Item 146 Tumeurs intracrâniennes
ITEM 140Diagnostic du cancer : signes d’appel et investigations paracliniques ; stadification ; pronostic.
ITEM 141Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie. La décision thérapeutique multidisciplinaire et l’information du malade.
Sujets tombés aux concours de l’internat : 2001, 2002
• 2001, zone Sud : Un homme âgé de 35 ans se plaint depuis trois mois environ de céphalées rebelles, associées à une diplopie. L’interrogatoire retrouve également la notion d’une prise de poids depuis quelques mois et une diminution de la libido. L’acuité visuelle est 10/10e aux deux yeux sans correction. L’examen du champ visuel met en évidence une amputation temporale supérieure bilatérale associée à un élargissement des taches aveugles. L’examen du fond d’œil met en évidence un œdème papillaire bilatéral important. L’étude de l’oculomotricité révèle une parésie du nerf moteur oculaire externe droit (nerf abducens droit). La radiographie du crâne montre une selle turcique élargie dans le sens antéro-postérieur avec amincissement des parois.
2) Où siège la lésion des voies optiques expliquant les altérations temporales supérieures du champ visuel ?
4) Donnez les caractères de la diplopie provoquée par la parésie du nerf moteur oculaire externe droit (nerf abducens droit).
5) Quels sont, dans cette observation, les deux mécanismes possibles de la parésie du nerf moteur oculaire externe droit (nerf abducens droit) ?
• 2002, zone Nord : Une patiente de 25 ans consulte pour aménorrhée persistant 4 mois après l’arrêt de la contraception œstroprogestative ; celle-ci a été arrêtée pour désir de grossesse. Les premières règles ont eu lieu à 14 ans, les cycles ont ensuite toujours été irréguliers et la contraception a été prescrite à l’âge de 17 ans pour « régulariser les cycles ». On note dans les antécédents un petit goitre régulier, non évolutif, connu depuis l’adolescence, non traité, des céphalées non explorées, dites migraineuses, nécessitant la prise d’antalgiques une à deux fois par mois. Parfois, la patiente dit présenter des épisodes de nausées qu’elle traite elle-même par antiémétiques (2 à 3 prises par jour). À l’examen, poids de 52 kg pour une taille de 164 cm, stable depuis au moins 5 ans ; examen général sans particularité, si ce n’est le petit goitre ferme, pouls à 72/minute, pression artérielle 125/75 mm Hg, galactorrhée provoquée bilatérale. Devant cette suspicion d’hyperprolactinémie, un dosage hormonal est effectué et trouve une prolactine à 450 μg/l (normale < 27 μg/l chez la femme adulte).
1) Quels sont les arguments qui vous permettent de retenir le diagnostic d’adénome hypophysaire à prolactine comme le plus probable pour expliquer ce tableau clinique ?
2) Citez trois autres étiologies d’hyperprolactinémie que vous pouvez évoquer à partir des données de l’observation et que rend improbable le dosage de prolactine.
3) Pour évaluer la taille et le retentissement tumoral de cet adénome, vous demandez des examens complémentaires. Lesquels (choisir les examens les plus performants) ?
4) La patiente présente un macro-adénome invasif de 3 cm. Vous réalisez un bilan hormonal complémentaire concernant l’ensemble des sécrétions anté-hypophysaires. Qu’en attendez-vous ?
Les principales tumeurs intracrâniennes primitives sont rares et sont essentiellement : les gliomes, les méningiomes, les adénomes hypophysaires.
Les circonstances de découverte sont variables : hypertension intracrânienne, crise d’épilepsie, déficit neurologique ou à l’occasion d’un examen d’imagerie systématique.
Le diagnostic suspecté sur les données de l’imagerie est affirmé par l’examen histologique (biopsie ou exérèse).
Une tumeur bénigne peut être responsable d’un effet de masse sur les structures de voisinage aboutissant à des déficits majeurs et au décès du patient.
Le décès résulte presque toujours de l’évolution locale de la tumeur (infiltration et effet de masse).
Les gliomes sont des tumeurs de mauvais pronostic car la résection chirurgicale complète est rarement réalisable.
I Épidemiologie item 141
L’incidence des tumeurs intracrâniennes primitives de l’adulte est d’environ 10/100 000 habitants par an.
Les tumeurs cérébrales malignes représentent 1 à 2 % de l’ensemble des cancers, jusqu’à 20 % chez l’enfant.
L’incidence des gliomes malins est de 5/100 000 habitants, le pic d’incidence est compris entre 50 et 60 ans.
Environ 40 % des tumeurs primitives intracrâniennes sont des méningiomes, 30 % des gliomes et 10 % des adénomes hypophysaires. Deux tiers sont bénignes.
Les métastases cérébrales de cancers systémiques ont une incidence variable selon les études (3 à 8/100 000 habitants/an) ; l’incidence augmente avec l’âge.
Les métastases cérébrales sont les plus souvent issues de cancer du poumon, du sein, du rein et des mélanomes.
II Anatomopathologie item 138
La classification anatomopathologique des tumeurs intracrâniennes primitives de l’OMS retient :
Les glioblastomes sont les formes les plus agressives des astrocytomes :
– ce sont des tumeurs astrocytaires malignes rapidement mortelles. Certaines découlent de la transformation maligne d’un astrocytome prééxistant (glioblastome secondaire dans 5 % des cas, d’autres sont primitifs (glioblastome de novo dans 95 % des cas) ;
– ces tumeurs n’ont pas de capsule. Le centre de la tumeur est le siège de remaniements hémorragiques et nécrotiques. Des vaisseaux dilatés, parfois thrombosés, sont souvent visibles en périphérie. C’est une tumeur hautement angiogénique ;
– au niveau moléculaire les gliomes de bas grade (de grade II) sont caractérisés par des mutations de P53 fréquentes et une surexpression de PDGF et du récepteur au PDGF, impliqués dans l’angiogenèse ;
– les glioblastomes de novo se caractérisent par une perte de la région distale du chromosome 10q, des mutations fréquentes de PTEN et une amplification du gène EGFR ;
L’oligodendrogliome :
– c’est une tumeur intraparenchymateuse habituellement bien limitée, avec souvent des zones de transformation mucoïde, des foyers de nécrose et de dégénérescence kystique, des plages hémorragiques et des calcifications ;
– il existe des oligodendriogliomes de bas grade (de grade 2) faiblement angiogéniques et les formes de haut grade (oligodendrogliome anaplasique ou de grade 3) beaucoup plus angiogéniques ;
Les médulloblastomes :
– leur siège électif est le vermis cérébelleux; cette tumeur a tendance à infiltrer les hémisphères cérébelleux et la cavité du 4e ventricule responsable d’hydrocéphalie non communicante ;
III Physiopathologie item 138
En fonction de son siège et de sa nature, une tumeur intracrânienne peut s’accompagner de complications (œdème et/ou hydrocéphalie) qui aggravent considérablement les effets de masse liés au volume propre de la tumeur.
Le volume nouveau additionnant ainsi la tumeur et ses complications, ne peut prendre place à l’intérieur de l’espace intracrânien qu’en refoulant les structures normales et en déséquilibrant les autres volumes.
Ces désordres des pressions intracrâniennes sont responsables des différents symptômes de l’hypertension intracrânienne.
Le mécanisme le plus important des hydrocéphalies tumorales est le blocage en un point des voies d’écoulement du liquide céphalo-rachidien, blocage par sténose extrinsèque ou par développement intracavitaire de la tumeur.
La topographie de la dilatation est liée au siège du blocage : hydrocéphalie biventriculaire par tumeur antérieure du 3e ventricule, hydrocéphalie triventriculaire d’une tumeur proche de l’aqueduc ou d’une tumeur comblant le 4e ventricule.
IV Diagnostic item 140
A Circonstances de découverte
Trois grandes circonstances prédominent.
1 Syndrome d’hypertension intracrânienne
Il est lié à la croissance du processus expansif intracrânien ou consécutif à un blocage des voies d’écoulement du LCR responsable d’une hydrocéphalie.
Le tableau clinique associe :
– des céphaléestypiquement nocturnes ou matinales, siégeant le plus souvent du côté de la tumeur ; frontales dans les localisations supratentorielles et occipitales dans les localisations de la fosse postérieure. C’est le signe le plus fréquent. Elle est aggravée par la toux, les changements de position, les efforts, la manœuvre de Vasalva ITEM 188 ;
– un œdème papillaire, à rechercher au fond d’œil ; avec parfois des signes visuels (baisse de l’acuité visuelle, diplopie par atteinte du VIe nerf crânien avec risque d’atrophie optique). Cette atteinte du VI n’a pas de valeur localisatrice
2 Crises comitialesITEMS 209, 230, 235
La comitialité est plus fréquente pour les tumeurs corticales et d’évolution lente (gliome de bas grade, méningiome).
3 Signes déficitaires focaux ITEMS 192, 301, 337
Le mode d’apparition du déficit est généralement plus ou moins rapidement progressif. Son type dépend de la localisation tumorale (tableau 146-I ).
Les troubles visuels ont souvent une valeur localisatrice ITEM 187 :
– une atteinte monoculaire traduira une atteinte directe de la rétine ou du nerf optique (méningiome ou gliome) ;
– une hémianopsie bitemporale traduit une atteinte chiasmatique révélatrice d’un adénome hypophysaire ou d’une métastase osseuse de la selle turcique ITEM 220 ;
Localisation | Symptômes |
---|---|
Frontale | |
Pariétale | Aphasie, apraxie, hémianesthésie, hémiastéréognosie, quadranopsie inférieure controlatérale |
Temporale | |
Occipitale | Troubles visuels ITEMS 187, 293, 304 |
Cervelet | Syndrome cérébelleux statique (vermis) ou cinétique (atteinte des hémisphères latéraux) |
Tronc cérébral | En fonction des paires crâniennes atteintes (troubles oculomoteurs, trouble de la déglutition, hypoesthésie) |
Base du crâne | En fonction des paires crâniennes atteintes (troubles oculomoteurs, trouble de la déglutition, hypoesthésie) |
Tout déficit neurologique progressif chez un sujet jeune doit être considéré comme d’origine tumorale.
En présence d’un tel syndrome neurologique d’évolution progressive, il faut :
réaliser une imagerie cérébrale par IRM ou scanner (si IRM) non disponible sans et avec injection de produit de contraste ;
éliminer les diagnostics différentiels (thrombophlébite cérébrale, méningite chronique, hématome sous-dural chronique…) ;
B Diagnostic radiologique
Scanner cérébral sans et avec injection de produit de contraste : c’est l’examen le plus facilement disponible. Il est souvent réalisé dans les situations urgentes (crises comitiales).
IRM cérébrale sans et avec injection de gadolinium avec pondération T1-T2 et séquence Flair : c’est l’examen le plus sensible mais il est moins disponible que le scanner. Il faut dans la mesure du possible privilégier l’IRM cérébrale. On peut ajouter si disponible l’IRM fonctionnelle (IRM de perfusion et de diffusion pour mieux caractériser les tumeurs). Il doit comporter au minimum des coupes sagittales en T1 et/ou axiales et coronales, des coupes axiales en T2 et en FLAIR et trois plans de coupe en T1 après injection de produit de contraste.
C Diagnostic différentiel
Il dépend du contexte (âge, comorbidité, rapidité de la maladie), de l’examen clinique (fièvre, signes infectieux) et des données de l’imagerie.
Les différents diagnostics différentiels à envisager sont :
– un abcès cérébral, notamment devant une prise de contraste en anneau, fine et régulière ; le contexte infectieux (fièvre, endocardite, foyer ORL, dentaire, pulmonaire, urinaire) sont en faveur de ce diagnostic ;