Chapitre 13 Injections de toxine botulique (aspects techniques)
L’effet paralysant de la toxine botulique est utilisé à des fins thérapeutiques pour affaiblir de façon temporaire ou définitive le muscle dans lequel elle est injectée. Lorsque l’effet induit correspond à l’effet recherché, l’injection de la toxine peut remplacer le recul musculaire (cf. chapitre 4) ; c’est le cas, en particulier, lorsque la parésie induite doit compenser le déficit d’un muscle parétique.
Alan B. Scott a réalisé les premières applications cliniques à partir de 1977 [1–3].
Préparations de toxine botulique A
La toxine botulique A, sélectionnée par Scott et expérimentée pour l’usage médical, est fournie sous la forme d’un lyophilisat ; elle est conditionnée en flacons contenant chacun soit :
• un nombre indiqué, variable suivant le lot, d’unités internationales (UI) de toxine, correspondant à environ 50 mg de toxine (Oculinum)1 ;
Elle est thermolabile ; mais à la condition d’être conservée au congélateur, elle peut rester stable sous cette forme pendant 4 ans [3–6].
Pour son emploi, le lyophilisat doit être dilué dans du sérum salé à 9 ‰, sans adjuvant ; la toxine préparée est à utiliser le jour même. Des dilutions faibles, c’est-à-dire concentrées, sont préférables, afin que la quantité voulue de toxine puisse être injectée sous un faible volume et que celle-ci ait le maximum de chances de rester confinée au muscle. La dilution de 50 UI dans 1 mL est aujourd’hui la plus utilisée en ophtalmologie (tableau 13.1).
Flacon de | Diluée dans du sérum physiologique | UI/mL |
---|---|---|
50 UI | 1 mL 2 mL | 5 UI/0,1 mL 10 UI/0,2 mL 2,5 UI/0,1 mL |
100 UI | 1 mL 2 mL | 10 UI/0,1 mL ou 20 UI/0,2 mL 5 UI/0,1 mL ou 10 UI/0,2 mL |
Technique d’injection
Chez l’adulte
Une anesthésie de contact est le plus souvent suffisante chez l’adulte ; elle peut au besoin être complétée par une injection de 0,1 à 0,2 cc de Xylocaïne à 2 % à l’endroit où l’on fait la boutonnière conjonctivo-ténonienne radiaire.
Chez l’enfant
Une courte anesthésie générale au masque laryngé est nécessaire chez l’enfant (ou chez des patients non coopérants). Le muscle à injecter peut être chargé sur un crochet à strabisme « afin de bien l’isoler et le faire bomber sous la conjonctive » [6–8]. L’aiguille est placée sous le contrôle de la vue dans le corps musculaire à travers la boutonnière radiaire pratiquée dans la conjonctive et l’épaisse capsule de Tenon (figure 13.1). En cas d’ésotropie, l’injection du droit médial est bilatérale.
Injection intramusculaire
La quantité de toxine à injecter dans un muscle dépend, chez l’adulte de 60 kg ou l’enfant de plus de 10 ans, de la déviation à corriger. Chez l’enfant, la dose est proportionnée au poids corporel ; elle est de 2,5 UI ou de 5 UI par muscle. La tendance est aujourd’hui d’utiliser des dosages plus forts dans des dilutions moindres ; ils sont indiqués dans le tableau 13.2.
Dosage par muscle | UI diluées dans : | En cas de : |
---|---|---|
10 à 20 UI | 0,1 ou 0,2 mL | Paralysie oculomotrice |
2,5 à 5 UI | 0,1 ou 0,2 mL | Ésotropie précoce pour une première injection |
Pour les injections suivantes, la dose peut être augmentée jusqu’à trois fois, selon le résultat de la première injection. La quantité minimale efficace est de 0,75 UI. La dose maximale totale est de 25 UI pour un adulte [6].
Un délai de 2 mois au minimum doit être respecté avant de répéter l’injection [9].
Injection rétrobulbaire
L’injection rétrobulbaire de toxine botulique a été proposée pour des cas exceptionnels de nystagmus ou de myoclonie oculopalatine ; elle nécessite l’hospitalisation du patient, car elle requiert des doses dix fois supérieures aux doses intramusculaires. L’effet n’est toutefois pas durable.