13 Soutien et formation des professionnel(le)s de première ligne
Prendre soin du professionnel
Ces difficultés peuvent mieux être comprises si l’on repère les quelques pièges que mettent en lumière les temps de réflexion collective sur les pratiques. Nous pouvons alors mieux prendre soin des professionnelles en proposant des stratégies de « contre-feu » au cours de formations et de dispositifs de soutien.
Le piège de l’angélisme : faire taire les angoisses
Il est fréquent de répondre à l’inquiétude de l’autre par un « mais oui, tout ira bien ! ». Notre rôle, lors d’expression de peurs émotionnellement chargées, n’est pas de clore le discours du sujet par une benoîte réassurance (« ne pensez plus à cela, ça sert à rien de s’angoisser ») mais bien de percevoir, derrière la peur, l’anxiété, un conflit psychique qui met le sujet en souffrance. La relation d’aide, dans ces situations, consiste plutôt en un travail de repérage et d’orientation. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 3 avec le cas de Léa et son bébé « trop petit » (cf. p. 36), la notion de signes d’appel psychiques est à prendre en compte dès que nos actes et paroles ne suffisent pas à apaiser questions et doutes des parents.
Le piège de la parcellisation des tâches : discontinuité des prises en charge
L’hyperspécialisation des tâches et des services constitue aujourd’hui un risque réel de déperdition des savoirs mais aussi d’appauvrissement des pratiques. La continuité des soins est assurée par la continuité du soutien du pré- au postnatal. Pour la sage-femme, l’apprentissage de l’accompagnement prénatal ne peut s’accomplir que grâce à une pratique qui lui permet d’observer l’après-coup de ses interventions et cela non seulement dans les suites de couches immédiates mais dans le postnatal plus lointain. La professionnelle qui anime des séances de préparation ne peut réajuster leur pédagogie et leur contenu que si, à l’écoute des familles, elle peut apprendre d’elles ce qui a été utile et ce qui a inutilement surchargé ses séances. Ainsi, elle apprend peu à peu à alléger les thématiques sur l’accouchement pour disposer de plus de temps d’échange sur la vie avec le nouveau-né. La plupart d’entre nous finissons nos études avec une connaissance limitée aux 3 à 5 jours qui suivent la naissance. Les visites au domicile des familles, les consultations postnatales et le temps de rééducation périnéale fournissent un matériel clinique propice à nous rendre familier le temps d’instauration des premiers liens.
La continuité de la prise en charge peut aussi être maintenue par le partage inter- et intradisciplinaire ainsi que le permet un travail de synthèse ou de reprise autour d’une situation. Si certaines prises en charge nous montrent l’impressionnante efficacité sur la relation parentale d’un accompagnement par une équipe soudée, cohérente, dans une durée d’intervention qui maintient continuité et contenance, inversement nous observons maints cas qui font état de difficultés majeures : absence de lien entre les professionnels ; absence de reconnaissance des compétences de l’autre professionnel et de sa place auprès de la famille ; absence de concertation, de réflexion sur l’éthique et la pratique des transmissions.
Le piège du consumérisme : satisfaire le client
Dans la relation consumériste, le professionnel entend une demande explicite et cherche à y répondre. La question du sens de la demande et de l’offre ne se pose pas. L’important est la satisfaction immédiate du client. La relation est instrumentale. Dans la relation d’aide, il s’agit de « prendre en compte l’acte professionnel dans l’ensemble de la vie de la personne et du vivre ensemble social » (Legault, 2003). C’est donc une relation qui nous engage vis-à-vis de l’autre, sujet humain et non seulement consommateur.