente, il n’est pas nécessaire de réaliser un séquençage des gènes MMR,
Polypose adénomateuse familiale :
– dans les deux cas, il existe des manifestations extracoliques bénignes et malignes qui peuvent être responsables d’une morbidité importante (tumeur desmoïde et tumeur duodénale) ;
Syndrome de Peutz-Jeghers :
– responsable de polypes hamartomateux de l’intestin grêle et du côlon, et d’une lentiginose périorificielle ;
Polypose hyperplasique ou mixte : le risque de cancer colorectal tient aux contingents adénomateux des polypes hyperplasiques ou aux adénomes associés.
Il existe deux grandes voies de carcinogenèse colique :
– l’instabilité génétique : instabilité de microsatellites (phénotype MSI, microsatellite instability) :
• il résulte d’anomalies quantitatives ou qualitatives des enzymes impliquées dans la réparation de l’ADN (protéines MMR : DNA mismatch repair),
• les erreurs de réplication sont fréquentes au niveau des séquences microsatellites et sont donc mal réparées,
Extension du cancer colique :
– extension locale :
• l’extension se fait d’abord au niveau local en envahissant les différentes couches de la paroi colorectale de la muqueuse à la séreuse puis les organes de voisinage,