CHAPITRE 14 Biométrie et calcul d’implant
Le calcul d’implant après chirurgie réfractive reste un art difficile de par la multiplicité des techniques de chirurgie réfractive sur des yeux d’anatomies différentes et des réfractions traitées. La modélisation est donc hasardeuse et les différentes techniques de calcul proposées tendent à améliorer les résultats obtenus en moyenne, sur un échantillon donné, mais la dispersion des résultats reste souvent importante.
Principes du calcul d’implant
La généralisation de la phacoémulsification avec implantation dans le sac capsulaire réduit la variabilité de positionnement des implants, pour un même opérateur mais aussi entre différents opérateurs. Ce progrès technique incontestable s’accompagne d’une récupération visuelle rapide, dont le corollaire est une constatation tout aussi rapide des erreurs de calcul prédictif. S’agissant de patients opérés à visée réfractive, l’objectif de perfection dans le calcul d’implant doit s’appliquer à toutes les étapes de cette chirurgie.
Formules de calcul d’implant
HISTORIQUE
Les calculs optiques décrits par Gauss en 1841 servent toujours de base aux formules de calcul d’implants intraoculaires [12]. C’est Fyodorov qui, en 1967, a décrit la première application moderne de l’optique gaussienne au calcul des implants intraoculaires [7]. Ces calculs reposent sur des formules théoriques que plusieurs auteurs ont progressivement adaptées. La famille des formules théoriques utilise six variables : la puissance optique cornéenne totale (K), la longueur axiale (AL), la puissance optique d’un implant théorique sans épaisseur (IOLP), la position effective de cet implant (ELP), la réfraction désirée (R) et la distance du vertex du verre correcteur (V).
La base de ces formules théorique s’écrit1:
La relative complexité de mise en œuvre des formules théoriques a poussé Sanders, Retzlaff et Kraff à proposer, en 1980, une formule plus simple d’utilisation fondée sur l’analyse statistique de grandes séries de patients opérés [29].
Il s’agit d’une formule de régression linéaire, dénommée formule SRK, qui s’écrit:
avec comme variables la longueur axiale (L) et la kératomé-trie (K), la constante A résumant les caractéristiques de l’implant, notamment la position de l’implant par rapport à la cornée. Cette formule permet, avec seulement deux variables, de calculer rapidement la puissance d’un implant de constante A connue. Malheureusement, si les résultats réfractifs obtenus avec les formules de régression sont assez précis pour des valeurs moyennes de kérato-métrie et de longueur axiale, ils deviennent beaucoup moins précis pour les globes oculaires hors norme. Une première adaptation de la formule SRK a été proposée, par les mêmes auteurs, pour corriger les erreurs de calcul constatées pour les yeux myopes et hypermétropes : cela a donné naissance à la formule SRK II, qui modifie les résultats de la formule SRK en fonction de la longueur axiale [31].
La formule SRK II a fait référence pendant de très nombreuses années mais la constatation de résultats qui restent moins précis pour les yeux hors norme et la vulgarisation des équipements informatiques a permis un retour vers les formules théoriques et l’abandon progressif des formules de régression linéaire. Sanders, Retzlaff et Kraff sont eux-mêmes revenus aux formules théoriques en développant en 1990 la formule SRK/T qui, malgré une appellation trompeuse, est radicalement différente de la formule SRK II [30].
En 1981, Binkhorst a affiné la prédiction de la position de l’implant en corrélant la position effective de l’implant à la longueur axiale, ouvrant ainsi la voie à la deuxième génération de formules théoriques [2].
En 1988, Holladay a montré une amélioration des résultats par une corrélation de la position de l’implant avec, non seulement la longueur axiale, mais aussi la kératométrie, ce qui correspond à la troisième génération de formules théoriques [18].
En 1995, Olsen a publié une formule qui apprécie la position de l’implant pour un patient donné à partir de quatre variables : la longueur axiale, la kératométrie, la profondeur de chambre antérieure préopératoire et l’épaisseur du cristallin [28].
En 1996, Holladay a modifié sa formule dans le but d’améliorer les résultats pour les globes très courts : la formule de Holladay 2 intègre la profondeur de la chambre antérieure préopératoire, le diamètre cornéen de blanc à blanc et l’épaisseur du cristallin [8, 22].
Haigis a écrit une formule de calcul adaptée à l’appareil IOLMaster®, cette formule optimise le calcul d’implant en tenant compte des valeurs mesurées par cet appareil (kératométrie, profondeur de chambre antérieure, longueur axiale par inter-férométrie et distance de blanc à blanc) [13]. L’adaptation de la constante A à cette formule et à cet appareillage fait l’objet d’une mise à disposition des études sur le site internet ULIB2, de façon à adapter les constantes utilisées avec telle ou telle formule en fonction de tel ou tel implant.
FORMULES THÉORIQUES
La cornée présente deux dioptres principaux : un antérieur entre l’air et la face antérieure cornéenne, puis un second dioptre entre face postérieure de la cornée et humeur aqueuse. Dans les formules de calcul, la cornée est ramenée à un dioptre théorique unique séparant l’air de l’humeur aqueuse avec un plan principal secondaire situé à 0,05 mm de la surface cor-néenne.
Mesures préopératoires
KÉRATOMÉTRIE
KÉRATOMÈTRES MANUELS ET AUTOMATIQUES
Plusieurs publications montrent que la reproductibilité et la précision de ces appareils autorisent leur utilisation pour le calcul d’implant, à condition de vérifier la valeur de l’indice de conversion entre millimètres et dioptries [3, 33]. Tous les réfractomètres mesurent le rayon de courbure cornéen antérieur puis le convertissent en puissance pour traduire l’association des deux dioptres cornéens antérieur et postérieur. Cette conversion se fait par le biais d’un indice qui représente, encore à l’heure actuelle, une source de discussion. L’indice de réfraction utilisé par les appareils de type Javal est de 1,3333, alors que les appareils reposant sur le principe Bausch & Lomb utilisent un indice de 1,3375. D’autres indices sont utilisés pour différents appareils, rendant un peu plus complexe la standardisation des mesures. Il est donc nécessaire de vérifier cette valeur sur l’instrument de kératométrie ou bien d’utiliser les données de la kératométrie en millimètres dans le calculateur d’implant pour limiter le risque de fluctuation, par exemple dans des sites de consultation disposant de différents appareils de kératométrie.
TOPOGRAPHIE CORNÉENNE
Le développement des systèmes de topographie cornéenne, avec la possibilité de prendre des mesures de rayons de courbure en de très nombreux points de la cornée, donne une meilleure appréciation du pouvoir optique de l’aire centrocornéenne (fig. 14-1) [24]. Cependant, la valeur à retenir pour le calcul d’implant n’est pas encore clairement définie. La valeur le plus couramment utilisée est la moyenne du rayon de courbure sur les 3 mm centraux [26]. Mais la moyenne des points en regard de l’aire pupillaire ou l’équivalent de la kératométrie peuvent aussi être utilisés. À la difficulté du choix de la valeur à retenir pour le calcul d’implant se rajoute le problème de la diversité des appareillages. Les publications qui comparent les différents résultats le font en utilisant un kérato-mètre de référence dont les valeurs sont rapportées aux mesures de topographie cornéenne réalisées avec un appareil donné. Les conclusions des articles qui traitent de ce sujet ne valent donc que pour un couple d’appareillage donné. Pour transposer en pratique courante l’utilisation d’un système de topographie cornéenne, il est donc souhaitable de comparer les différentes valeurs kérato-métriques du vidéokératoscope à celles couramment obtenues avec l’appareil classique habituellement utilisé.
Les progrès des appareils récents de topographie cornéenne portent sur des cartographies d’élévation entre une sphère idéale et la courbure de la cornée soit sur sa face antérieure soit sur sa face postérieure. Cette possibilité est offerte par différents appareils dont les plus connus sont le topographe Orbscan® (Baush & Lomb) (fig. 14-1) et le Pentacam® (Oculus).

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