Y. Robert, Ph. Bourgeot, M. Brasseur-Daudruy, D. Eurin, P. Vaast and B. Guérin Les anomalies de l’appareil urinaire sont parmi les malformations fœtales le plus souvent rencontrées, puisque leur fréquence est de 3,1/1000 naissances entre 2003 et 2007 selon le registre européen des malformations congénitales EUROCAT. Elles représentent 20 % des anomalies dépistées pendant la grossesse. Elles peuvent être isolées ou constituer un des éléments d’un syndrome polymalformatif. Leur pronostic est lié aux éventuelles anomalies associées et au retentissement sur le parenchyme rénal. Elles sont souvent facilement individualisées au cours de l’examen échographique systématique du 2e ou du 3e trimestre. Seul le dépistage des anomalies vésicales, notamment les mégavessies, est envisageable dès l’échographie du 1er trimestre réalisée entre 12 et 14 semaines. Les anomalies accessibles à l’échographie sont de trois types : Le cordon néphrogène de part et d’autre de l’axe dorsal va former successivement trois appareils néphrotiques : en région cervicale, le pronéphros ; en région thoracique et lombaire haute, le mésonéphros ; en région lombaire, le métanéphros qui deviendra le rein. Le cordon néphrogène se segmente dans un sens cranio-caudal en néphrotomes (fig. 14.1). Le pronéphros apparaît à la 3e semaine. Il s’agit d’une structure éphémère, à l’origine de la partie initiale du canal de Wolff, disparaissant dès la 4e semaine et constituée de sept à dix néphrotomes non fonctionnels. Le métanéphros (ou rein définitif) est induit dès la 5e semaine par les bourgeons urétéraux qui naissent à la partie distale du canal de Wolff. Le bourgeon urétéral pénètre le blastème métanéphrogène et commence à se ramifier par divisions dichotomiques (jusqu’au 12e ordre environ). À chaque ramification, il se forme une branche qui poursuit ses divisions et une terminale qui ne se divise plus, s’élargit en ampoule urétérale et induit le néphron. L’extrémité de la branche terminale induit la formation d’un manchon de tissu néphrogène qui se différencie en vésicule néphronique qui prend ensuite la forme d’un « S » dont une extrémité s’incurve pour former la capsule de Bowman, couvrant un réseau capillaire pour donner naissance au glomérule, et l’autre extrémité s’ouvre dans l’ampoule urétérale. Pendant cette période, le tube s’allonge et se différencie pour former les autres éléments du néphron : tube collecteur proximal, branches ascendantes et descendantes de l’anse de Henlé et tube contourné distal. Les premiers étages des divisions forment les grands puis les petits calices. Le métanéphros est fonctionnel dès 10 semaines et la néphrogenèse se poursuit jusqu’à 35 semaines. En l’absence de communications avec le canal de Wolff, les vésicules métanéphroniques borgnes forment des kystes. L’anatomie définitive du rein est acquise vers 10–15 semaines. La corticale externe contient les néphrons, la médullaire interne les canaux collecteurs et les anses de Henlé. Les petits calices drainent les tubes collecteurs au sein d’une pyramide (Malpighi). Les pyramides sont séparées par des zones de tissu cortical contenant des néphrons, les colonnes de Bertin. À la 5e semaine, le cloaque, séparé de la cavité amniotique par la membrane cloacale, est partiellement dédoublé, avec une cavité antérieure (à l’origine de la vessie et de l’urètre) reliée par le canal allantoïdien à l’orifice ombilical, recevant à sa partie postérieure l’abouchement du canal de Wolff, et une cavité postérieure qui donnera le rectum (fig. 14.2). Le septum urorectal (issu du mésoderme) divise le cloaque à partir du 28e jour en une partie dorsale (qui donnera le rectum avec le canal anal fermé en bas par la membrane anale) et une partie ventrale (qui donnera le sinus urogénital primitif fermé en bas par la membrane urogénitale qui involue à la 9e semaine mettant en communication les voies urinaires avec la cavité amniotique). L’allantoïde s’oblitère et forme l’ouraque reliant la vessie à l’ombilic. La mise en évidence d’une dilatation de la voie excrétrice urinaire est l’anomalie la plus souvent observée (75 % des anomalies de l’appareil urinaire). Elle peut concerner un des segments de la voie excrétrice : les cavités pyélocalicielles et/ou l’uretère dans la majorité des cas, très rarement un territoire caliciel isolé. En pratique, c’est la mise en évidence d’une dilatation pyélocalicielle qui attire l’attention (fig. 14.3). La dilatation pyélique (pyélectasie) est définie par la mesure du diamètre antéropostérieur du bassinet extrarénal, évalué sur une coupe transversale. La limite supérieure de la normale est égale au nombre de mois × 1 mm, ce qui correspond à 5 mm pour l’échographie du 2e trimestre et 7 mm pour l’échographie du 3e trimestre. Les calices sont plus ou moins visibles et leur dilatation est significative au-delà de 5 mm, surtout s’ils deviennent sphériques. Différents stades (tableau 14.1) peuvent être décrits en fonction de l’importance de la dilatation : certains auteurs considèrent qu’il s’agit d’une pyélectasie modérée pour un diamètre compris entre 4 et 10 mm et d’une hydronéphrose si le diamètre est supérieur à 10 mm. Pour la majorité des auteurs, c’est à partir de ce seuil qu’un bilan post-natal s’avère nécessaire, mais en raison de l’absence de correspondance entre l’importance de la dilatation anténatale et le devenir post-natal, une échographie rénale de contrôle est recommandée avant la sortie de maternité et à 1 mois. Tableau 14.1 Classification des hydronéphroses selon la Society for fetal urology La démarche diagnostique repose sur une analyse en trois étapes : cette dilatation pyélique permet le plus souvent d’identifier la possibilité d’une uropathie à l’origine de cette visibilité anormale du bassinet voire des calices (tableau 14.2), dont recherchera le caractère uni- ou bilatéral ; Tableau 14.2 Étiologies d’une dilatation pyélocalicielle la deuxième étape est de rechercher alors une dilatation sous-jacente de l’uretère (non visible normalement) : absente, il s’agit d’une hydronéphrose qui fait suspecter jusqu’à la preuve du contraire un syndrome de la jonction pyélo-urétale ; présente, on parle d’urétéro-hydronéphrose, qui doit conduire à rechercher une cause obstructive basse ; en cas d’urétéro-hydronéphrose, a fortiori si cette dilatation est bilatérale, la troisième étape est d’évaluer la morphologie vésicale, afin de rechercher une cause d’origine vésicale ou sous-vésicale. La détermination du sexe est alors un élément important des orientations étiologiques. Devant une dilatation isolée des cavités pyélocalicielles, on évoque la possibilité d’une anomalie de la jonction pyélo-urétérale pour expliquer l’hydronéphrose dont l’importance reflète le degré de la sténose. Celle-ci se traduit par une distension constante, plus ou moins progressive, de la cavité pyélique qui devient arrondie, globuleuse en particulier à son bord inférieur communiquant avec des calices de forme plus ou moins arrondie. La dilatation des cavités pyélocalicielles s’accompagne dans les formes importantes d’une augmentation du diamètre bipolaire rénal. Au maximum, l’hydronéphrose peut se traduire par une volumineuse image liquidienne intra-abdominale : l’existence de contours un peu polycycliques soulignés par une fine paroi plus ou moins échogène à sa partie latérale permet de la distinguer des autres images liquidiennes intra-abdominales. Dans certains cas, la communication entre les calices très dilatés « en boule » et le bassinet peut être difficile à visualiser, pouvant faire discuter une dysplasie multikystique. À l’inverse, dans les formes minimes, l’hypo-échogénicité normale des pyramides ne doit pas être confondue avec une dilatation calicielle (voir fig. 6.97). Une éventualité rare : la survenue d’une fuite d’urine et la formation d’un urinome sous la forme d’un croissant liquidien, hypo-échogène, parfois cloisonné, périrénal par rupture de la capsule rénale (fig. 14.6). Il n’aurait pas toujours de valeur péjorative, car il représente un mécanisme de protection du rein qui permet de diminuer la pression au sein des cavités pyélocalicielles. Mais ceci est actuellement sujet à controverse, le pronostic dépendant principalement du terme auquel survient cet urinome. En effet, un urinome de survenue précoce est le témoin d’une hyperpression sévère et doit conduire à une surveillance rapprochée afin de rechercher des lésions de dysplasie obstructive. En revanche, un urinome découvert au 3e trimestre témoigne d’une hyperpression tardive, donc à moindre risque de retentissement rénal. en faveur d’un reflux vésico-uretéral (voir aussi plus loin), on retient la variabilité des mesures du bassinet dans le temps ou l’existence d’une dilatation à bascule, la visualisation directe du reflux avec remplissage rétrograde des cavités rénales (notamment lors d’une miction) étant rarement faite en prénatal ; en cas d’hypotonie pyélique, la dilatation des bassinets est peu marquée (mesurant souvent moins de 10 mm en antéropostérieur), sans dilatation des tiges calicielles et n’évolue pas au cours de la grossesse mais doit être signalée car elle est considérée comme un signe d’appel mineur de trisomie 21 (voir chap. 16). En effet, la découverte d’une pyélectasie bilatérale en apparence isolée multiplie par 1,5, pour la plupart des auteurs, le risque de trisomie 21. L’examen doit être complet à la recherche d’autres signes mineurs, car ce risque prend toute sa valeur en cas d’anomalies associées (deux ou trois signes mineurs conduisant souvent à discuter la réalisation d’une amniocentèse) ; la dysplasie rénale multikystique (voir aussi plus loin) se distingue de l’hydronéphrose par son diagnostic plus précoce et par la présence de plusieurs images kystiques de taille variable, ne communiquant pas entre elles, sans cortex identifiable, alors que l’hydronéphrose se caractérise par la présence d’une communication entre les calices en boule et le bassinet avec cortex périphérique visible. Une hydronéphrose sévère précoce peut être responsable d’une dysplasie rénale obstructive avec formation de kystes, mais ceux-ci sont de petite taille et de topographie sous-corticale (voir fig. 14.5d). La dilatation de l’uretère se traduit par une structure tubulée à contenu anéchogène, rectiligne ou tortueuse pouvant présenter des variations de calibre en rapport avec le péristaltisme (fig. 14.7). Les étiologies de ces urétéro-hydronéphroses sont représentées par le méga-uretère primitif, le méga-uretère par reflux, la dilatation d’un uretère en amont d’une urétérocèle : le méga-uretère primitif ou idiopathique (fig. 14.8) : le méga-uretère primitif est lié à une hypoplasie de la musculature lisse de la partie terminale de l’uretère à la différence du méga-uretère secondaire qui est lié à une pathologie vésicale (valves, vessie neurologique). Il se traduit par une dilatation prédominant sur l’uretère alors que le pyélon est peu dilaté. En effet, un méga-uretère important est une protection pour son rein : la dilatation des cavités excrétrices du rein peut donc être modeste par rapport à la dilatation de l’uretère. Cette dilatation peut être limitée à l’uretère pelvien, qui apparaît un peu large et tortueux (grade 1). À un stade de plus, la dilatation peut intéresser l’ensemble de la voie excrétrice avec un retentissement débutant sur les cavités pyélocalicielles (grade 2). Au-delà, on observe une dilatation de l’ensemble de la voie excrétrice, avec un uretère fortement dilaté et tortueux (grade 3). Plus rarement, la dilatation peut être majeure et franchir la ligne médiane, occupant une partie plus ou moins importante de la cavité abdominale. Le caractère tubuleux et l’association à une dilatation des cavités pyélocalicielles permettent de rattacher ces images liquidiennes abdominales à une uropathie. Le pronostic est en règle bon, en l’absence de retentissement significatif sur la fonction rénale. La conduite à tenir est une simple surveillance anténatale puis post-natale afin de s’assurer dans un premier temps de l’absence d’aggravation puis de surveiller l’évolution ultérieure qui se fait volontiers vers l’amélioration spontanée. Dans les formes importantes, une évaluation du retentissement sur la fonction excrétrice est proposée (scintigraphie, uro-IRM fonctionnelle), car c’est principalement dans ces formes que l’on retrouve les indications chirurgicales (10 à 20 % des méga-uretères) ; l’urétérocèle (fig. 14.9 et 14.16b) : le diagnostic étiologique le plus accessible est celui d’urétérocèle que l’on rencontre assez souvent sur l’uretère du pyélon supérieur en cas de duplication mais aussi sur un uretère normalement implanté (orthotopique). Elle se traduit par une dilatation kystique de l’extrémité distale de l’uretère formant une « bulle » très caractéristique dans la lumière vésicale. Cette image kystique intravésicale peut varier de taille, se prolaber dans le col vésical du fait de son volume ou de sa situation basse, gênant alors les mictions et conduisant à une rétention vésicale pouvant retentir sur l’uretère controlatéral. La situation basse de l’extrémité distale de l’uretère peut faire évoquer la possibilité d’un abouchement ectopique : urétérocèle et abouchement ectopique sont associés dans la moitié des cas à une duplication de la voie excrétrice et doivent donc faire rechercher cette duplication (voir plus loin) ; le reflux vésico-urétéral (fig. 14.10) : bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une malformation obstructive de la jonction urétérovésicale, le reflux-vésico-urétéral se traduit, selon son importance, par une dilatation plus ou moins nette des cavités pyélocalicielles et/ou de l’uretère, et constitue soit un diagnostic différentiel, soit une anomalie associée. Ce sont surtout les reflux de grade élevé qui sont diagnostiqués en échographie prénatale avec une prédominance masculine. La variabilité dans le temps de la taille du bassinet, la visualisation de l’uretère ou la majoration de la dilatation au cours d’une miction sont en faveur du reflux. La visualisation directe du reflux avec remplissage rétrograde des cavités rénales (notamment lors d’une miction) est rarement faite en prénatal (essayer le Doppler couleur et la patience). Certains reflux de haut grade et bilatéraux peuvent s’accompagner d’une grande vessie. En effet, en cas de reflux bilatéral important, la miction s’accompagne d’une évacuation de la vessie en partie vers la cavité amniotique et, pour le reste, dans les voies excrétrices, avec, à l’arrêt de la miction, un remplissage rapide de la vessie par « vidange » des uretères ce qui conduit à sa dilatation progressive. L’aspect échographique est celui d’une vessie de grande taille à paroi fine, mais habituellement sans récessus urétral comme c’est le cas lors d’un obstacle sous-vésical. Au total, si le diagnostic de dilatation de la voie excrétrice est relativement aisé, il n’est pas toujours possible de caractériser précisément une uropathie (encadré 14.1). Les deux malformations de la voie excrétrice les plus fréquemment responsables d’une dilatation anténatale sont le syndrome de jonction et le reflux vésico-urétéral.
Pathologie de l’appareil génito-urinaire
Rappel embryologique
Embryologie des reins et des voies excrétrices supérieures
Embryologie de la vessie et de l’urètre
Anomalies des voies excrétrices urinaires
Grade
Morphologie
1
Dilatation pyélique sans dilatation calicielle
2
Dilatation pyélique avec petite dilatation calicielle
3
Dilatation pyélique avec dilatation calicielle modérée
4A
Dilatation pyélique avec dilatation calicielle importante et amincissement parenchymateux segmentaire
4B
Dilatation pyélique avec dilatation calicielle importante et amincissement parenchymateux global
Bilatérale
Unilatérale
Syndrome de jonction bilatéral
Reflux vésico-urétéral bilatéral
Méga-uretère congénital bilatéral
Valves de l’urètre postérieur
Atrésie urétrale
Urétérocèle obstructive
Syndrome mégavessie–microcôlon
Mégalo-urètre
Cloaque persistant
Syndrome de jonction unilatéral
Reflux vésico-urétéral unilatéral
Méga-uretère congénital unilatéral
Abouchement ectopique de
l’uretère
Urétérocèle
Duplication de la voie excrétrice avec urétérocèle
Obstacle à l’écoulement des urines
Anomalie de la jonction pyélo-urétérale (fig. 14.4 et 14.5)
Anomalie de la jonction urétérovésicale