14: Articulation sacro-iliaque

Chapitre 14


Articulation sacro-iliaque



Le sacrum a deux fonctions singulières. Il repose sur la base de la colonne vertébrale et soutient donc le rachis lombal dans le sens longitudinal. C’est pourquoi toutes les forces longitudinales transférées sur le rachis lombal sont finalement transmises au sacrum. Le sacrum fait en même temps partie intégrante de la ceinture pelvienne dans le sens transverse. Il est logé entre les deux os iliaques et constitue la paroi postérieure du pelvis. Cette relation lui permet de transmettre latéralement au pelvis et aux membres inférieurs les forces provenant de la colonne vertébrale. Inversement, les forces des extrémités inférieures peuvent être transmises au sacrum par l’intermédiaire du bassin, puis à la colonne vertébrale.


Le sacrum n’est cependant pas soudé au reste du bassin. Il forme au contraire une articulation de chaque côté de l’ilium, mais bien que la structure de l’articulation sacro-iliaque soit connue, son rôle a été source de discorde.


D’un point de vue extrême, les experts conservateurs se sont complétement désintéressés d’une articulation n’ayant aucun intérêt fonctionnel en raison de son peu, ou de son absence, de mobilité. D’autres ont décrit une articulation possédant, comme toutes les autres articulations du corps humain, des mouvements primaires pouvant et devant être évalués cliniquement.


Les deux points de vue sont erronés. Malgré sa taille, l’articulation sacro-iliaque ne peut être étudiée de la même manière que les autres articulations principales du corps humain. Ses amplitudes de mouvement sont minimes et elle n’est pas dotée de muscles réalisant des mouvements actifs sur l’articulation. Structurellement et fonctionnellement, l’articulation sacro-iliaque ressemble plus aux articulations intertarsiennes du pied qui ne présentent pas de mouvements actifs, mais qui se déplacent néanmoins passivement.


L’articulation sacro-iliaque est par nature une articulation qui diminue les contraintes. On peut s’en rendre compte en imaginant ce qui se passerait si elle n’existait pas.


Si le sacrum était soudé avec le reste du bassin, celui-ci ne serait qu’un anneau osseux continu, mais cet anneau serait constamment exposé à des forces de torsion importantes, en particulier lors de la marche. Lorsque l’extrémité inférieure droite est en extension, le bassin tend à pivoter vers l’avant du même côté. Par exemple, la tension du ligament iliofémoral tire vers le bas la partie antérieure de l’ilium, faisant pivoter ainsi le bassin droit dans le sens des aiguilles d’une montre, observé du côté droit. En fléchissant en même temps l’extrémité inférieure gauche, la moitié gauche pivote vers l’arrière. Par exemple, la tension dans les ischio-jambiers tire l’ischion vers l’avant, faisant pivoter le côté gauche du bassin dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, observé du côté droit. Au fur et à mesure de la marche, la flexion et l’extension alternée des extrémités inférieures transmettent les forces de torsion alternées autour de l’axe transverse du bassin.


Cette action peut être modélisée en tenant un bretzel dans les deux mains et en le tordant autour de son long axe en sens alternés. Le bretzel finira par casser. La même chose se produit cliniquement. Des fractures du sacrum par carences se produisent chez les personnes âgées, en particulier chez la femme dont l’articulation sacro-iliaque est relativement ankylosée et dont le sacrum a été fragilisé par l’ostéoporose. Dans ces conditions, les contraintes de torsion normalement amorties par l’articulation sacro-iliaque sont transmises au sacrum qui se fracture. Ces fractures courent verticalement de façon évidente et nette à travers l’aile du sacrum, parallèlement à l’articulation sacro-iliaque [18].


Ce phénomène montre la nécessité et le rôle de l’articulation sacro-iliaque. Afin d’alléger la contrainte en torsion, l’articulation est située dans l’anneau pelvien qui est un emplacement clé où cette contrainte est maximale. Du point de vue téléologique, un anneau osseux compact ne conviendrait pas car il céderait. L’articulation sacro-iliaque est là pour prévenir cette cassure.


À partir de ces observations se profilent les caractéristiques de la structure de l’articulation sacro-iliaque. Elle doit permettre les mouvements imposés au bassin par les forces de torsion provenant des membres inférieurs, mais ces mouvements ne doivent pas avoir une trop grande amplitude. Ils doivent seulement être suffisants pour que les forces de torsion soient amorties par les ligaments, réduisant ainsi la tendance de l’anneau pelvien à se fracturer. L’articulation sacro-iliaque doit être à la fois solide et stable pour transmettre les forces de la colonne vertébrale vers les extrémités inférieures. Une articulation lâche dépendante des ligaments se déformerait tout simplement sous la charge corporelle statique, et à plus forte raison sous les forces subies lors des mouvements du tronc. Un mécanisme de verrouillage osseux peut être utilisé à cette fin pour épargner les ligaments des charges statiques et longitudinales.


La structure de l’articulation sacro-iliaque peut donc être entrevue. Elle présentera des caractéristiques osseuses qui, dans ses actions longitudinales, la verrouilleront dans l’anneau pelvien. Pour éviter les torsions, elle présentera dans un plan parasagittal une surface plane lui permettant d’avoir des mouvements de glissement, mais sera fortement renforcée par les ligaments qui à la fois maintiendront le mécanisme de verrouillage et amortiront les forces de torsion.



STRUCTURE



Os


Le sacrum est essentiellement conçu pour être verrouillé dans le bassin. À cette fin, la surface articulaire du sacrum présente un contour irrégulier marqué de crêtes, de protubérances, de creux et de dépressions (figure 14.1). Elle correspond aux dépressions, creux, protubérances et crêtes inverses sur l’ilium qui permettent aux os d’être verrouillés les uns aux autres. Cela donne une apparence sinueuse à l’articulation sacro-iliaque sur une vue frontale (figure 14.2) [9].




La dépression principale est particulièrement évidente sur la surface sacrée du segment S2 qui accueille une protubérance majeure de l’ilium appelée tubercule de Bonnaire [10].


Une caractéristique supplémentaire se rapportant au plan de l’articulation est notée dans les manuels d’anatomie [11], mais non confirmée par les études quantitatives récentes. La surface articulaire du sacrum est vrillée de haut en bas. Face au segment S1, le bord dorsal de la surface articulaire se projette légèrement plus latéralement que le bord ventral. Inversement, sur le segment S3, le bord ventral se projette légèrement plus latéralement que le bord dorsal. Le sacrum est par conséquent en forme de cale lorsqu’il est observé en coupe transverse, mais dans des directions inverses sur les extrémités opposées de l’articulation sacro-iliaque. La largeur postérieure du sacrum sur le segment S1 est plus grande que sa largeur antérieure. Inversement, au niveau du segment S3, la largeur antérieure est plus grande que la largeur postérieure (figure 14.3).




Cartilage


Les cartilages du sacrum et de l’ilium diffèrent. Le cartilage articulaire sacré est normalement blanc et lisse et possède les caractéristiques types du cartilage hyalin [12]. Son épaisseur varie de 1 à 3 mm [13]. Le cartilage iliaque d’aspect plus gris est marqué de faisceaux de collagène lui donnant l’aspect de fibrocartilage [12]. Il est néanmoins histologiquement et biochimiquement de type hyalin [14]. Son épaisseur est inférieure à 1 mm. Sa densité cellulaire est toutefois plus grande que celle du cartilage sacré [15], alors que le plateau sous-chondral de l’ilium est environ 50 % plus épais que celui du sacrum [15].


Les raisons des différences entre le cartilage sacré et iliaque n’ont pas été établies. Certains soutiennent que le cartilage sacré est conçu pour transmettre les forces du rachis au pelvis, alors que le cartilage iliaque est conçu pour les absorber [15].



Articulation


Le sacrum est maintenu solidement en place par un mécanisme de verrouillage osseux lorsqu’il s’articule entre les deux iliums. L’emboîtement des reliefs du sacrum et de l’ilium empêche le glissement sous le poids du corps. En effet, le coefficient de friction de l’articulation sacro-iliaque est plus grand que celui du genou, et proportionnellement beaucoup plus grand que la saillie des crêtes et dépressions de la surface articulaire [16].


En outre, le sacrum est orienté tellement obliquement entre les iliums que son extrémité antérieure penche vers l’avant. Il a donc tendance à s’incliner vers l’avant sous les charges verticales, et vers le bas en pivotant autour du tubercule de Bonnaire. La forme en coin du sacrum s’y oppose. L’extrémité postérieure plus large du segment de S1 se déplacera inférieurement et aura tendance à séparer les iliums. L’extrémité antérieure plus large du segment S3 se déplacera en même temps vers le haut et aura aussi tendance à séparer les iliums.


Cependant, aucun de ces mouvements ne se produira si le sacrum reste enserré entre les deux iliums. Les ondulations engrenées empêcheront le sacrum de glisser vers le bas si les iliums sont en pression contre lui. La forme en coin du sacrum l’empêchera de pivoter vers l’avant. Les ligaments de l’articulation sacro-iliaque sont indispensables pour maintenir les iliums verrouillés contre le sacrum.



Ligaments


Le ligament sacro-iliaque interosseux est le ligament le plus important de l’articulation sacro-iliaque. Ce ligament est un assemblage de petites fibres de collagène épaisses et denses reliant la surface ligamentaire du sacrum à celle de l’ilium. Il repose en profondeur de l’échancrure étroite entre le sacrum et l’ilium, postérieurement à la cavité de l’articulation. L’épaisseur totale du ligament est plus clairement mise en évidence sur des coupes transverses du sacrum et de l’ilium (figure 14.4). Le Gray’s Anatomy [11] identifie les parties profondes et superficielles de ce ligament, chacune étant divisée en bandes supérieures et inférieures. La bande superficielle supérieure unit les processus épineux supérieurs et la crête latérale des deux premiers segments sacrés à l’ilium adjacent. Elle est représentée par le court ligament sacro-iliaque postérieur.


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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 14: Articulation sacro-iliaque

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