Chapitre 14 Observer une personne veut dire être attentif à elle, à son comportement et à la situation qu’elle vit. C’est un peu comme un arrêt sur image au cinéma, c’est-à-dire une fixation, une concentration de l’esprit sur un sujet afin d’en saisir les détails, d’en surveiller l’évolution. Elle consiste en un suivi objectif, sans jugement. C’est une opération moins simple qu’il n’y paraît qui met à contribution, non seulement notre capacité de concentration sur un sujet, mais aussi nos dispositions intellectuelles, affectives et organisationnelles. C’est sans doute pour cela que l’encyclopédiste Denis Diderot disait : « L’observation recueille les faits, la réflexion les combine et l’expérience vérifie le résultat. » • l’observation directe, c’est-à-dire de visu (Ex. : le professionnel observe la personne et analyse les réactions) ; • l’observation indirecte à l’aide d’outils élaborés (Ex. : les tests, les grilles, etc.) ; • l’auto-observation : le professionnel (par exemple) fait de l’introspection, analyse ses propres réactions lors d’une relation d’aide. L’observateur peut être présent mais essayer de se faire oublier, participer activement aux activités ou parfois se cacher (derrière une glace sans tain, par exemple) pour mieux observer les comportements naturels1. Comme pour tout type de soin, l’observation vise à : • comprendre la situation vécue par la personne ; • saisir les manifestations de la pathologie ; • déceler et reconnaître la souffrance de la personne afin d’arriver ensuite à planifier des interventions adaptées ; • faire un suivi de sa réaction ; • élaborer un plan d’intervention ; • exercer un suivi sur son application et sur l’évolution de la personne. • Première étape : on observe d’abord passivement la personne ou la situation. L’œil voit l’image, l’oreille perçoit les paroles, la voix. • Deuxième étape : on vérifie l’information reçue en se questionnant : – premier questionnement : qu’est-ce que je vois ? Qu’est-ce que je comprends ? – deuxième questionnement (reformulation) : ai-je bien vu ça ? Ai-je bien entendu ça ? • Troisième étape : on valide ce qui a été perçu par nos sens. Pour cela, il faut à nouveau observer et écouter afin que la vue et l’oreille nous confirment ce que nous pensons avoir compris. • Quatrième étape : on interprète, on analyse ce qui a été perçu (Ex. : cette personne est triste, anxieuse, insatisfaite). Voici les principaux éléments d’observation. • L’expression faciale : est-elle calme, paisible, inquiète, anxieuse, indifférente, dure, tendre, figée, souriante ? • Le regard : est-il fixe, attentif, distrait, absent, vide, gêné, angoissé, fatigué, triste ? • La gestuelle : est-elle coordonnée, anarchique, agitée, figée, tremblante, lente, active, involontaire, impulsive ? • La posture : est-elle tonique, affalée, somnolente, affaissée, recroquevillée (en chien de fusil)2 ? • La démarche : est-elle assurée, rapide, lente, hésitante ? • Le comportement : est-il calme, avenant, accueillant, docile, hautain, méprisant, agressif ? • L’humeur : est-elle positive, négative, gaie, triste, exaltée, changeante, anxieuse ? • La voix : est-elle forte, faible, tenue, monotone, éraillée, tremblante ? • La tenue vestimentaire : est-elle propre, soignée, recherchée, négligée, originale, excentrique ? • La coiffure : est-elle propre, soignée, ébouriffée, gominée, classique, apprêtée ? • Les troubles et les problèmes : concernent-ils l’alimentation (avec une tendance à la boulimie, à l’anorexie…) ? Le sommeil (avec une tendance à l’insomnie, aux cauchemars, au somnambulisme) ? L’addiction (avec le tabagisme, l’alcoolisme, l’usage de drogues, l’abus de jeux) ? • La capacité d’introspection : la personne a-t-elle conscience de son comportement, des effets de ses troubles sur sa santé, son comportement ? Son jugement est-il réaliste ? Est-il bon ? Pauvre ? Absent ? • La réaction à ses problèmes : la réaction de la personne est-elle : – négative : la personne se sent-elle impuissante ? En échec ? En colère ? Manifeste-t-elle un manque d’énergie ? De volonté ? (Ex : si la personne est déprimée, elle n’a ni la volonté, ni l’énergie pour faire face à ses problèmes, ce qui le décourage) ; – positive : la personne veut-elle réagir ? Manifeste-t-elle une énergie ? Une motivation ? Une détermination pour surmonter ses difficultés ? L’AMP doit se poser six questions essentielles à la relation d’aide. 1. Mon comportement est-il authentique, vrai ? C’est une façon d’être qui est perçue profondément par l’autre personne. Elle sent que son accompagnateur(trice) est digne de confiance, est fiable. 2. Suis-je capable de relations positives ? C’est une façon de savoir manifester de la chaleur humaine à autrui, de l’attention, du respect. 3. Ai-je assez de sécurité intérieure pour laisser la liberté à autrui ? C’est une façon de permettre à la personne aidée d’être elle-même confiante. À l’inverse, celui qui n’a pas sa propre sécurité intérieure cherche à « manger l’autre », à le rendre dépendant de soi, à vouloir qu’il se « coule dans le même moule » (cette attitude dans les relations de couple est très destructrice). 4. Puis-je faire preuve d’empathie ? C’est une façon de savoir s’introduire facilement dans le monde des sentiments, du ressenti de la personne aidée. Cela permet de mieux la comprendre. 5. Puis-je accepter l’autre tel qu’il est ? C’est une façon d’accueillir la personne sans la juger, sans avoir un regard intérieur désapprobateur. 6. Puis-je apporter une relation basée sur la confiance ? C’est une façon de créer immédiatement la sécurité dans les rapports humains en leur ôtant tout jugement de valeur. La personne aidée, mise en confiance, se sent « libérée ». Un des rôles principaux de l’AMP est de préserver l’autonomie de la personne. Les causes de la perte d’autonomie sont très diverses selon l’âge de la personne et les situations vécues par chacun. La vieillesse est souvent marquée par une diminution de l’autonomie motrice (figure 4.4). L’AMP veillera à stimuler l’autonomie résiduelle en favorisant la marche au moyen d’aide technique, telle que la canne (figure 4.5). Fig. 4.4 L’AMP doit repérer la diminution de l’autonomie motrice et veiller à stimuler l’autonomie restante de la personne par tous les moyens à sa disposition. Fig. 4.5 Les aides techniques sont diverses. L’AMP les propose à la personne en fonction de ses problèmes spécifiques. © Guylène Pinto
L’intervention professionnelle
A L’observation
2 Les techniques d’observation
3 Les différentes positions de l’observateur
4 Les objectifs de l’observation
6 Les étapes du processus d’observation d’une personne
7 L’observation détaillée des expressions et des attitudes d’une personne
B La relation d’aide
1 Les questions préalables
C Le développement et le maintien de l’autonomie
2 Les objectifs de l’aide
Restaurer l’autonomie perdue