14 Fractures subtrochantériennes : fixation par plaque
Vue d’ensemble épidémiologique, anatomique et biomécanique
Le traitement de ces fractures subtrochantériennes reste un défi à cause de la configuration anatomique particulière de cette zone : la corticale médiale du fémur doit supporter des charges énormes alors que la corticale latérale est soumise à de fortes contraintes en traction. Ces contraintes anatomiques et physiologiques sont la conséquence (1) de la répartition du poids du corps dans le fémur à travers la hanche et (2) de l’insertion des trois principaux groupes musculaires de cette région. Ces groupes musculaires sont représentés à la figure 14-1. Le puissant groupe des abducteurs représenté par les muscles moyen et petit fessiers s’insère sur le grand trochanter et représente la principale source des forces de traction, le muscle iliopsoas et le groupe des adducteurs s’insérant sur le petit trochanter (piriforme, obturateur externe, pectiné, long, grand et court adducteurs).
1. La proportion de patients obèses augmente constamment. Comme l’implantation de matériel intramédullaire est très menacée par une mauvaise réduction à foyer fermé, ou par une longueur trop limitée des systèmes de réduction, l’utilisation de plaques peut être une indication chez les patients obèses. Bien qu’il soit évident que les inconvénients biomécaniques des plaques soient encore plus manifestes chez les sujets obèses, la fixation par plaque peut rester la seule solution si la masse corporelle d’un sujet rend l’implantation d’un clou impossible.
2. Chez les patients présentant une fracture du grand trochanter très comminutive, et devant la croissance des populations âgées à très âgées présentant des fractures subtrochantériennes, l’implantation d’un clou peut être impossible. En effet, l’ancillaire porte-clou ou le clou lui-même pourraient détacher les fragments comminutifs du grand trochanter à un tel point que le résultat final ne permettrait ni une réduction acceptable, ni un appui total après chirurgie1.
Classification et stabilité
Lundy2 a décrit les fractures subtrochantériennes comme des lésions de l’extrémité supérieure du fémur s’étendant entre la fossette piriforme et l’isthme du fémur. Dans les publications anciennes, cette fracture était plus volontiers considérée comme survenant plus distalement, entre le petit trochanter et 5 cm en dessous de celui-ci3,4. L’AO a concentré la zone atteinte en une plus petite zone encore, entre le petit trochanter et 3 cm sous lui5.
D’un point de vue biomécanique, la corticale latérale est soumise à de fortes contraintes en traction alors que la corticale médiale doit supporter des charges énormes6. Pour cette raison, quand ils développent des stratégies thérapeutiques, les auteurs doivent prendre en compte le fait qu’une fixation interne doit avoir une force mécanique substantielle pour supporter les importantes contraintes exercées sur le fémur.
1. Quel est l’état de la corticale postéromédiale du fémur ? Une fracture comminutive ou sans contact cortical à ce niveau sera à considérer comme instable.
2. Quelle est la direction des traits fracturaires principaux ? En général, le trait fracturaire est orienté sur les radiographies de face du bord inférolatéral du grand trochanter vers le petit trochanter. Ces fractures sont considérées comme étant plus stables. À l’inverse, quand le trait principal est orienté d’un point latéral plus inférieur vers un point médial et croisant la corticale médiale (fracture oblique « inverse »), alors la fracture est considérée comme instable.
3. Combien de fragments principaux sont présents ? Plus il y a de fragments, plus la fracture est instable. La comminution est donc un facteur pronostique très défavorable au cours des fractures subtrochantériennes.
4. Quel est l’état de la corticale latérale ? Si la corticale latérale est en plusieurs fragments, elle ne pourra plus supporter les forces de tension, et l’utilisation d’une plaque est alors contre-indiquée.
Plusieurs classifications des fractures subtrochantériennes ont été proposées3,7. La plupart permettent de distinguer les types stables des types instables. Le meilleur moyen de regrouper et de classifier ces lésions est donc d’étudier le nombre de fragments osseux et l’orientation des traits de fracture.
Classification de l’AO
Avec son système de classification de l’AO, Mueller8 a proposé de désigner le fémur proximal par le chiffre 31, et la région trochantérienne extra-articulaire par A3. Dans cette nomenclature, 31A3.1 représente les fractures obliques inverses, celles qui sont considérées comme instables. L’appellation 31A3.2 représente les fractures subtrochantériennes avec un trait transverse visible sur les clichés de face. L’appellation 31A3.3 représente les fractures subtrochantériennes comminutives multifragmentées avec une séparation du petit trochanter (fig. 14-2).
Classification de Russell-Taylor
Dans la littérature internationale, la classification de Russell-Taylor est plus largement utilisée que celle de l’AO9. Ce système de classification est principalement fondé sur deux critères : stabilité et extension de la fracture. Les fractures de type I sont sans extension du trait de fracture dans le plan antéropostérieur jusque dans la fossette piriforme ; les autres représentent le type II. Dans les deux types, les fractures pour lesquelles le petit trochanter n’est pas atteint sont appelées A, alors que celles dont le petit trochanter est comminutif sont appelées B (fig. 14-3).