Freud S. « notre relation à la mort ». Essais de psychanalyse, Payot.
Les cas particuliers de la personne souffrant d’obésité, et celui de la personne cardiaque illustrent bien l’indissociable relation du psychique et du corps.
◗ L’obésité
Les personnes souffrant d’obésité peuvent avoir recours à un certain nombre de mécanismes de défense, parfois jusqu’au déni de ce qui leur arrive (« mieux vaut faire envie que pitié », « je me trouve belle comme ça », « c’est une preuve de bonne santé »), d’autant plus que leur narcissisme est extrêmement mis à mal, dans une société où les canons de beauté évoluent vers une minceur de plus en plus grande. La personne peut se trouver isolée, victime de discrimination, elle se marginalise. En plus d’un traitement (encore aléatoire) et d’une prise en charge à vie concernant l’alimentation, parfois avec des maladies associées tel le diabète, elle doit faire face au regard des autres, au dégoût qu’elle peut inspirer parfois, ou s’inspirer à elle-même puisque c’est le regard qu’elle porte sur elle-même qui est souvent le plus cruel.
Une jeune infirmière ayant fait un stage auprès de personnes âgées a remarqué de la part des soignants un sentiment de répulsion face au corps d’une patiente très obèse. Elle rapporte les choses ainsi :
n gériatrie, dans une maison de retraite, une patiente obèse, de 70 ans, ne se déplaçant plus qu’en chaise roulante du fait de son poids, était devenue la hantise de l’équipe soignante : il fallait plusieurs infirmiers pour l’aider à se déplacer, pour la laver, pour la relever si elle tombait et comme il y avait très peu d’infirmiers en proportion du nombre de résidents, le fait qu’elle nécessite une mobilisation plus grande entraînait une grande réticence des soignants à aller la voir. Ils en étaient venus à ne pas s’occuper d’elle autant qu’il le fallait et disaient : « c’est de sa faute si elle est dans cet état là, elle n’a qu’à moins manger ». Aucun régime n’avait jamais fonctionné avec elle. Cette personne, sentant le « poids » qu’elle représentait pour l’équipe, se faisait toute petite, ne demandait jamais rien, de peur de se faire réprimander ou juger. Un jour, la soignante responsable de la distribution des repas pour ceux qui restent dans leur chambre (et cette patiente obèse en faisait partie, par commodité pour l’organisation institutionnelle) a oublié de lui servir le sien. On ne l’a su que beaucoup plus tard car la patiente n’a rien osé réclamer.


On ne lui demandait pas non plus son avis sur le moment qui l’arrangeait le mieux pour les soins, la douche, les sorties puisque cela ne pouvait se passer qu’à certains moments de la journée où deux infirmiers pouvaient se rendre disponibles en même temps. J’ai remarqué aussi qu’elle était moins sortie que les autres. C’était trop fatigant. »
Là, ce n’est qu’un exemple des risques de glissements insidieux qui peuvent se faire jour dans les prises en charge, sans qu’on voit, par manque de recul, ce que cela implique parfois d’humiliation, de dépression et d’envie de mourir de la part de la personne (surtout âgée) lorsqu’elle se vit comme « en trop » pour les personnes qui s’occupent d’elle.
Pour cette résidente, la question d’être dépossédée de son statut de sujet se posait encore plus que pour d’autres malades atteints de maladies chroniques. En effet, elle était entravée dans ses mouvements et dans ses désirs qu’elle ne s’autorisait plus à exprimer du fait de son état et de l’image de lourdeur de sa prise en charge que lui renvoyaient les soignants. Elle était devenue objet, ce qui se reflète également dans les propos de la stagiaire, à son insu, par l’expression : « elle était moins sortie que les autres » où le sujet est passif, ce qui en fait un objet dont on dispose à sa guise.

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