14. Corps et représentations dans la démarche éducative infirmière

n jeune homme, souffrant de manière chronique de problèmes cardiaques, a fait une crise cardiaque où il a risqué mourir. Je le trouvais sympathique, on avait une bonne relation et il m’a beaucoup parlé car il est resté hospitalisé trois mois. Il m’a surtout exclusivement raconté sa rupture récente d’avec sa compagne. Un jour, en souriant tristement, il m’a dit qu’il l’appelait « mon cœur ». Je n’ai pas pu m’empêcher de penser alors qu’il faisait un lien entre son cœur qu’il avait vraiment risqué de perdre à cause de la crise et sa copine qu’il avait perdue. Il n’a jamais pu accepter cette séparation et, malgré le régime alimentaire auquel il était soumis compte tenu de ses problèmes de santé, il s’est beaucoup alcoolisé durant les semaines qui ont suivi la séparation, il s’est mis à fumer trois paquets de cigarettes par jour et il est devenu insomniaque. Il s’est mis à fond dans le travail et le sport pour « ne plus y penser » disait-il. La crise cardiaque est survenue lors d’une partie de tennis avec un ami. Juste avant, il venait d’avoir un appel de son ex-copine pour savoir quand elle pourrait revenir récupérer le reste de ses affaires. Il m’a dit s’être senti déjà mal à ce moment-là, angoissé. Il a pensé que le tennis lui ferait du bien. Maintenant qu’il est sorti d’affaire, il me dit qu’il a très peur de ne plus pouvoir aimer qui que ce soit, de ne plus en avoir envie. Il pense qu’il ne pourra plus faire l’amour car il craint d’avoir une crise cardiaque durant l’acte. »






L’infirmier, dans sa manière de rapporter ainsi le contenu de plusieurs entretiens avec son patient, livre déjà son interprétation de l’accident : il a entendu que le patient superposait son problème cardiaque à la représentation du cœur comme siège de l’amour, en mettant en lien un amour perdu et la défaillance de l’organe. Bien entendu, le cœur était chez lui l’organe fragile, les facteurs de l’alcool, des cigarettes, du manque de sommeil entrent en compte dans le déclenchement de la crise. Mais, telle que la relation transférentielle s’est établie entre patient et soignant ici, le patient a pu confier le lien qu’il faisait entre la survenue de la crise et la rupture subie. Le choc de la rupture a pu effectivement ébranler la santé du jeune homme dans les fragilités qu’elle contenait déjà. Le patient semble penser, en outre, que l’impossibilité pour lui d’accepter la perte de son amie, de lui donner un sens, et donc de l’assimiler psychiquement, a pu provoquer la défaillance de l’organe « cœur » (il dit qu’elle était « son cœur », jusqu’où cette assertion va-t-elle ?).

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 9, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 14. Corps et représentations dans la démarche éducative infirmière

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access