13: Traitements des métastases osseuses

Chapitre 13


Traitements des métastases osseuses




Bilan initial et place de la radiothérapie dans le traitement actuel des métastases osseuses



Physiopathologie et généralités


La voie de dissémination des métastases osseuses est en premier lieu hématologique [1, 2] et touche le squelette axial (colonne vertébrale, sacrum, pelvis) et les os longs (partie proximale des fémurs) [3, 4]. L’atteinte du squelette périphérique est rare, et toute image osseuse des extrémités doit faire discuter un diagnostic différentiel : lésion bénigne, enchondrome, géode d’arthropathie. Comme pour le bilan initial, l’interprétation de l’imagerie du suivi et de la récidive doit tenir compte de l’atteinte préférentielle du squelette axial.


Les métastases osseuses affectent les stades avancés des cancers du sein et de la prostate dans 70 % des cas, ainsi que les cancers du poumon (30–65 %), de la thyroïde (47 %) et du rein (30 %) [3, 5]. Les atteintes les plus rares concernent les cancers de la vessie et les cancers utérins. On ne traitera pas dans ce chapitre le myélome et les autres hémopathies.


Les métastases osseuses se manifestent principalement par des douleurs, des compressions neurologiques, des fractures pathologiques et des hypercalcémies. Bien qu’elles signent la dissémination de la maladie, les perspectives de survie sont très variables, dépendantes du type histologique initial et de la localisation. Elles s’échelonnent de quelques mois pour les cancers du poumon par exemple à plusieurs mois et années pour les cancers du sein et de la prostate sans métastases viscérales [6]. La prise en charge est donc variée, avec des traitements locaux (chirurgie lourde orthopédique, radiothérapie) et systémiques (chimiothérapie, radiothérapie vectorielle, hormonothérapie, thérapies ciblées). Les indications tiennent compte des possibilités thérapeutiques et de leur efficacité attendue mais aussi de la durée de survie escomptée du patient et de sa qualité de vie.


Ainsi, l’imagerie garde toute son importance dans ces contextes cliniques extrêmement différents qui vont de situations très favorables, par exemple la chirurgie de la métastase unique, la réponse à la chimiothérapie ou l’hormonothérapie jusqu’à l’extrêmement défavorable en situation palliative douloureuse. Dans tous les cas, l’imagerie doit essayer de répondre aux demandes spécifiques des différents acteurs de cette prise en charge clinique (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, soins palliatifs, etc.).



Bilan d’extension initial des métastases ostéomédullaires


Le bilan d’extension initial est fonction du type histologique (par exemple scintigraphie osseuse systématique des cancers du sein et de la prostate) mais s’adaptera à la situation clinique. On utilisera ainsi les fenêtres osseuses du scanner thoraco-abdomino-pelvien (fig. 13.1 et 13.2) ou le TEP-scanner en cas d’atteinte viscérale associée.




La prise en charge multidisciplinaire des métastases osseuses implique des demandes variées d’imagerie : bilan local et d’opérabilité pour la chirurgie, bilan local et notamment du caractère unique ou multiple des métastases avec détermination de la taille du champ d’irradiation pour la radiothérapie, bilan préthérapeutique et de suivi du traitement systémique adapté au type histologique du cancer.


En premier lieu, le clinicien recherche l’imputabilité entre la symptomatologie clinique (douloureuse, neurologique, etc.) et la localisation des métastases osseuses ainsi que la concordance entre l’aspect en imagerie et le type histologique : lésions majoritairement ostéolytiques pour les cancers du sein, ostéocondensantes pour les cancers de la prostate [7]. En cas de discordance flagrante, on poursuivra les investigations radiologiques. La réalisation de biopsies osseuses ciblées guidées par l’imagerie est parfois nécessaire : aspects atypiques, discordances, doutes diagnostiques.


Dans sa demande, le clinicien doit préciser la symptomatologie précise notamment douloureuse. Il n’y a pas de corrélation entre l’aspect en imagerie (ostéolyse, ostéocondensation, mixte) et la douleur. Les douleurs sont le plus souvent liées à des métastases avec rupture corticale, fracture pathologique, envahissement des parties molles. Le scanner est l’examen clé pour l’analyse de la corticale et du périoste. Pour les douleurs neurologiques par envahissement et/ou compression, une IRM est indiquée en urgence.


En pratique quotidienne, la prise en charge nécessite des RCP avec visualisation « en direct » des imageries (historique, évolution, etc.). La communication entre les services et les centres est un élément capital pour faciliter les transferts de dossiers d’imagerie.


Nous attirons l’attention sur la situation de la métastase osseuse unique ou de l’oligométastase. Ce diagnostic souvent uniquement radiologique peut classer à tort le patient dans la maladie avancée, considérée le plus souvent incurable et engager un traitement local et/ou général lourd. Ainsi, le clinicien peut demander la réalisation d’autres modalités d’imagerie avant d’entreprendre un traitement local curateur chirurgical ou radiochirurgical afin de confirmer ce caractère unique.


L’imagerie morphologique osseuse est utilisée pour la détection et la caractérisation. C’est l’IRM qui est la modalité la plus performante pour la détection, grâce à son potentiel d’évaluation de la moelle osseuse (fig. 13.3). En pratique clinique, les séquences T1 et STIR (Short Ti Inversion Recovery) sont indispensables, et l’injection IV de gadolinium est souvent utile en complément. Même si la technologie d’IRM corps entier est disponible depuis plusieurs années, son usage est encore restreint par la durée d’acquisition. L’exploration de base plus rapide comprend donc une IRM du rachis entier, souvent complétée par une IRM du pelvis osseux [8, 9].



Pour la caractérisation lésionnelle en complément de l’IRM, les radiographies (os longs) et le scanner (squelette axial, rachis et pelvis) sont incontournables : aspect ostéolytique, ostéocondensant ou mixte, limite [10]. L’IRM est en effet une assez mauvaise modalité pour analyser les composantes minéralisées, l’intensité de la sclérose et ses limites.



Traitement






Particularités du traitement par radiothérapie



Place de la radiothérapie


Parmi les traitements des métastases osseuses, la radiothérapie externe intervient dans plusieurs situations cliniques (antalgique, consolidation, décompression médullaire, etc.) et éventuellement à plusieurs reprises pour un patient (ré-irradiations). Nous tentons ici de rapporter une approche simplifiée des indications, des volumes et des schémas d’irradiation.


La situation antalgique est la plus fréquente, lorsque le traitement notamment morphinique est insuffisant ou mal toléré.


Quel que soit le type histologique, l’efficacité antalgique de la radiothérapie est de l’ordre de 50 à 80 % avec 30 % de réponse complète [12] principalement pour les cancers du sein et de la prostate.


Ainsi la dose prescrite et le schéma d’irradiation ne sont pas uniquement déterminés par le type histologique mais plutôt indirectement par l’espérance de vie dans le contexte [13], le caractère unique ou multiple des métastases, l’envahissement des parties molles ainsi que l’état général, le degré d’urgence (compression médullaire), la qualité de vie escomptée, les contraintes de transport et l’inconfort prolongé imposé par les séances répétées de radiothérapie [12, 14].


Au total, 20 % des patients pourront être ré-irradiés, et 60 % d’entre eux en retireront un bénéfice antalgique [15].



Schémas d’irradiation


Les schémas d’irradiation les plus utilisés sont :



En cas d’atteinte multiple, il peut être proposé une irradiation hémicorporelle en une ou plusieurs fractions.


Plusieurs essais randomisés et méta-analyses ont montré l’équivalence de ces schémas en termes d’efficacité antalgique initiale quel que soit le type histologique. Mais les patients traités par des schémas courts sont plus souvent ré-irradiés (20 %) et présentent davantage de fractures pathologiques [12, 16]. Les schémas longs qui atteignent les doses maximales acceptables pour la moelle épinière ne permettent souvent pas la ré-irradiation, mais ils gardent la préférence des cliniciens en cas de bon pronostic de la maladie cancéreuse. Ceci est donc indirectement dépendant du type histologique, d’une espérance de survie prolongée et d’un bon état général mais aussi d’une atteinte éventuelle des parties molles. Cette atteinte des parties molles est par conséquent un élément important de l’évaluation radiologique initiale pour le clinicien car le scanner radiothérapique est souvent de moindre qualité.


En effet, le patient bénéficie de trois scanners avant son traitement (scanner diagnostique, scanner embarqué des machines hybrides, scanner radiothérapique) mais les images de ces scanners sont de qualités différentes.


Le scanner radiothérapique, même lorsqu’il est réalisé sur l’appareil utilisé en radiologie diagnostique, n’a souvent pas la même qualité d’image qu’un scanner classique. En effet, la résolution peut être dégradée lorsque les coupes sont traitées dans les logiciels de préparation du traitement de radiothérapie qui simulent l’interaction des rayonnements avec la matière, appelés TPS (Treatment Planning System). Il est parfois nécessaire d’augmenter l’épaisseur des coupes afin de visualiser l’entièreté du volume à traiter, avec une perte de la résolution fine. Des efforts sont faits dans l’amélioration de la qualité des images. Enfin, ces scanners sont fréquemment réalisés sans injection de produit de contraste chez ces patients au capital rénal souvent diminué par les traitements, notamment les chimiothérapies par sels de platine et les antiangiogéniques. Ceci prive d’informations complémentaires concernant les tissus mous.




Champ d’irradiation


La radiothérapie externe délivre un faisceau de particules chargées dont l’interaction avec la matière entraîne des lésions d’ADN (acide désoxyribonucléique).


Afin de diminuer les doses aux organes sains, la dose de chaque séance est divisée en plusieurs faisceaux (au minimum deux), qui convergent vers la cible tumorale préalablement déterminée. Chaque faisceau issu de la tête de l’accélérateur linaire traverse la matière, donc le patient, en formant une sorte de « tunnel » avec une dose qui décroît progressivement en bordure du champ. Une marge est donc appliquée autour des cibles et constitue une zone d’imprécision de dose. Une distance de sécurité est nécessaire entre des groupes de faisceaux traitant des zones différentes car les imprécisions de repositionnement ou les mouvements du patient pourraient provoquer la superposition des bordures de faisceaux et l’accumulation de dose au-delà des valeurs limitantes.


D’autre part, la tolérance du traitement (douleurs abdominales, nausées, déplétion médullaire, etc.) est d’autant plus mauvaise que le volume irradié est important et que la dose par séance est forte (au-delà de 2 Gy). Le radiothérapeute cherchera donc à limiter le volume, tout en appliquant des marges et en respectant les distances de sécurité entre chaque groupe de faisceaux.


La particularité des métastases osseuses tient à la multiplicité des lésions et à la variété des localisations. Par exemple, le traitement de multiples lésions unilatérales du pelvis pourrait être réalisé dans un volume constitué de l’« hémibassin ». Il comprend notamment la hanche, l’aile iliaque et l’articulation sacro-iliaque. Ces entités anatomiques peuvent constituer des champs d’irradiation plus restreints afin de limiter le volume irradié. Par exemple, dans un cas de métastase de L5, de S1, de l’aile iliaque droite et de la tête fémorale gauche, on pourrait réaliser une irradiation du « rachis lombaire étendu à l’aile iliaque droite » associé à une irradiation de la « hanche gauche » (comprenant le toit du cotyle et la tête fémorale) plutôt que du « bassin en totalité » afin de limiter la toxicité digestive et hématologique. Mais une irradiation ultérieure des zones adjacentes (aile iliaque gauche et tête fémorale droite) sera plus difficile à réaliser (fig. 13.4 à 13.9).








La forme et la taille de chaque faisceau sont déterminées définitivement lors de la simulation par les logiciels. Il est donc important de disposer du bilan lésionnel précis à cette étape, voire d’imageries complémentaires alors même que le diagnostic de métastase osseuse concordante avec la symptomatologie est établi.


En effet, il peut être difficile voire impossible de ré-irradier une zone déjà irradiée ou située de manière très proche d’un autre champ de traitement même lorsqu’il existe une indication formelle d’irradiation par la suite. Par exemple, une épidurite intéressant des vertèbres préalablement irradiées à dose maximale dans un but antalgique ne pourrait pas être irradiée à nouveau, même s’il survient un déficit neurologique.


Au contraire de la radiothérapie externe classique, la radiothérapie stéréotaxique ne s’applique qu’à de petits volumes tumoraux. D’importantes doses sont délivrées, en un petit nombre de séances (d’une à moins d’une dizaine), au moyen d’un grand nombre (plusieurs dizaines) de très petits faisceaux d’irradiation. Dans ce cas, les portes d’entrée des faisceaux sont multiples et dans toutes les directions. De faibles doses d’irradiation sont délivrées dans un vaste volume autour de la lésion et non en « tunnel ».

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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 13: Traitements des métastases osseuses

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