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Chirurgie du genou ligamentaire
Anatomie fonctionnelle du genou
Les éléments osseux comprennent (figure 14.1) :
• les condyles fémoraux et la trochlée fémorale ;
• la patella. Elle s’articule avec la trochlée fémorale, transmettant ainsi les forces des muscles extenseurs au tibia. Toutes les surfaces articulaires sont recouvertes de cartilage hyalin.
L’appareil capsuloligamentaire est composé de :
• quatre ligaments principaux assurant la stabilité de l’articulation du genou :
– ligament croisé antérieur (LCA),
– ligament croisé postérieur (LCP),
– ligament latéral interne (LLI),
– ligament latéral externe (LLE).
• les points d’angle postéro-interne et externe (PAPI et PAPE). Structures périphériques complexes constituées des tendons, ligaments et renforts capsulaires postéro-internes et externes, ils sont importants pour la stabilité rotatoire du genou (tableau 14.1).
Grâce à son appareil ligamentaire, le genou peut être verrouillé en extension sans force musculaire.
Les ménisques interne et externe augmentent la congruence articulaire et ainsi la stabilité du genou.
Une méniscectomie suite à une déchirure méniscale signifie une diminution de la surface de contact articulaire et augmente le risque d’arthrose à long terme.
L’appareil capsuloligamentaire, ainsi que la forme des surfaces articulaires, déterminent le mouvement tridimensionnel du genou sous forme d’un roulement-glissement autour d’un centre de rotation mobile.
Mis à part les éléments de stabilité passive, les muscles extenseurs et fléchisseurs assurent la stabilité dynamique du genou et son mouvement dans l’espace.
Par leurs mécanorécepteurs, les ligaments croisés jouent un rôle important dans la proprioception du genou.
Épidémiologie
L’entorse avec atteinte méniscoligamentaire est la lésion la plus fréquente du genou avec une incidence de 4,7 pour 10 000 habitants par année. Elle survient le plus souvent lors des activités sportives à risque (encadré 14.1).
On discerne l’entorse simple, qui correspond à une lésion bénigne comme une distorsion ligamentaire, de l’entorse grave souvent marquée par une hémarthrose du genou qui nécessite toujours l’exclusion des pathologies listées dans le tableau 14.2.
Tableau 14.2
Diagnostic différentiel de l’hémarthrose traumatique
Pathologie | Fréquence (%) |
Rupture du LCA | 33 |
Lésions méniscales périphériques (zone vascularisée) | 20 |
Lésion ostéochondrale | 16 |
Luxation de la patella | 10 |
Rupture du LCP | 4 |
Luxation du genou ou lésion bicroisée | < 0,2 |
Le plus souvent il s’agit d’une rupture du LCA.
• Environ 200 000 reconstructions du LCA par an sont effectuées aux États-Unis.
• Les femmes sont 2 à 9 fois plus souvent concernées que les hommes.
L’association de différentes lésions est fréquente, par exemple :
La rupture du LCP est souvent négligée à cause de sa rareté mais aussi parce que chez les patients polytraumatisés, d’autres lésions vitales sont plus évidentes lors de l’examen initial et plus urgentes à traiter.
Environ 50 % des luxations du genou se réduisent spontanément lors de l’accident et seront alors sous-diagnostiquées aux urgences avec parfois des conséquences graves.
Anamnèse
rupture du LCA (figure 14.2) :
• trauma à basse énergie en flexion et rotation du genou,
→ notion de blocage du genou : lésion en anse de seau luxée du ménisque ;
• choc direct sur tibia proximal (figure 14.3),
Figure 14.3 Mécanisme lésionnel de la rupture du LCP.
Choc direct sur la tubérosité tibiale antérieure (TTA) : « lésion du tableau de bord ».
• traumatisme direct à haute énergie,
→ réduction spontanée fréquente. Penser aux lésions vasculaires !
• trauma en rotation, varus, valgus ou hyperextension forcée ;
• trauma en flexion, valgus et rotation externe du tibia,
• souvent réduction spontanée (« double craquement ») ou réduction sur place lors de l’extension du genou ;
Les antécédents (ATCD) traumatiques ou chirurgicaux du genou sont relevés systématiquement.
Manifestation clinique
Symptômes clés en phase aiguë de l’entorse du genou :
• craquement ou déboîtement du genou ressenti par le patient ;
• impotence fonctionnelle ou instabilité ;
• épanchement articulaire dans les 6–24 heures après l’accident ;
Symptômes clés en phase subaiguë :
• instabilité : lâchages du genou (giving way) ;
• blocages articulaires récidivants. Le blocage articulaire évoque des corps libres intra-articulaires, par exemple un fragment ostéochondral ou méniscal. On en différencie les pseudo-blocages douloureux par exemple en cas de chondropathies patellaires sans interposition d’un fragment libre.
Le terme instabilité exprime la sensation du patient que son genou « lâche » comme par exemple suite à une rupture du LCA. En revanche, la laxité ligamentaire est mesurée objectivement par l’examinateur, par exemple lors du test de Lachmann comparatif.
Examen clinique
L’examen clinique du genou doit être systématique et logique. Il est répété environ 3 jours après l’accident sur un genou plus calme et un patient détendu. Un premier examen du genou traumatique vise à localiser des lésions superficielles et les points douloureux. Les tests diagnostiques seront effectués après exclusion de fracture sur les radiographies en utilisant le genou sain comme référence. Il existe des vidéos didactiques de l’examen clinique systématique du genou (cf. Pour en savoir plus).
• des déformations (luxations, fractures) ;
• des lésions cutanées, hématomes, fractures ouvertes (figure 14.4) ;
• une perte de contour : épanchement intra-articulaire (figure 14.5) ;
Figure 14.5 L’hémarthrose est le signe principal d’une entorse grave du genou.
Notez la perte du relief physiologique du genou gauche, siège d’un épanchement (hémarthrose) du genou.
• un épanchement intra-articulaire : choc patellaire/signe du glaçon ;
• des douleurs sur l’interligne articulaire, aux insertions ligamentaires, le long de l’appareil extenseur ou sur l’os ;
• une interruption de l’appareil extenseur (déchirure tendineuse ou fracture de patella).
La mobilisation est souvent limitée par les douleurs dues au traumatisme et à l’épanchement, mais un flexum irréductible est toujours un signal d’alarme et doit être investigué rapidement.
Les tests ligamentaires sont les suivants :
Figure 14.6 Recherche d’une lésion du LCA à l’examen clinique.
A. Test de Lachmann. B. Laximétrie à l’aide du KT-1000.
– test de Lachmann, le plus spécifique pour une lésion du LCA,
– augmentation du tiroir antérieur à 90° de flexion du genou,
– pivot shift de McIntosh, souvent difficile à effectuer en phase aiguë,
– laximétrie (KT-1000) : mesure objective de la translation antérieure du tibia en utilisant une force de traction définie. Une laxité différentielle de 3–5 mm plaide pour une rupture partielle ou complète du LCA ;
• LLE : bâillement externe à 30° de flexion ;
• LLI : bâillement interne à 30° de flexion.
Le degré de la laxité des ligaments périphériques est classifié en trois stades selon l’importance du bâillement articulaire (tableau 14.3) ;
Tableau 14.3
Stades du degré de laxité des ligaments périphériques
Stade | Importance du bâillement articulaire (mm) |
I | 0–5 |
II | 6–10 |
III | > 10 |
– bâillement externe en extension,
– test de Houghston (recurvatum-rotation externe),
– décoaptation externe à la marche dans les lésions chroniques (Varus thrust) ;
→ En cas de lésion ligamentaire périphérique, une atteinte du pivot central doit toujours être exclue, en particulier en présence d’un bâillement en extension du genou.
Les tests méniscaux comportent :
• palpation des interlignes articulaires ;
• flexum irréductible : recherche d’une anse de seau luxée du ménisque.
Examens complémentaires
Les radiographies standards visent à exclure des fractures ou permettent d’objectiver une luxation. Les incidences comportent genou de face, de profil à 30° de flexion et patella axiale à 30° de flexion (figures 14.8 et 14.9).
Figure 14.9 Exemples de lésions fracturaires à rechercher sur les clichés radiologiques.
A. Fracture peu déplacée du plateau tibial. B. Fracture de Segond. Arrachement capsulo-ligamentaire antéro-externe (tête de flèche) pathognomonique de la rupture du LCA. C. Fracture transverse de la patella. D. Arrachement osseux de l’aileron patellaire médial (tête de flèche pleine) et fragment ostéochondral suite à une luxation de la patella (tête de flèche creuse).
Les radiographies comparatives de stress ne sont pas indiquées dans les cas aigus, mais elles sont utilisées pour le diagnostic des laxités chroniques ou en cas d’examen clinique douteux :
• varus ou valgus forcé : à la recherche d’une laxité du LLI et LLE ;
• en tiroir antérieur ou postérieur : à la recherche de lésion du LCA ou LCP (figure 14.10).
Figure 14.10 Radiographies comparatives de stress en tiroir postérieur : lésion du LCP (B).
La translation tibiale postérieure est mesurée entre le bord postérieur des condyles fémoraux et des plateaux tibiaux, genoux de profil fléchi à 90°, et comparée au côté sain (A). Une laxité différentielle au-delà de 10–12 mm, comme dans le cas présent, est signe d’une lésion périphérique associée.
L’IRM (figure 14.11) est utilisée en cas de doute lors de l’examen clinique et pour déceler des lésions associées en cas de rupture ligamentaire. En cas de fracture, la radiographie et le CT-scanner sont plus performants. Elle permet le diagnostic de :
Figure 14.11 IRM du genou.
A. LCA normal. B. Rupture du LCA. C. Rupture fémorale du LLI. D. Déchirure en anse de seau du ménisque interne luxée dans l’échancrure.