13: Soutien et formation des professionnel(le)s de première ligne

13 Soutien et formation des professionnel(le)s de première ligne




Prendre soin du professionnel


Au sortir de mes études, je me sentais parfaitement bien équipée pour assumer mon rôle de surveillance médicale. Bien sûr fallait-il encore acquérir « de la bouteille », mais le chemin de ce côté-là était bien tracé : la pratique hospitalière apportera ce qu’il faut d’expérience. Par contre, le rôle d’accompagnement restait un réel mystère tant l’enseignement initial n’avait survolé cet aspect du métier que de façon superficielle. Vingt ans après, ma pratique de formatrice m’a prouvé que je n’étais pas un cas isolé.


Puéricultrices, sages-femmes et TISF sont convoquées auprès des familles dans le quotidien de la vie de parent. Au cours de formations que j’ai pu dispenser auprès d’elles, les échanges ont mis régulièrement en évidence l’excellence de leur savoir théorique et technique mais aussi leurs difficultés dans la pratique de la relation d’aide. Difficultés qui à terme et faute d’un réel soutien conduisent à l’épuisement et au désengagement professionnel. C’est d’abord la perte de sens : la pratique se dilue ; de l’idée d’un soutien de la parentalité, on en arrive à quelques vagues conseils sur le bain ou sur l’allaitement sans être dans le souci d’évaluer comment ces conseils sont reçus et ce qu’il en est fait. Les convictions s’affadissent. C’est ensuite l’incohérence entre le but visé et la pratique réelle : la pratique est idéalisée dans un discours incantatoire (« on soutient la parentalité » ; « on fait de la prévention »), un discours d’exclusion (« elle [la mère] ne peut pas comprendre ce que je lui explique » ; « elle s’en fiche de son bébé, elle préfère regarder la télé »). La mission de prévention est réduite à un dépistage formel sur une liste de facteurs de risque. Enfin, c’est le repli identitaire : la professionnelle travaille en cercle fermé, n’identifie pas son besoin d’être aidée, l’autre professionnel est absent de l’horizon mental, les institutions partenaires sont dénigrées ou vécues comme persécutrices.


Ces difficultés peuvent mieux être comprises si l’on repère les quelques pièges que mettent en lumière les temps de réflexion collective sur les pratiques. Nous pouvons alors mieux prendre soin des professionnelles en proposant des stratégies de « contre-feu » au cours de formations et de dispositifs de soutien.




Le piège de la parcellisation des tâches : discontinuité des prises en charge


L’hyperspécialisation des tâches et des services constitue aujourd’hui un risque réel de déperdition des savoirs mais aussi d’appauvrissement des pratiques. La continuité des soins est assurée par la continuité du soutien du pré- au postnatal. Pour la sage-femme, l’apprentissage de l’accompagnement prénatal ne peut s’accomplir que grâce à une pratique qui lui permet d’observer l’après-coup de ses interventions et cela non seulement dans les suites de couches immédiates mais dans le postnatal plus lointain. La professionnelle qui anime des séances de préparation ne peut réajuster leur pédagogie et leur contenu que si, à l’écoute des familles, elle peut apprendre d’elles ce qui a été utile et ce qui a inutilement surchargé ses séances. Ainsi, elle apprend peu à peu à alléger les thématiques sur l’accouchement pour disposer de plus de temps d’échange sur la vie avec le nouveau-né. La plupart d’entre nous finissons nos études avec une connaissance limitée aux 3 à 5 jours qui suivent la naissance. Les visites au domicile des familles, les consultations postnatales et le temps de rééducation périnéale fournissent un matériel clinique propice à nous rendre familier le temps d’instauration des premiers liens.


La continuité de la prise en charge peut aussi être maintenue par le partage inter- et intradisciplinaire ainsi que le permet un travail de synthèse ou de reprise autour d’une situation. Si certaines prises en charge nous montrent l’impressionnante efficacité sur la relation parentale d’un accompagnement par une équipe soudée, cohérente, dans une durée d’intervention qui maintient continuité et contenance, inversement nous observons maints cas qui font état de difficultés majeures : absence de lien entre les professionnels ; absence de reconnaissance des compétences de l’autre professionnel et de sa place auprès de la famille ; absence de concertation, de réflexion sur l’éthique et la pratique des transmissions.



Le piège du consumérisme : satisfaire le client


Dans la relation consumériste, le professionnel entend une demande explicite et cherche à y répondre. La question du sens de la demande et de l’offre ne se pose pas. L’important est la satisfaction immédiate du client. La relation est instrumentale. Dans la relation d’aide, il s’agit de « prendre en compte l’acte professionnel dans l’ensemble de la vie de la personne et du vivre ensemble social » (Legault, 2003). C’est donc une relation qui nous engage vis-à-vis de l’autre, sujet humain et non seulement consommateur.


Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 13: Soutien et formation des professionnel(le)s de première ligne

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access