Chapitre 14 La colposcopie du troisième millénaire
L’évolution dans le troisième millénaire va être influencée par quatre facteurs :
• les indications seront plus fréquentes : le dépistage de masse va finir par s’installer et le nombre de femmes dépistées va augmenter, amenant des colposcopies sur anomalies cytologiques plus nombreuses. Pour pallier les faux négatifs de la cytologie de dépistage, on va probablement évoluer vers le dépistage par la recherche de l’ADN des HPV oncogènes en association avec une cytologie de triage, ce qui risque d’amener des colposcopies sur simple persistance d’HPV oncogènes ;
• le nombre des gynécologues va diminuer ou, dans le meilleur des cas, va se maintenir au niveau actuel, mais l’évolution va vers la réduction du temps de travail. Il est donc indispensable que tous les gynécologues soient formés à la colposcopie. Il en est dans cette subspécialité comme dans beaucoup d’autres, par exemple l’échographie : il existe des échographies de routine et des échographies de deuxième niveau. La solution en colposcopie pourrait passer par la transmission d’images pour avis à un expert ;
• le poids du médico-légal va continuer à augmenter et il ne suffira plus de dire « j’ai fait une colposcopie », il faudra impérativement avoir un dossier avec iconographie pour pouvoir en discuter en cas de contestation ;
• l’information du patient est de plus en plus à l’ordre du jour. Quelle meilleure information que de leur montrer les lésions sur le moniteur vidéo ?
Le troisième millénaire est celui de l’explosion de l’informatique et des images numériques. Pour toutes les raisons que nous venons de voir, la colposcopie n’échappera pas à cet engouement. Cela suppose une évolution radicale des matériels : colposcope associé à un appareil photo numérique ou une caméra vidéo, couplé à un ordinateur pour permettre l’archivage des images.
Depuis 1988, sont apparus les premiers systèmes de traitement informatique des images : Pasquinucci et Contini [1] décrivent l’utilisation de l’informatique pour obtenir des images colposcopiques numérisées pouvant servir de document de stockage, mais aussi d’outils de recherche.
Évolution des matériels
Colposcopes
• soit de colposcopes couplés à un système vidéo permettant de réaliser la colposcopie en utilisant les oculaires du colposcope ou directement sur l’écran vidéo. La majorité des fabricants de colposcopes proposent avec leur matériel des options de photo ou vidéo ;
• soit de véritables vidéocolposcopes. Le matériel distribué par Welch-Allyn a été à notre connaissance le premier commercialisé. C’est une caméra vidéo permettant un grossissement de 4,5 à 25, couplée à un moniteur et à un ordinateur. L’image du col est analysée sur le moniteur. Il pèche par une résolution trop faible pour obtenir une image de qualité parfaite. Depuis de nombreux appareils sont apparus sur le marché. Nous en avons essayé plusieurs sans avoir à ce jour trouvé le modèle parfait.
Systèmes de stockage d’images
C’est l’ordinateur qui sera couplé aux matériels décrits précédemment. Denvu® a été le premier système global apparu dans le commerce mais il n’a pas d’importateur en France. Depuis de nombreux systèmes ont été proposés. Actuellement, le plus performant à notre connaissance est le Polartechnics® de Mediscan (figure 14.1) : il utilise une caméra Tri-CCD et permet des images de grande qualité. Il comporte un logiciel qui permet la gestion complète des dossiers de pathologie cervicale, depuis la prise de rendez-vous jusqu’à l’archivage des résultats de la colposcopie, des examens complémentaires (cytologie et anatomopathologie), des traitements, du suivi post-thérapeutique et bien entendu des images et des séquences vidéo. Mais il est possible de monter son propre système avec un budget réduit en branchant sur un colposcope une caméra vidéo reliée à un ordinateur de bureau ce que nous avions réalisé dès 1993 (figure 14.2). Nous utilisions le signal vidéo RVB qui donne une qualité d’image supérieure comparée à une acquisition à partir d’un signal composite en Y/C et une carte avec une résolution de 24-bits pour permettre l’affichage des images en 16 millions de couleurs. Hopman [2] conseille les mêmes choix de matériels. L’archivage des images était effectué à partir d’un logiciel d’archivage multimédia. Plusieurs auteurs avaient déjà tenté d’informatiser les données de la colposcopie, mais sans archivage des images.
Avantages de ces innovations technologiques
Les avantages de cette technologie sont évidents.
Roy [3] en 2002 a démontré la validité de cette expertise. Ferris [4] a utilisé cette technique pour transmettre des images colposcopiques venant de centres ruraux vers des experts. La qualité des images transmises permettait une évaluation correcte de la pathologie cervicovaginale, et une bonne corrélation avec l’histologie. Il concluait que la « télécolposcopie » permet de diminuer les limites de l’accès à des centres spécialisés pour les femmes vivant dans des zones rurales.
Pour l’enseignement : l’apprentissage de la colposcopie bénéficie également de ces techniques. Un élève en formation peut suivre la dynamique de l’examen colposcopique sur le moniteur vidéo. En France, de nombreuses collections d’images sont disponibles sur CD-Rom en particulier celles des principaux cours dispensés sous l’égide de la Société française de colposcopie et pathologie cervico–vaginale. Aux États-Unis, d’importantes collections peuvent être consultées en ligne sur le site Internet de la National Library of medicine [5].
Pour la patiente : enfin, il peut être intéressant de montrer aux patientes leurs lésions pour, par exemple, leur expliquer les modalités d’un traitement ce qui aurait en plus l’avantage d’augmenter la compliance au suivi selon Takacs (80 % versus 50 %) [6].
Inconvénients
Shafi dès 1995 [7] insistait sur les problèmes de sécurité des données qui doivent couvrir non seulement un accès illégal à des données confidentielles, mais aussi empêcher l’entrée de données « corrompues » dans le système.
Elle nécessite un investissement matériel relativement coûteux : ordinateur, caméra vidéo ou appareil photo numérique, éventuellement carte d’acquisition vidéo, logiciel d’archivage et logiciel de traitement d’image. Il faut des unités de stockage assez importantes, car une image de col numérisée occupe avec une résolution moyenne environ 500 Ko. Mais ce n’est plus un problème car les ordinateurs actuels et les disques durs externes ont des capacités de stockage considérablement augmentées.
Recherche en colposcopie
En 1990, Pasquinucci [8] et Crisp [9] décrivaient déjà de nombreuses opérations pouvant être effectuées sur ces images colposcopiques : réductions, agrandissements, retouches, analyses multiples… Depuis les publications sont très nombreuses. On peut les classer selon les critères étudiés.
Étude des dimensions des anomalies colposcopiques
Les premières publications portaient sur l’apport de l’agrandissement des images facilitant l’interprétation et améliorant la sensibilité de la colposcopie [10]. Mais surtout, permettant des mesures précises, alors il devenait possible d’apprécier de façon objective l’évolution des lésions.
• Évolution de la taille des lésions de 68 patientes ayant une dysplasie légère [11]. La taille moyenne des lésions était de 58 mm2, et 73 % des anomalies faisaient entre 8 et 200 mm2. Après 1 an d’observation :