Cas 14. Une Dysmorphie Crânio-Faciale
Isolée ou syndromique ?
PREMIÈRE CONSULTATION
ÂGE ET MOTIF DE LA CONSULTATION
HISTOIRE PÉRINATALE
Les parents sont bien portants, non apparentés, sans antécédents familiaux particuliers. La mère est primipare, deuxième geste (oeuf clair à la première grossesse). L’enfant est né à terme, après une grossesse marquée par une MAP peu inquiétante à 6 mois, ayant commencé par un épisode de douleur en barre épigastrique permanente pendant 2 heures. Cet épisode entraîne une hospitalisation de 3 jours ; l’échographie foetoplacentaire est considérée comme normale. Sa mère signale qu’elle sent peu de mouvements actifs. L’accouchement est déclenché à 41 SA: prostaglandines ; analgésie péridurale ; rupture artificielle des membranes ; dilatation lente, LA teinté secondairement ; RCF normal. Après 1 heure de phase expulsive inefficace, l’extraction est faite par forceps ; la manoeuvre est difficile. Les scores d’Apgar sont de 10 à 1 et 5 minutes. L’enfant est mis au sein à H3.
Au cours des 3 premiers jours, l’enfant a une succion vigoureuse, mais la montée laiteuse est retardée. Elle ne reçoit pas de suppléments et pleure de plus en plus ; elle perd 100g par 24h, soit 10 % du poids du corps en 3 jours, raison qui empêche sa sortie à J4. Elle est alors admise au Centre néonatal. Les constatations cliniques ne sont pas alarmantes ; l’examen clinique est normal (on signale cependant, sans le décrire, un aspect dysmorphique de la région fronto-orbitaire). Les prélèvements bactériologiques sont négatifs. La CRP est inférieure à 10mg/l. En raison d’une hypernatrémie à 155mmol/l, l’enfant est perfusée durant 36 heures, puis alimentée par voie orale. Dans les jours qui suivent, elle fait un malaise avec pâleur, bradycardie et fixité du regard. On fait un EEG qui est normal. Une fibroscopie oesogastroduodénale est normale ; l’enfant est traitée pour un RGO et rendue à sa famille après un séjour de 10 jours, durant lequel elle aura presque repris son PN. Au retour à la maison, sa mère constate que le comportement de sa fille n’est plus le même: elle est moins active, la succion n’est plus aussi vigoureuse. Les parents sont inquiets ; le pédiatre temporise pour ne pas augmenter leur inquiétude. La situation ne s’améliorant pas, quelques investigations sont faites au cours du quatrième mois: ETF, écho cardiaque et examen ophtalmologique sont normaux. Une kinésithérapeute-ostéopathe voit l’enfant et propose aux parents de demander un autre avis.
ÉTAPES DU DÉVELOPPEMENT JUSQU’À 4 MOIS ½
ORIENTATION ET AIDES REÇUES À CE JOUR
L’enfant a été confiée à un kinésithérapeute-ostéopathe vers l’âge de 3 mois ½ pour travail sur la morphologie crânienne.
EXAMEN NEUROLOGIQUE À 4 MOIS ½
Poids (5 600g) et taille (59,5cm) sont sur le 2e percentile ; le PC (43cm) est sur le 75e percentile. C’est donc une macrocéphalie relative par rapport aux autres paramètres.
À l’examen crânien, la dysmorphie crânienne frappe d’emblée: brachycéphalie majeure, petit visage et évasement latéral du crâne donnant un aspect triangulaire vu de face, très aplati vu de profil, déformation déjà présente à la naissance pensent les parents, mais à un degré moindre ; fontanelle antérieure: large, non tendue ; sutures crâniennes normales: ni disjointes ni chevauchantes ; le système veineux superficiel du scalp est trop visible au repos, avec majoration au cri ; la morphologie faciale, en particulier l’obliquité des fentes palpébrales en haut et en dehors, déjà remarquée à J 4 au Centre néonatal paraît liée à la dysmorphie crânienne. La courbe de PC montre un changement de couloir progressif: autour du 50e percentile jusqu’à l’âge de 2 mois, puis sur le 75e percentile à partir de 4 mois ½ (et encore à 1an).
À l’examen neurologique, un signe est frappant d’emblée, le signe du coucher de soleil, majeur (seule la moitié de la pupille est visible), permanent et selon les parents, présent depuis la naissance ou apparu dans les semaines qui ont suivi. Le contrôle de la tête n’est pas acquis ; la réponse active est cependant à peu près identique vers l’avant et vers l’arrière dans la manoeuvre du tiré-assis. L’enfant vocalise en réponse. Elle donne une impression de « mal-être » permanent avec hyperexcitabilité et sursauts. L’examen du tonus passif de l’axe corporel montre un déséquilibre modéré avec extension dorsale un peu excessive. Le tonus passif des MS est relâché. Les mains, et plus particulièrement les pouces, sont inactifs. Le relâchement des MI n’est pas encore amorcé. Il y a un doute sur la réalité de fibrillations de la langue, peu marquées mais périphériques, et au repos. Enfin, la motricité spontanée est désordonnée, dysharmonieuse, peu variée.
COMMENT CONCLURE CETTE PREMIÈRE CONSULTATION ?
OPINION PERSONNELLE DU LECTEUR SUR QUATRE QUESTIONS
RÉPONSES PROPOSÉES
Éléments essentiels
– Dysmorphie crânienne sans signe d’hypertension intracrânienne (fontanelle non tendue, sutures non disjointes).
– Changement de couloir de la courbe du PC qui passe du 50e au 75e percentile entre 2 et 4 mois, alors que la croissance staturopondérale est lente (2e perc.).
– Signe du coucher de soleil permanent, apparu autour de la naissance.
– Dilatation permanente du réseau veineux crânien superficiel.
– Hyperexcitabilité permanente.
– Absence de contrôle de la tête à 4 mois ½.
Interprétation proposée à la famille
Les préoccupations dans le domaine neurologique sont justifiées. Les deux explications suggérées par la famille ne paraissent pas plausibles.
– Une cause intra-partum hypoxique-ischémique paraît exclue: les difficultés de la phase expulsive n’ont pas été majeures. Il n’y a pas eu de dépression postnatale.
– Une cause postnatale liée à l’hypernatrémie est peu probable: la perte de poids n’a pas excédé 10 % du PN ; il n’y avait pas de signes de déshydratation.
– Une cause prénatale est la plus probable en raison de la dysmorphie craniofaciale. Des investigations à la recherche d’une malformation sont donc indispensables, le plus rapidement possible. Ce sont les consultants qui détermineront les investigations à entreprendre.
Prise en charge indiquée
Il est indiqué pour l’instant de ne rien changer à la prise en charge par le kinésithérapeute, avec deux séances par semaine, dans le but d’améliorer le contrôle axial.
Investigations demandées
– Consultation de génétique.
– IRM cérébrale.
– Une hospitalisation de jour est programmée pour compléter les recherches génétiques et faire un EEG.
SUIVI ET RÉSOLUTION DE PROBLÈME
RÉSULTATS DES INVESTIGATIONS
Examen morphologique