14: Passage à l’acte – passage par l’acte

Chapitre 14 Passage à l’acte – passage par l’acte


Une des notions qui nous paraît importante à étudier pour sa valeur thérapeutique c’est la notion d’acte. Dans le chapitre 6 sur les impasses, nous avions déjà mis l’accent sur un certain nombre de paradoxes observés dont celui, particulièrement surprenant, de l’aggravation des comportements dans la vie courante dès le début de la prise en charge thérapeutique. La psychanalyse classique interprète cette aggravation de la symptomatologie comme un processus de rupture et de non-reconnaissance du transfert, une défense contre la remémoration. Globalement ce comportement de rupture entre acte et transfert est nommé passage à l’acte ou acting-out.



Passage à l’acte


Le sujet qui met en acte des conflits hors de la cure est moins accessible à la prise de conscience de leur caractère répétitif et peut, hors de tout contrôle et de toute interprétation du thérapeute, satisfaire jusqu’au bout, jusqu’à l’acte achevé ses pulsions refoulées.


S. Freud nous rappelle dans l’Abrégé (1938) : « Il n’est nullement souhaitable que le patient en dehors du transfert mette en acte (agieren) au lieu de se souvenir ; l’idéal pour notre but serait qu’il se comporte aussi normalement que possible en dehors du traitement et qu’il ne manifeste ses réactions anormales que dans le transfert. » Cette citation est d’importance car elle précise l’idéal thérapeutique attendu qui s’appuierait davantage sur la représentation, sur l’analyse du transfert, sur la prise de conscience du processus de répétition. C’est surtout la reconnaissance de l’appropriation par le sujet des processus de répétition. Cet ensemble de signes cliniques permet d’inscrire le patient dont l’organisation névrotique est patente dans un processus de symbolisation secondaire accessible avec l’aide du thérapeute. La vie fantasmatique et préconsciente qui est présente dans ce cas et le cadre thérapeutique à lui seul favorisent l’accès à la représentation des fantasmes inconscients. Dans les conjonctures cliniques que nous étudions dans cet ouvrage, c’est-à-dire les dépendances psychiques et plus particulièrement les pathologies anorexiques et hyperactives, nous sommes frappés par le rapport particulier qu’entretiennent les patients avec l’action.


En effet, l’action dans laquelle le patient est engagé perd sa dimension réflexive. En cela, on peut définir comme un acte hors du sujet (hors-sujet), un acte qui s’inscrit hors de la psyché du sujet. Il ne se rend pas présent à l’action qu’il accomplit. Autrement dit, selon D.W. Winnicott, il ne met pas l’action au présent du moi. La célèbre formule de J.-D. Vincent (1986) de « représentaction » n’est plus validée dans ce cas. Concrètement, l’enfant hyperactif aux prises avec une série de comportements jugés répréhensibles par l’environnement familial ou scolaire, ne parvient pas à s’approprier subjectivement les actes dont il est l’auteur. Il ne parvient pas non plus à organiser une causalité psychique à ces actes, si bien qu’il ne peut que se référer à ce qui lui est renvoyé de la conséquence de ses actes. Bien souvent cette conséquence se traduit par des remises en cause par l’entourage et des sanctions. Cet ensemble de réactions environnementales est souvent ressenti comme une injustice et peut souvent s’accompagner d’un sentiment de persécution. Il s’agit bien là d’un clivage corps/psyché au cours duquel l’acte est du côté du corps, hors de toute représentation, et du côté de ce que nous avons appelé le double externe non intériorisé.


Néanmoins, cet ensemble comportemental va déterminer une pseudo-identité issue de l’observation fournie par l’environnement. Il s’agit souvent d’une identité fortement persécutoire.



Cas clinique


Anthony : quand la conséquence se substitue à la cause


Par exemple, Anthony, 12 ans, qui décrit ainsi une situation conflictuelle avec une enseignante : « Je suis arrivé en classe et la prof de français m’a dit : tu ne rentres pas dans la classe, tu notes le sujet de l’exercice et tu vas le composer dans la pièce à côté. Et ensuite, elle a convoqué mes parents au collège. »


Dans ce cas, aucune causalité psychique n’a pu être établie par Anthony, ce qui rend l’attitude de l’enseignante totalement incompréhensible à ses yeux et le place en position d’enfant persécuté. Le même enfant dans une autre circonstance, mais qui celle-là le met en relation avec son père, sera en mesure de mieux préciser ce qu’il en est de ses comportements. À partir du terme « vaporeux » dans lequel son père inscrit ses comportements, il va être en mesure de reprendre à son compte une série d’attitudes plus constructives pour lui. Il peut ainsi se reconnaître dans une série d’actions qui se succèdent mais qu’il ne parvient pas à mener à bien les unes par rapport aux autres.


Dans ce deuxième exemple, même si l’identification narcissique à l’environnement reste prévalente, puisque c’est le père qui définit l’identité d’appoint de l’enfant, il lui est néanmoins possible de construire un ensemble processuel dans lequel il se reconnaît.


On mesure ici les dangers et les souffrances auxquels sont confrontés les sujets en carence de symbolisation primaire. Il leur est impossible de se sentir auteur des actes qu’ils produisent dans l’environnement, scolaire notamment. Lequel environnement, peu équipé à échoïser pour aider l’enfant à se rassembler et à s’approprier ses comportements, tendra à lui présenter un descriptif de lui-même parsemé de trous représentationnels. Dans ce cas de figure, le sujet confronté à un environnement non symbolisant demeure dépendant d’un double réel persécuteur externe non appropriable subjectivement.


Dans les deux exemples cités, la valeur messagère de la pulsion est de ce fait ignorée par le sujet et l’environnement, même si, dans le deuxième exemple, le sujet parvient à s’approprier un schéma globalisant de lui-même grâce à la formulation fournie par le père.

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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 14: Passage à l’acte – passage par l’acte

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